Note sur Mademoiselle Serment

Note sur Mademoiselle Serment
Appendice des Poésies diverses, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome X (p. 361-362).


X


(Voyez les pièces XLVIII et XLIX, p. 150-152.)
NOTE SUR MADEMOISELLE SERMENT,
ET RÉPONSE DE L’INCOMPARABLE SAPHO.

La Biographie du Dauphiné de M. Ad. Rochas nous apprend (tome II, p. 401) que Louise-Anastasie Serment était née à Grenoble vers 1642 ; elle n’aurait donc guère eu que dix-sept ans au moment où, suivant l’abbé Granet, Corneille lui adressait les deux madrigaux auxquels nous venons de renvoyer le lecteur. En cette circonstance encore les doucereux furent pour Corneille de dangereux rivaux. S’il faut en croire le poëte Pavillon, Mlle Serment fut un peu plus que l’amie de Quinault[1] ; et Maucroix, tout en la traitant de prude[2], essayait de se faire agréer par elle, et de la détourner de l’attachement qu’elle avait pour Corneille ; les stances que voici en font foi :

Cloris, je vous le dis toujours,
Ces faiseurs de pièces tragiques,
Ces chantres de gens héroïques
Ne chantent pas bien les amours.

De beaux mots leurs œuvres sont pleines ; 5
Ils sont sages comme Catons,
Ils sont discrets pour les Hélènes,
Et muets pour les Jeannetons.

Tout ce qu’on nomme bagatelle
Déplaît à ces rares esprits : 10
On diroit qu’ils sont en querelle
Avec les Grâces et les Ris.

Pour moi qui hais la muse austère
Et la gravité de ses tons,

Je vous ai choisi ma bergère 15
Pour le sujet de mes chansons.

M. Louis Paris donne à cette jolie petite pièce la date de mai 1685. « Ce doit être certainement une erreur, dit M. Édouard Fournier (Notes sur la vie de Corneille, p. xxxiii). Mlle Serment aurait eu alors plus que la quarantaine, et Maucroix ne lui eût pas parlé sur ce ton. » Corneille d’ailleurs n’existait plus à cette époque, et il faudrait se mettre en quête de quelque nouvel adorateur tragique. Mlle Serment n’arriva pas à la vieillesse ; elle mourut à Paris vers 1692, quand elle commençait à recevoir un peu moins d’agréables billets et de poésies galantes.


RÉPONSE DE L’INCOMPARABLE SAPHO.

Si vous parlez sincèrement
Lorsque vous préférez la main gauche à la droite,
De votre jugement je suis mal satisfaite :
Le baiser le plus doux ne dure qu’un moment ;
Un million de vers dure éternellement,
Quand ils sont beaux comme les vôtres ;
Mais vous parlez comme un amant,
Et peut-être comme un normand :
Vendez vos coquilles à d’autres.



  1. Voyez Maucroix, Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris, 1854, in-12, p. 209.
  2. Voyez l’Histoire de l’Académie françoise, par Pellisson et d’Olivet, édition de M. Livet, tome II, p. 162.