Avance quelque pas, lorsque sur la fougère
Une flûte oubliée en ces champêtres lieux
Par quelque pasteur amoureux,
Se trouve sous ses pieds. Notre âne se redresse,
Sur elle de côté fixe ses deux gros yeux ;
Une oreille en avant, lentement il se baisse,
Applique son naseau sur le pauvre instrument,
Et souffle tant qu’il peut. Ô hasard incroyable !
Il en sort un son agréable.
L’âne se croit un grand talent,
Et, tout joyeux, s’écrie, en faisant la culbute :
Eh ! Je joue aussi de la flûte !
FABLE V
Le Paysan & la Rivière
Je veux me corriger, je veux changer de vie,
Me disoit un ami : dans des liens honteux
Mon âme s’est trop avilie ;
J’ai cherché le plaisir guidé par la folie,
Et mon cœur n’a trouvé que le remords affreux.
C’en est fait, je renonce à l’indigne maîtresse
Que j’adorai toujours sans jamais l’estimer ;
Tu connois pour le jeu ma coupable foiblesse,
Eh bien ! je vais la réprimer ;
Je vais me retirer du monde ;