Origine grecque des Zodiaques


SUR L’ORIGINE GRECQUE
DES ZODIAQUES
PRÉTENDUS ÉGYPTIENS.

Cet écrit a été lu, il y a treize ans (le 30 juillet 1824), à la séance publique de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Il était resté inédit[1], ainsi que les recherches dont il contient le résumé. J’ai négligé de mettre la dernière main à ces recherches et de les publier, par suite de la répugnance que j’éprouve à publier des travaux qui ne me satisfont pas sur tous les points. Or, dans un grand ensemble, il y a presque toujours des lacunes qu’on espère remplir par la suite ; on attend que de nouvelles méditations, ou la découverte de quelques faits, viennent en fournir les moyens. Dans l’intervalle, on se met à courir après d’autres vérités qu’on entrevoit et que l’on compte bien atteindre. Sur cela, les anciens travaux sont négligés, jusqu’à ce que quelque circonstance engage à les tirer de l’oubli.

C’est ce qui est arrivé à mon travail sur l’uranographie grecque et sur l’astrologie. Les bases en sont posées depuis treize ans, les recherches faites en grande partie ; mais l’ouvrage demanderait, pour être mis en état de paraître, un temps que l’auteur, qui s’occupe beaucoup plus de s’instruire soi-même que d’instruire les autres, aime mieux employer à des recherches nouvelles. Je cède pourtant à d’amicales sollicitations, et je publie au moins l’introduction telle que je l’ai écrite, il y a treize ans. C’est un résumé assez clair des idées développées dans l’ouvrage même, présentées sous un aspect général, et unies par un enchaînement logique qui permet d’en saisir facilement l’ensemble.

Le résultat de ce travail se résume, comme on le verra, dans cette proposition unique : notre zodiaque en douze signes, qui se retrouve en Égypte et dans presque tout l’Orient, est d’origine grecque. Cette proposition est à peu près l’inverse de tout ce qui a été dit sur ce sujet ; car s’il y a eu jusqu’à présent autant d’avis que de têtes sur l’objet et l’époque du zodiaque, tout le monde s’est pourtant accordé en un point, c’est que le zodiaque grec provient de l’Asie ou de l’Égypte. Cette proposition est donc un paradoxe, et elle fut qualifiée telle, je devais m’y attendre ; aussi la qualification ne pouvait m’ébranler. Je sais le peu que vaut, en général, un paradoxe qui n’est qu’un aperçu de l’esprit, qu’une manière plus ou moins ingénieuse de voir autrement que les autres ; mais quand un paradoxe est la conséquence rigoureuse de faits bien constatés, qui ne sauraient admettre une autre explication aussi probable, il prend un caractère scientifique, et l’on ne doit pas craindre de le produire, quelque éloigné qu’il puisse être de l’opinion commune ; car il y a bien de l’apparence que, s’il n’est pas vrai de tous points, il contient une somme de vérité qui finira par modifier sensiblement les idées reçues.

On aura donc raison de persister. C’est ce que j’ai fait en d’autres circonstances, et je ne m’en suis pas mal trouvé. Ainsi, pour rappeler le point de départ de ces recherches nouvelles, lorsqu’en 1821, à l’époque où l’opinion de la haute antiquité des monumens d’architecture égyptienne avait le plus de force et d’autorité, je lus en Académie et je publiai dans le Journal des Savans un Mémoire où je concluais du sens des inscriptions gravées sur la façade de quelques temples de la Haute-Égypte, que ces édifices avaient été élevés, en tout ou en partie, terminés, ou réparés sous la domination grecque et romaine, on cria de toutes parts au paradoxe ; on écrivit pour prouver l’impossibilité de cette opinion. Champollion lui-même protesta d’abord très fortement contre les conséquences que j’osais en tirer[2]. Malgré ma déférence pour ses avis, j’eus confiance dans la force des argumens où mon instinct philologique me tenait attaché : je persistai ; bien m’en prit. Six mois ne s’étaient pas écoulés que Champollion découvrait[3] les hiéroglyphes phonétiques : il se mettait à lire couramment sur ces temples les mêmes noms royaux ou impériaux qui, d’après les inscriptions grecques, devaient s’y trouver, et déjà, dans le Précis du système hiéroglyphique, il admettait la conséquence où j’étais parvenu du premier saut, tout simplement en ne reculant pas devant une déduction qui paraissait téméraire, mais qui n’était que naturelle.

Le second pas dans cette nouvelle carrière fut marqué par un résultat important, à savoir qu’il n’existe aucune représentation zodiacale dans les monumens égyptiens antérieurs à la domination grecque, d’où je tirais la conséquence que notre zodiaque est étranger à l’ancienne Égypte[4], conséquence que jusqu’ici rien n’est venu démentir.

Le troisième pas est résulté des nouvelles recherches dont on lira le résumé dans la seconde moitié de cet écrit. On y verra que l’opinion sur l’origine grecque du zodiaque est une conséquence de mes recherches antérieures. Cette opinion ressort également d’observations certaines, de faits simples et bien constatés, liés par une chaîne de déductions exactes.

Je le publie tel qu’il a été composé en 1821, tel que l’ont lu plusieurs savans auxquels je l’ai communiqué ensuite, entre autres Cuvier, La Place, M. Alex. de Humboldt et M. Arago. Les notes ajoutées précédées d’un — indiquent les points que les travaux faits depuis 1824 ont confirmés ou modifiés.


Aucune question historique n’a plus vivement agité le monde savant que celle de l’antiquité des zodiaques représentés dans plusieurs temples de l’Égypte. Pendant plus de vingt années, elle a occupé les astronomes et les antiquaires, les théologiens et les philosophes. Elle a fait naître une multitude de dissertations et d’ouvrages, où les opinions les plus contradictoires ont été avancées et soutenues avec une vivacité de controverse dont il y a peu d’exemples. C’est qu’il ne s’agissait pas seulement de déterminer l’âge de quelques monumens antiques, genre de discussions qui peut amener des disputes très vives, mais qui sort rarement d’un cercle étroit d’initiés. Les questions les plus graves, qui touchaient, ou qu’on croyait toucher aux opinions religieuses, se montraient derrière la question archéologique. Dès-lors l’intérêt scientifique en devint, pour la plupart, le moindre intérêt. Beaucoup se décidèrent pour ou contre l’antiquité reculée des zodiaques, selon les vues particulières qu’ils voulaient faire prévaloir. Ceux qui, étrangers à toute préoccupation, conservèrent l’indépendance d’esprit nécessaire, furent soupçonnés de se laisser conduire par des motifs où la science avait la plus faible part.

Depuis que les efforts heureux de la philologie sont parvenus à démontrer sans réplique que ces représentations zodiacales ont toutes été sculptées sous la domination romaine, elles ont perdu de leur importance aux yeux du grand nombre. Les questions graves qu’on y rattachait se trouvant écartées, l’esprit de secte et de parti a presque abandonné les zodiaques. Mais ils ont acquis une importance toute nouvelle aux yeux des personnes instruites, par les recherches récentes qui établissent la liaison de ces monumens avec certaines idées dominantes à l’époque où ils ont été sculptés dans les temples de l’Égypte.

L’exposé sommaire de ces recherches et des observations qui les ont occasionnées n’est peut-être pas indigne de l’attention de ceux qui aiment à suivre les progrès des sciences historiques.

i.

Pour qu’on en saisisse mieux la marche et l’ensemble, il faut remonter jusqu’aux idées de Bailly et de Dupuis, dont l’influence sur toute cette question a été aussi profonde que durable.

On doit d’abord distinguer dans le zodiaque, considéré comme la bande céleste que le soleil traverse dans sa course annuelle, deux notions tout-à-fait distinctes, et qu’on a presque toujours confondues : 1o  sa division en tel ou tel nombre de parties égales ; 2o  le choix des figures quelconques destinées à représenter les constellations placées sur les divers points de la route du soleil.

La division de l’écliptique en vingt-sept, vingt-huit, en douze, vingt-quatre, trente-six, ou quarante-huit parties, peut exister chez des peuples qui n’ont eu entre eux aucune communication ; car toutes ces divisions résultent de phénomènes constans, et partout les mêmes. Tous les peuples ont dû observer que le mouvement rétrograde de la lune, dans le ciel, s’opère en un peu plus de vingt-sept jours, et que la course du soleil est marquée par environ douze pleines lunes. Les uns partagèrent cette route en vingt-sept ou vingt-huit parties, les autres seulement en douze, ou en nombres multiples de celui-là. Mais, comme les groupes d’étoiles affectent rarement des formes déterminées, et comme ces groupes eux-mêmes peuvent être composés de vingt manières différentes, il est clair que l’usage des mêmes groupes et des mêmes figures, chez deux peuples, ne peut être un effet du hasard ; l’un des deux les a nécessairement empruntés à l’autre.

Ainsi, deux peuples peuvent avoir la même division du zodiaque, et admettre cependant des configurations différentes. On conçoit encore comment, chez tel peuple, la division quelconque de l’écliptique ou de l’équateur a précédé la disposition, en groupes, des étoiles placées dans la direction de ces grands cercles, et comment, chez tel autre peuple, un certain nombre de groupes auront été formés dans le voisinage de l’un des deux, avant qu’on ait imaginé de les diviser régulièrement l’un ou l’autre.

Ces distinctions, prises dans la nature même des choses, sont confirmées par ce qu’on remarque sur la sphère de plusieurs peuples, où l’on voit les mêmes divisions du zodiaque porter d’autres noms, ou être marquées par des configurations toutes différentes. Tels sont les khordehs des Persans, les sou des Chinois, les nakshatras des Hindous, formant la même division du zodiaque en vingt-sept ou vingt-huit parties.

Cependant on ne saurait dire combien d’erreurs et de préjugés sont résultés de la confusion de ces notions élémentaires. Ainsi Bailly, partant du fait, qu’il croyait certain, que les Égyptiens et les Chaldéens divisaient l’écliptique en douze parties, en conclut qu’ils avaient le même zodiaque que les Grecs ; et, comme les douze signes du zodiaque grec existent dans les sphères des Persans, des Arabes, et ont été retrouvés jusque dans l’Inde, il admit comme prouvé que l’Orient est la source d’où la Grèce avait tiré ces constellations. S’il avait recherché d’abord quelle pouvait être l’époque des monumens dont il s’appuyait, il aurait vu sans doute que cette identité pouvait bien ne rien prouver du tout, car il n’en est aucun qui ne soit d’une époque de beaucoup postérieure à l’ère vulgaire ; rien n’empêcherait donc de croire que ces zodiaques sont le zodiaque grec, que l’influence de l’école d’Alexandrie aura transporté dans tout l’Orient peu de temps avant ou après notre ère. Mais Bailly, qui, sur l’autorité de Goguet[5] et d’autres, trouvait jusque dans Job des preuves de l’existence du zodiaque[6], ne pouvait concevoir le moindre doute sur l’antiquité de cette institution en Orient. Il ne pouvait sentir la nécessité d’un pareil examen, et il ne balança pas à reporter au-delà du déluge[7] l’origine du zodiaque. Naturellement il en donna l’invention à cet ancien peuple de la Haute-Asie qui, selon lui, nous avait tout appris, excepté, comme disait d’Alembert, son nom et son existence. L’autorité de cet éloquent écrivain prépara la voie à d’autres hypothèses plus hardies encore.

Un homme d’un grand savoir, d’un esprit étendu et pénétrant, malheureusement peu critique, Dupuis, fit remonter l’institution du zodiaque à une époque bien plus reculée encore. Bailly s’était arrêté à l’an 4,600 avant notre ère. Dupuis ne se contenta point de cette ancienneté, déjà fort respectable ; il recula l’époque jusqu’à 13,000 ou 15,000 ans, en la rattachant à l’explication même de chacun des douze signes.

Cette explication ingénieuse n’était que le développement d’une hypothèse indiquée par un grammairien du ve siècle de notre ère. Dupuis l’adopta, sans s’apercevoir qu’elle appartient à un ordre d’idées étrangères aux opinions de l’antiquité.

On sait que, par suite du contact des Grecs et des Romains avec les nations asiatiques, il se forma un singulier mélange des superstitions de l’Occident et de l’Orient. La religion grecque et romaine accueillit, avec une facilité merveilleuse, les cultes étrangers ; plusieurs des divinités de l’Égypte et de l’Asie passèrent en Italie et dans les autres provinces européennes de l’empire romain. Des cultes purement locaux prirent une extension nouvelle ; les attributions des diverses divinités furent mêlées et confondues ; des superstitions inconnues naquirent ; on vit paraître des symboles extravagans et des images odieuses ou ridicules, résultats de cette étrange confusion ; une foule de monumens et plusieurs des hymnes prétendus orphiques nous montrent que le paganisme, dans les premiers siècles de notre ère, présentait un effroyable chaos. Depuis long-temps, quelques sectes philosophiques, pour chercher une explication raisonnable à des superstitions absurdes, avaient imaginé des allégories et des symboles tendant à faire croire que sous de telles extravagances était cachée une science profonde ou une métaphysique raffinée. Plus tard, l’apparition et les progrès toujours croissans du christianisme firent entrer plus avant les païens dans cette voie d’explication. En présence d’une religion nouvelle, dont la morale et les dogmes faisaient tant de prosélytes, on redoubla d’efforts pour montrer que le polythéisme, bien compris, était une religion pour le moins aussi épurée. Les écrits des Porphyre, des Jamblique, des Proclus et des Plotin témoignent de ces efforts infructueux du paganisme expirant pour se relever et se légitimer aux yeux de la raison.

C’est à cette cause qu’il faut rapporter l’origine du système dont Macrobe nous a conservé les principaux traits, mais à l’appui duquel on ne peut trouver que des autorités bien postérieures à l’ère vulgaire. Selon ce système, les principaux dieux, Jupiter, Mars, Osiris, Mercure, Bacchus, Horus, Hercule, Adonis, sont le soleil sous des formes et des représentations diverses[8] : les mythes et les différens cultes de ces divinités sont des symboles de mouvemens astronomiques. Macrobe donne une explication des signes du zodiaque, fondée sur les rapports présumés de ces signes avec l’année agricole, ou les phénomènes célestes. Il prétend, par exemple, que le cancer est un symbole de la route rétrograde du soleil, du tropique d’été vers l’équateur ; que le capricorne exprime la route de cet astre, qui remonte du tropique d’hiver.

Dupuis partit de cette explication, qu’il crut représenter la vraie signification des configurations zodiacales. Il posa d’abord en fait deux pures hypothèses, à savoir, que le zodiaque avait été inventé en Égypte, et qu’il était une expression soit des phénomènes célestes, soit des diverses circonstances de l’année agricole dans ce pays.

Ces deux hypothèses lui présentaient cependant cette grave difficulté, qu’en faisant correspondre, comme au temps d’Hipparque, le cancer au solstice d’été, et le capricorne au solstice d’hiver, aucune des configurations zodiacales, considérées comme symboles agricoles ou astronomiques, ne pouvait s’appliquer au sol de l’Égypte. C’est alors qu’il conçut l’idée hardie de faire faire une demi-conversion au zodiaque. Il supposa donc que les points solsticiaux et équinoxiaux, par l’effet de la précession, avaient parcouru la moitié de l’écliptique, depuis l’invention du zodiaque jusqu’au moment où les uns vinrent coïncider avec le premier degré des signes du cancer et du capricorne, les autres avec le premier degré du bélier et de la balance (vers 410 ans avant Jésus-Christ). À l’époque de cette invention, le solstice d’hiver répondait au cancer, celui d’été au capricorne, l’équinoxe de printemps à la balance, et celui d’automne au bélier ; ce qui ferait remonter cette institution au moins à 13,000 ans avant notre ère. À l’aide de cette demi-conversion, il se procura l’explication plausible de sept ou huit signes, explication sur laquelle il y a cependant beaucoup à dire encore.

Or, comme ce n’est pas au berceau de sa civilisation qu’un peuple s’avise d’une institution pareille, il fallait admettre une antiquité encore plus grande pour l’origine de la civilisation égyptienne. Mais, outre l’impossibilité de donner la moindre consistance historique à une époque si reculée, cette chronologie avait le grave inconvénient de se trouver en contradiction formelle avec l’opinion des Égyptiens eux-mêmes. Si nous laissons, en effet, de côté les nombres fabuleux assignés aux règnes des dieux et des héros en Égypte, chronologie toute religieuse, et si nous nous en tenons à la chronologie historique conservée dans les fragmens de Manéthon, conforme au total que donne un passage de Diodore de Sicile[9], nous trouvons que l’histoire des Égyptiens, selon leur propre opinion, ne remonte qu’à environ 5,000 ans avant notre ère[10].

Dupuis sentit lui-même quelle difficulté historique présentait la grande étendue de sa chronologie. Il fut le premier à suggérer une modification qui consistait à supposer que les inventeurs du zodiaque en avaient placé les symboles, non pas dans le lieu qu’occupe le soleil, mais dans la partie du ciel opposée, de manière que la succession des levers du soir de chaque signe aurait servi à marquer les rapports du soleil et de ces signes, ce qui ramenait l’origine du zodiaque à l’époque où le lion était solsticial et le taureau équinoxial, environ 2,400 ans avant l’ère vulgaire[11]. Dupuis possédait à un trop haut degré l’esprit de combinaison pour ne pas sentir que cette modification, tout hypothétique, dérangeait l’unité de son système, et remplaçait une difficulté par une autre ; aussi ne fut-elle de sa part qu’une concession presque involontaire, qu’il abandonna dans la suite[12]. Ce fut en 1793-1794 qu’il publia son remarquable livre de l’Origine de tous les cultes, où il déploie l’érudition à la fois la plus vaste et la plus confuse, où mêlant, sans critique et sans ordre, les sources de tous les temps, il enveloppe dans son hypothèse favorite la fable et l’histoire, Bacchus, Hercule et saint Denis, les patriarches, Jésus-Christ et ses apôtres.

Quelques années après, lors de la mémorable expédition d’Égypte, on trouva des zodiaques sculptés dans plusieurs anciens temples de ce pays. Cette découverte, faite dans le pays même où Dupuis avait placé l’invention du zodiaque, sur des édifices dont on était loin de pouvoir alors mettre en doute la haute antiquité, devait paraître la confirmation la plus éclatante des idées du savant français ; et, comme pour ajouter à cette remarquable coïncidence, les zodiaques de Dendérah ne commençaient point par le même signe que ceux d’Esneh, différence qui paraissait ne pouvoir s’expliquer que par celle de l’époque même des monumens. Cette circonstance parut décisive pour établir que les Égyptiens avaient eu égard à l’effet de la précession des équinoxes en dressant les zodiaques pour diverses époques.

Je crois superflu de rappeler ici les doctes et consciencieux travaux que la discussion de ces monumens fit naître, les recherches des érudits, les calculs étendus et subtils des mathématiciens, enfin la vive controverse qui s’agita dans toute l’Europe pour déterminer l’époque et l’objet des zodiaques, au moyen de caractères astronomiques que chacun s’efforça d’y découvrir. Il me suffira de dire que tous les savans qui prirent part à cette mémorable dispute, tant les défenseurs de la haute antiquité de ces monumens que les partisans d’une antiquité plus restreinte, trouvèrent, dans la combinaison des emblèmes qu’on y voit représentés, le moyen de prouver, avec un succès à peu près égal, la justesse de leurs opinions diverses. L’absence totale de points fixes et déterminés, sur lesquels tout le monde pût s’entendre, excluait la possibilité d’une discussion méthodique et régulière. Chacun allait devant soi, composant son hypothèse, ou combattant celle des autres, sans trop s’inquiéter des objections auxquelles la sienne était soumise à son tour. Les spectateurs de cette lutte opiniâtre, fatigués de tant de débats inutiles, finirent par concevoir un préjugé défavorable contre toutes ces tentatives, et se montrèrent fort disposés à faire aux zodiaques égyptiens l’application du mot de Voltaire : « Ce qu’on peut expliquer de vingt manières différentes ne mérite d’être expliqué d’aucune. »

Il est vraisemblable que la lutte aurait continué long-temps encore, grace au vague et à l’obscurité du sujet, si des recherches d’un genre tout nouveau n’eussent arrêté l’ardeur des combattans, en leur donnant à croire qu’ils pourraient bien avoir jusqu’alors cherché l’explication des zodiaques précisément là où ils ne devaient pas la trouver.

ii.

Après tant d’efforts infructueux, il était facile de prévoir qu’on n’arriverait jamais à aucun résultat certain, en continuant de combiner des emblèmes dont rien ne pouvait déterminer le sens, et qui laissaient le champ libre à toutes les hypothèses. Évidemment on ne pouvait sortir de ce dédale que si, mettant en œuvre l’élément philologique et archéologique, on parvenait à trouver, en dehors de ces monumens mêmes, un point de vue dans l’antiquité, d’où l’on pût les embrasser tous ensemble, et découvrir ainsi leur liaison avec les idées dominantes à une époque connue.

Mais la première condition, pour y parvenir, était de savoir quand ils avaient été exécutés, s’ils l’avaient été tous à la fois ou à de grands intervalles de temps les uns des autres. Cette donnée capitale ne pouvait résulter que de faits analogues à ceux qui servent à déterminer la date des autres monumens antiques, c’est-à-dire de légendes, d’inscriptions rapprochées des témoignages de l’histoire.

Déjà plusieurs savans, et à leur tête l’illustre Visconti, avaient présumé que le temple de Dendérah pouvait être de l’époque grecque ou romaine. Cette opinion, ou plutôt cet aperçu, étant fondée, en grande partie, sur des considérations assez vagues et sur des dessins dont les auteurs avaient un peu flatté le style égyptien, fut combattue avec succès par les partisans d’une antiquité plus grande. Des inscriptions grecques avaient été recueillies par les voyageurs, sur la façade et dans l’intérieur de quelques temples égyptiens : mais on n’en avait bien déterminé ni le sens ni l’objet. Je me mis à les examiner avec plus de soin et de patience, et leur analyse complète donna enfin la preuve que quelques-uns des édifices sacrés de l’Égypte ont été construits ou décorés sous la domination des Grecs et des Romains.

Ce fait attestait non-seulement la permanence des usages religieux et du caractère des arts propres à l’Égypte sous les dominations étrangères[13], mais encore l’excellente politique des vainqueurs qui, se faisant Égyptiens en Égypte, rebâtirent les temples que les Perses avaient détruits, comme quinze siècles auparavant les Thouthmosis et les Ramsès avaient relevé les édifices sacrés de Thèbes, rasés par les Hycsos. Or, dans le nombre de ces édifices, se trouvent le temple de Dendérah, décoré de deux zodiaques, et le petit temple d’Esneh, dont les sculptures, ainsi que l’atteste une inscription grecque décisive, ne remontent pas beaucoup au-delà des règnes d’Antonin et d’Adrien. Cet édifice renferme l’un des deux zodiaques qu’on regardait comme les plus anciens, et dont on reportait l’exécution à 3000 ans avant Jésus-Christ, c’est-à-dire qu’on les faisait l’un et l’autre d’environ trente siècles trop vieux[14].

Ces faits nouveaux et certains changeaient l’état de la question. Ils lui donnaient enfin une base historique, et l’on pouvait dès-lors prévoir qu’elle allait cesser d’être un champ d’interminables disputes sur le sens d’emblèmes inconnus.

Mais bientôt une découverte inattendue, dont tous les amis des lettres ont été frappés, celle de M. Champollion le jeune, a confirmé tous ces résultats nouveaux. Ce savant philologue est parvenu à lire les signes phonétiques ou de sons de l’écriture hiéroglyphique ; il a déchiffré d’une manière indubitable les noms propres contenus dans les inscriptions égyptiennes gravées sur les monumens, et l’on a vu paraître, sur les temples dont j’avais fixé l’époque d’après les inscriptions grecques, les noms des mêmes Ptolémées, et des mêmes empereurs indiqués dans ces inscriptions[15]. Il a trouvé le nom de l’empereur Néron, inscrit auprès de la figure[16] qui tient au zodiaque de Dendérah, d’où il résulte que ce monument a dû être exécuté sous la domination romaine ; enfin, il a reconnu que toutes les sculptures du grand temple d’Esneh, par conséquent le zodiaque qui le décore, appartiennent aux deux premiers siècles de notre ère[17].

C’est ainsi que des recherches, dont les moyens et les procédés sont différens, ont successivement conduit au même résultat sur l’époque relative de quelques monumens égyptiens et des zodiaques qui s’y trouvent. Une caisse de momie, rapportée de Thèbes par M. Cailliaud[18], vint offrir une confirmation nouvelle. Cette caisse contient, dans son intérieur, un zodiaque peint, dont les signes sont disposés et dessinés justement comme ils le sont dans les zodiaques de Dendérah. Déjà les partisans de la haute antiquité de ces monumens s’apprêtaient à démontrer celle de la caisse de momie, lorsque quelques lettres grecques, tracées sur le bord, annoncèrent la présence d’une inscription qui, restituée d’une manière indubitable en ce qu’elle a d’essentiel, détruisit encore une fois toutes leurs espérances, car elle apprit que la caisse avait été faite pour un Égyptien nommé Pétéménophis, mort l’an xix de l’empereur Trajan.

Le zodiaque de cette momie est le cinquième qui soit connu. Un sixième existait sur un propylon à Panopolis, mais malheureusement très mutilé. La description donnée par Pococke montre pourtant qu’il avait un caractère astrologique, analogue au monument appelé le planisphère de Bianchini[19]. Or, le propylon de Panopolis, d’après l’inscription grecque, est aussi du règne de Trajan[20].

Il demeure démontré que tous les zodiaques égyptiens connus, au nombre de six, sont postérieurs au règne de Tibère, et ont été exécutés dans l’espace de moins d’un siècle, entre les années 57 et 150 de notre ère.

N’est-il pas fort remarquable qu’on n’ait trouvé de ces représentations dans aucun des temples de l’Égypte et de la Nubie, dont l’époque remonte avant la domination romaine, dans aucune des tombes royales qu’on a pu ouvrir, quoique presque toutes contiennent des scènes astronomiques, enfin dans aucune des momies anciennes que nous connaissons ? Cette absence de toute représentation zodiacale sur les monumens purement égyptiens, semble attester clairement que ces représentations n’étaient ni dans les usages religieux, ni dans les habitudes nationales de l’ancienne Égypte, et l’on ne peut s’empêcher de croire qu’elles doivent se rattacher à quelque superstition nouvelle, qui prit un grand développement vers le premier siècle de l’ère chrétienne.

La détermination de l’époque de tous ces monumens nous amène donc à chercher, dans cette époque même, les motifs qui ont dû guider leurs auteurs.

iii.

Or, dans le tableau des superstitions dominantes aux temps voisins de l’ère chrétienne, si nous cherchons quelles sont celles qui ont un rapport direct avec les représentations zodiacales, nous trouvons l’astrologie, cette science mensongère qui fondait ses prédictions sur les circonstances astronomiques de la nativité. Une branche importante de cette science, celle qui rapportait les nativités à la place qu’occupaient les planètes dans le zodiaque, née, à ce qu’il paraît, dans la Chaldée, s’introduisit assez tard chez les peuples occidentaux ; elle acquit un singulier développement vers le premier siècle de notre ère, alors que les progrès de l’astronomie et des mathématiques, chez les Alexandrins, lui eurent permis de s’entourer d’un appareil scientifique propre à déguiser sa futilité réelle. La manie des horoscopes devint donc générale ; elle atteignit les petits comme les grands, les peuples comme les magistrats et les empereurs ; on dressa partout des thèmes généthliaques, non-seulement de personnages, mais encore de villes, de temples et de divinités.

Cette coïncidence de l’époque du développement de l’astrologie avec celle de tous les zodiaques trouvés en Égypte, est trop frappante pour qu’on n’en tire pas l’induction que ces monumens ont dû avoir quelquefois pour objet de représenter un de ces thèmes astrologiques, dont l’usage était devenu si fréquent. Cette induction si naturelle est confirmée par le zodiaque de la momie dont j’ai parlé plus haut, d’après l’examen des diverses circonstances qui l’accompagnent ; elles établissent que ce zodiaque, qui commence par le signe du lion, et finit par le cancer, comme ceux de Dendérah, a eu pour objet d’indiquer que le personnage était né sous le signe du capricorne.

Cette liaison chronologique entre l’apparition des zodiaques sur les monumens grecs, romains et égyptiens, et le développement des idées astrologiques, donne une nouvelle force à l’argument tiré de la présence des noms grecs et romains sur les monumens de style égyptien. On ne peut plus être tenté de dire que si les zodiaques ont été exécutés à cette époque tardive, du moins le thème qu’ils représentent est d’une haute antiquité ; car pourquoi ce thème si ancien ne se montrerait-il jamais auparavant ? On ne peut pas dire non plus que le nom de l’empereur Néron, par exemple, près du zodiaque de Dendérah, y a peut-être été mis après coup, la présence d’un tel nom se trouvant si bien expliquée par le crédit qu’avaient acquis alors les idées superstitieuses auxquelles ce zodiaque devait son exécution[21].

Et comme, dans toute question scientifique, une donnée importante bien constatée en explique beaucoup d’autres, celle de l’introduction récente du zodiaque, dans les sculptures des temples de l’Égypte, lève, comme on va le voir, une grande difficulté.

S’il est un fait historiquement avéré, c’est que la précession des équinoxes a été fortuitement découverte par Hipparque, et résulte de la comparaison qu’il a faite entre ses observations et celles d’Aristylle et de Timocharis. Le témoignage de Ptolémée ne laisse à cet égard aucun doute[22]. Or, c’est là ce qu’il serait impossible de comprendre, dans le cas où, de temps immémorial, les Égyptiens eussent orné leurs temples de représentations zodiacales dans lesquelles ils avaient égard au déplacement successif des points équinoxiaux et solsticiaux. La vue seule de ces monumens aurait annoncé le phénomène, et son existence du moins, sinon la quotité du mouvement, eût été de bonne heure un fait constant, avéré, populaire même, non-seulement parmi les Égyptiens mais parmi les Grecs car il ne faut pas oublier que, depuis cinq siècles, au temps d’Hipparque, mais surtout depuis l’établissement des Ptolémées (il y avait un siècle et demi), les Grecs parcouraient, visitaient l’Égypte, et habitaient en grand nombre dans ses principales villes. L’ignorance des Grecs et d’Hipparque lui-même, sur la précession, avant d’avoir comparé les observations de Timocharis avec les siennes, sa surprise, lorsqu’il s’aperçut du déplacement du point équinoxial, seraient tout-à-fait inexplicables. Maintenant, au contraire, qu’il est démontré que tous les zodiaques égyptiens sont postérieurs à Hipparque, cette grande difficulté disparaît. Comment pourrait-on être surpris que les Égyptiens aient pu, ainsi que les Grecs, ignorer si long-temps le mouvement de précession[23], lorsqu’on sait que les Chinois, qui avaient un tribunal de mathématiques de temps immémorial, qui mesuraient exactement des ombres solsticiales onze cents ans avant notre ère, ne l’ont connu, et très probablement par une influence occidentale, que vers l’an 284 de notre ère[24], plus de quatre cents ans après Hipparque ?

iv.

Tel est le point où cette question se trouve définitivement amenée dans un ouvrage que j’ai publié récemment[25]. Elle forme déjà une théorie historique qui ressort de toutes les données certaines. Dans un travail subséquent, et dont je vais dire à présent quelques mots, j’ai cru pouvoir donner à cette théorie plus de généralité, en la liant avec des recherches moins incomplètes sur l’astrologie des anciens, dans ses rapports avec les représentations zodiacales.

Ces recherches m’ont conduit naturellement à faire une nouvelle analyse des notions relatives à l’origine de la sphère grecque et des configurations de notre zodiaque ; car tous les élémens des opinions reçues jusqu’à présent à ce sujet se trouvent ou singulièrement réduits ou détruits entièrement.

En effet, que les configurations qui nous servent encore maintenant soient celles du zodiaque grec, c’est ce qui est prouvé par une série de monumens qui remontent jusqu’à Eudoxe, vers 360 ou 370 avant notre ère. Ce qui n’est pas moins certain, c’est que ce zodiaque est à peu près identique avec celui des monumens trouvés en Égypte.

Or, le fait bien constaté que ces monumens sont tous de l’époque romaine donne lieu de croire que le zodiaque prétendu égyptien pourrait bien être celui de la sphère grecque ; et, s’il en était ainsi, nous nous trouverions réduits à une complète ignorance sur la nature des configurations dont se servaient antérieurement les Égyptiens pour représenter les constellations zodiacales, supposé même qu’ils aient eu un zodiaque. D’un autre côté, l’impossibilité d’établir l’époque des sphères orientales où le zodiaque grec se rencontre, nous laisse dans la même incertitude à l’égard du zodiaque en douze signes de la Chaldée[26] et de l’Inde.

Il s’agissait donc de tirer des seules données qui sont maintenant certaines, les élémens d’une opinion qui ne présentât rien de conjectural. Voici les notions très simples qui m’ont servi pour l’établir :

Le planisphère de Dendérah est le plus complet de tous les monumens astronomiques trouvés en Égypte. On a même cru pouvoir y découvrir un système régulier de projection, ce qui reste encore incertain. Mais on s’est accordé jusqu’ici à croire qu’il contient, outre les signes du zodiaque, un certain nombre de constellations extrazodiacales, sinon tout le ciel visible sous le parallèle de Dendérah. Dès lors, on est singulièrement frappé de ce que, dans ce planisphère, les douze signes du zodiaque sont les mêmes que ceux de la sphère grecque, tandis que les figures des autres constellations sont différentes de celles de cette même sphère. De cette simple observation, il résulte avec évidence que l’un des deux peuples a emprunté à l’autre ces figures zodiacales, et les a introduites, après coup, parmi les autres figures de sa propre sphère. Il ne s’agit plus que de savoir quel est celui des deux peuples qui est redevable à l’autre du zodiaque qui leur est commun.

Sans insister sur d’autres preuves, je m’en tiendrai à un argument qui prouve, ce me semble, les droits des Grecs à l’antériorité. On sait qu’à l’origine de la discussion sur l’âge des zodiaques égyptiens, Visconti et l’abbé Testa conclurent l’époque récente de ces monumens de ce qu’ils contenaient le signe de la balance, dont l’insertion dans la sphère grecque est d’une date peu ancienne. Dupuis[27] et d’autres savans répondirent à l’objection en alléguant plusieurs sphères orientales où l’on trouve ce même signe, réponse qui se réduit à peu de chose, puisqu’ils étaient dans l’impossibilité de prouver l’époque antérieure de ces mêmes sphères. On allégua aussi que la balance est figurée souvent dans les bas-reliefs égyptiens, ce qui ne prouve rien du tout pour l’emploi de cet ustensile comme signe zodiacal. Toute la discussion à ce sujet n’a servi qu’à établir un seul renseignement bien positif, c’est qu’au temps d’Aratus et d’Hipparque, le zodiaque grec ne contenait pas encore le signe de la balance, et que cet astérisme n’y a été introduit que vers le premier siècle avant notre ère. Auparavant, la constellation du scorpion formait deux signes, en sorte qu’il y avait douze divisions et seulement onze figures Or, il me semble qu’on n’a point aperçu toute la portée de cette donnée incontestable.

En effet, puisque chez l’un des deux peuples, à une époque quelconque, il existait un zodiaque dont les divisions étaient marquées par douze figures, et que ce zodiaque a passé de l’un chez l’autre, il est indubitable qu’il y aura passé tout entier. Il serait absurde d’imaginer que s’il avait contenu un nombre de figures égal à celui des parties du zodiaque, on ne lui en aurait pris que huit, neuf, dix ou onze ; on les a prises toutes, ou l’on n’en a pris aucune. Le nombre de onze figures, qui existaient dans le zodiaque grec, au temps d’Eudoxe, d’Aratus et d’Hipparque, prouve donc qu’elles n’ont point été empruntées à un peuple qui en aurait connu douze ; conséquemment, que ces configurations ont été imaginées pour la sphère dont elles font partie, bien avant qu’on s’occupât d’une division régulière de l’écliptique, et qu’à l’époque plus tardive où l’on aura commencé à se servir de la division de l’écliptique en douze parties, on aura coupé la plus grande des figures, pour avoir le nombre douze, jusqu’au moment où il aura paru plus simple d’imaginer, une douzième figure, qui fut celle d’une balance, symbole le plus clair de la position du point équinoxial dans ce nouveau signe. La conséquence nécessaire de ce raisonnement est que les zodiaques trouvés en Égypte sont la représentation du zodiaque grec, faite après qu’il fut devenu complet, ce qui est précisément le fait établi par les preuves archéologiques.

Ici commence, dans mon travail, l’application de cette conséquence aux témoignages historiques. En cherchant le rôle que le zodiaque a pu jouer parmi les opinions religieuses et populaires de la Grèce, j’ai trouvé que l’idée de cette bande céleste avait été inconnue aux anciens Grecs ; que les levers et les couchers des astres, dont ils faisaient tant d’usage pour l’agriculture et la météorologie, étaient rapportés, non pas au zodiaque, dont personne ne paraît avoir fait usage en Grèce avant Eudoxe, mais approximativement à certaines époques de l’année, ou bien à la position du soleil dans les points solsticiaux et équinoxiaux.

Tout prouve qu’au temps d’Eudoxe même, le zodiaque ne servait encore qu’aux astronomes. Cette invention nouvelle n’entra dans le cercle des opinions vulgaires ni à cette époque ni dans le siècle suivant ; la religion ne s’en empara point ; le langage poétique y demeura étranger. Dans les nombreux passages où les poètes et les prosateurs, antérieurement au iie ou même au ier siècle avant notre ère, font des allusions, des comparaisons ou des rapprochemens tirés des astres, on ne reconnaît aucune trace de constellations zodiacales. Les images qu’ils emploient sont analogues à celles d’Homère et d’Hésiode. On peut en dire autant des monumens de l’art ; avant l’époque dont je parle, on peut y trouver des allusions à la mythologie astronomique, mais non des représentations des figures du zodiaque caractérisées d’une manière certaine. Celles-ci, qui commencent à se montrer vers le premier siècle avant l’ère chrétienne, ne sont fréquentes que dans le premier, et surtout dans le second siècle après cette ère, à partir du règne d’Antonin-le-Pieux.

Il en a été de même chez les anciens Égyptiens, auxquels le zodiaque, à en juger par leurs monumens originaux, est resté inconnu. Toute leur astronomie, comme celle des Grecs, devait se fonder sur des levers comparatifs d’étoiles à l’horizon[28]. Rien n’y était rapporté à l’écliptique[29].

Il s’ensuit que, dans la sphère grecque, les constellations qui sont devenues depuis les signes du zodiaque, ont été primitivement formées, comme toutes les autres, indépendamment de l’idée d’un cercle quelconque ; qu’elles ont été, comme celles du reste de la sphère, inventées ou introduites successivement, ainsi que cela s’est pratiqué chez tous les peuples, dont la sphère s’est enrichie peu à peu d’astérismes nouveaux.

Cette conséquence est conforme à plusieurs faits importans, sur lesquels on n’a pas assez insisté.

v.

Si notre zodiaque avait été formé tout d’une pièce, ainsi que le voulaient Bailly et Dupuis, il y aurait une certaine régularité, soit dans l’étendue des signes, soit dans leur position relative à l’écliptique. Tout le contraire a lieu.

1o  Les constellations zodiacales sont rangées de la manière la plus irrégulière par rapport à l’écliptique ; plusieurs s’en écartent beaucoup, soit au nord, soit au midi ; il est évident, au premier coup d’œil, qu’on a imaginé l’écliptique, et qu’on les a rapportées à ce cercle, bien long-temps après leur formation, laquelle a dû être successive, comme celle des autres astérismes.

2o  Leur étendue est extrêmement inégale ; les unes occupent dans le ciel plus de 40°, les autres moins de 20° ; les unes sont séparées entre elles par de longs intervalles, les autres sont tellement rapprochées qu’elles se pénètrent et se confondent. À ces caractères certains, on reconnaît encore qu’elles ont été formées bien avant qu’on ait imaginé une division de l’écliptique en dodécatémories, ou douze parties égales, puisque autrement, vu l’extrême facilité de composer arbitrairement des groupes d’étoiles, il est clair qu’on aurait disposé douze constellations d’une étendue à peu près égale, répondant à autant de parties égales de l’écliptique, et rangées symétriquement le long de ce cercle.

Outre l’époque tardive de l’introduction de la balance, un fait historique vient à l’appui de ces considérations : c’est que deux des constellations maintenant zodiacales ont été inventées à une époque connue. Selon Pline, Cléostrate de Ténédos plaça dans le ciel le bélier et le sagittaire[30], vers la 71e olympiade. Ce passage, qui a toujours fait beaucoup de peine aux partisans de l’antiquité du zodiaque, s’explique parfaitement, si l’on admet que les astres compris au temps d’Eudoxe dans la zone zodiacale n’étaient pas primitivement séparés du reste de la sphère ; il n’est pas plus surprenant alors de voir le bélier et le sagittaire introduits par Cléostrate dans l’uranographie grecque, que de voir les chevreaux inventés par le même[31], la petite ourse empruntée par Thalès aux Phéniciens[32], Canope et la chevelure de Bérénice introduite sous les Ptolémées, etc.

On sait, par le commentaire d’Hipparque sur Aratus[33], qu’Eudoxe plaçait les points équinoxiaux et solsticiaux au milieu des signes, non au commencement, comme Hipparque. Il se trouvait donc un intervalle de 15° ou un demi-signe entre les longitudes de ces deux astronomes. Cette différence fut attribuée à la précession des équinoxes. Mais comme il ne s’est écoulé qu’environ deux cents ans entre l’époque du premier et celle du second, tandis que le déplacement d’un demi-signe suppose un intervalle d’environ onze cents ans, on dut remonter plus haut pour expliquer cette différence ; on supposa donc qu’Eudoxe nous avait transmis, sans s’en douter, les positions appartenant à une sphère très ancienne. De là, des recherches savantes et des hypothèses ingénieuses sur l’origine et l’époque de cette sphère primitive.

Personne n’ignore les discussions qui se sont élevées dans le dernier siècle à cette occasion. Tout le système chronologique de Newton est fondé sur l’hypothèse de cette ancienne sphère, dont il faisait remonter l’origine à l’an 936, et que, selon lui, Chiron avait fabriquée pour l’usage des Argonautes[34]. Fréret en reculait l’époque jusqu’en 1353[35], et Bailly, adoptant la plus ancienne des deux époques, prenait cette prétendue sphère pour celle des Chaldéens et des Perses, qu’Hercule avait transportée dans la Grèce[36]. La critique approfondie de M. Delambre a prouvé que la sphère de Chiron ou d’Hercule ne méritait guère la vive et longue polémique dont elle fut l’objet, et que la sphère d’Eudoxe, bien loin de nous avoir conservé une ancienne uranographie exacte et complète, est elle-même d’une extrême inexactitude, puisque de toutes les positions des étoiles qui s’y trouvent indiquées, les unes se rapportent à des époques fort différentes, les autres ne sont d’aucune époque, et n’ont pu être observées dans aucun temps. Cette sphère, au lieu de prouver une science perfectionnée à l’époque des Argonautes, dépose seulement de l’extrême imperfection de l’astronomie au temps même d’Eudoxe. S’il a mis les points équinoxiaux et solsticiaux au milieu des signes, c’est parce que cette méthode résulte tout naturellement de l’usage élémentaire de diviser le zodiaque par les levers et les couchers des astres. Hipparque, au contraire, « qui avait inventé ou perfectionné la trigonométrie, sentit le besoin de placer le zéro du zodiaque et de l’équateur à l’intersection de ces deux cercles, au point où était l’angle constant du triangle sphérique avec le commencement de l’hypoténuse et de la base. Mais ensuite, pour comparer ses calculs aux nombres d’Eudoxe, il nous avertit qu’il faut ajouter 15° aux arcs qu’il calcule sur l’écliptique. Ainsi les 15° d’Eudoxe ne signifient pas qu’Hipparque et lui eussent placé le solstice en des points différens. Le point était le même, le chiffre seul était changé[37]. » Il n’existe aucune preuve qu’Hipparque lui-même ait inventé le signe de la balance[38] ; mais on peut regarder comme certain que l’époque du changement notable fait par cet astronome dans la graduation des signes a précédé de peu de temps l’introduction de la balance dans le zodiaque. Lorsqu’on eut placé le point équinoxial d’automne au premier degré des serres du scorpion, on songea enfin à couper cet astérisme en deux, pour avoir autant de configurations et de dénominations que de dodécatémories. Or, on ne pouvait trouver un emblème plus clair de l’équinoxe que les deux plateaux d’une balance.

L’usage de nommer l’astérisme des deux manières subsista encore long-temps.

C’est après que la balance eut remplacé les serres, que le zodiaque grec fût introduit dans les temples égyptiens.

On doit donc reconnaître maintenant que tout zodiaque où la balance et le bélier sont des signes équinoxiaux, le cancer et le capricorne des signes solsticiaux, dérive de la sphère d’Hipparque.

Ceci s’accorde avec une autre observation qui n’a point été faite, quoiqu’elle soit importante pour cette question. Les configurations de la sphère grecque ont subi successivement diverses modifications, dont il est facile de s’assurer en comparant les descriptions qui en sont données à diverses époques. Pour se borner aux figures zodiacales, on peut citer le capricorne et le sagittaire. Le premier, comme l’indique son nom grec (αίγόκερως à cornes de chèvre), et comme l’expliquent les anciennes descriptions, était représenté sous la forme humaine, celle de Pan, ou d’un satyre. Le sagittaire était aussi une figure humaine debout, tenant un arc, et ayant deux pieds de cheval. C’est plus tard que le premier devint une chèvre terminée en queue de poisson, figure qui ne paraît sur aucun monument avant le règne d’Auguste ; le second, un centaure, figure tout-à-fait étrangère à l’art, comme à la religion des Égyptiens. Or, cette forme postérieure est celle que ces deux signes affectent sur presque tous les monumens de l’époque romaine, sans excepter les zodiaques égyptiens. Nouvelle preuve de l’introduction tardive du zodiaque en Égypte et de son origine grecque.

vi.

Ici se présente l’argument sur lequel Bailly, Dupuis et leurs partisans ont tant insisté pour prouver l’origine orientale du zodiaque grec. On le trouve, nous disent-ils, soit dans les sphères persique, chaldéenne et indienne, soit dans les livres sacrés des Perses et des Indiens ; donc il vient de l’Orient.

Mais là se montre l’erreur commune qui affecte presque toutes les recherches de ces deux savans hommes. Elle consiste, comme on l’a vu, en ce que, par défaut de critique, ils ont regardé comme fort anciens des monumens dont l’époque récente résulte de leur examen même, ou se sont appuyés sur des textes d’écrivains très récens. C’est le cas de tous ceux qu’ils ont cités à cette occasion.

1o  La plus simple application de la critique fait rejeter les trois sphères tirées d’Aben Ezra par Scaliger[39] et la sphère égyptienne du père Kircher (en les supposant authentiques), auxquelles ils ont attaché une importance qu’elles ne méritent guère.

2o  Quant aux textes de Sextus Empiricus, d’Achilles Tatius, de Macrobe, de Théon et de Servius, relatifs à des signes de notre zodiaque, qui auraient été employés par les Chaldéens ou les Égyptiens, ils se rapportent aux siècles postérieurs (du iiie au ve), où le zodiaque grec s’était introduit partout, et était employé par les astrologues égyptiens, chaldéens et grecs.

3o  Relativement aux livres sacrés des Perses, Dupuis aurait dû remarquer que dans les plus anciens, tels que nous les a transmis Anquetil du Perron, on ne découvre aucune trace d’astronomie zodiacale. Il n’en a trouvé que dans le Boundehesh, où les signes de notre zodiaque sont en effet cités, le bélier et la balance répondant aux équinoxes, le cancer et le capricorne aux solstices, justement comme dans la sphère d’Hipparque. Mais le Boundehesh, dont on a fait souvent l’emploi le plus abusif, est une compilation sans autorité dans une question pareille, puisqu’elle a été formée postérieurement à la domination sassanide, et même à l’introduction de l’islamisme, par conséquent long-temps après que le zodiaque grec s’était introduit dans tout l’Orient.

4o  Il n’y a non plus nul fonds à faire sur les monumens romains du culte mithriaque. Selon l’hypothèse favorite de Dupuis, leur sujet se rapporte à l’époque où le taureau était équinoxial et le lion solsticial, deux mille quatre cents ans avant notre ère. Quoique cette opinion ait été admise presque généralement, elle n’est pas moins gratuite et arbitraire. Rien ne prouve que l’astronomie joue aucun rôle dans ces représentations. Nul ne peut dire qu’elles ne soient pas purement religieuses. Tout ce qu’on sait de ces bas-reliefs, dont le vrai sens est et sera long-temps inconnu, c’est que le type principal qu’ils nous offrent est emprunté à l’art grec ou romain ; qu’il n’y a pas trace dans l’Orient d’un pareil type, et que le plus ancien bas-relief mithriaque ne remonte pas au-delà du règne d’Adrien[40].

5o  Quant à d’autres monumens égyptiens où, selon les principes de Dupuis, on avait trouvé un thème astronomique remontant à quatre mille ans avant Jésus-Christ, il est visible qu’ils ne sont pas antérieurs au iiie siècle de notre ère, qu’ils se rapportent aux superstitions gnostiques et sont analogues aux figures des abraxas[41].

6o  Le zodiaque indien, trouvé par John Call dans une pagode[42], présente, ainsi qu’un autre publié plus tard[43], la succession des signes de notre zodiaque, sauf quelques modifications dans les formes. Mais les édifices où ils existent sont d’une construction fort moderne. Le zodiaque proprement indien est le zodiaque lunaire en vingt-sept nakschatras, dont le premier est Crittica ou les Pléïades. C’est celui dont il est fait mention dans les Vedas et les anciens livres de l’Inde[44], selon l’observation de l’illustre Colebrooke, le Gaubil des indianistes. Quoi qu’en ait dit W. Jones[45], dont la critique n’égalait ni la science, ni le talent, tout montre que le zodiaque en douze signes a été importé de l’Occident dans l’Inde avec l’astrologie. La plus ancienne mention se trouve dans Aryabhatta, dont l’époque est indiquée par M. Colebrooke entre 200 et 400[46] de notre ère[47]. Comme il plaçait les points équinoxiaux au premier degré du bélier et de la balance, on ne peut douter qu’il n’ait connu et employé les déterminations d’Hipparque.

Je regarde comme certain que cette importation est due à l’influence grecque dans les premiers siècles de notre ère, lorsque les relations commerciales entre l’Inde et l’empire romain avaient pris tant d’extension et amené des relations politiques entre les deux régions[48].

C’est à cette époque que l’astrologie grecque s’introduisit dans l’Inde, et avec elle le zodiaque dont elle ne pouvait se passer. La preuve évidente existe dans certaines dénominations purement grecques, dont se servent les astrologues indiens ; telles que les trente-six dreschcanas du ciel, qui sont les décans des astrologues grecs ; ils appellent la vingt-quatrième partie du jour astrologique hora (ὥρα) ; l’équation du centre, cendra (κέντρον) ; les moyens mouvemens midya (μέσα) ; la minute de degré lipta (λεπτά) ; certains points du cours des planètes anapha (ἀναφή) et sunapha (συναφή) etc. L’origine grecque est palpable, et remarquez qu’on ne peut admettre ici l’intermédiaire des Arabes, puisque leurs astrologues ne se servent d’aucune de ces expressions.

À la même cause appartient l’introduction de la semaine chez les brames de l’Inde, qui nomment les jours de la même manière que nous, répondant aux mêmes instans physiques[49]. Cette coïncidence, qui fait l’étonnement de nos astronomes, s’explique facilement. J’ai montré ailleurs qu’il faut distinguer la semaine, simplement période de sept jours, de la semaine planétaire, dont chaque jour porte le nom d’une planète ; la première, étrangère à la Grèce, est fort ancienne dans l’Asie occidentale où elle était liée au calendrier lunaire[50] ; la seconde est d’une invention et d’un usage récens[51]. La plus ancienne mention s’en trouve dans Dion Cassius[52]. Elle est exclusivement d’origine astrologique ; c’est par l’astrologie qu’elle est venue à Rome, qu’elle a pénétré chez les nations germaniques, qu’elle s’est introduite dans les calendriers chrétiens, malgré son origine toute païenne, et qu’elle a voyagé vers l’Orient jusque dans l’Inde, où elle est arrivée en compagnie de l’astrologie grecque, sa mère ; car cette période est étrangère à l’Inde, où elle était anciennement inconnue. Les astrologues alexandrins avaient des tables dont le point initial était constant, où les périodes septennaires se suivaient dans le même ordre. Cette succession ayant été la même depuis l’époque de l’introduction de l’astrologie grecque, soit dans l’Inde, soit dans notre occident, il est naturel que chacun des jours de la semaine ait encore lieu maintenant, chez les Indiens, aux mêmes instans physiques que chez nous[53]

7o  Que le zodiaque lunaire soit également le seul qui ait été employé à la Chine, c’est un fait reconnu. Le zodiaque en douze signes y a été introduit fort tard. En l’an 164, des étrangers, envoyés par Gan-Toun (Marc Aurèle Antonin), roi de Ta-Tsin (empire romain), arrivèrent à la Chine, et y apportèrent la connaissance de la sphère ; c’est alors qu’on fit des armilles et un globe céleste[54], et que l’on connut les douze signes. L’usage en fut encore enseigné sous les Tang, entre 624 et 906 de Jésus-Christ[55], par un prêtre de Fo (Boudha), probablement venu de l’Inde.

Ces faits, indiqués sommairement ici, suffisent pour démontrer que partout, dans l’Orient, le zodiaque solaire en douze signes est celui de l’astronomie grecque. C’est de l’Occident qu’il est arrivé de proche en proche, jusque dans l’Inde et à la Chine. Cette route est l’inverse de celle qu’on lui avait fait parcourir.

vii.

Il résulte de l’ensemble de tous les faits que j’ai pu recueillir que notre zodiaque était chez les Grecs une institution récente, et qu’il ne passa du domaine de la science dans le cercle des opinions vulgaires qu’à une époque tardive, qui coïncide avec celle où l’astrologie orientale vint prendre place parmi les superstitions de l’Occident. Cette doctrine qui, dans l’Égypte et la Chaldée, n’avait pu s’appuyer que sur des procédés fort imparfaits pour mesurer la position des astres, et sur une théorie incomplète des mouvemens planétaires, ne tarda pas à s’emparer et à profiter de tous les perfectionnemens que les méthodes avaient reçus dans l’école d’Alexandrie. Les astrologues chaldéens et égyptiens furent alors obligés d’adopter les divisions et les dénominations des signes du zodiaque grec, auxquels l’école d’Hipparque rapportait tous les mouvemens célestes, et d’après lesquels toutes les tables étaient dressées ; ils y rattachèrent également les prédictions de leur science mensongère[56]. Alors le zodiaque acquit une importance proportionnée à celle de l’astrologie ; aussi, voyons-nous à cette époque les représentations zodiacales paraître sur une foule de monumens divers, tandis qu’auparavant elles étaient presque inconnues. Telle est la conviction où je suis des causes qui amenèrent leur apparition sur les monumens de l’art, qu’après avoir constaté, dans de précédens ouvrages, qu’on n’en a pas trouvé en Égypte qui fussent antérieurs à la domination romaine, je m’avance maintenant jusqu’à dire qu’on n’en trouvera jamais[57].

Telle est en résumé la liaison des faits principaux dont se composent mes recherches. Elles diffèrent de celles qui les ont précédées, en ce que l’élément historique remplace, dans la discussion de ce sujet, l’élément mathématique qu’on y avait presque exclusivement appliqué. Elles détruisent radicalement les principes sur lesquels Dupuis a fondé son explication du zodiaque et des autres constellations, comme, plus tard, son système sur l’origine de tous les cultes ainsi que des fables antiques. Elles frappent d’avance de nullité tout système qui tendrait à faire jouer un rôle au zodiaque en douze signes dans l’interprétation des monumens appartenant à la haute antiquité grecque ; elles ramènent dans le champ de l’histoire positive une multitude de faits qu’on avait réussi à transporter dans une sorte de monde primitif, où les hommes dont l’imagination est vive, la science légère et le jugement peu sûr ou mal exercé, peuvent errer tout à leur aise au milieu des nuages ; elles remplacent enfin, par une méthode qui n’admet que des déductions naturelles de faits clairement établis, toutes ces interprétations arbitraires, ces suppositions gratuites, cet échafaudage d’allégories, d’emblèmes, de symboles, d’étymologies, qu’on trouve toujours à point nommé, quand on en a besoin, et dont l’élasticité parfaite permet à la main qui les emploie de les resserrer ou de les étendre à volonté.


L’ensemble de ces recherches, en me conduisant à la conséquence que les constellations de la sphère grecque sont d’invention grecque, sauf quelques emprunts partiels, et que celles du zodiaque ont la même origine, m’a confirmé dans l’idée que les Grecs doivent beaucoup moins à l’Orient et à l’Égypte qu’on ne le pense généralement de nos jours. Sans doute, les colonies asiatiques[58] qui vinrent, à des époques reculées, s’établir dans la Grèce, apportèrent le germe des premiers arts, et quelques idées ou pratiques religieuses à des peuples qui n’étaient pas civilisés comme elles. Mais, de très bonne heure, nous voyons la nation hellénique prendre un essor indépendant ; par une foule de combinaisons qui lui étaient propres, constituer la société sur des bases que l’Orient n’avait jamais connues, créer une langue admirable, qui semble n’avoir conservé quelques traces des idiomes orientaux que pour montrer tout ce qu’elle a dû au génie particulier du peuple qui l’a inventée, et, grace à un merveilleux instinct du beau en tous genres, perfectionner tellement les rudimens imparfaits des arts qu’elle devait aux colonies étrangères, qu’on a souvent peine à discerner la trace de l’impression primitive. On a dit encore que la Grèce devait à l’Orient tout ce qu’elle a possédé de connaissances scientifiques ; mais on n’a point fait attention que les Grecs, avant l’école d’Alexandrie, sont restés à peu près étrangers à ce que nous appelons les sciences ; les mathématiques et l’astronomie encore étaient dans l’enfance au temps même de Platon et d’Eudoxe, et si l’on veut que ces philosophes aient tout appris en Égypte, on est obligé de convenir qu’à en juger par le savoir des disciples, les maîtres devaient être fort inhabiles. Nous voyons, au contraire, la faible somme des connaissances positives des Grecs s’augmenter peu à peu, et s’enrichir de loin en loin de quelques notions si rares, si imparfaites, qu’il serait presque inutile de recourir à une influence étrangère. Il faut bien le reconnaître, les vraies sciences ne sont nées, dans l’antiquité, qu’à l’époque de l’école d’Alexandrie, alors que l’esprit positif de recherches et d’observation, succédant à l’esprit poétique des anciens temps, conduisit les Grecs sur des routes nouvelles ; on les vit porter dans l’étude des sciences cette même activité intellectuelle, cette finesse et ce discernement parfait qui sont le caractère distinctif de toutes leurs œuvres. En même temps qu’ils étendaient partout l’influence de leurs arts et de leur littérature, ils perfectionnèrent les connaissances astronomiques et mathématiques ; ils vinrent enseigner à la Chaldée comme à l’Égypte des théories qu’elles n’avaient jamais connues, et leur rendirent une véritable science pour prix des notions vagues et incertaines qu’ils en avaient reçues jadis.


Letronne.
  1. Mon ami, M. Guigniaut, en a donné seulement un extrait dans sa savante traduction de la Symbolique de M. Creuzer, tom. i, pag. 928, 929. Paris, 1825.
  2. Revue encyclopédique, mars 1822.
  3. Septembre 1822.
  4. voir mes Observations sur les représentations zodiacales, mars 1824.
  5. Origine des Lois, tom. i, pag. 413 et suiv. éd. de 1820.
  6. Hist. de l’Astronomie ancienne, pag. 478. Qu’il soit question dans Job de quelques constellations (9, 9 ; 38, 32), cela est certain ; mais on ne sait pas au juste quelles sont celles dont il a voulu parler.
  7. Ouvrage cité, pag. 74,
  8. Macrob., Saturn., i, 17-23.
  9. Voir, sur ce passage, un Mémoire lu à l’Académie des Inscriptions, le 19 septembre 1823. — Imprimé dans le tome xii des Mémoires. Paris, 1836.(Note ajoutée.)
  10. — C’est ce que j’ai développé dans mon cours de 1836 au Collége de France.(Note ajoutée.)
  11. Mémoire sur les Constellations, pag. 30. — Dans l’origine des Cultes, tom. III, p. 340.
  12. Voyez son Mémoire explicatif sur le Zodiaque (Paris, 1806), où il n’est plus question de la chronologie mitigée.
  13. C’est ce qui fut établi pour la première fois dans un mémoire inséré au Journal des Savans, mars et août 1821.
  14. L’ensemble de tous ces faits est exposé dans l’ouvrage intitulé : Recherches pour servir à l’histoire de l’Égypte pendant la domination des Grecs et des Romains. Paris, 1823.
  15. Voyez son Mémoire sur les hiéroglyphes phonétiques, lu à l’Académie des Inscriptions, le 22 septembre 1822.
  16. Voyez sa Lettre insérée dans mes Observations sur les représentations zodiacales, pag. 111-118. — Depuis que ceci est écrit, l’application certaine de l’alphabet de Champollion a beaucoup augmenté le nombre des édifices de la Haute-Égypte qui doivent leur construction aux souverains grecs de ce pays. Ce fait, que Champollion lui-même s’était d’abord refusé à croire, est devenu, grace à son admirable découverte, l’un des mieux constatés de l’histoire. C’est à lui, par exemple, qu’on doit de savoir qu’il n’y a rien de pharaonique parmi les monumens de Philes, à l’exception d’une petite chapelle où se lit le nom de Nectanébo, qui a régné sur la fin de la période persane. On ne peut plus douter que cette île ne contînt d’anciens édifices, qui furent détruits par les Perses au temps d’Ochus, et que les rois grecs firent rebâtir. (Wilkinson, Topogr. of Thèbes, pag. 469.) (Note ajoutée.)
  17. — Ces résultats, indiqués déjà par Champollion dans le Précis du système hiéroglyphique (en 1824), ont été confirmés par lui-même dans son voyage (1828-1830) et par tous les voyageurs instruits. (Wilkinson, Topogr. of Thèbes. London, 1835.) (Note ajoutée.)
  18. Déposée au Cabinet des Antiques.
  19. Au Musée royal des Antiques, numéro 271.
  20. Tous ces faits sont exposés et développés dans mes Observations sur les représentation zodiacales, mars 1824.
  21. Le docteur G. Parthey, dans son excellente monographie intitulée de Philis insulâ, etc., (Berlin, 1830), n’attachant pas une confiance entière à l’argument tiré de la présence des noms, trouve une démonstration plus complète, de l’époque récente de ces monumens, dans les rapprochemens historiques que contient mon ouvrage. Il dit, pag. 50 : « Certiore viâ, disquisitionibus historicis, zodiacos illos famosos recentiori ætati vindicavit Letronnius in observationibus criticis. (Vide Observations critiques sur les représentations zodiacales.) » (Note ajoutée.)
  22. Almag. vii, 1, 2.
  23. Sur la question de savoir si les Égyptiens ont connu la précession des équinoxes, M. Ideler s’est exprimé d’une manière très dubitative, et avec une circonspection remarquable, à l’époque où il publiait son savant ouvrage sur les Observations des Anciens (Beobachtungen der Alten, S. 89. Berlin, 1806.) — Plus tard, il s’est montré plus affirmatif : il adopte mon opinion à ce sujet dans son excellent Manuel de Chronologie (Berlin, 1825), où il dit : « ich pflichte hierin ganz Hrn. Letronne bei. » (j’adopte entièrement ici l’avis de M. Letronne), tom. i, S. 193. M. A. Boeckh a cru apercevoir une idée du mouvement des fixes dans une opinion pythagoricienne, très obscurément exprimée (Philolaos des Pythagoreers Lehren, Berlin, 1819, S. 117, 118). Cet illustre philologue a pensé qu’une notion vague de la précession avait pu passer des Égyptiens aux Grecs, et il se fonde, pour en attribuer la connaissance aux premiers, précisément sur leur usage de placer des zodiaques dans leurs temples, en variant la division des signes, d’après les changemens survenus par suite du déplacement des points équinoxiaux et solsticiaux. Il est clair maintenant que cet usage n’existait pas. Je soutiens que la précession a été inconnue aux uns comme aux autres, et que l’idée pythagoricienne dont il s’agit n’est qu’une de ces vues aventureuses, qu’on trouve dans leur cosmographie, où, grace au vague et à l’obscurité de l’idée et de l’expression, on peut trouver le germe de plus d’une connaissance qu’ils n’ont pas même soupçonnée. (Note ajoutée.)
  24. Gaubil, Hist. de l’Astr. chin., pag. 46.
  25. Les Observations sur les représentations zodiacales, citée plus haut.
  26. Le passage d’Achilles Tatius (c. 23) appartient au ive siècle de notre ère ; il est par conséquent d’une époque où toutes les notions étaient confondues.
  27. Il avait été au-devant des objections dans le Mémoire sur les Constellations, pag. 337, 338, tom. iii, de l’origine des Cultes.
  28. — Cette vue a été confirmée par le tableau des influences des astres, découvert, en 1829, par Champollion dans les tombeaux de Biban-el-Molouk, à Thèbes. Dans ce tableau, qui nous donne en même temps un curieux exemple de l’astrologie égyptienne, il n’est question que des levers successifs d’étoiles, sans aucune indication d’astérisme zodiacal. (Voyez la Treizième Lettre écrite d’Égypte, pag. 239 et suiv.) (Note ajoutée.)
  29. Cela sert à expliquer comment les Égyptiens ont ignoré la précession des équinoxes.
  30. ii, 6.
  31. Hygin., P. Astr., ii, 13.
  32. Strab., i, 3. — Schol. Arat., v. 39. — Hygin., P. Astr., ii, 2.
  33. i, 10 et passim.
  34. Chron. of ancient kingdoms, pag. 25, 26.
  35. Défense de la chronologie, pag. 439.
  36. Histoire de l’Astronomie ancienne, pag. 183, 424, 425.
  37. Delambre, Histoire de l’Astronomie ancienne, tom. i, pag. 123.

    — Ces vues remarquables de Delambre ont été adoptées et confirmées depuis par M. L. Ideler, à la fois savant astronome et habile philologue, dans son second Mémoire sur Eudoxe, lu, en 1831, à l’Académie des Sciences de Berlin (pag. 31-35) ; Mémoire où brille la science profonde autant que la critique exacte qui distinguent tous les écrits de l’auteur. (Note ajoutée.)

  38. Dupuis a conclu, de ce que le mot ζυγός, balance, se rencontre dans un traité d’Ératosthène ou d’Hipparque (in Petav. Uranol., pag. 256 sq.), que cette constellation était connue avant cet astronome (Origine des Cultes, tom. iii, pag. 338). Mais ce traité où il est dit qu’Orion se lève le 22 juillet, et le Chien le 7 août (c. 2), est de toute nécessité postérieur à l’établissement du calendrier fixe Julien, c’est-à-dire de plus d’un siècle à Hipparque. C’est une compilation rédigée assez tard. J’y trouve déjà le nom de l’écliptique (p. 264 d.), qui ne se lit point ailleurs, avant Achilles Tatius au ive siècle (c. 23. p. 146 c.). Chez les Latins, on ne le rencontre pas avant Servius (ad Æn. x, 216).

    La plus ancienne citation de la Balance, comme astérisme zodiacal, est dans Varron (Ling. lat., vii, pag. 83 Bip.), et dans Geminus, qui vivait à la même époque.

  39. Ad Manil., pag. 371, sq.
  40. — Je connais tout ce que l’on a écrit depuis 1824, en France et dans l’étranger, sur les bas-reliefs mithriaques. Je n’y vois rien qui puisse me faire modifier ce jugement. Je l’appuierai, quand il sera nécessaire, par un Mémoire spécial, dont les résultats ne concordent pas beaucoup avec les explications que l’on essaie maintenant de faire prévaloir. (Note ajoutée.)
  41. Voyez mes Observations sur les représentations zodiacales, pag. 71.
  42. Philos. trans., ann. 1772, pag. 663.
  43. Trans. of the royal asiat. Society of Gr.-Brit., iii, part. i.
  44. Colebrooke, on the Vedas, dans les As. Res., viii, 470.
  45. As. Res., ii, 289.
  46. Colebrooke, Algebra, etc. Notes and illustrat., pag. 42. Aryabhatta, le plus ancien des mathématiciens indiens qui soit cité, a donc pu connaître les écrits de Diophante, dont l’époque n’est pas inférieure à 389 de notre ère, puisqu’il avait eu pour commentateur Hipparchie, la fille de Théon, tuée en 415. Mais il a pu vivre près de deux siècles plus tôt.

    — Je ne dois point laisser ignorer que, dans l’opinion d’un juge bien compétent, l’algèbre indienne ne doit rien aux questions arithmétiques de Diophante. (Libri, Hist. des mathématiques en Italie, tom. i, pag. 133 et suiv.)

    M. de Bohlen (das alte indien, ii, 235) dit que, dans le calendrier des Védas, sont mentionnés les Nakschatras, et « çà et là les douze signes du zodiaque solaire ». Il cite As. Res., viii, 470, 490. Mais à ces deux endroits on ne trouve rien de pareil. Il dit encore que, dans le Ramayana et dans le Bhagavadgita, les douze adityas se rapportent aux douze signes dans le zodiaque (pag. 255) ; mais rien ne prouve que ces douze génies des mois aient quelque chose de commun avec les signes.

    Sur la fin de 1830, j’ai exposé mes idées sur ce point au célèbre M. A.-W. Schlegel, dans des conversations où j’eus occasion d’admirer les vastes connaissances et l’étendue d’esprit de ce grand philologue. Il fut d’abord un peu surpris de ma hardiesse. Son incrédulité céda cependant, je crois, à l’enchaînement des preuves. Il me parut persuadé qu’il chercherait en vain des indices de l’emploi des douze signes dans les monumens indiens, antérieurs à l’influence des Occidentaux. Depuis, M. Stuhr a développé des idées analogues sur l’influence grecque, non-seulement d’après M. Colebrooke, mais d’après un Mémoire inséré dans le tome i des Transactions de Madras, que je n’ai pu me procurer à Paris. (Voyez ses Untersuchungen, etc., c’est-à-dire Recherches sur l’origine et l’antiquité de l’astronomie chez les Indiens, et les Chinois, et sur l’influence des Grecs sur la marche de leur civilisation. Berlin, 1831, pag. 106-112.)(Note ajoutée.)

  47. M. Stuhr, dans l’ouvrage cité (pag. 109), indique un passage des lois de Manou (iv, 69), où il est question du signe de la Vierge. Il le regarde comme une interpolation. Le savant et modeste traducteur français de Manou, M. Loiseleur-Deslongchamps, qui a traduit le passage, sous le signe de la Vierge (pag. 133), convient que le texte ne présente pas le sens de signe. Ce n’est qu’une interprétation des commentateurs. (Note ajoutée.)
  48. M. Colebrooke pense que cette introduction est due à l’influence des Grecs de la Bactriane (Algebra, pag. xxii-xxiv). Mais cet empire doit avoir été détruit à une époque antérieure à l’extension des idées astrologiques à laquelle j’attribue cette introduction.

    — Les étonnantes sculptures des grottes d’Ellora, où l’empreinte du ciseau grec est évidente (si le crayon de M. B. Guy Babington ne les a pas trop flattées), sont probablement de la même époque. Voyez Transactions of the royal as. Society of Great-Britain and Ireland, vol. ii, part. iv, pag. 326-327. (Note ajoutée.)

  49. La Place, Exposition du système du monde, liv. v, chap. i. — Tom. ii, pag. 260. Cinquième édition.
  50. Observations sur les représentations zodiacales, pag. 99.
  51. Je puis prouver qu’elle n’a eu primitivement aucun rapport avec les sept planètes.
  52. xxxvii, 18. — Dans les Observations sur les représentations zodiacales, pag. 99, j’ai donné la vraie explication de la succession des jours de la semaine.
  53. — La Place, qui, sur la fin de sa vie, avait reporté l’activité de son esprit pénétrant sur les questions historiques, sur celles principalement qui avaient rapport à l’astronomie, aimait à faire tomber la conversation sur ce sujet. Cette explication de la correspondance des jours de la semaine, dans l’Inde et en occident, l’avait beaucoup frappé par sa simplicité. Elle lui paraissait donner la solution d’un problème qui l’occupait depuis long-temps. (Note ajoutée.)
    .
  54. Gaubil, Histoire de l’astronomie chinoise, pag. 24-26.
  55. Le même, pag. 122.
  56. L’astrologie judiciaire, qui avait su profiter des progrès de l’astronomie, paraît les avoir ensuite arrêtés. Depuis Ptolémée jusqu’aux Arabes, elle resta presque stationnaire. Il est remarquable que ce fut également, en Chine, l’effet du crédit que l’astrologie avait acquise sous la dynastie des Han. On n’observait plus les phénomènes ; les astronomes donnaient tous leurs soins à chercher les rapports entre le ciel et les actions des hommes. (Gaubil, Observ., etc, pag. 31.)
  57. — Mon illustre ami Champollion assistait à la séance où ces paroles furent prononcées. Dans sa prévention bien naturelle pour l’Égypte, qui était comme sa patrie scientifique, il se montrait peu disposé à accueillir les explications qui tendaient à faire croire qu’elle n’avait pas tout inventé. Il se promit donc bien que, si jamais les circonstances lui permettaient d’aller en Égypte, il saurait y trouver des représentations zodiacales proprement égyptiennes. Lorsque, quatre ans après, il partit pour son mémorable voyage, je lui rappelai sa promesse. À son retour, il fut obligé de convenir qu’il n’avait rien trouvé que des scènes religieuses, analogues à celles que l’on connaissait déjà par le bas-relief du temple d’Hermonthis, qui est du règne de Cléopâtre, et par celui d’un des tombeaux de Thèbes. On y voit figurer, dans des rapports et avec une signification parfaitement inconnus, que chacun peut expliquer à sa guise, divers animaux, qui se trouvent partout, un lion, un bœuf, des crocodiles, un scorpion, etc. Que de pareilles scènes soient religieuses plutôt qu’astronomiques, c’est ce qui résulte de leur uniformité même, sur des monumens d’époques si différentes. Quand il serait certain que les animaux qu’on y voit, y ont été placés comme astérismes de la sphère égyptienne, ce que personne ne peut affirmer, on n’en serait pas moins sûr que ce ne sont point des figures zodiacales, puisqu’ils diffèrent essentiellement par leur pose des animaux du zodiaque des temples égyptiens. Ce ne sont pas là des représentations zodiacales. J’appelle ainsi une succession de plusieurs signes, trois ou quatre, comme le bélier, le taureau, les gémeaux, etc., ou bien encore un seul signe, mais de ceux qui n’existent que dans le zodiaque, comme le Capricorne et le Sagittaire. Or, ni Champollion, ni aucun autre, n’a rien trouvé de tel sur des monumens d’une époque antérieure à la domination grecque. Jusqu’ici, l’annonce qu’on n’en trouverait pas n’a point été démentie. (Note ajoutée.)
  58. Je ne dis pas les colonies égyptiennes, parce que je regarde celles qu’on attribue à Inachus, à Cécrops et à Danaüs, comme des inventions postérieures à l’établissement des Grecs en Égypte sous le règne de Psammitichus.

    — Ce sujet a été traité en détail dans deux leçons au Collége de France, les 7 et 14 mars 1836. (Note ajoutée.)