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l’on s’en va de la comédie le cœur si rempli de toutes les beautés et de toutes les douceurs de l’amour, l’âme et l’esprit si persuadés de son innocence, qu’on est tout préparé à recevoir ses premières impressions, ou plutôt à chercher l’occasion de les faire naître dans le cœur de quelqu’un, pour recevoir les mêmes plaisirs et les mêmes sacrifices que l’on a vus si bien dépeints dans la comédie.


66.

Montalte. — ... Les opinions relâchées plaisent tant aux hommes, qu’il est étrange que les leurs déplaisent. C’est qu’ils ont excédé toute borne. Et, de plus, il y a bien des gens qui voient le vrai, et qui n’y peuvent atteindre. Mais il y en a peu qui ne sachent que la pureté de la religion est contraire à nos corruptions. Ridicule de dire qu’une récompense éternelle est offerte à des mœurs escobartines.


67.

Le silence est la plus grande persécution : jamais les saints ne se sont tus. Il est vrai qu’il faut vocation, mais ce n’est pas des arrêts du Conseil qu’il faut apprendre si l’on est appelé, c’est de la nécessité de parler. Or, après que Rome a parlé, et qu’on pense qu’elle a condamné la vérité, et qu’ils l’ont écrit ; et que les livres qui ont dit le contraire sont censurés, il faut crier d’autant plus haut qu’on est censuré plus injustement, et qu’on veut étouffer la parole plus violemment, jusqu’à ce qu’il vienne un pape qui écoute les deux parties, et qui consulte l’antiquité pour faire justice. Aussi les bons papes trouveront encore l’Église en clameurs.

... L’inquisition et la Société[1], les deux fléaux de la vérité.

... Que ne les accusez-vous d’arianisme ? Car ils ont dit que Jésus-Christ est Dieu : peut-être ils l’entendent, non par nature, mais comme il est dit, Dii estis[2].

Si mes lettres sont condamnées à Rome, ce que j’y condamne est condamné dans le ciel : Ad tuum, Domine Jesu, tribunal appello.

... Vous-même êtes corruptible.

... J’ai craint que je n’eusse mal écrit, me voyant condamné, mais l’exemple de tant de pieux écrits me fait croire au contraire. Il n’est plus permis de bien écrire, tant l’inquisition est corrompue ou ignorante.

... Il est meilleur d’obéir à Dieu qu’aux hommes.

... Je ne crains rien, je n’espère rien. Les évêques ne sont pas ainsi. Le Port-Royal craint, et c’est une mauvaise politique de les séparer, car ils ne craindront plus et se feront plus craindre[3].


68.

La machine d’arithmétique fait des effets qui approchent plus de la pensée que tout ce que font les animaux ; mais elle ne fait rien qui puisse faire dire qu’elle a de la volonté, comme les animaux.

  1. De Jésus.
  2. Ps. lxxxi, 6.
  3. Le manuscrit ajoute encore : « Je ne crains pas même vos censures. [illisible], si elles ne sont fondées sur celles de la tradition. Censurez-vous tout ? quoi ? même mon respect ? Non. Donc dites quoi, ou vous ne ferez rien, si vous ne désignez le mal, et pourquoi il est mal. Et c’est ce qu’ils auroient bien peine à faire.»