Nous tous/Trop de Temps

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Nous tousG. Charpentier et Cie, éd. (p. 131-134).
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XLIX

TROP DE TEMPS


Acteurs mélodieux
Qu’un sage évite,
De grâce, au nom des Dieux,
Parlez plus vite.

Ah ! soyez pétulants !
Marchez, statues !
Mais vous êtes plus lents
Que des tortues.

Lui qui voudrait fuir vers
Les cieux farouches,
Le vers ailé, le vers
Meurt sur vos bouches.


Les drames sont troublés
Entre vos griffes,
Et tous vous ressemble
À des pontifes.

Car, étant officiers
D’académie,
Tous vous officiez,
L’âme endormie.

Vous bravez le courroux
Du bleu Permesse,
Et l’on croirait que vous
Dites la messe.

Hâte-toi, damoiseau
Trop bénévole !
La Muse est un oiseau
De feu, qui vole,

Et fuit au ciel obscur,
Dans l’ombre immense
Où le gouffre d’azur
Est en démence.


Elle brave les cris
Et les huées,
Et lit les mots écrits
Dans les nuées,

Et du vague Inconnu
Perce les voiles,
Et plonge son front nu
Dans les étoiles.

Suivant l’aigle aux yeux clairs
Jusqu’à son aire,
Elle atteint les éclairs
Et le tonnerre.

Mais toi, bourreau têtu,
Dont le pied marche
Toujours, comme si tu
Portais une arche ;

Tu vas embarrassé,
Traînant la guêtre,
Comme un chien harassé
Qui suit son maître


Et peine, et sent encor
Gonfler sa rate,
Et sur le sable d’or
Traîne la patte !


25 janvier 1884.