Que Dieu leur donne paix ! Il s’agit d’un renard,
Grand argumentateur, célèbre babillard,
Et qui montroit la rhétorique.
Il tenoit école publique,
Avait des écoliers qui payoient en poulets.
Un d’eux, qu’on destinoit à plaider au palais,
Devait payer son maître à la première cause
Qu’il gagneroit : ainsi la chose
Avait été réglée & d’une & d’autre part.
Son cours étant fini, mon écolier renard
Intente un procès à son maître,
Disant qu’il ne doit rien. Devant le léopard
Tous les deux s’en vont comparaître.
Monseigneur, disoit l’écolier,
Si je gagne, c’est clair, je ne dois rien payer ;
Et cela par votre sentence,
Puisque par la sentence
J’aurai droit de ne pas payer.
Si je perds, nulle est sa créance ;
Car il convient que l’échéance
N’en devoit arriver qu’après
Le gain de mon premier procès :
Or, ce procès perdu, je suis quitte, je pense :
Mon dilemme est certain. Nenni,
Répondoit aussitôt le maître ;
Si vous perdez, payez, la loi l’ordonne ainsi.
Si vous gagnez, sans plus remettre,
Payez, car vous avez signé
Promesse de payer au premier plaid gagné :
Vous y voilà. Je crois l’argument sans réponse.
Page:Œuvres complètes de Florian, Fauché-Borel, 1793, tome 9 - fables.djvu/161
Cette page n’a pas encore été corrigée