Pâques (Verhaeren)

Œuvres de Émile VerhaerenMercure de FranceIX. Toute la Flandre, II. Les Villes à pignons. Les Plaines (p. 169-170).
◄  RUMEURS
LES FLEURS  ►


PÂQUES


Au bord du toit, près des lucarnes,
On a repeint les pigeonniers,
Et les couleurs vives vacarment
Depuis les seuils jusqu’aux greniers.

Et c’est le vert, le brun, le rouge,
Sur les pignons, au bord de l’eau,
Et tout cela se mire et bouge
Dans la Lys, la Durme ou l’Escaut.

On bouleverse les cuisines :
Des mains rudes, de larges bras
Frottent les antiques bassines,
L’écuelle usée et le pot gras.


Sur les linges, les draps, les taies,
Qu’on sèche à l’air vierge et vermeil,
Pleuvent, partout, le long des haies,
Les ors mobiles du soleil.

Là-bas, au fond des cours, s’allument
Faux et râteaux, coutres et socs ;
Comme de hauts bouquets de plumes
Sur les fumiers luisent les coqs.

Pâques descend sur le village :
Tout est lavé, même l’égout ;
Et l’on suspend l’oiseau en cage,
Près de la porte, à l’ancien clou.