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Le soir ils revenoient chantants
Au sein d’un tranquille ménage ;
Et la nature bonne & sage,
Pour prix de leurs travaux, leur donnoit tous les ans
De beaux bleds & de beaux enfants.
Mais il faut bien souffrir, c’est notre destinée.
Or il arriva qu’une année,
Dans le mois où le blond Phébus
S’en va faire visite au brûlant Sirius,
La terre, de sucs épuisée,
Ouvrant de toutes parts son sein,
Haletoit sous un ciel d’airain.
Point de pluie & point de rosée.
Sur un sol crevassé l’on voit noircir le grain,
Les épis sont brûlés, & leurs têtes penchées
Tombent sur leurs tiges séchées.
On trembla de mourir de faim ;
La commune s’assemble. En hâte on délibère ;
Et chacun, comme à l’ordinaire,
Parle beaucoup & rien ne dit.
Enfin quelques vieillards, gens de sens & d’esprit,
Proposèrent un parti sage :
Mes amis, dirent-ils, d’ici vous pouvez voir
Ce mont peu distant du village ;
Là se trouve un grand lac, immense réservoir
Des souterraines eaux qui s’y font un passage.
Allez saigner ce lac ; mais sachez ménager