Nous tous/Un Jeune Homme

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Nous tousG. Charpentier et Cie, éd. (p. 143-145).
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LIII

UN JEUNE HOMME


Le Dernier Né de Monselet
Pousse de grands éclats de rire.
Ah ! pour un vrai démon, ce l’est
On voit bien qu’il a de quoi frire.

Il n’a jamais avec Dante eu
De relation bien intime,
Mais il a trouvé chez Dentu
L’honneur, et l’argent et l’estime.

Le Dernier Né de Monselet
Est plein de joie et de caprices ;
Ce n’est pas pour boire du lait
Qu’il cherche les seins des nourrices.


Et cependant, ce tout petit
A soif, comme l’Afrique noire,
Et doué d’un large appétit,
Il boit, pour avoir soif de boire.

Il sait par cœur son rituel
Et comme le vin rouge opère ;
De plus, il est spirituel
Et très sage, comme son père.

Il chante gaiement sa chanson
Pour complaire au fils de Latone,
Mais il dit à son échanson :
Apportez la cruche et la tonne !

Il dit, plein d’un espoir divin :
Diantre soit des fureurs d’Oreste !
Je vais d’abord goûter ce vin :
D’autres en boiront, s’il en reste.

Frais et rose comme un glaïeul,
En sa naïveté première,
Il saurait, comme son aïeul,
Verser des torrents de lumière.


S’il boit plus qu’il n’en peut porter,
Ce bel enfant que rien n’entame,
En sera quitte pour monter
Dessus les tours de Notre-Dame.


1er  février 1884.