Napoléon le PetitOllendorftome 7 (p. 113).
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LIVRE CINQUIÈME.
LE PARLEMENTARISME.


i.
1789.


Un jour, il y a soixante-trois ans de cela, le peuple français, possédé par une famille depuis huit cents années, opprimé par les barons jusqu’à Louis Xl, et depuis Louis Xl par les parlements, c’est-à-dire, pour employer la sincère expression d’un grand seigneur du dix-huitième siècle, « mangé d’abord par les loups et ensuite par les poux » ; parqué en provinces, en châtellenies, en bailliages et en sénéchaussées ; exploité, pressuré, taxé, taillé, pelé, tondu, rasé, rogné et vilipendé à merci, mis à l’amende indéfiniment pour le bon plaisir des maîtres ; gouverné, conduit, mené, surmené, traîné, torturé ; battu de verges et marqué d’un fer chaud pour un jurement, envoyé aux galères pour un lapin tué sur les terres du roi, pendu pour cinq sous, fournissant ses millions à Versailles et son squelette à Montfaucon, chargé de prohibitions, d’ordonnances, de patentes, de lettres royales, d’édits bursaux et ruraux, de lois, de codes, de coutumes, écrasé de gabelles, d’aides, de censives, de mainmortes, d’accises et d’excises, de redevances, de dîmes, de péages, de corvées, de banqueroutes ; bâtonné d’un bâton qu’on appelait sceptre, suant, soufflant, geignant, marchant toujours, couronné, mais aux genoux, plus bête de somme que nation, se redressa tout à coup, voulut devenir homme, et se mit en tête de demander des comptes à la monarchie, de demander des comptes à la providence, et de liquider ces huit siècles de misères. Ce fut un grand effort.