Napoléon et la conquête du monde/I/24

H.-L. Delloye (p. 109-112).

CHAPITRE XXIV.

GUERRE DE 1817.



On était arrivé au mois de février 1817, qu’aucune manifestation extérieure n’avait encore fait connaître les projets de guerre de la ligue du nord-est. Et déjà, sur l’ordre de Napoléon, les flottes de l’empire, composées de celles de France, d’Angleterre, de Hollande et de Danemarck, se réunissaient dans les ports de Toulon, de Barcelone et de Gênes, et au mois de février toutes ces flottes se portèrent ensemble dans l’Adriatique.

En même temps les forces de terre se tenaient prêtes sur les bords du Rhin.

On eût dit que l’Europe attendait quelque prodigieux résultat, tant étaient grands la stupeur et pour ainsi dire le silence des nations.

L’armée russe commença la première les hostilités. Elle se porta sur Grodno en Pologne, et s’empara de cette ville.

Dès lors tout fut en feu, et les quatre puissances liguées, et la France, qui traînait après elle le reste de l’Europe.

Le roi de Pologne tenta de reprendre Grodno, mais vainement. Les maréchaux ducs de Bellune et de Tolosa (Victor et Foy) accoururent à son secours et entrèrent en Pologne avec quarante mille soldats.

Le prince de Hohenlinden (Moreau), avec cent mille Français, Anglais et Danois, occupa le Mecklenbourg et le Danemarck, en se dirigeant vers la Suède.

Le roi d’Italie (Eugène), avec les Napolitains, les Autrichiens et les Bavarois, et en outre avec les corps des maréchaux prince de la Moskowa et duc de Castiglione, entra en Bosnie et en Servie.

La flotte française, divisée en deux escadres, sous les ordres de l’amiral comte de Yarmouth et du vice-amiral Missiessy, parut dans l’Archipel et fit voile vers Constantinople.

L’empereur lui-même, à la tête de la grande armée, traversa la Bavière, et entra une fois encore en Prusse.

Alors la tempête des guerres rugit dans toute sa fureur. Mais elle fut courte, car presque en même temps, dans le courant du même mois d’avril 1816 :

Constantinople était bombardée et prise par nos flottes, et l’amiral Missiessy en prenait le gouvernement pour la France.

Le roi de Pologne et le maréchal de Bellune entraient dans Moscou, tandis que le maréchal Foy s’emparait de Pétersbourg.

Moreau, ayant écrasé à Wexio une partie de l’armée suédoise, était lui-même entré en maître à Stockholm.

Et le 21 avril, sous les murs de Berlin, l’empereur, avec sa grande armée, avait, dans la plus extraordinaire de ses victoires, anéanti les armées combinées suédoise, russe et prussienne ; et un boulet perdu, sur le soir de cette journée, avait atteint et frappé à mort l’empereur Alexandre.

De son côté le roi d’Italie avait, près de Belgrade, taillé en pièce l’armée turque, et lui avait tué vingt-cinq mille hommes.

La rapidité de ces victoires survenues en même temps confondit cette fameuse ligue du nord-est qui s’évanouit comme un nuage devant le soleil.

L’empereur ne daigna pas entrer à Berlin. Il nomma le maréchal duc de Dalmatie gouverneur général de cette ville et de la Prusse entière.

Après quoi il se retira à Dresde, où lui arrivèrent coup sur coup les nouvelles de ces succès inouis, et c’est là que vinrent le retrouver les rois vaincus, leurs ministres et leurs cours.

Jamais conquêtes et victoires n’avaient été plus soudaines, et jamais aussi la puissance européenne de l’empereur n’avait été plus assurée. Tout tremblait sous lui, tous étaient esclaves ou vaincus.