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RÉPONSE DE VICTOR HUGO.

Paris, 30 octobre 1870.

Mes honorables et chers confrères.

Je vous félicite de votre patriotique initiative. Vous voulez bien vous servir de moi. Je vous remercie.

Prenez les Châtiments, et, pour la défense de Paris, vous et ces généreux artistes, vos auxiliaires, usez-en comme vous voudrez.

Ajoutons, si nous le pouvons, un canon de plus à la protection de cette ville auguste et inviolable, qui est comme une patrie dans la patrie.

Chers confrères, écoutez une prière. Ne donnez pas mon nom à ce canon. Donnez-lui le nom de l’intrépide petite ville qui, à cette heure, partage l’admiration de l’Europe avec Strasbourg, qui est vaincue, et Paris, qui vaincra.

Que ce canon se dresse sur nos murs. Une ville ouverte a été assassinée ; une cité sans défense a été mise à sac par une armée devenue en plein dix-neuvième siècle une horde ; un groupe de maisons paisibles a été changé en un monceau de ruines. Des familles ont été massacrées dans leur foyer. L’extermination sauvage n’a épargné ni le sexe ni l’âge. Des populations désarmées, n’ayant d’autre ressource que le suprême héroïsme du désespoir, ont subi le bombardement, la mitraille, le pillage et l’incendie ; que ce canon les venge ! Que ce canon venge les mères, les orphelins, les veuves ; qu’il venge les fils qui n’ont plus de père et les pères qui n’ont plus de fils i qu’il venge la civilisation ; qu’il venge l’honneur universel ; qu’il venge la conscience humaine insultée par cette guerre abominable où la barbarie balbutie des sophismes ! Que ce canon soit implacable, fulgurant et terrible ; et, quand les prussiens l’entendront gronder, s’ils lui demandent : Qui es-tu ? qu’il réponde : Je suis le coup de foudre ! et je m’appelle Châteaudun !

Victor Hugo.

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AUDITION DES Châtiments
AU THÉÂTRE DE LA PORTE-SAINT-MARTIN.
5 novembre.

Le comité de la Société des gens de lettres fait imprimer et distribuer l’annonce suivante :

« La Société des gens de lettres a voulu, elle aussi, donner son canon à la défense nationale, et elle doit consacrer à cette œuvre le produit d’une Matinée littéraire,