Novum Organum (trad. Lasalle)/Conclusion

Novum Organum
Conclusion
Traduction par Antoine de La Salle.
Œuvres6 (p. 304_Conclusion-309).

Conclusion et résumé, ou esquisse de toute la partie qui traite des prérogatives des faits ou exemples.
LII.

Nous terminerons ici ce que nous avions à dire sur les prérogatives des faits ou exemples. Nous devons avertir, en finissant, que notre Organum n’est qu’une simple logique, et non un traité de philosophie positive. Cependant, le but de cette logique étant de diriger l’entendement, et de lui apprendre, non à s’accrocher, pour ainsi dire, à de vaines abstractions et à poursuivre des chimères, comme la logique vulgaire, mais à saisir la nature et à l’analyser, à découvrir les vraies propriétés des corps, leurs actions réelles et bien déterminées dans la matière, en un mot, à acquérir une science qui ne découle pas seulement de la nature de l’esprit, mais aussi de la nature même des choses ; on ne doit pas être étonné de voir cet ouvrage semé et enrichi d’observations, d’expériences et de vues qui appartiennent à la science de la nature, et qui, en éclaircissant nos préceptes, sont comme autant de modèles de notre marche philosophique. Or, ces prérogatives des faits ou exemples, comme on l’a vu, sont comprises sous vingt-sept noms ; savoir : les exemples solitaires, les exemples de migration, les exemples ostensifs, clandestins, constitutifs, conformes, monadiques, les exemples de déviation, de limite, de puissance, d’accompagnement ou d’exclusion, les exemples subjonctifs, les exemples d’alliance, les exemples de la croix, de divorce, de la porte, de citation, de route ou de passage, de supplément, de dissection, de radiation, de cours, les doses de la nature, les exemples de lutte ou de prédominance, les exemples d’indication, les exemples polychrestes, enfin, les exemples magiques. Or, voici en quoi consiste l’utilité de ces exemples, et leur avantage sur les exemples ordinaires.

En général, ils ont pour objet, ou la partie informative (la théorie), ou la partie opérative (la pratique).

Et quant à la partie informative, ils prêtent secours ou aux sens, ou à l’entendement : aux sens, comme les cinq classes d’exemples de la lampe : à l’entendement, ou en accélérant l’exclusive de la forme, comme les solitaires ; ou en resserrant dans un plus petit espace et indiquant de plus près l’affirmative de la forme, comme les exemples de migration, les exemples ostensifs et ceux d’accompagnement ou d’exclusion, joints aux exemples subjonctifs ; ou en élevant l’entendement et le conduisant aux genres, aux natures communes, soit immédiatement, comme les exemples clandestins, monadiques et d’alliance ; soit par l’indication des classes immédiatement inférieures, comme les exemples constitutifs ; soit enfin par l’indication des espèces du dernier ordre, comme les exemples conformes ; ou en rectifiant l’entendement et le dégageant des entraves de l’habitude, comme les exemples dévians, ou en le conduisant à la grande forme ; c’est-à-dire, à la connoissance de la constitution et de la structure de l’univers, comme les exemples limitrophes ; ou, enfin, en le mettant en garde contre les fausses formes et les causes imaginaires, comme les exemples de la croix et de divorce.

Quant aux exemples qui se rapportent à la partie opérative ; leur avantage est de mettre sur la voie de la pratique, ou de déterminer les mesures, ou de faciliter l’exécution. Ils mettent sur la voie de la pratique, soit en montrant par où il faut commencer, et empêchant d’entreprendre ce qui a déjà été exécuté, comme les exemples de puissance ; soit en indiquant ce à quoi l’on peut aspirer, eu égard aux moyens dont on dispose, comme les exemples indicatifs. Ils déterminent les mesures, comme ces quatre classes d’exemples que nous avons qualifiées de mathématiques. Enfin, ils facilitent l’exécution, comme les exemples polychrestes et magiques.

De plus, parmi ces vingt-sept classes d’exemples il en est dont il faut se pourvoir et faire une collection dès le commencement, sans attendre qu’on en soit à la recherche spéciale de la forme de telle on telle nature. De ce genre sont les exemples monadiques, de conformité, de déviation, limitrophes, de puissance, de la porte, indicatifs, polychrestes et magiques. Car les exemples de cette nature appuient, dirigent ou rectifient les sens et l’entendement ; ou, en général, facilitent l’exécution en enrichissant la pratique de nouveaux moyens et de nouveaux procédés. Quant aux autres espèces d’exemples, il sera temps de les rassembler lorsque nous dresserons des tables de comparution, pour appliquer la méthode d’interprétation à telle nature particulière dont nous chercherons la forme ou cause essentielle. Les exemples doués et, pour ainsi dire, décorés de ces prérogatives, étant combinés avec les exemples vulgaires, en sont, pour ainsi dire, l’âme ; et, comme nous l’avons dit en commençant, un petit nombre de ces exemples choisis tient lieu d’une multitude d’exemples pris au hazard. Ainsi, lorsqu’il sera question de la composition des tables, on n’épargnera aucun soin pour multiplier ces exemples, et les ranger avec ordre dans ces tables. Il faudra aussi leur donner place dans les ouvrages suivans, où ils ne seront pas moins nécessaires. Ainsi, nous devions faire marcher devant, le traité dont ces exemples font le sujet[1].

  1. Nous avons cru devoir retrancher la fin de cet épilogue, où nous n’avons trouvé que l’annonce de certains ouvrages non exécutés, et déjà annoncés dans sa préface, avec une espèce d’oremus que le lecteur nous saura gré sans doute de lui avoir épargné, et dont le but, selon toute apparence, étoit d’engager les prêtres à lui pardonner son génie. La meilleure prière qu’on puisse faire, en finissant un ouvrage, c’est de travailler à en donner un meilleur, C’est celle que nous fe rons, ou tâcherons de faire bientôt.