Notre-Dame-de-Lorette de la Colombie

notre-fame de lorette de la colombie

« . . . . . . L’église de Chiquinquira est bâtie sur un plan régulier : l’intérieur en est fort simple. Je m’étais imaginé que j’y verrais entassés les trésors des rois et des peuples ; je n’y trouvai que quelques lames d’argent qui recouvrent l’autel ; celui-ci était garni de fleurs, et des cassolettes exhalaient des parfums qui embaumaient toute l’église. L’image de la Vierge est placée derrière deux rideaux de soie brochée d’or.

» Un sacristain me les ouvrit en tremblant, et je vis bien à mon aise l’image sacrée ; c’est une toile peinte où l’on a, sans talent, représenté une femme debout : on voit à ses côtés saint Antoine et saint André. L’image que l’on montre aujourd’hui est neuve : par un miracle tout divin, on l’a trouvée à la place d’une autre peinture qui commençait à tomber en lambeaux.

» Aumônes, offrandes, dons, tout arrive en abondance, depuis décembre jusqu’en avril, dans la caisse des dominicains chargés de ce précieux dépôt. De nombreux ex voto ne pendent pas, comme dans nos églises, à la voute du temple ; de riches étoffes n’encombrent pas, comme à la Mecque, le sanctuaire ; les offrandes se renferment dans des coffres, qui doivent se remplir en bien peu de temps, puisqu’il ne se dit pas de messe au-dessous de six piastres, et que les habitans riches qui accourent de Popayan et de Giron pour remercier la Vierge de la guérison d’un fils, donnent quelquefois plus de cent piastres.

» Les pontifes de ce temple mènent une vie fort heureuse dans le couvent qu’ils ont bâti tout près de l’église ; ils sont douze ou quatorze à la fois ; on les remplace par semestre ; ils ne sont pas oisifs néanmoins au milieu de tant de richesses ; l’administration des fonds que la piété verse dans leurs mains exige beaucoup de soins : on les emploie avec sagesse ; on en destine une partie à agrandir le couvent, à décorer l’église, et surtout à étendre les revenus déjà considérables de trois fermes qui appartiennent à la vierge de Chiquinquira. L’attachement que les dominicains montrent pour cette précieuse relique est donc bien naturel, et on ne peut les blâmer d’avoir refusé les offres que le clergé séculier de Bogota leur a faites de l’affermer pour quarante mille piastres.

» Cervière, officier français au service de la Colombie, crut que, s’il s’emparait de cette image sacrée, tous les peuples viendraient l’adorer dans le lieu où il la placerait et que, nouveau pontife, il recueillerait ainsi les offrandes ; il se trompa : on eut en horreur le profane, et l’on ne vint pas. Cervière fut mis en déroute à quelque distance de Bogota, où il s’était retiré, et songeant plus à s’échapper qu’à sauver ce nouveau labarum, il l’abandonna à Cakésa ; les dominicains désolés allèrent l’y chercher, et le rapportèrent en grande pompe à Chiquinquira, où la foule a continué depuis à venir en pélerinage. »

B…