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s’égarent malgré le temps prédit clairement, et les bons ne s’égarent pas : car l’intelligence des biens promis dépend du cœur, qui appelle bien ce qu’il aime ; mais l’intelligence du temps promis ne dépend point du cœur ; et ainsi la prédiction claire du temps, et obscure des biens, ne déçoit que les seuls méchans.


8.

Comment falloit-il que fût le Messie, puisque par lui le sceptre devoit être éternellement en Juda, et qu’à son arrivée, le sceptre devoit être ôté à Juda ?

Pour faire qu’en voyant ils ne voient point, et qu’en entendant ils n’entendent point, rien ne pouvoit être mieux fait.


9.

La généalogie de Jésus-Christ dans l’Ancien Testament est mêlée parmi tant d’autres inutiles, qu’elle ne peut être discernée. Si Moïse n’eût tenu registre que des ancêtres de Jésus-Christ, cela eût été trop visible. S’il n’eût pas marqué celle de Jésus-Christ, cela n’eût pas été assez visible. Mais, après tout, qui regarde de près, voit celle de Jésus-Christ bien discernée par Thamar, Ruth, etc.


10.

Reconnoissez donc la vérité de la religion dans l’obscurité même de la religion, dans le peu de lumière que nous en avons, dans l’indifférence que nous avons de la connoître.

Jésus-Christ ne dit pas qu’il n’est point de Nazareth[1], ni qu’il n’est pas fils de Joseph[2], pour laisser les méchans dans l’aveuglement.


11.

Comme Jésus-Christ est demeuré inconnu parmi les hommes, ainsi sa vérité demeure parmi les opinions communes, sans différence à l’extérieur : ainsi l’eucharistie parmi le pain commun.

Que si la miséricorde de Dieu est si grande qu’il nous instruit salutairement, même lorsqu’il se cache, quelle lumière n’en devons-nous pas attendre lorsqu’il se découvre ?

On n’entend rien aux ouvrages de Dieu, si on ne prend pour principe qu’il a voulu aveugler les uns et éclairer les autres.




ARTICLE XXI.[3]


Pour montrer que les vrais juifs et les vrais chrétiens n’ont qu’une même religion. — La religion des juifs sembloit consister essentiellement en la paternité d’Abraham, en la circoncision, aux sacrifices, aux cérémonies, en l’arche, au temple de Hiérusalem, et enfin en la loi et en l’alliance de Moïse.

  1. Saint-Jean, xviii, 4 : « Nous cherchons Jésus de Nazareth. Jésus dit : « C’est moi. »
  2. Saint Mathieu, i, 22 : « N’est-ce pas le fils du charpentier ?... Jésus leur dit : « Nul n’est honoré comme prophète dans son pays. »
  3. Article XIV de la seconde partie, dans Bossut.