Page:Œuvres complètes de Florian, Fauché-Borel, 1793, tome 9 - fables.djvu/171

Cette page n’a pas encore été corrigée


Ne peuvent l’emporter sur leurs voix glapissantes.
Ami, dit le berger, tu vas combler leurs vœux ;
Te taire est le moyen qu’on les écoute mieux :
Je ne les entends plus aussitôt que tu chantes.



FABLE II

Les Deux Lions


Sur les bords africains, aux lieux inhabités
Où le char du soleil roule en brûlant la terre,
Deux énormes lions, de la soif tourmentés,
Arrivèrent au pied d’un désert solitaire.
Un filet d’eau couloit, foible & dernier effort
De quelque naïade expirante.
Les deux lions courent d’abord
Au bruit de cette eau murmurante ;
Ils pouvoient boire ensemble, & la fraternité,
Le besoin, leur donnoit ce conseil salutaire :
Mais l’orgueil disoit le contraire,
Et l’orgueil fut seul écouté.
Chacun veut boire seul : d’un œil plein de colère
L’un l’autre ils vont se mesurant,
Hérissent de leur cou l’ondoyante crinière :
De leur terrible queue ils se frappent les flancs,
Et s’attaquent avec de tels rugissements,
Qu’à ce bruit, dans le fond de leur sombre tanière,