Page:Œuvres complètes de Florian, Fauché-Borel, 1793, tome 9 - fables.djvu/184

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L’édit lut proclamé. Les lions, affaiblis,
Se soumettant au sort qui les avoit trahis,
Abandonnent tous leur patrie.
Ils ne se plaignent pas, ils gardent dans leur cœur
Et leur courage & leur douleur.
Un bon vieux petit chien, de la charmante espèce
De & ux qui vont portant jusqu’au milieu du dos
Une toison tombant à flots,
Exhaloit ainsi sa tristesse :
Il faut donc vous quitter, ô pénates chéris !
Un barbare, à l’âge où je suis,
M’obligr à renoncer aux lieux qui m’ont vu naître.
Sans appui, sans secours, dans un pays nouveau,
Je vais, les yeux en pleurs, demander un tombeau,
Qu’on me refusera peut-être.
O tyran, tu le veux ! allons, il faut partir.
Un barbet l’entendit : touché de sa misère,
Quel motif, lui dit-il, peut t’obliger à fuir ?
— Ce qui m’y force ? ô ciel ! & cet édit sévère
Qui nous chasse à jamais de cet heureux canton !….
— Nous ? — Non pas vous, mais moi. — Comment ! toi, mon cher frère ?
Qu’as-tu donc de commun ?…. — Plaisante question !
Eh ! ne suis-je pas un lion ?