Notice sur la vie et les travaux de Léon Vanderkindere


Notice sur la vie et les travaux de Léon Vanderkindere
Annuaire de l’Académie royale de Belgique
T. LXXIV, p. 73-107
1908


NOTICE
SUR
LA VIE ET LES TRAVAUX
DE
LÉON VANDERKINDERE
MEMBRE DE L’ACADÉMIE
né à Molenbeek-Saint-Jean le 22 février 1842, mort à Uccle
le 9 novembre 1906
[1].


C’est comme historien que Léon Vanderkindere est entré à l’Académie et qu’il y a, durant vingt-trois ans, apporté à la Classe des lettres une collaboration si active et si précieuse. Pourtant, l’histoire ne l’avait pas attiré dès l’abord. Il n’y est même venu, si l’on peut ainsi dire, que par hasard. Mais aussitôt qu’il s’y fut adonné, sa vigoureuse intelligence s’en éprit fortement. Elle a occupé une place de plus en plus considérable dans sa vie si remplie. Et il est intéressant encore de constater que, par une évolution singulière, Vanderkindere, après avoir débuté par de larges études de synthèse, s’est plongé ensuite d’une ardeur sans cesse croissante, dans la solution des problèmes spéciaux les plus ardus et dans la pratique de l’érudition pure. Son œuvre historique, dont le premier grand ouvrage est cette brillante fresque qui s’appelle le Siècle des Artevelde, s’est close, trop tôt hélas ! par les minutieuses et pénétrantes analyses de la Formation des principautés belges au moyen âge. Nous aurons à rechercher plus loin les motifs de ce changement d’attitude. Mais il fallait l’indiquer en commençant comme le trait le plus caractéristique peut-être de l’activité intellectuelle de Vanderkindere, et aussi comme la meilleure preuve du besoin passionné d’exactitude et de clarté qui fut l’un des traits les plus saillants de son esprit.


I


Léon Vanderkindere naquit le 22 février 1842 à Molenbeek-Saint-Jean. Son père, Albert Vanderkindere, appartenait à cette bourgeoisie riche qui constitua durant longtemps l’appui le plus solide du parti libéral. Il prit une part active à la vie politique. Délégué au Congrès libéral de 1846 par le canton de Molenbeek, il siégeait déjà à cette époque sur les bancs de la gauche au Conseil provincial du Brabant, dont il fit partie de 1844 à 1850, et de 1856 jusqu’à sa mort, en 1859. Il remplit de plus les fonctions de bourgmestre de Molenbeek-Saint-Jean de 1842 à 1848, et depuis 1854, celles de bourgmestre d’Uccle, où il avait d’importantes propriétés. Le jeune Vanderkindere reçut donc dès ses premières années, la double empreinte qu’il conserva jusqu’au bout. Il tint pour ainsi dire de naissance et son libéralisme et cet intérêt pour la chose publique qui devait toujours l’empêcher de devenir un pur savant de cabinet, un érudit ne trouvant dans les textes que des mots au lieu d’y voir le reflet même de la vie.

Il fut durant ses premières années un enfant peu expansif, replié sur soi-même et d’une timidité dont l’homme fait ne parvint jamais à se défaire complètement et qu’il s’appliqua à dissimuler sous un masque de froideur Les brillantes qualités de son esprit demeuraient cachées. Elles commencèrent à se révéler au cours de ses études moyennes, qu’il fit à l’Athénée de Bruxelles. Doué d’une curiosité universelle, il s’appliqua également à toutes les branches qu’on lui enseignait. Il suivit avec la même application les cours de sciences naturelles et ceux de lettres et de langues anciennes. Ses connaissances en botanique – science pour laquelle il conserva toute sa vie une prédilection marquée, que son beau jardin d’Uccle lui permit de satisfaire et qui le reposait de ses multiples travaux – étonnaient chez un adolescent. En 1859. il terminait brillamment la première phase de ses études, en obtenant au concours général de la rhétorique le premier prix de composition française et le premier prix de version grecque.

C’est ainsi préparé qu’il entra, la même aimée, à l’Université de Bruxelles, pour y faire son droit. Il y trouva un milieu singulièrement actif et vivant. « Quand je m’assis sur les bancs de la candidature en philosophie, nous a-t-il raconté lui-même, Verhaegen vivait encore ; à ses côtés se trouvaient quelques-uns des créateurs de l’œuvre de 1834 ; le corps professoral, en grande partie renouvelé, était pénétré de la foi libérale des premiers jours ; tous pratiquaient un véritable apostolat : Altmeyer, cet évocateur à la parole vibrante et originale, Tiberghien, qui enseignait la philosophie du libéralisme, Van Bemmel qui, sous une forme plus douce, n’avait ni moins d’enthousiasme ni moins de fermeté. Profonde était l’impression que ces maîtres exerçaient sur les jeunes esprits. » Elle le fut surtout sur celui de Vanderkindere. À la parole de ses maîtres son libéralisme familial devint une doctrine consciente d’elle-même, une véritable philosophie non seulement politique, mais aussi morale. Elle lui donna la règle de vie à laquelle il devait jusqu’au bout rester fidèle. La liberté lui apparut, dès lors, dans tous les domaines, en religion, en morale, en politique comme dans l’ordre économique, la condition essentielle du développement de l’humanité, le but suprême à atteindre et duquel dépendaient à la fois la dignité et la valeur de l’individu. Dès lors, tout ce qui s’oppose à elle – en dehors de la liberté d’autrui – doit être également condamné. Une Église hiérarchisée, un État centralisateur doivent disparaître comme des entraves barrant la route au progrès. En vertu d’une nécessité logique de sa philosophie. Vanderkindere sera donc nettement anticlérical, et il sera aussi, du moins pendant assez longtemps anti-français. La France ne vient-elle point, en effet, au moment où il s’éveille à la pensée, de subir le coup d’État de Napoléon III ; n’est-elle point tombée dans le plus complet despotisme et ne s’en accommode-t-elle pas avec une résignation que l’on pourrait prendre pour de la reconnaissance ?

Suivant les tempéraments, des doctrines aussi nettes, une foi aussi profonde poussent les hommes à l’action ou à l’étude. Les uns éprouvent le besoin impérieux de faire triompher des idées qui leur apparaissent avec le caractère de vérités évidentes ; les autres, regardant en eux-mêmes plutôt qu’au dehors, songent tout d’abord à compléter, si l’on peut dire, leurs convictions, à les enrichir, à les éprouver, à en rechercher les raisons profondes à en examiner les conséquences. C’est à ceux-ci qu’appartenait Vanderkindere. Son libéralisme ne le conduisit point, comme tant de ses brillants contemporains dont il fut le condisciple ou l’ami, à l’action politique directe. Il lui servit pour ainsi dire de ressort pour bander son activité intellectuelle ; la force qu’il mettait en lui s’appliqua tout de suite à l’étude.

Dès la candidature en philosophie, il songe, tout en préparant ses examens, à entreprendre un travail sur l’œuvre de Jacques Van Maerlant. D’où vient ce choix ? C’est qu’il voit dans le poète de Damme le prophète de la démocratie flamande, l’ennemi des princes, le barde de cette démocratie urbaine qui a vaincu à Courtrai et dans laquelle il salue l’héroïque défenseur de la liberté contre le despotisme. Ce travail projeté, d’ailleurs, il ne l’écrivit pas. Mais il était utile d’en relever ici le dessein. Ne peut-on pas le considérer, en effet, comme la première ébauche, dans l’esprit du jeune étudiant, de ce Siècle des Artevelde que l’homme mûr devait écrire ?

Les études juridiques semblent avoir exercé moins d’action sur Vanderkindere que son premier contact avec les lettres et la philosophie. L’enseignement technique, professionnel, qu’il trouva dans la faculté de droit ne convenait point à un esprit aussi curieux, aussi avide de connaître. Sans doute, son intelligence développa encore, par la casuistique juridique, les qualités natives de précision et le besoin d’exactitude et de netteté dont nous parlions plus haut. Mais il ne montrait plus l’ardeur que ses premiers maîtres lui avaient communiquée. Il eut hâte, après avoir conquis son diplôme de docteur en droit (1863), de retourner à ses premières études. Il s’inscrivit au doctorat en philosophie et lettres dont il sortit, en 1865, avec la plus grande distinction.

L’ancien programme de nos doctorats en philosophie avait, on le sait, un caractère encyclopédique. Il ouvrait aux étudiants le champ de la philologie et de la philosophie, mais sans leur apprendre à en labourer par eux-mêmes aucune partie. On en sortait l’esprit orné, on n’en sortait point capable de travail scientifique. J’ajoute, puisqu’il s’agit ici d’un historien, que par une bizarrerie assez inexplicable, l’histoire était absente de ces études. Le législateur qui, en Belgique, impose à la fois aux universités le programme des examens, ce qui est légitime, et le programme des cours, ce qui cesse de l’être, avait visiblement considéré l’histoire comme un genre littéraire accessible à tout homme cultivé sans qu’il fût pour cela besoin d’une préparation quelconque. Et en fait, tous les historiens de notre pays n’avaient-ils pas été jusqu’alors des autodidactes ?

Vanderkindere ne put donc s’initiera l’Université à ce métier d’historien dans lequel il devait exceller plus tard. Il était également curieux de tout. « Je m’occupais successivement, nous dit-il, d’histoire, de philosophie, de philologie ; je flirtais tantôt avec l’une, tantôt avec l’autre ; je n’avais contracté d’union durable avec aucune de ces disciplines. » Bref, il ne se spécialisait pas – et il l’a plus tard déploré ; – mais devons-nous le déplorer avec lui ? Je ne sais. Sans doute, la spécialisation de l’enseignement est chose excellente, et les résultats qu’elle a produits dans notre pays depuis qu’on l’y a introduite sont là pour l’attester. Mais ne risque-t-elle pas pourtant, en soumettant trop tôt les jeunes hommes à une discipline un peu étroite, d’énerver chez eux la spontanéité, la fantaisie créatrice, le goût des idées générales, et d’obscurcir, par une érudition prématurée, le spectacle même de la vie ? Bienfaisante pour la moyenne des intelligences, ne présente-t-elle aucun danger pour les esprits les plus vigoureux ? Or, Vanderkindere était de ceux-là, et faut-il regretter que, capable d’embrasser de vastes horizons, il se soit laissé aller au plaisir qu’il y éprouvait, qu’il ait meublé sa mémoire d’une foule de connaissances variées qu’il avait la force de synthétiser et d’organiser, qu’il ait enfin consacré à lire des philosophes le temps qu’il eût pu employer à discuter des textes et à critiquer des sources ? Lorsque, en 1865, il quitta le doctorat en philosophie et lettres, il n’était certes pas un érudit. On ne lui avait jamais parlé ni de paléographie ni de diplomatique, et il ignorait aussi profondément que tout le monde autour de lui. ce qu’est un séminaire historique. De tout cela devait, plus tard, résulter pour lui, bien du temps perdu, bien des difficultés, çà et là, peut-être, dans ses œuvres, quelques défauts de méthode qu’un enseignement plus pratique lui eût sans doute évités. Mais il avait beaucoup lu, beaucoup réfléchi, envisagé les plus hautes questions sur lesquelles l’homme puisse penser, et qui nous dira si un dressage plus strict ne lui eût point fait perdre quelques-unes des qualités qui justement le distinguent ?

À quoi songeait-il alors à les employer ? Lui-même sans doute eût été fort embarrassé de répondre à la question. Il ne semble pas qu’il ait pensé bien sérieusement à se consacrer au barreau. Riche et n’étant pas obligé de choisir une carrière lucrative, il se préparait plutôt, tout en continuant ses études, à la vie politique. Et comment en eût-il pu être autrement puisque l’enseignement tel qu’il existait alors n’avait pu faire de lui un technicien de la science ? Mais il envisageait de haut les affaires publiques. Son libéralisme philosophique, s’il lui désignait le parti dans lequel il devait se classer, lui laissait d’autre part l’indépendance intellectuelle que ne peuvent pas, que ne doivent pas peut-être, posséder les politiciens de profession. Ce qui l’attirait, ce n’étaient point les querelles des groupes se disputant le pouvoir : c’étaient les grandes réformes à accomplir pour amener le pays à l’idéal qu’en ces années de jeunesse il rêvait pour lui. Dès 1862, avant même d’avoir pris le titre de docteur en droit, il entrait au Cercle littéraire, fondé par quelques jeunes hommes animés d’espoirs analogues au sien et qui, en grand nombre, ont joué plus tard dans la nation un rôle considérable, les Hector Denis, les Émile Féron, les Charles Buls, et bien d’autres. La petite brochure verte tirée à cinquante exemplaires et qui renferme le résumé des discussions du Cercle du 1er février 1862 au 13 mai 1864, atteste l’ardeur que Vanderkindere y apporta. Elle nous le montre prenant la parole dans presque toutes les séances et faisant inscrire à l’ordre du jour les questions suivantes : Quelle doit être l’éducation des femmes ? Quelle est la situation actuelle de la Belgique ? Quelle est sa valeur politique ? Quelle est la voie qu’elle doit suivre ? L’homme qui n’a pas de religion positive, où peut-il trouver un appui dans le malheur ? De l’influence démoralisatrice de l’art sur la société. Quel doit-être le rôle d’une capitale ?

Toutes ces questions se distinguent, on le voit, par leur caractère théorique. Elles rentrent plutôt dans le domaine de la morale et de la sociologie que dans celui de la politique. Et la manière dont elles sont développées trahit, chez leur auteur, un caractère foncièrement intellectuel, aux convictions nettes et d’un tour légèrement dogmatique. Il s’y révèle un esprit orienté exclusivement vers la science, lui demandant tout à la fois le bonheur social et le bonheur individuel, la considérant enfin comme une véritable religion, seule capable de mettre l’homme en communion avec la divinité et de lui donner « la liberté complète de la vie de l’âme ». Dans cet enthousiasme sincère pour la science, source de tout bien, le jeune homme de vingt et un ans qu’est alors Vanderkindere ne craint pas de lancer un véritable anathème au sentiment et à l’art qu’il inspire. « Ce qui s’oppose à la diffusion de la libre pensée, c’est le sentiment. Son influence se fait sentir dans toute question et nuit à la vérité ; il faut réagir contre sa prépondérance. La culture trop exclusive de l’art aux dépens de la science mène aux plus tristes résultats. La destination de l’artiste n’est pas de faire de l’art pour l’art, sans tenir compte de son influence, sans avoir ni but ni intention. Puisque l’art conduit à certains résultats, il doit être réfléchi et l’on ne peut, oubliant sa haute mission, prodiguer les fantaisies dans la société. Beau est loin d’être synonyme de bien ; l’antiquité s’est trompée en disant que le beau est la splendeur du bien. Il ne faut pas se laisser entraîner par l’attraction de l’esprit vers le beau ; cette tendance peut être dangereuse et mener à l’aveuglement, si l’éducation et la science ne viennent la tempérer... Je ne nie pas la beauté de l’art, mais il n’est qu’une manifestation intellectuelle d’un ordre inférieur ; il doit animer la science. C’est à celle-ci et à la pensée qu’il appartient de dominer ; le sentiment et l’art doivent être vivifiés par elles, et rester ainsi dans les limites de leur destination, qui est de porter des remèdes aux maux de la société et d’améliorer sa situation[2]. »

On excusera cette longue citation de paroles juvéniles. Sans doute, Vanderkindere eût souri lui-même dans son âge mûr de l’exagération de leurs termes. Mais il n’en reste pas moins incontestable qu’elles font saisir une tendance permanente de sa pensée, et que, jusqu’au bout, il est resté fidèle à ce culte de la vérité et de la science qu’il proclame ici avec l’énergie – et peut-être l’intolérance – d’une foi sincère et profonde. Une telle tournure d’esprit à un tel âge n’est pas chose banale ; elle suffit à témoigner de la vigueur intellectuelle du jeune Vanderkindere.

Son adhésion également entière et un peu intempérante à la théorie des races lui constitue, dès lors, une autre originalité. Il semble l’avoir due, au moins en partie, à ses relations avec un ami de sa famille, M. Bauduin, flamingant et germaniste enthousiaste qui s’était constitué une bibliothèque nombreuse d’ouvrages consacrés aux problèmes ethnographiques. Il est permis de croire, en outre, que l’aversion de Vanderkindere pour la politique française du temps l’avait fait se tourner vers l’Allemagne et l’Angleterre, et qu’elle le rendit germanophile, si l’on peut dire, par libéralisme. L’opposition qui existe entre la France du coup d’État et l’Angleterre de Gladstone, par quoi s’explique-t-elle ? Par la race. Et la race encore nous donnera la raison de l’apparition du protestantisme au XVIe siècle. « En effet, les races latines tendent à la centralisation, les races germaniques à la liberté... Celles-là se distinguent surtout dans les arts ; celles-ci dans les sciences. » Et cet aphorisme, sans doute, ne répond pas à la réalité. Mais à quel point il répond à la nature intime de celui qui le formule ! Tout ce qui lui est le plus cher, la science et la liberté, il le trouve chez les peuples germaniques ! Désormais c’est eux que l’on doit suivre et que l’on doit imiter. Aussi bien, la Belgique n’est-elle point de race germanique ? Il faut lui rendre conscience de sa nature pour la sauver de son engourdissement et du danger menaçant de la centralisation. Et dès lors, par amour du bien public autant que par l’intérêt que présente le problème, Vanderkindere se plonge dans l’étude des races.

C’est à elle qu’il consacra son premier livre, publié en 1868, sous le titre de : De la Race et de sa part d’influence dans les diverses manifestations de l’activité des peuples. Il le présenta comme thèse d’agrégation à l’Université de Bruxelles. L’effort scientifique qu’il venait d’accomplir en l’écrivant l’avait donc en même temps éclairé sur sa voie. Il avait résolu de se vouer à l’enseignement supérieur, et cela dans une Université où se manifestait en une seule activité le double culte qui était le sien : celui de la science et celui du libéralisme.

C’est un peu plus tard, en 1870, qu’il fit un voyage en Allemagne, où l’attiraient à la fois ses sympathies germaniques et le désir d’élargir encore le champ de ses connaissances. Il suivit pendant quelque temps les cours de l’Université de Berlin, qu’illustraient alors les Curtius, les Mommsen, les Ranke, les Droysen, les Treitchke, etc. Chose assez curieuse pour un futur médiéviste, il ne chercha point à se faire admettre dans un séminaire historique. Il se borna à entendre les leçons publiques des professeurs les plus célèbres. Et le choix qu’il fit parmi elles atteste l’éclectisme d’un homme qui ambitionne une culture encyclopédique et ne songe point du tout à se spécialiser dans une discipline déterminée. Il entendit Mommsen et Curtius pour l’histoire ancienne, Droysen pour l’histoire de la Prusse moderne, Zeller pour la philosophie grecque. Il n’oublia pas même la grammaire latine que Hübner enseignait avec éclat. Bref, le programme qu’il se constitua ainsi rappelle d’assez près le programme de notre doctorat en philosophie de l’époque. Il ne soupçonnait point que les cours théoriques ne sont qu’une partie du haut enseignement. Il ignorait que c’était dans les petites salles bourrées de livres des « séminaires », où professeurs et élèves assis à la même table commentaient ensemble les textes et où ceux-ci initiaient « pratiquement » ceux-là à la méthode critique, que résidait le secret de la supériorité scientifique de l’Allemagne. Rien d’étonnant dès lors s’il quitta Berlin non sans une certaine déception. « Je m’étais toujours imaginé, écrit-il, que, pour n’avoir pas suivi les cours d’une université allemande, j’étais condamné à une misérable infériorité. Je vois aujourd’hui qu’il n’en est rien ; ces cours sont très bons, très savants, mais les livres des professeurs que j’ai entendus valent cent fois leurs leçons. » D’accord ! Mais de ces illustres professeurs, il n’avait entendu justement que les généralités souvent un peu banales des öffentliche Vorlesungen : il n’avait pas pénétré dans les laboratoires où se préparaient ces livres qu’il admirait tant.

C’est pendant son séjour à Berlin que Vanderkindere fut appelé assez inopinément à la vie politique. À vrai dire, il ne pouvait y échapper et, d’ailleurs ne songeait pas à le faire. L’ardeur de son libéralisme, ses relations avec plusieurs jeunes hommes, ses amis ou ses compagnons d’études qui déjà étaient entrés dans l’arène, aussi bien que la situation de sa famille et le souvenir du rôle joué par son père, le désignaient tout naturellement au choix des associations libérales de l’arrondissement de Bruxelles. Un soir du mois de mai 1870, parcourant au café l’Indépendance belge, il fut fort surpris d’apprendre qu’il était porté sur la liste des candidats aux élections provinciales pour le canton d’Ixelles, dont la commune d’Uccle faisait alors partie. Il inclina d’abord à se dérober « par paresse et aussi par défiance de moi », écrivait-il le 16 mai. « Quelle figure pourrais-je jouer là ? » Pourtant, il finit par accepter le mandat qui lui était offert, et il fut élu conseiller provincial le 23 mai[3]. Il devait le rester pendant dix ans et faire ainsi son apprentissage d’homme politique.

Tous ceux qui l’ont connu savent suffisamment que ce ne fut point par ambition qu’il se rendit au vœu des électeurs. Il portait en lui, on l’a vu plus haut, tout un idéal de réformes qu’il avait à cœur de faire triompher. La foi qui l’animait était trop sincère pour ne point lui montrer comme un devoir l’obligation de se dévouer au service de ses convictions. C’est elle qui le poussa, dès le mois de juillet qui suivit son élection, à briguer avec trois de ses amis, MM. Ch. Buls, Ch. Graux et Edm. Picard, une candidature à la Chambre dont le ministère d’Anethan venait de faire la dissolution. Ils prirent pour programme les principes du libéralisme démocratique : revision de la Constitution pour préparer largement les voies au suffrage universel, laïcité de l’enseignement, indépendance du pouvoir civil vis-à-vis de l’Église[4]. Mais le radicalisme de cette politique effraya les électeurs. Vanderkindere n’obtint, au poll de l’Association libérale, qu’un nombre de voix insignifiant. II n’insista pas et renonça à la lutte. La vie parlementaire l’eût certainement détourné des études qu’il poursuivait alors avec tant d’ardeur. La question des races, par laquelle il avait abordé la science, continuait à le préoccuper. En 1872, il faisait paraître d’intéressantes Recherches sur l’ethnologie de la Belgique, et il publiait dans le journal La Discussion, sous le pseudonyme de Harsboom, une nouvelle, Éva la blonde, où se trahissent curieusement ses préoccupations ethnographiques.

Cette année 1872 devait décider de sa carrière ou plutôt lui assigner son but principal. Altmeyer venait de renoncer à son cours d’histoire du moyen âge à l’Université de Bruxelles. Pour le remplacer, le Conseil d’administration songea tout de suite au brillant agrégé de 1868. Vanderkindere accepta, sans balancer cette fois, des propositions qui répondaient à son plus cher désir. Il fut chargé du cours abandonné par son vieux maître.

Rien, à vrai dire, ne l’avait particulièrement préparé au rôle de médiéviste. Ses études historiques avaient eu jusqu’alors pour objet l’histoire de l’antiquité beaucoup plus que celle des périodes postérieures. On peut même croire que ses idées philosophiques comme ses principes politiques l’avaient plutôt détourné d’une période où éclataient surtout, et dans tous les domaines, la puissance et l’influence de l’Église. Mais il était homme de devoir et de conscience. Il n’hésita point à sacrifier ses goûts personnels à la tâche qui lui était confiée et à l’intérêt de ses élèves. Il devint, et il devait désormais rester jusqu’au bout, un médiéviste.

Les tendances de son esprit aussi bien que sa formation antérieure le portèrent tout naturellement à scruter les phénomènes politiques, juridiques et sociaux de la période dont il était appelé à enseigner l’histoire. S’il n’éprouvait aucune sympathie pour les conceptions politiques et religieuses du moyen âge, il découvrit bientôt l’intérêt puissant que présente l’étude des institutions pendant ces siècles où elles se développèrent avec une liberté, une spontanéité, une exubérance qu’elles n’ont plus présenté pendant longtemps dans la suite. Dès 1874, il soumettait à l’Académie un travail intitulé : Notice sur l’origine des magistrats communaux et sur l’organisation de la marke dans nos contrées. Nous aurons à revenir plus loin sur ce travail qui marque une date dans la science belge. Bornons-nous à constater ici qu’il ouvre la voie dans laquelle Vanderkindere devait s’avancer désormais d’une marche de plus en plus assurée.

Il lui fut impossible, cependant, de se consacrer tout entier aux recherches dont le charme venait de se révéler à lui. Dès 1873. la mort de Maximilien Veydt, titulaire du cours de langue latine à l’Université, et l’abandon par Altmeyer de son cours d’histoire romaine furent l’occasion d’un changement complet dans ses occupations professorales. Il recueillit la succession de ces deux collègues, passant ainsi à l’antiquité après avoir débuté par le moyen âge, qu’il dut, au moins momentanément, renoncer à enseigner.

Le Conseil d’administration de l’Université lui conféra la même année le titre de professeur extraordinaire, et il devint professeur ordinaire en 1874. Jamais personne ne témoigna à la grande école dont il devait être une des illustrations, un dévouement plus complet et n’y assuma volontairement une plus lourde tâche. La puissance et la souplesse de son intelligence lui permirent de se charger des enseignements les plus divers, et parfois même, quand il le fallut, les plus disparates. Dans sa longue carrière académique, « il enseigna successivement ou simultanément l’histoire politique du moyen âge en 1872-1873 et de 1877 à 1879 ; la langue latine, de 1873 à 1875 ; l’histoire politique de l’antiquité, depuis 1873 jusqu’en 1906 ; l’histoire de Belgique au moyen âge, de 1873 à 1906 ; l’histoire de Belgique aux temps modernes, de 1880 à 1888 ; l’histoire contemporaine, de 1880 à 1906 ; les institutions romaines, de 1893 à 1906 ; les institutions grecques, de 1890 à 1903 ; les institutions modernes, de 1892 à 1895; enfin, il dirigea les exercices pratiques d’histoire de Belgique au moyen âge, de 1876 à 1878, de 1887 à 1891, et de 1898 à 1906. L’ensemble de ces cours a donc embrassé tout le champ de l’histoire européenne, depuis l’âge héroïque de la Grèce jusqu’aux derniers faits de l’évolution politique du XIXe siècle. De 1898 à 1903, il faisait régulièrement huit leçons par semaine[5]. »

Au milieu d’un enseignement aussi varié, ce qui maintint l’unité scientifique de l’activité de Vanderkindere, ce fut l’étude constante, persistante du moyen âge national. Il lui sacrifia de plus en plus ses autres travaux. Dès 1879, il publiait le livre admirable qui fonda sa réputation et le mit hors de pair au milieu des historiens belges : Le Siècle des Artevelde.

Sa place, désormais, était marquée à l’Académie. Le 2 juillet 1883, il fut élu correspondant, et le 7 mai 1888, membre titulaire de la Classe des lettres. Le 13 février 1884, il entrait à la Commission royale d’histoire comme membre suppléant. Il devint membre effectif le 1er février 1887, après le décès de Gachard.

Un homme tel que lui ne pouvait considérer l’Académie comme une sorte d’éméritat scientifique uniquement destiné à récompenser des travaux qui trouvent leur récompense en eux-mêmes. Il comprit que son nouveau titre lui créait des devoirs. Il suffira de parcourir sa bibliographie pour constater, par le nombre des rapports et des mémoires qu’elle mentionne, la conscience et l’énergie qu’il apporta à remplir ses fonctions d’académicien. Il ne fut pas moins dévoué à la Commission royale d’histoire. C’est dans ses bulletins qu’il fit paraître ses premières recherches sur la géographie ancienne de la Belgique ; c’est pour elle qu’il publia son excellente édition de Gislebert de Mons. D’ailleurs, ces travaux n’absorbèrent point tout son temps. Il lui en resta pour publier, en 1890, son Introduction à l’histoire des Institutions de la Belgique, et pour composer une foule de manuels et de dissertations sur lesquelles nous aurons à revenir.

Il lui en restait même pour les affaires publiques. Il entrait, en 1873, dans le Conseil général de la Ligue de l’enseignement qu’il présida de 1883 à 1893 ; il continuait à siéger au Conseil provincial du Brabant. En 1880, l’Association libérale de Bruxelles le désignait enfin pour reprendre, à la Chambre des représentants, la succession parlementaire d’Auguste Orts. Ses convictions réformistes ou, pour employer le langage du temps, progressistes ne s’étaient pas altérées. Et pourtant, lors de la crise qui, en 1883 et en 1884, déchira le parti libéral, il n’hésita point à se séparer des radicaux pour soutenir de toutes ses forces le cabinet Frère-Orban. Ses idées n’avaient pas changé ; il les subordonnait seulement à la nécessité de maintenir, en face de l’adversaire, l’unité de son parti. « Le suffrage universel inorganique, disait-il le 7 août 1883, nous donnerait pour de longues années le triomphe du parti clérical. Or je ne suis pas le partisan de ces réformes qui, bonnes en elles-mêmes, ne produisent que de fâcheux résultats. Je ne fais pas de cette politique abstraite qui ne tient pas compte des faits. » Il rompit donc, sur la question alors si passionnément débattue de l’extension du droit de suffrage, avec les amis de sa jeunesse. Il lui en coûta d’être pendant longtemps représenté dans les polémiques de presse comme un conservateur entêté, et, pour tout dire en un mot, comme un doctrinaire !

La défaite du parti libéral, en 1884, écarta Vanderkindere de la Chambre. Il n’y rentra qu’en 1892 pour siéger à la Constituante. Conséquent avec lui-même, il continua d’y combattre le suffrage universel « pur et simple ». Il fut l’un des signataires de la proposition, rejetée par la Chambre, qui accordait le droit de vote à tous les citoyens sachant lire et écrire et en état de subvenir, par leurs ressources, à leur subsistance et à celle de leur famille.

Depuis la dissolution des Chambres constituantes, dont il considéra toujours l’œuvre avec une défiance assez accentuée. Vanderkindere ne remplit plus de mandat parlementaire. Bourgmestre d’Uccle depuis 1890[6], il consacra depuis lors tous les loisirs que lui laissaient ses études, à l’administration de cette commune[7]. Il en réorganisa les finances et l’instruction publique ; il en surveillait lui-même tous les services, ne négligeant rien pour en faire ce qu’elle est devenue, la plus riante et l’une des plus prospères des agglomérations suburbaines de la capitale.

Si les occupations parlementaires de Vanderkindere ralentirent nécessairement pendant plusieurs années sa fécondité scientifique, celle-ci reprit plus abondante que jamais après 1894. Nulle part, il n’a déployé plus de maîtrise, plus de netteté, plus de critique que dans les productions de ses dernières années. Sa robuste intelligence atteignit alors à toute sa puissance. Les mémoires si fermes et si pleins qu’il donna coup sur coup à l’Académie durant les dernières années annonçaient l’apparition d’un nouveau volume, impatiemment attendu, de son histoire des institutions, quand ses forces le trahirent tout à coup. Atteint d’un mal implacable qu’il supporta avec un courage héroïque, il expira au milieu des siens, le 9 novembre 1906. Son caractère se révèle tout entier dans ses dernières volontés : « Je ne veux aucun apparat, aucune cérémonie, pas de discours. Mes enfants seuls peuvent m’accompagner au cimetière. Pas de concession, aucun monument funéraire. Si je dois laisser quelque souvenir, ce n’est pas un tombeau. »


II


La bibliographie de Vanderkindere témoigne du travail assidu de ce grand laborieux. Elle présente naturellement la même variété que sa vie. On y rencontre des brochures de circonstance, des discours politiques, des rapports académiques, des notes sur des questions d’enseignement, des manuels scolaires. La littérature même y figure et par le petit roman d’Éva la Blonde dont nous avons parlé plus haut, et par une adaptation de Maison de poupée que Vanderkindere, enthousiaste du génie d’Ibsen, fit paraître en 1889. Au milieu de tout cela émergent deux groupes diversement importants de travaux scientifiques : l’un, le moins considérable, est le fruit des études ethnographiques de l’auteur ; l’autre, aussi imposant par sa masse que par sa valeur, représente ses études historiques et constitue ce monument durable qui, à défaut du tombeau qu’il n’a pas voulu, perpétuera son souvenir.

C’est en 1868, nous l’avons dit, que Vanderkindere débuta dans le monde scientifique par la publication de sa thèse sur La Race et sa part d’influence dans les diverses manifestations de l’activité des peuples. On ne s’étonnera point que ce travail de jeunesse ait beaucoup vieilli. Les progrès de l’anthropologie et de l’ethnographie ont été trop rapides pour ne pas avoir démodé assez tôt une étude purement théorique telle que celle-ci et dont l’auteur s’était, un peu prématurément sans doute, attaché à tirer des conclusions générales de matériaux insuffisants. Il semble, d’ailleurs, que Vanderkindere lui-même n’ait point attaché une grande valeur à ce travail de débutant. Son esprit était trop critique pour ne point reconnaître bientôt la nécessité d’assembler, avant d’émettre une théorie, des faits bien classés et patiemment recueillis. Dès 1872, ses Recherches sur l’ethnologie de la Belgique indiquaient déjà ce changement de méthode. Puis, les enquêtes anthropologiques entreprises en Allemagne par Virchow lui inspirèrent le désir de se livrer, en Belgique, à une œuvre semblable. Il réussit à intéresser le Gouvernement à ses projets. Grâce à l’appui du ministère, il put réunir des milliers de bulletins de renseignements portant sur les enfants des deux sexes fréquentant les écoles primaires et les écoles gardiennes communales ou adoptées En 1879, il faisait paraître dans le Bulletin de la Société belge de géographie les résultats de son Enquête anthropologique sur la couleur des yeux et des cheveux en Belgique, travail excellent et qui conserve toute son utilité documentaire.

Pendant de longues années, Vanderkindere continua de s’intéresser aux recherches de ce genre, dont il fut dans notre pays l’un des initiateurs. Il contribua largement à la fondation, en 1882, de la Société d’anthropologie de Bruxelles, et il en fut le premier président. Mais il abandonna peu à peu, depuis lors, le champ de l’anthropologie proprement dite. Il avait compris que cette discipline se rattache intimement aux sciences naturelles D’ailleurs, ses études historiques l’absorbaient de plus en plus et orientaient son esprit vers des problèmes d’un autre ordre, en même temps qu’il était attiré vers elles par son enseignement universitaire.

Il mit une sorte de coquetterie, à peine chargé du cours d’histoire du moyen âge, à prouver qu’il entendait se consacrer à l’étude scientifique de cette période. L’année même où il inaugurait sa chaire, il envoyait à la Commission royale d’histoire une lettre qui fut insérée dans le Bulletin de ce corps savant. Elle signalait des lacunes dans la Table chronologique des chartes et diplômes, et étudiait certains documents où il est fait mention du port de Clusium. Mais elle nous intéresse surtout parce qu’elle montre l’attention de Vanderkindere déjà portée dès lors vers les questions de géographie historique auxquelles il devait consacrer, à la fin de sa carrière, son plus remarquable ouvrage. Elle ne fait encore qu’indiquer chez lui cette orientation nouvelle. Ce sont de simples notes qui attestent seulement son intention de prendre rang parmi les médiévistes. Il ne lui fallut que deux ans pour se faire, au milieu d’eux, une place de premier rang.

En dépit du petit nombre de ses pages et de son titre modeste de notice, l’étude du jeune savant sur l’origine des magistrats communaux dans nos contrées, présente, comme l’a dit M. G. Des Marez, « l’insigne mérite d’attirer l’attention des érudits belges sur les travaux consacrés en Allemagne à l’histoire municipale dans la seconde moitié du XIXe siècle[8] ».

On sait que, depuis 1830, l’influence française avait régné en maîtresse sur les travaux de nos historiens comme dans notre haut enseignement. On lisait Guizot, Thierry, Michelet, mais, sauf de bien rares exceptions, comme par exemple celle d’Altmeyer, on semblait ignorer que de l’autre côté du Rhin une pléiade de chercheurs aussi patients qu’instruits renouvelaient ou, pour mieux dire, perfectionnaient les méthodes de l’érudition et s’attachaient à résoudre les problèmes les plus obscurs de la science. Celui de l’origine des villes particulièrement sollicitait leur attention. Après avoir ruiné la vieille doctrine traditionnelle qui prétendait rattacher aux municipes romains les constitutions urbaines du moyen âge, ils s’efforçaient d’expliquer celles-ci par des théories qui tenaient compte des divers aspects de la question, en éclairaient des côtés inaperçus et par l’obligation même où elles se trouvaient de se critiquer les unes les autres, se distinguaient par une ingéniosité et une richesse d’information que les études médiévales n’avaient jamais connues jusqu’alors. Tour à tour, Nitsch, Maurer, Arnold, Heusler, Gierke entraient dans la lice, suivi chacun de bandes compactes de partisans, et comme jadis Hie Welf! Hie Weiblinqen! retentissaient, en véritables cris de guerre : Hofrecht! Gilde! Altfreie Gemeinde! Vanderkindere ne put résister à l’envie de se jeter lui aussi dans la mêlée. Ou plutôt, et pour abandonner une comparaison que justifie la fougue des polémiques allemandes de ce temps, mais qui conviendrait mal à un esprit aussi froid et réfléchi que le sien, il résolut d’éprouver, en les appliquant aux villes belges, la valeur des théories nouvelles. Deux d’entre elles, celles d’Arnold, qui voit dans les villes la persistance des anciennes institutions libres de l’époque franque , et celle de Maurer, qui explique l’autonomie communale par l’autonomie de la marche, lui parurent, en se combinant l’une avec l’autre, pouvoir expliquer le passionnant secret de la liberté municipale. L’origine des magistrats communaux a, suivant lui, une double origine. « Dans la centène franque, il trouve les échevins ; dans la marche, certains fonctionnaires spéciaux ; ceux-ci administrent, tandis que ceux-là jugent. Les profondes transformations sociales, économiques et politiques qui bouleversent la monarchie carolingienne n’entraînent pas leur disparition, et quand la commune est créée, nous la voyons soumise à une dualité de fonctionnaires : des scabini et des jurati ou choremanni. Ces échevins sont les héritiers directs des échevins carolingiens : ils jugent. Ces jurati, qui exercent la police à l’intérieur de la communauté, ne sont que les anciens chefs de la marche transformée. À un moment donné de l’évolution communale, le collège public des scabini supplante le collège corporatif des jurati. Il s’empare de l’administration exercée jusque-là par les jurati et réduit ces derniers au rôle de conseillers. Centène et marche, juges de la centène et administrateurs de la marche, telles sont les quatre institutions fondamentales auxquelles Vanderkindere rattacha sa théorie[9]. »

Sans doute, cette théorie était un peu hâtive. On peut lui reprocher une information insuffisante et un caractère trop systématique, trop mécanique pour ainsi dire, qui ne tient pas assez compte des époques, des diversités régionales et laisse inexpliqués bien des éléments du problème. Mais on ne peut assez admirer la netteté avec laquelle, pour la première fois, le lien qui rattache les institutions urbaines à l’ensemble des institutions du moyen âge était mis au jour. Guidé par la science allemande, Vanderkindere, tout en restant original, découvrait une foule d’aspects du problème jusqu’alors inconnus parmi nous. Il sortait les recherches de l’ornière des généralités vagues et des banalités ambitieuses. Il était clair, précis, profond tout à la fois. Mais il arrivait trop tôt. La nouveauté même de ses aperçus leur fut nuisible. Ils ne produisirent point l’effet qu’ils auraient dû produire et qu’il avait pensé sans doute, avec la confiance de la jeunesse, qu’ils produiraient à coup sûr. On lut à peine son travail et l’on n’en remarqua pas la portée. L’Histoire des libertés communales, d’Alphonse Wauters, qui parut quatre ans plus tard, ne le mentionne même pas !

Le Siècle des Artevelde, publié en 1879, montre que les préoccupations de Vanderkindere restaient tournées vers l’histoire des villes. Rien d’étonnant à cela. Les villes ne furent-elles pas, en effet, à toutes les époques, dans un pays de commerce et d’industrie comme la Belgique, les organismes les plus actifs et les plus vivants du corps social ? Et n’est-ce pas justement au XIVe siècle qu’elles arrivèrent à l’apogée de leur puissance et déployèrent un héroïsme dont le souvenir est resté populaire jusqu’à nos jours ? Déjà, Conscience dans le Tribun de Gand, Kervyn dans son Histoire de Flandre avaient exalté le nom des deux Artevelde. Ces grandes figures passionnèrent Vanderkindere. Libéral, il voyait dans les deux capitaines gantois les partisans de la liberté contre la tyrannie des princes féodaux, en même temps que ses théories ethnographiques lui faisaient apparaître en eux les représentants de la race germanique aux prises avec le « despotisme latin » venant de France. Ainsi, les enthousiasmes de la jeunesse se retrouvent dans le livre de son âge mûr. Une conviction passionnée s’y révèle d’un bout à l’autre ; on sent que l’auteur prend parti dans les conflits qu’il raconte, qu’il plaide pro domo. Le style s’anime, se colore et il atteint dans bien des passages à une éloquence spontanée. L’œuvre est, pour ainsi dire, toute frémissante et l’effet en est d’autant plus grand qu’ on la sent complètement dégagée de toute recherche d’art. Vanclerkindere atteignit ici l’idéal qu’il rêvait. Il mit en pratique son principe « qu’il faut unir intimement l’art et la science ; que celle-ci doit le laisser fleurir tout en le dominant ».

Car si son livre est une œuvre d’art, c’est plus encore une œuvre de science, et il suffit, pour apprécier les progrès immenses qu’il a réalisés, de comparer les Artevelde de Vanderkindere à ceux de Kervyn de Lettenhove. La connaissance approfondie des travaux des médiévistes allemands, qu’il révélait une fois de plus aux historiens belges, permit à l’auteur de traiter son sujet avec une ampleur admirable. La description de la civilisation flamande et brabançonne au XIVe siècle est aussi neuve et aussi nourrie qu’elle est colorée. C’est une admirable synthèse qui, j’en puis parler d’expérience, enthousiasma bien des jeunes gens et contribua à éveiller chez plus d’un d’entre eux la vocation d’historien.

En revanche ce n’est point tout à fait, comme on l’a dit parfois, un travail d’histoire sociale ou économique. Sans doute. Vanderkindere décrit admirablement et les mœurs et le commerce du temps. Mais les causes qui font agir ses personnages sont des causes abstraites ou purement intellectuelles. C’est l’amour de la liberté, c’est l’instinct de race qui les animent. L’explication de leurs actes reste un peu convenue, un peu théorique ; elle n’est point cherchée dans le sein même de la société, au milieu du mélange confus des passions, des intérêts et des habitudes. Et personne d’ailleurs ne pourra songer à en faire un reproche à l’auteur. L’orientation qu’allaient prendre les études historiques ne faisait encore que s’annoncer à l’époque où il écrivait.

Si le Siècle des Artevelde est une œuvre de premier ordre et restera un des joyaux de notre littérature historique, il n’obtint pas d’emblée le succès qu’il méritait. Sa réputation ne s’est établie qu’avec le temps. C’est là une preuve significative de sa haute valeur, mais c’est aussi peut-être la raison pour laquelle Vanderkindere renonça au projet qu’il avait formé d’entreprendre, pour l’époque bourguignonne, un second ouvrage du même genre. À moins que – et cette explication me paraît plus plausible pour un caractère aussi dédaigneux que le sien de réclame et de popularité – les absorbantes fonctions publiques dont il fut revêtu de 1880 à 1884 ne lui aient point laissé le temps d’accomplir son dessein.

Quand il put de nouveau s’adonner tout entier à ses études, vers 1885, ce ne fut plus vers la synthèse, mais vers l’analyse qu’il se porta. C’est là, nous l’avons déjà dit, un phénomène caractéristique de son évolution intellectuelle. Tandis que, chez la plupart des érudits, l’ambition des grandes œuvres d’ensemble succède à l’étude patiente et minutieuse des détails, chez Vanderkindere on observe très nettement la tendance inverse. Il n’est plus revenu aux vastes tableaux où il venait de révéler sa maîtrise. Il ne donna point de pendant au Siècle des Artevelde. On voudrait en connaître les raisons. Il ne nous les a point dites et l’on ne peut que les soupçonner. Mûri par l’âge et la vie politique, se défiait-il de tout ce qu’il y a forcément de subjectif dans nos reconstructions du passé ? Ou plutôt, obéissant aux tendances profondes de son esprit, se sentait-il invinciblement attiré par les problèmes les plus difficiles de l’érudition Son cours pratique, qu’il reprit en 1887, peut avoir contribué aussi à le diriger vers les études qu’il ne devait plus abandonner jusqu’au bout de sa carrière. Il se consacra tout entier à l’élaboration d’une grande histoire des institutions de la Belgique au moyen âge, sujet magnifique et dont la difficulté était bien faite pour tenter une intelligence comme la sienne. Ses connaissances juridiques lui facilitaient la tâche, et il n’est pas impossible qu’elles aient été pour beaucoup dans les motifs qui le déterminèrent à fixer ce but à son activité scientifique.

C’est en 1890 qu’il donna, sous le titre d’Introduction à l’histoire des institutions de la Belgique au moyen âge, le premier volume du grand ouvrage qu’il rêvait. Il y a exposé avec une science consommée et une netteté parfaite les divers régimes et les divers types de société qui se succédèrent jusqu’à la fin de l’époque carolingienne sur le coin de terre que nous habitons. Il n’existe point en français de manuel d’histoire constitutionnelle qui, pour la même époque, présente une information aussi précise et dénote une connaissance aussi approfondie des résultats de l’érudition contemporaine. Mais il ne faut point lui demander une originalité à laquelle il ne vise pas. Ni à l’époque celtique, ni à l’époque gallo-romaine, ni lors des invasions germaniques, ni sous le règne des Mérovingiens et des Carolingiens, la Belgique n’a possédé d’institutions originales. Fragment d’un tout plus grand qu’elle, elle a vécu en lui sans posséder une vie propre, et Vanderkindere ne pouvait se proposer que de décrire les institutions d’ensemble auxquelles elle a été soumise en relevant, chemin faisant, les quelques détails qui, çà et là, dans les sources trop rares, indiquent la nuance particulière des institutions dans les bassins de la Meuse et de l’Escaut. Bref, pour la plus grande partie, son ouvrage n’est et ne pouvait être qu’un manuel d’institutions du haut moyen âge dans l’Europe occidentale et il le reconnut lui-même en lui donnant très exactement le titre d’Introduction.

Les difficultés de sa tâche commençaient avec le Xe siècle. Le morcellement de l’empire carolingien marque, en effet, aussi bien dans le domaine politique que dans celui des institutions, le début de notre histoire. Et tout d’abord une première question était à résoudre. Comment s’étaient formées nos principautés territoriales ? Comment les anciens pagi francs avaient-ils perdu leurs comtes, fonctionnaires royaux, pour se grouper, sous le pouvoir de princes autonomes, et constituer ces petites « patries » dont les noms, Brabant, Hainaut, Flandre Luxembourg, se perpétuent jusqu’aujourd’hui dans ceux de nos provinces ? Pour débrouiller ces problèmes, il ne fallait point seulement avoir parcouru tous les chroniqueurs, toutes les chartes de notre pays au haut moyen âge Une critique pénétrante, tout à la fois prudente et ingénieuse, était indispensable. Car les matériaux que nous avons conservés sont trop souvent fragmentaires, altérés, d’interprétation douteuse. Il faut avoir cherché soi-même à reconstituer la généalogie d’une famille princière du Xe siècle, ou avoir tenté de fixer les limites d’un territoire de cette époque, pour apprécier les difficultés que Vanderkindere eut à combattre. Pendant de longues années, il marcha patiemment et sans défaillance vers le but qu’il s’était assigné, soutenu par la conscience de l’utilité de son œuvre et par le goût qu’il nourrissait depuis longtemps pour la géographie historique. Des dissertations spéciales qu’il insérait de temps en temps dans le Bulletin de la Commission royale d’histoire, nous apparaissent comme les jalons de la route qu’il parcourait. Ce sont des recherches de diplomatique ou des travaux de géographie historique, tels que son bel article sur Le capitulaire de Semais et les origines du comté de Flandre.

C’est par la Flandre, en effet, qu’il s’était décidé à commencer. Il publia le résultat de ses études en 1898 et en 1899. Trois ans plus tard, dès 1902, il avait terminé sa tâche pour la Lotharingie, tâche bien autrement vaste et comprenant des problèmes bien plus compliqués. Il fit paraître ce nouveau travail en même temps qu’une édition remaniée de La Flandre, sous le titre d’Histoire de la formation des principautés belges au moyen âge.

Il suffit de rapprocher cet ouvrage du Siècle des Artevelde pour apprécier à sa valeur la puissance intellectuelle de Vanderkindere. Autant il s’était montré jadis puissant dans la synthèse, autant il réussit maintenant dans l’analyse. Son Histoire est à tous les points de vue un chef-d’œuvre. Elle l’est par la richesse de l’érudition comme par la perfection de la critique. Elle restera désormais l’un des fondements de nos connaissances sur les premiers siècles du haut moyen âge en Belgique. Le succès qu’avait dû attendre si longtemps le Siècle des Artevelde lui est venu d’ailleurs dès la première heure. Si son sujet la condamne à rester nécessairement ignorée du grand public, elle a conquis tout de suite, tant en Belgique qu’à l’étranger, la réputation qu’elle mérite. Elle valut à son auteur, en 1906, le prix quinquennal d’histoire nationale.

Je ne crois pas me tromper en disant que ce succès, et surtout la conscience de l’avoir mérité, illuminèrent d’un pur rayon de joie intellectuelle les dernières années de la carrière de Vanderkindere. Jamais il ne fut plus actif et plus fécond que dans le temps qui suivit la publication de son Histoire. Tout en faisant paraître pour la Commission royale d’histoire une nouvelle édition de Gislebert de Mons, il reprenait allègrement l’étude des institutions. Son discours sur la féodalité (1895), ses recherches sur Les serfs d’Église au moyen âge (1897) avaient déjà témoigné que son attention restait tournée vers les problèmes d’histoire constitutionnelle. Mais ce sont les remarquables dissertations qu’il consacra en 1905, dans les Annales de l’Est et du Nord, à La première phase de l’évolution constitutionnelle des villes flamandes, puis, dans le Bulletin de l’Académie, à La politique communale de Philippe d’Alsace, à la Liberté et propriété en Flandre du IXe au XIIe siècle, et, enfin, à La notion juridique de la commune qui nous montrent avec quelle ardeur il s’était mis au travail. Jamais son esprit ne fut plus maître de lui, son style plus nerveux, son exposition plus méthodique et plus claire. Sans s’en douter, il terminait sa carrière par un retour à ce passionnant problème des origines urbaines par lequel il avait jadis abordé l’histoire. Il restait fidèle d’ailleurs à sa conception première ; il continuait à croire à la distinction fondamentale du pouvoir des scabini, agents du prince, et de celui des jurati, organes de la commune. Et sans doute, on peut différer d’avis avec lui sur ce point. Mais quelle que soit la valeur de sa théorie, il faut admirer l’art avec lequel il la défend et lui être reconnaissant surtout des faits nouveaux, des remarques ingénieuses ou profondes qu’il nous apporte et qui, ici comme partout où il a passé, ont enrichi, précisé ou renouvelé nos connaissances.


III


Vanderkindere ne fut pas seulement un savant de premier ordre ; il fut encore un admirable professeur. On retrouvait dans ses leçons le même art d’exposer qui se rencontre dans ses livres à un degré si éminent. Chez lui, rien n’était laissé à l’improvisation, à l’inspiration du moment. Il ne visait ni au pittoresque ni à l’éloquence. La méthode régnait en souveraine dans ses œuvres, et il était impossible de ne point être subjugué par sa parole nette, un peu tranchante, qui divisait les idées comme au couteau. Dédaigneux de l’art, il y arrivait pourtant à force de clarté, et il est telle de ses conférences où ses auditeurs se sentaient réellement éblouis par la « splendeur du vrai » émanant de ses paroles.

La variété des cours dont il consentit à être chargé sans s’inquiéter de ses convenances personnelles, prouve assez son dévouement absolu à cette Université de Bruxelles qu’il aimait comme un fils aime sa mère. Il accepta, malgré tant et de si lourdes besognes, d’en rédiger le Liber memorialis. Quant à la faculté de philosophie , il en fut en quelque sorte, pour employer l’heureuse expression d’un de ses collègues, « le président perpétuel, l’inspirant alors même qu’il n’en était pas le directeur en titre ». C’est à lui qu’elle doit la rénovation de son enseignement historique. Dès 1877, il y fondait, à l’exemple de M. G. Kurth, à Liège, un cours pratique d’histoire dont d’excellents travaux attestèrent immédiatement la valeur. C’est à ce cours qu’il consacra désormais le meilleur de ses forces. « Dans les semaines qui précédèrent les vacances de Pâques de 1906, dit M. L. Leclère, déjà frappé à mort, jamais il ne manqua de faire, tous les samedis après-midi, le long trajet qui séparait sa demeure d’Uccle de l’Institut de sociologie du Parc Léopold, où son cours pratique avait lieu. Jamais, au témoignage de ses élèves, ses leçons ne furent plus nettes et plus fortes... Ceux qui pendant ces derniers jours de sa vie active l’ont vu, se sont entretenus avec lui, n’oublieront jamais la leçon de stoïcisme qu’il leur a donnée en toute simplicité et comme sans se douter de la grandeur morale de son attitude[10]. »

Vanderkindere fut trois fois recteur de l’Université qu’il illustrait, en 1880, en 1881 et en 1891. Elle lui témoigna, en 1902, par une imposante manifestation à l’occasion de la trentième année de son professorat, la reconnaissance qu’elle lui portait.

La Classe des lettres de l’Académie, qui s’était honorée en l’appelant en 1883 à siéger dans son sein, l’élut directeur en 1895. Sa ponctualité à assister aux séances, la part prépondérante qu’il prit à nos discussions demeurent dans toutes les mémoires. C’est dans notre Bulletin qu’il a publié quantité de ses travaux. Personne d’entre nous n’oubliera cette séance du 2 avril 1906 où, les traits altérés par la souffrance, et se tenant debout à grand’peine, il fit la dernière et l’une des plus belles lectures que nous ayons entendues de lui.

Le courage de Vanderkindere durant les derniers mois de sa vie est l’un des plus réconfortants et des plus nobles souvenirs qu’il lègue à ses amis. Peu nombreux sont ceux qui l’ont connu de près et qui savent quel cœur excellent il cachait sous la froideur un peu âpre de son attitude. Il n’a admis dans son intimité que de rares privilégiés, et il ne m’appartient pas, même dans une idée de piété pour sa mémoire, de dévoiler ici les côtés de son caractère qu’il a voulu dérober au public. Mais ne suffit-il pas de se rappeler son amour passionné des fleurs, ses travaux littéraires et son foyer, enfin, embelli par le culte de l’art, pour se convaincre qu’en dépit de ses théories et malgré les apparences, il ne fut pas seulement le fidèle de la vérité, et que son âme sut vibrer aussi au spectacle de la beauté et s’ouvrir aux plus nobles et aux plus doux sentiments de la nature humaine ?

H. Pirenne


  1. Je me suis largement aidé, pour la composition de cette notice, de l’excellente étude publiée par MM. L. Leclère et G. Des Marez, sous le titre : Léon Vanderkindere (1842-1906), dans la Revue de l’Université de Bruxelles, 1907, pp. 401-464.
  2. Cercle littéraire. Résumé des discussions, pp. 50-51.
  3. Leclère et Des Marez, Loc. cit., p. 441.
  4. Ibidem, p. 442.
  5. Leclère et Des Marez, Loc. cit., p. 436.
  6. Vanderkindere avait été élu conseiller communal d’Uccle dès 1878. Il y remplit les fonctions d’échevin de 1888 à 1895.
  7. L’Administration communale d’Uccle a donné le nom de Vanderkindere à l’une des places publiques de la commune.
  8. Leclère et Des Marez, Loc. cit., p. 421.
  9. Leclère et Des Marez, Loc. cit., p. 422-423.
  10. Leclère et Des Marez, Loc. cit., p. 439.