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IV

AUX PARISIENS.

On demanda à M. Victor Hugo d’aller par toute la France jeter lui-même et reproduire sous toutes les formes de la parole ce cri de guerre. Il avait promis de partager le sort de Paris, il resta à Paris. Bientôt Paris fut bloqué et enfermé ; la Prusse l’investit et l’assiégea. Le peuple était héroïque. On était en octobre. Quelques symptômes de division éclatèrent. M. Victor Hugo , après avoir parlé aux allemands pour la paix, puis aux français pour la guerre, s’adressa aux parisiens pour l’union.


Il paraît que les prussiens ont décrété que la France serait Allemagne et que l’Allemagne serait Prusse ; que moi qui parle, né lorrain, je suis allemand ; qu’il faisait nuit en plein midi ; que l’Eurotas, le Nil, le Tibre et la Seine étaient des affluents de la Sprée ; que la ville qui depuis quatre siècles éclaire le globe n’avait plus de raison d’être ; que Berlin suffisait ; que Montaigne, Rabelais, d’Aubigné, Pascal, Corneille, Molière, Montesquieu, Diderot, Jean-Jacques, Mirabeau, Danton et la Révolution française n’ont jamais existé ; qu’on n’avait plus besoin de Voltaire puisqu’on avait M. de Bismarck ; que l’univers appartient aux vaincus de Napoléon-le-Grand et aux vainqueurs de Napoléon-le-Petit ; que dorénavant la pensée, la conscience, la poésie, l’art, le progrès, l’intelligence, commenceraient à Postdam et finiraient à Spandau ; qu’il n’y aurait plus de civilisation, qu’il n’y aurait plus d’Europe, qu’il n’y aurait plus de Paris ; qu’il n’était pas démontré que le soleil fût nécessaire ; que d’ailleurs nous donnions le mauvais exemple ; que nous sommes Gomorrhe et qu’ils sont, eux, prussiens, le feu du ciel ; qu’il est temps d’en finir, et que désormais le genre humain ne sera plus qu’une puissance de second ordre.

Ce décret, parisiens, on l’exécute sur vous. En supprimant Paris, on mutile le monde. L’attaque s’adresse urbi et orbi. Paris éteint, et la Prusse ayant seule la fonction de briller, l’Europe sera dans les ténèbres.

Cet avenir est-il possible ;

Ne nous donnons pas la peine de dire non.

Répondons simplement par un sourire.

Deux adversaires sont en présence en ce moment. D’un côté la Prusse, toute la Prusse, avec neuf cent mille soldats j de l’autre Paris avec quatre cent