Océan vers/Ce que je ferais dans une île déserte

VIII

CE QUE JE FERAIS DANS UNE ÎLE DÉSERTE.

STANCES.
29 juin 1818.


Si je possédais par hasard
Une île déserte et tranquille,
Je me dirais, nouveau César :
Je suis le premier de mon île.

J’aurais pour asile un palmier,
Ses fruits pour manger et pour boire,
Et pour écrire mon histoire
Sa feuille en guise de papier.

Bientôt, gardant mes habitudes,
Fier représentant d’Apollon,
Je bâtirais dans mon vallon
Un petit mont pour mes neuf prudes.

Perché sur mon arbre à cocos,
Je haranguerais la nature
En vers, que du moins les échos
Répéteraient sans imposture.


Je verrais, Linus de ces bords,
Les Sagouins, amis des poëtes,
Accourir tous à mes accords,
Pour croquer gaîment mes noisettes.

Je verrais à ma voix bondir
Chevreuils légers, douces gazelles,
Et les canards pour m’applaudir,
Battraient de leurs bruyantes ailes.

Si le vent sifflait trop souvent,
Trop grand pour craindre la satire,
Mieux qu’à Paris je pourrais dire :
Autant en emporte le vent.

Sur les rocs, témoins de ma gloire,
J’écrirais mon nom et mon sort,
Et je serais sûr qu’à ma mort
Les rocs garderaient ma mémoire.


Il manque quatre pages au cahier où Victor Hugo a recopié ces vers ; il se peut qu’ils ne soient pas achevés. (Note de l’Éditeur.)