Nécrologie de 1830

Nécrologie


DE 1830.

Dans l’avant-propos de son éloquente note sur la Grèce, M. de Châteaubriand fait remarquer avec quelle effrayante rapidité se retirent les personnages du grand drame qui, depuis quarante ans, se joue sous nos yeux. Cette triste réflexion d’un homme de génie devient plus affligeante encore lorsque l’on reconnaît combien de noms célèbres ou distingués ont été rayés de la liste des vivans dans le court espace d’une seule année.

Pie viii, George iv, François Ier de Naples, et Charlotte-Joachime, reine douairière de Portugal, doivent paraître les premiers dans cette revue funèbre. Autour d’eux se pressent plusieurs princes : le dernier des Condés, le jeune infant d’Espagne Philippe-Édouard-Marie, la duchesse douairière de Saxe-Weimar Eisenach, le grand-duc de Bade, le duc Guillaume de Wurtemberg, le duc d’Anhalt Coethen, Louis x, grand-duc de Hesse-Darmstadt, et les landgraves Chrétien et Charles-George de Hesse.

La Chambre des Pairs a rendu les derniers hommages à seize de ses membres : le duc de Bourbon, prince de Condé[1] ; le maréchal marquis Gouvion-Saint-Cyr, le cardinal de Clermont-Tonnerre, le duc de Lévis ; les marquis de Lally-Tolendal, Barthélemy, d’Ecquevilly et de Béthisy ; l’abbé Feutrier, et les comtes de Beaumont, de Machault, Louis de Kergorlay, Colchen, de Ségur, de Sainte-Suzanne et de Villemanzy. Un seul des membres dont la nomination a été annulée par la Charte de 1830, l’abbé Morel, de Mons, a succombé depuis les événemens de juillet.

La Chambre des Députés n’a perdu que trois de ses membres : MM. Benjamin Constant (Bas-Rhin), Guilhem (Maine-et-Loire), et Galoz (Gironde).

Les premiers rangs de nos guerriers se sont éclaircis. L’armée a perdu le maréchal Gouvion-Saint-Cyr ;

Les lieutenans-généraux comte Pacthod, baron Jeannin, vicomte Domon, comte de Sainte-Suzanne, comte de Beaumont, comte Vandamme, baron Maurin, comte d’Oilliamson, Duverger, Guin de Montagnac, comte Bozon de Talleyrand-Périgord, d’Aubier-de-Rioux, baron d’Arnaud, marquis d’Ecquevilly, marquis de Roncherolles, et Bonamy ;

Les marchaux-de-camp baron Barbanègre, immortalisé par la défense d’Huningue, de Sainte-Suzanne, Cauchois, baron de Bazancourt, chevalier de Pont, duc de Lévis, vicomte de Chappedelaine, Le Couturier, comte Degros, Burthe, Beauvais, Landrieux, marquis de Marcieu, comte de Chasseloire, comte de Castella, baron d’Itteville, vicomte Balathier, comte Charles de Polignac, comte Alexandre, comte de Valory, Mouton, Deschaberts, et comte de Chastenay-Lanty ;

Les colonels d’Aultanne, de Turenne, Lainé, de Pleineselve, Verdier, et de Solminihac.

La marine regrette les contre-amiraux Pasquier, de Villeblanche, de Grimaldi et Dupac de Bellegarde.

Les sciences ont éprouvé des pertes irréparables. Elles ont vu tomber le baron Fourier, secrétaire de l’institut d’Égypte ; les illustres géographes Rennel et Gosselin, l’anatomiste bavarois Soemmering, le chirurgien corse Sisco, le savant entomologiste piémontais Bonelli, l’archéologue romain Guattani le géologue et botaniste Cervantes, et le minéralogiste Bustamente, l’un et l’autre Mexicains ; le pharmacien Séguin, le naturaliste Dumont de Sainte-Croix, le chimiste Carny, les docteurs Sue, Désormeaux et Bouvenot ; le capitaine Boteler, voyageur mort sur la côte occidentale d’Afrique ; Bradforth, voyageur américain mort à Jérusalem ; Billy, bibliothécaire du Conservatoire des Arts et Métiers, et Dubois-Foucon, dentiste inamovible de Louis xvi, Napoléon, Louis xviii et Charles x.

Les lettres ont subi plus de pertes encore : après les noms de Ségur, de Benjamin Constant, de madame de Genlis, de Lally-Tolendal, de Lévis, de Salgues, de madame Suard, de J.-F. de Madrid (poète colombien), de Hazzlit et de Price (l’un critique et l’autre orientaliste anglais), nous devons citer ceux de MM. Prudhomme, Alphonse Rabbe, Chéron, Schweighœnser, Levavasseur, Pierloni (prédicateur italien), Pellet (d’Épinal), Maugras, Radet, La Bissachère, le général Beauvais, Augustin Prévost, Zalazar (historien colombien), Lamartelière, Boinvilliers ; Eugène Destains, Lombard (de Langres), Signol, Pieyre, Moustalon, Martainville, Peuchet, Joseph Pain, Amillet, Biagioli, Labbé-Deslondes et Butignot : nous n’omettrons pas même M. Auguste Hus.

Les arts ont aussi vu s’éteindre plusieurs notabilités : après l’illustre peintre sir Thomas Lawrence, Robert-Lefèvre, Catel et Tannay ont droit à nos hommages, et nous devons citer encore les peintres Venceslas Peter (Bohème), Odevaere (Belge), Letellier et Tardieu ; la fameuse Teresa Bennicampi, professeur de sculpture à Florence ; les sculpteurs Le Sueur[2], et Calloigne (Belge) ; le compositeur Champein et le célèbre violon Rode ; les acteurs Naudet, Devigny et Walville ; madane Andrieu, qui, sous le nom de Philis, enchantait les anciens habitués du théâtre Italien, et M. de Laurencel, conservateur de la galerie de tableaux de L’Élysée.

Parmi les personnages qui ont occupé dans la société un rang élevé, on doit remarquer l’ancien président du Directoire, Gohier ; MM. le comte Rigal, ancien sénateur ; le comte d’Hauterive, directeur des archives diplomatiques ; le chevalier de la Rue, garde général des archives du royaume ; le marquis de Moustiers, ancien ambassadeur ; les anciens préfets baron Balguerie, baron Gary, comte de Chambaudoin, et baron Miollis ; le comte Armand Delaistre, sous-préfet de Roanne ; le baron de Vielcastel, maître des requêtes ; Sieyes et le baron Blondel d’Aubers, conseillers honoraires à la Cour de Cassation ; Ferrières et Debonnaire de Gif, conseillers à la Cour royale de Paris ; plusieurs membres de nos anciennes assemblées délibérantes : MM. le baron Pérignon, Pilastre, Delahaye-Delaunay, Boulay-Paty, Ribereau et Madier de Montjau ; MM. le baron Lair, inspecteur général des constructions navales ; Collignon, ancien secrétaire général du ministère de la guerre ; Adrien Dupré et Guinnebaud, consuls généraux à Smyrne et à Saint-Domingue ; l’abbé Thibault inspecteur général de l’Université, Victor de Sèze, recteur de l’Académie de Bordeaux ; Delanneau, ancien directeur du Collége de Sainte-Barbe ; le baron Garat, directeur de la Banque de France, Housel et Boulle, successivement directeurs de la dette inscrite ; les célèbres financiers Récamier et Delamarre ; l’abbé Bossut, long-temps curé de Saint-Eustache ; Wéber, frère de lait de la reine Marie-Antoinette, et auteur de mémoires sur la vie de cette princesse ; le fils unique de Marmontel, mort à l’hôpital de New-York ; enfin les avocats Hénault de Tourneville, doyen de l’ordre, et Le Rideller.

Les nations étrangères ont vu tomber plusieurs personnages historiques. Nous citerons au premier rang Bolivar, dont le nom ne périra pas sur les plages américaines ; le célèbre ministre anglais Huskisson ; le général comte de Boigne, si connu par ses exploits dans l’Inde et par sa noble bienfaisance dans la Savoie, le marquis d’Alménara, homme d’état espagnol ; l’ancien favori de Ferdinand vii, Ugarte ; le chevalier de Médici, premier ministre de Naples, le général Lamar, ancien président de la république du Pérou ; le général Sucre, victime d’un assassinat ; le comte Adam de Weishaupt, fondateur de la secte des illuminés, et le général portugais marquis de Chavès.

Nous devons mentionner encore les cardinaux Della Somaglia, Bertazzoli, Firrao, Crescini, Césaréi-Léoni, Gravina et Vidoni ; MM. Vandiola, ancien ministre des finances d’Espagne, et Riégo, doyen du conseil de Castille, don Carlos O’Donnel, grand-maître de l’artillerie espagnole ; don Juan Villavicencis, directeur général de l’armée navale espagnole, et le général Caro ; lord Graves, célèbre par son suicide ; l’amiral Pole ; le général major Hill, et les pairs duc d’Athol et comte Harcourt ; MM. Vandergoes, ancien président de la seconde chambre des Pays-Bas ; le marquis de Mérode, ancien sénateur ; Zeltner, ancien ambassadeur de Suisse en France ; le général Acton, Français au service de Naples ; le fils unique de Goethe ; le marquis d’Yenne, ancien vice-roi de Sardaigne ; Murphy, agent général du Mexique à Paris ; le prince Louis Radzivil ; le savant Münter, évêque de Séeland ; Demotz, ministre des finances de Prusse ; le feld-maréchal comte Yorck de Wardemburgh, et le général de Borcke, l’un et l’autre Prussiens.

On ne saurait omettre sur cette liste funèbre diverses victimes des troubles politiques et des combats.

En France : Farcy et Lamy, jeunes écrivains ; Louis Salmon, jeune sculpteur ; Vanneau, élève de l’École polytechnique, et le docteur Miel, tombés sous la mitraille de juillet.

En Espagne : le colonel Chupalangara.

En Belgique : le jeune comte Frédéric de Mérode, le lieutenant-colonel Gaillard, les adjudans Felluer et Van-Reckout, le jeune Wibrin, le major général anglais lord Blantyre, et l’acteur Jenneval.

Dans la Colombie : les généraux Carvajal et Ximénès, fusillés à Caracas.

Au Mexique : le général Aromjo et le colonel Vittoria, pareillement fusillés.

Dans la campagne d’Afrique : le colonel Frescheville, et plusieurs officiers distingués, entre autres MM. Chambaud, Trélan, de Ruffo et Amédée de Bourmont.

Dans l’insurrection de Varsovie : les généraux de l’armée russe Trébicki, Hancke, Gendre, Fench, Norwicki, Blumer, Stanislas Potocki, Krasinski et Siémiegtkowski ; le vice-président Lubowidzki, et les colonels de Sass et Néciszzewski.

Les noms de plusieurs dames méritent d’être rappelés ici : on doit remarquer surtout les duchesses de Larochefoucauld-Liancourt, de Brancan, de Luynes et de Richelieu ; la maréchale Diébitsch, la marquise de Dalmatie, et la veuve de Palissot.

Plusieurs exemples remarquables de longévité ont été donnés en 1830 : nous ne pouvons négliger, dans ce grand rendez-vous funéraire, le Russe Michofsky, mort à 165 ans ; la Calabroise Rosaria Pangallo, à 132 ; l’invalide autrichien Thomas Boeck, à 129 ; de Giuseppe, des États romains, à 123 et 11 mois ; le Belge Vanderoom à 120 ; une femme de Honfleur à 115 ; le général en chef prince Dolgorouki, à 107 ; Catherine Clowez, de Valenciennes, à 104 ; la veuve Panger, de Morsang (Eure), à 103 et 6 mois, et M. de Sallayve, doyen de l’ordre de Saint-Louis, à 102.

Enfin, pour n’omettre aucun genre de célébrité, il nous reste à inscrire sur cette liste, d’abord l’artiste physicien Olivier et l’astrologue viennois Frickmann, et dans une ligne toute différente, le prophète nègre Moussa pendu au Sénégal ; le fameux Graffan dit Quatretaillons ; Frémont, assassin de Paul-Louis Courrier, et le sergent Bitterling, assassin du colonel d’Aultanne.

  1. Les noms imprimés en caractère italiques indiquent les répétitions nécessitées pour la subdivision de cette revue.
  2. L’institut a perdu huit de ses membres : MM. le baron Fourier, le comte de Ségur, le marquis de Lally-Tolendal, le duc de Lévis, Gosselin, Tannay, Catel et Le Sueur.