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ceux qui tombent ; à l’heure où l’on achève les mourants, il s’est fait ramasseur de blessés ; cet homme de 1871, qui est le même que l’homme de 1848, pense qu’il faut combattre les insurrections debout et les amnistier tombées ; c’est pourquoi il a commis ce crime, ouvrir sa maison aux vaincus, offrir un asile aux fugitifs. De là l’exaspération des vainqueurs. Qui défend les malheureux indigne les heureux. Ce forfait doit être châtié. Et sur l’humble maison solitaire, où il y a deux berceaux, une foule s’est ruée, criant tous les cris du meurtre, et ayant l’ignorance dans le cerveau, la haine au cœur, et aux mains des pierres, de la boue et des gants blancs.

L’assaut a manqué, point par la faute des assiégeants. Si la porte n’a pas été enfoncée, c’est que la poutre est arrivée trop tard ; si un enfant n’a pas été tué, c’est que la pierre n’a point passé assez près ; si l’homme n’a pas été massacré, c’est que le soleil s’est levé.

Le soleil a été le trouble-fête.

Concluons.

Laquelle de ces deux foules est la populace ? Entre ces deux multitudes, les misérables de Paris et les heureux de Bruxelles, quels sont les misérables ?

Ce sont les heureux.

Et l’homme de la place des Barricades avait raison de leur jeter ce mot méprisant au moment où l’assaut commençait.

Maintenant, entre ces deux sortes d’hommes, ceux de Paris et ceux de Bruxelles, quelle différence y a-t-il ?

Une seule.

L’éducation.

Les hommes sont égaux au berceau. À un certain point de vue intellectuel, il y a des exceptions, mais des exceptions qui confirment la règle. Hors de là, un enfant vaut un enfant. Ce qui, de tous ces enfants égaux, fait plus tard des hommes différents, c’est la nourriture. Il y a deux nourritures ; la première, qui est bonne, c’est le lait de la mère ; la deuxième, qui peut être mauvaise, c’est l’enseignement du maître.

De là, la nécessité de surveiller cet enseignement.


VI


On pourrait dire que dans notre siècle il y a deux écoles. Ces deux écoles condensent et résument en elles les deux courants contraires qui entraînent la civilisation en sens inverse, l’un vers l’avenir, l’autre vers le passé ; la première de ces deux écoles s’appelle Paris, l’autre s’appelle Rome.