Obermann (1804 - 2e éd, 1833)
Charpentier (p. 427-432).

NOTES


 
Note A. (Observations.)

Obermann a besoin d’être un peu deviné. Il est loin, par exemple, de prendre un parti définitif sur plusieurs questions qu’il aborde ; mais peut-être conclut-il davantage dans la suite de ses lettres. Jusqu’à présent cette seconde partie manque presque entière.

Note B. (Lettre deuxième.)

Il est à croire que le ciel de Genève ressemble beaucoup à celui des lieux voisins.

Note C. (Lettre deuxième.)

Cette hauteur peut être considérée comme se rattachant aux Alpes, mais difficilement au Jura.

Note D. (Lettre septième.)

On ne sait pas précisément où commence ce qui est ici appelé éther.

Note E. (Lettre vingtième.)

Sans doute l’auteur de ces lettres aurait demandé grâce pour ces détails et pour quelques autres, s’il en avait prévu la publication.

Note F. (Même lettre.)

Cette circonstance du tonneau est contestée pour plusieurs raisons.

Note G. (Lettre trente-huitième.)

On a fait plusieurs essais de paroles adaptées à cette marche des pasteurs. Un de ces morceaux, en patois de la Gruyère, contient quarante-huit vers :

Les armaillis di Columbette
Dé bon matin sé son léva, etc.

Une de ces sortes d’églogues, composée, dit-on, dans l’Appenzel, en langage allemand, finit à peu près ainsi : « Retraites profondes, tranquille oubli ! O paix des hommes et des lieux, ô paix des vallées et des lacs ! pasteurs indépendants, familles ignorées, naïves coutumes ! donnez à nos cœurs le charme des chalets et le renoncement sous le ciel sévère. Montagnes indomptées ! froid asile ! dernier repos d’une âme libre et simple ! »

Note H. (Lettre quarante-troisième.)

L’auteur ne dit pas expressément ce qu’il entend ici par religion, mais on voit qu’il s’agit en particulier de la croyance des Occidentaux.

Note I. (Lettre soixante-deuxième.)

À cette lettre était joint ce qui suit : « Le Manuel me fait souvenir de quelques autres morceaux que m’a aussi communiqués le même savant. Ses recherches avaient moins pour objet ce qu’il pouvait trouver précieux que ce qui lui paraissait original ou même bizarre.

« Voici le plus court de ces morceaux de littérature, ou, voulez, de philosophie étrange.

« Examinez toutefois : il se peut que les aperçus d’un homme du Danube ne s’éloignent pas de la vérité :


CHANT FUNÈBRE D’UN MOLDAVE.
Traduit de l’esclavon.

« Si nous sommes émus profondément, aussitôt nous songeons à quitter la terre. Qu’y aurait-il de mieux, après une heure de délices ? Comment imaginer un autre lendemain à de grandes jouissances ? Mourons, c’est le dernier espoir de la volupté, le dernier mot, le dernier cri du désir.

« Si vous désirez vivre encore, contenez-vous ; suspendez ainsi votre chute. Jouir, c’est commencer à périr ; se priver, c’est s’arranger pour vivre. La volupté apparaît à l’issue des choses, à l’un et à l’autre terme ; elle communique la vie, et elle donne la mort. L’entière volupté, c’est la transformation.

« Comme un enfant, l’homme s’amuse de peu de chose sur la terre, mais enfin sa destination est de choisir parmi ce qu’elle offre. Quand ces choix sont accomplis, c’est la mort qu’il veut voir ; ce jeu longtemps redouté pourra seul désormais lui faire impression.

« N’avez-vous jamais désiré la mort ? C’est que vous n’avez pas achevé l’expérience de la vie. Mais si vos jours sont faciles et voluptueux, si le sort vous poursuit de ses faveurs, si vous êtes au faîte, tombez ; la mort devient votre seul avenir.

« On aime à s’approcher de la mort, à se retirer, à la considérer de nouveau, jusqu’à ce que la saisir paraisse une forte joie. Que de beauté dans la tempête ! C’est qu’elle promet la mort. Les éclairs montrent les abîmes, et la foudre les ouvre.

« Quel plus grand objet de curiosité ? Quel besoin plus impérieux ? Il est fini pour chacun de nous, selon ses forces, l’examen des choses du monde. Mais derrière la mort se trouve la région immense avec toute sa lumière, ou la nuit perpétuelle.

« Ils redoutent moins la mort, les hommes d’un grand caractère, les hommes de génie, les hommes qui sont dans la force de l’âge. Serait-ce parce qu’ils ne croient pas à la destruction malgré leur indépendance, et que d’autres y croient malgré leur foi ?

« La mort n’est pas un mal, puisqu’elle est universelle. Le mal, c’est l’exception aux lois suprêmes. Réunissons sans amertume ce qui est nécessairement notre partage. Comme accident, et lorsqu’elle étonne, la mort peut affliger ; quand on y arrive naturellement, elle est consolante.

« Attendons et puis mourons. Si la vie actuelle n’est qu’une sujétion, qu’elle finisse ; si elle ne conduit à rien, s’il doit être inutile d’avoir vécu, soyons délivrés de ce leurre. Mourons, ou pour vivre réellement, ou pour ne plus feindre de vivre.

« La mort reste inconnue. Lorsque nous l’interrogeons, elle n’est pas là ; quand elle se présente, quand elle frappe, nous n’avons plus de voix. La mort retient un des mots de l’énigme universelle, un mot que la terre n’entendra jamais. »

Condamnerons-nous ce rêveur du Danube ? Mettrons-nous au nombre des vaines fantaisies de l’imagination toute idée étrangère à une frivolité dont la multitude ne veut pas sortir ?

Peut-être, dans ces moments où semble commencer une heure de sommeil dans les campagnes, vers midi, peut-être avez-vous éprouvé une impression indéfinissable, heureux sentiment d’une vie chancelante, pour ainsi dire, mais plus naturelle et plus libre. Tous les bruits s’éloignent, tous les objets échappent. Une pensée dernière se présente avec tant de vérité qu’après cette sorte d’illusion demi-vivante, imprévue et fugitive, il ne peut y avoir rien, si ce n’est l’entier oubli, ou un réveil subit.

Nous aurions à remarquer surtout de quoi se composent alors ces rapides images. Souvent une femme apparaît. Il ne s’agit pas de grâce ordinaire, de charme prolongé, de voluptueuse espérance. C’est plus que le plaisir, c’est la pureté de l’idéal ; c’est la possession entrevue comme un devoir, comme un simple fait, comme une entraînante nécessité. Mais le sein de cette femme exprime avec énergie qu’elle nourrira. Ainsi est accomplie notre mission. Sans trouble et sans regret nous pourrions mourir. Donner la vie et franchir, en fermant l’œil, les bornes du monde connu, voilà peut-être ce qu’il y a d’essentiel ici dans notre destination. Le reste ne serait qu’un moyen assez indifférent de consumer les autres minutes pour arriver au but.

Je ne dis pas que ce léger rêve, dans les instants dont nous parlons, que cette figure abrégée de la vie, au milieu du tranquille oubli de tant de choses, que cette paisible et puissante émotion soit la même chez la plupart des hommes. Je l’ignore ; mais enfin elle ne m’est pas particulière, sans doute.

Transmettre la vie et la perdre, ce serait dans l’ordre apparent notre principal office sur la terre. Cependant je demanderai s’il n’est plus de songes dans le dernier sommeil ? Je demande si réellement la loi de mort sera inflexible ? Plusieurs d’entre nous ont vu se fortifier à quelques égards leur intelligence : ne pourraient-ils résister quand d’autres succombent ?

Note K. (Lettre soixante-troisième.)

Il faut redire ici que, sauf les additions désignées comme telles, l’édition présente diffère peu de la première.

Note L. (Lettre soixante-septième.)

On peut douter que la vigne ait jamais donné quelque produit dans ce vallon.

Note M. (Lettre soixante-huitième.)

L’anecdote connue à laquelle ceci paraît faire allusion n’a rien d’authentique.

Note N. (Lettre quatre-vingt-neuvième.)

Il paraît que cette lettre devait se terminer comme il suit :

« ..... Quand le songe de l’aimable et de l’honnête vieillit en notre pensée incertaine ; quand l’image de l’harmonie descend des lieux célestes, s’approche de la terre, et se trouve enveloppée de brumes et de ténèbres ; quand rien ne subsiste de nos affections ou de notre espoir ; quand nous passons avec la fuite invariable des choses et dans l’inévitable instabilité du monde ! mes amis ! elle que j’ai perdue, vous qui vivez loin de moi ! comment se féliciter du don d’existence ?

« Qu’y a-t-il qui nous soutienne réellement ? Que sommes-nous ? triste composé de matière aveugle et de libre pensée, d’espérance et de servitude ; poussés par un souffle invisible malgré nos murmures ; rampants à la vue des clartés de l’espace sur un sol immonde, et roulés comme des insectes dans les sentiers fangeux de la vie, mais, jusqu’à la dernière chute, rêvant les pures délices d’une destination sublime. »
Note O. (Dernière lettre.)

À cette époque, Obermann avait peut-être quitté Imenstròm. Peut-être aussi, sans avoir été obligé de rentrer dans les villes, regrettait-il le mouvement si champêtre des grandes métairies. Les pâturages des Alpes septentrionales et des hautes Alpes sont souvent dans des situations très-pittoresques ; mais on n’y connaît qu’une récolte, et on n’y fait toute l’année qu’une même chose.

FIN.


PARIS. – IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D’ERFURTH, 1.