Nouveaux Voyages en zigzag/Voyage à Gênes/27
XXVIIe, XXVIIIe ET XXIXe JOURNÉES.
Arrivé à Grenoble, M. Töpffer, encore indigné de la scène d’hier au soir, s’en va faire à la préfecture un petit bout de plainte qui y est fort bien reçu, en sorte que l’escouade de Vizille sera convenablement semoncée.
Dès ici nous rentrons dans notre route de l’an passé, en sorte que, sans nous arrêter nulle part, nous allons de nos trois dernières journées n’en faire qu’une. D’ailleurs, la pluie, qui ne nous quitte plus jusqu’aux portes de Genève, nous force de prendre des voitures : plus de marche ; partant, plus de descriptions et plus d’aventures.
Au Touvet, on nous demande si nous faisons maigre. — Non. Et l’on nous sert maigre également. Ce n’était pas la peine de demander.
Aux Marches, le chef de la douane voit entre nos mains Mes Prisons, de Silvio Pellico. « Cette édition, nous dit-il, est prohibée, à cause d’une note insultante pour notre roi, et je serais en droit de la saisir… Mais vous n’en savez probablement rien, et ce n’est pas la peine d’être rigoureux. » Après quoi il se met à discourir avec beaucoup de goût sur les divers écrits de cet auteur, et nous le quittons tout raccommodés avec les douanes.
Quatre ou cinq des voyageurs sont répartis entre les trois sièges de nos voitures. Pour que la pluie ne finisse pas par les fondre en eau, on les empaille. C’est d’un effet charmant, et quand, pour se réchauffer, ils font un bout de marche, à voir ces fantômes, il y a de quoi rejeter sur la France et sur la Suisse tous les moineaux de la Savoie.
Voici le Châble, voici Salève, voici le lac et ses beaux rivages, voici le logis où nous rentrons avec deux malades guéris et une riche besace de souvenirs.