Pétition de citoyens de la province de Québec pour l'établissement d'une université

Citoyens de la province de Québec
La gazette de Québec, Num. 1318 (p. 1).

LA PÉTITION SUIVANTE PRÉSENTÉE RÉCEMMENT À SON EXCELLENCE LE TRÈS HONORABLE LORD DORCHESTER, EST INSÉRÉE PAR AUTORITÉ À SON EXCELLENCE LE TRÈS HONORABLE Guy Lord Dorchester, Gouverneur général et Commandant en chef dans toute la province de Québec, etc. etc. etc.

HUMBLE REQUÊTE

Des soussignés, tant pour eux que pour un nombre des citoyens de la province de Québec.

REPRÉSENTÉ,

Que de l’expérience qu’ils ont du zèle et de l’attention de votre SEIGNEURIE à pourvoir au bonheur et à la prospérité de cette province ; de la conviction du désir et de l’inclinaison de votre excellence à étendre les sciences et pourvoir à un objet d’une aussi grande importance que l’éducation de la jeunesse, dont nous avons eu une preuve évidente par l’ordre de référence de votre excellence au Conseil de Sa Majesté en cette province dans l’année 1787 ; et du rapport de tout le comité du conseil, a été dressé sur cet objet et présenté à votre excellence.

Que vos suppliants ont vu longtemps, avec regret et en gémissant, le triste et humiliant état des sciences en cette province ;

Qu’ils ont été sans moyens, par le défaut et manque d’une université ou collège, de donner à la jeunesse une éducation libérale ;

Que d’un côté la grande dépense à laquelle ils s’exposaient en envoyant leur jeunesse recevoir son éducation en Europe, et de l’autre le danger qui pouvait résulter pour eux d’envoyer leurs enfants éloignés de la province, dans les États américains, pour y recevoir leur éducation, ont privé un grand nombre d’eux de ces avantages dont on jouit dans la majeure partie des domaines de Sa Majesté.

Que quoique vos suppliants, par la situation d’enfance de la province et de leur peu de capacité, voient de grandes difficultés et des obstacles s’opposer à l’érection et à l’accomplissement d’une institution si nécessaire et si utile ; néanmoins quand ils considèrent la bienveillance et la protection de Sa Majesté, l’assurance des auspices de votre excellence, la générosité de la nation à laquelle ils appartiennent et l’encouragement et l’assistance qu’elle a toujours accordé à de semblables institutions, ajoutés au don et legs de Simon Sanguinet, écuyer, ci-devant de la ville de Montréal, qui par son testament, daté du quatorzième jour de mars dernier, a légué la seigneurie de La Salle, et autres biens fonds, pour l’usage d’une université qui sera établie en cette province ; ils regardent d’avance, avec confiance et une heureuse espérance, de votre l’établissement et la perfection d’une université.

Vos suppliants en conséquence prient humblement votre excellence qu’une université soit érigée dans cette province, dans laquelle la jeunesse puisse être instruite dans les langues et les sciences (la théologie exceptée) et que la dite université soit établie sur les principes et termes les plus libéraux ; Qu’elle soit libre et ouverte à toutes dénominations chrétiennes, sans aucun égard aux différents principes de religion, et que votre excellence veuille bien leur accorder une charte de Sa Majesté pour ériger et établir une université en cette province de Québec, sous le nom et titre de l’UNIVERSITÉ DE LA PROVINCE DE QUÉBEC, et qu’elle soit établie à tel endroit et sous tels règlements qu’il paraîtra convenable à Sa Majesté.

Vos suppliants de plus représentent humblement à votre SEIGNEURIE, que comme les biens de l’Ordre dissous des jésuites en cette province, et leur collège, furent originairement accordés et concédés pour l’éducation de la jeunesse ; ils prient humblement que les dits biens, ou telle partie d’iceux qui pourra paraître à Sa Majesté juste et équitable, puissent être accordés à l’usage de la dite université, comme une fondation ; ou comme un don d’icelle.

Et ils prient aussi qu’il plaise à votre excellence de vouloir bien à cet effet leur accorder et concéder telles quantités et parties des terres de Sa Majesté non-concédées dans cette province que votre excellence jugera nécessaire.

Et vos suppliants ne cesseront de prier, etc. etc. etc.

[Signé]

Québec, 31 octobre, 1790.