Napoléon le PetitOllendorftome 7 (p. 17-18).


v.
BIOGRAPHIE.

Charles-Louis-Napoléon Bonaparte, né à Paris le 20 avril 1808, est fils d’Hortense de Beauharnais, mariée par l’empereur à Louis-Napoléon, roi de Hollande. En 1831, mêlé aux insurrections d’Italie, où son frère aîné fut tué, Louis Bonaparte essaya de renverser la papauté. Le 30 octobre 1836 il tenta de renverser Louis-Philippe. Il avorta à Strasbourg, et, gracié par le roi, s’embarqua pour l’Amérique, laissant juger ses complices derrière lui. Le 11 novembre il écrivait : « Le roi, dans sa clémence, a ordonné que je fusse conduit en Amérique » ; il se déclarait « vivement touché de la générosité du roi », ajoutant : « Certes, nous sommes tous coupables envers le gouvernement d’avoir pris les armes contre lui, mais le plus coupable, c’est moi », et terminait ainsi : « J’étais coupable envers le gouvernement ; or, le gouvernement a été généreux envers moi »[1]. Il revint d’Amérique en Suisse, se fit nommer capitaine d’artillerie à Berne et bourgeois de Salenstein en Thurgovie, évitant également, au milieu des complications diplomatiques causées par sa présence, de se déclarer français et de s’avouer suisse, et se bornant, pour rassurer le gouvernement français, à affirmer, par une lettre du 20 août 1838, qu’il vit « presque seul » dans la maison « où sa mère est morte » et que sa « ferme volonté » est de « rester tranquille ». Le 6 août 1840, il débarqua à Boulogne, parodiant le débarquement à Cannes, coiffé du petit chapeau[2], apportant un aigle doré au bout d’un drapeau et un aigle vivant dans une cage, force proclamations, et soixante valets, cuisiniers et palefreniers, déguisés en soldats français, avec des uniformes achetés au Temple et des boutons du 42e de ligne fabriqués à Londres. Il jette de l’argent aux passants dans les rues de Boulogne, met son chapeau à la pointe de son épée, et crie lui-même : vive l’empereur ; tire à un officier[3] un coup de pistolet qui casse trois dents à un soldat, et s’enfuit. Il est pris, on trouve sur lui cinq cent mille francs en or et en bank-notes[4] ; le procureur général Franck-Carré lui dit en pleine cour des pairs : « Vous avez fait pratiquer l’embauchage et distribuer l’argent pour acheter la trahison. » Les pairs le condamnent à la prison perpétuelle. On l’enferme à Ham. Là son esprit parut se replier et mûrir ; il écrivit et publia des livres empreints, malgré une certaine ignorance de la France et du siècle, de démocratie et de foi au progrès : l’Extinction du paupérisme, l’Analyse de la question des sucres, les Idées napoléoniennes où il fit l’empereur « humanitaire ». Dans un livre intitulé Fragments historiques, il écrivit : « Je suis citoyen avant d’être Bonaparte. » Déjà, en 1832, dans son livre des Rêveries politiques, il s’était déclaré « républicain ». Après six ans de captivité, il s’échappa de la prison de Ham, déguisé en maçon, et se réfugia en Angleterre. Février arriva, il acclama la République, vint siéger comme représentant du peuple à l’Assemblée constituante, monta à la tribune le 21 septembre 1848, et dit : « Toute ma vie sera consacrée à l’affermissement de la République », publia un manifeste qui peut se résumer en deux lignes : liberté, progrès, démocratie, amnistie, abolition des décrets de proscription et de bannissement ; fut élu président par cinq millions cinq cent mille voix, jura solennellement la Constitution le 20 décembre 1848, et, le 2 décembre 1851, la brisa. Dans l’intervalle il avait détruit la République romaine et restauré en 1849 cette papauté qu’il voulait jeter bas en 1831. Il avait en outre pris on ne sait quelle part à l’obscure affaire dite Loterie des lingots d’or ; dans les semaines qui ont précédé le coup d’État, ce sac était devenu transparent et l’on y avait aperçu une main qui ressemblait à la sienne. Le 2 décembre et les jours suivants, il a, lui pouvoir exécutif, attenté au pouvoir législatif, arrêté les représentants inviolables, chassé l’Assemblée, dissous le conseil d’État, expulsé la Haute Cour de justice, supprimé les lois, pris vingt-cinq millions à la Banque, gorgé l’armée d’or, mitraillé Paris, terrorisé la France, jonché les rues de cadavres, versé des flots de sang ; depuis il a proscrit quatre-vingt-quatre représentants du peuple, volé aux princes d’Orléans les biens de Louis-Philippe leur père, auquel il devait la vie, décrété le despotisme en cinquante-huit articles sous le titre de Constitution, employé l’armée à la honte, garrotté la République, fait de l’épée de la France un bâillon dans la bouche de la liberté, brocanté les chemins de fer, fouillé les poches du peuple, réglé le budget par ukase, déporté en Afrique et à Cayenne dix mille démocrates, exilé en Belgique, en Espagne, en Piémont, en Suisse et en Angleterre quarante mille républicains, mis dans toutes les âmes le deuil et sur tous les fronts la rougeur.

Louis Bonaparte croit monter au trône, il ne s’aperçoit pas qu’il monte au poteau.

  1. Lettre lue à la cour d'assises par l'avocat Parquin qui, après l'avoir lue, s'écria «Parmi les nombreux défauts de Louis-Napoléon, il ne faut du moins compter sur l'ingratitude »
  2. Cour des pairs. Attentat du 6 août 1840, page 140 ; témoin Geoffry, grenadier
  3. Le capitaine Col-Puygellier, qui lui avait dit :« Vous êtes un conpirateur et un traître. »
  4. Cour des pairs. Témoin Adam, maire de Boulogne.