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core que l’observation des préceptes soit impossible à la nature et à la loi, néanmoins la grâce de Jésus-Christ la rend possible, et même l’accomplit : et l’on peut voir cette doctrine définie et clairement expliquée dans le concile de Trente (sess. VI, chap. ii, et can. 18).


Troisième moyen.Examiner le sens par la suite du discours et par les autres endroits.


Le véritable et unique sens du concile est que les commandemens ne sont pas impossibles aux justes, quand ils sont secourus par la grâce, comme il l’explique partout ailleurs : c’est-à-dire, pour user de termes sans équivoques, que les justes, étant aidés par ce secours, peuvent faire des actions bonnes et exemptes de péché ; contre ce que prétendoit Luther. La suite du discours fait voir que ce dernier sens est le véritable ; comme il paroîtra par toutes les preuves suivantes :

1° Par l’objet du concile dans cette décision, qui étoit de ruiner simplement l’hérésie de Luther, opposée à ce dernier sens seulement ;

2° Par les preuves que le concile en donne, qui n’ont de force qu’en ce dernier sens ;

3° Par la conclusion qu’il en tire, qui n’exprime que ce seul sens en termes univoques ;

4° Par les canons qu’il en forme, qui n’expriment que ce seul sens ;

5° Par les mêmes canons, qui excluent et anathématisent le premier sens.

Après quoi je doute qu’on puisse refuser de reconnoître que ce ne soit le seul sens du concile. Or tout ce que je dis paroît par la seule lecture de ce chapitre xi et des canons 16, 21, 25. Car l’intention qu’a eue le concile de s’opposer à cette pernicieuse maxime de Luther, que « les justes sont dispensés des préceptes. » paroît par les premiers mots de ce chapitre : « Personne ne doit s’estimer exempt de l’observation des préceptes, quelque justifié qu’on soit. » Et pour ruiner la source de cette erreur, qui consistoit dans la prétendue impossibilité invincible d’accomplir les préceptes avec la grâce, et de faire de bonnes œuvres, le concile continue en ces termes : « Personne ne doit avancer cette proposition condamnée d’anathème par les Pères, que l’observation des commandemens soit impossible. »

Comme il n’y a que les luthériens qui soutiennent l’impossibilité absolue des préceptes, ce n’est que contre eux que cette décision est faite, et non pas contre cette proposition très-vraie en un sens, que « les commandemens sont impossibles aux justes qui n’ont pas la grâce ; » car le concile l’établit lui-même, et frappe d’anathème ceux qui ne la confessent pas. Le concile n’entend donc pas par cette expression, que les commandemens sont toujours possibles de ce dernier et plein pouvoir ; car, outre qu’il décide ailleurs le contraire, il n’en étoit pas question en cet endroit. On n’avoit pas en tête des hérétiques qui soutinssent que les préceptes étoient quelquefois impossibles, contre lesquels on eût à opposer cette proposition contraire, que « les préceptes sont toujours possibles, » mais seulement ceux qui soutenoient que les