Monuments et indices préhistoriques ; enquête dans la région supérieure du plateau central de la France


MONUMENTS ET INDICES PRÉHISTORIQUES
DANS LA RÉGION SUPÉRIEURE DU PLATEAU CENTRAL DE LA FRANCE


pierres à bassins, à écuelles, etc.
et autres roches et pierres légendaires (archéites)
mégalithes, antiquités et indices divers

ENQUÊTE. — QUESTIONNAIRES



La science des antiquités préhistoriques sollicite, depuis quelques années, l’étude de certains monuments de la nature que l’homme, en des temps anciens, paraît avoir appropriés à différentes destinations. De ce nombre sont les roches et pierres brutes qui, creusées de cavités souvent très-régulières, sont connues dans les campagnes sous les noms de pierres à bassins ou à écuelles. D’autres pierres dépourvues de ces cavités, n’éveillent pas moins l’attention : leurs formes extraordinaires, leurs singulières appellations, les récits populaires ou légendes dont elles sont l’objet, diverses marques ou empreintes naturelles ou même artificielles qu’on y voit, peuvent, comme pour les pierres à bassins, révéler d’antiques usages. Parmi les spécimens de ce genre, on remarque surtout les roches dites chaires du diable, du drac, des lutins, de Gargantua, de Saint-Martin, de Saint-Mary, de la dame, de la Sainte-Vierge, etc.

Tous ces monuments, sans exclure quelques assemblages de pierres dus partiellement à un travail humain, comportent dans notre contrée, des roches plus ou moins saillantes qui font partie de masses rocheuses, ainsi que des pierres simplement posées sur le sol par l’effet d’accidents naturels ou, comme les blocs erratiques, par suite de phénomènes géologiques.

Nous avons, en outre, à signaler des représentations très réduites de ces derniers blocs, sous forme de galets. Mobiles et portatives, ces petites pierres se distinguent sous ce rapport, des précédentes qui, par leur destination, étaient fixes et immuables. Il convient, à notre avis, de classer ensemble ces divers monuments et d’en faire un ordre spécial pour lequel nous proposons l’appellation d’archéites. Constatons, d’ailleurs, que leurs caractères principaux les différencient des vrais mégalithes tels que les dolmens, allées couvertes, menhirs, lichavens, cromlechs, etc., ceux-ci, composés aussi de pierres brutes ; mais ayant été érigés de main d’homme.

Le département de la Haute-Loire a déjà fourni dans plusieurs publications, d’instructives données, en particulier pour les roches à bassins, qui ne sont pas les moins intéressantes entre celles qu’on signale aujourd’hui de toutes parts, en France, en Angleterre, Écosse et Irlande, Suède, Allemagne, Danemark, Italie et jusque dans l’Inde et les deux Amériques.

Mais chaque contrée pourrait avoir imprimé un caractère particulier aux différentes variétés de ces monuments et on ne parviendra à dévoiler leurs mystérieuses significations qu’après avoir comparé et classé des faits nombreux, non plus dans les étroites limites d’un département, mais largement dans toute circonscription orographique, la plus rationnelle qu’ait tracée la nature.

Cette considération nous engage à ouvrir une enquête dans la région supérieure du plateau central, région adoptée pour l’archéologie préhistorique et comprenant — outre la Haute-Loire — les départements du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Lozère, de l’Ardèche et de la Loire. Des archéologues y ont déjà fait connaître des antiquités lithiques au nombre desquelles sont des roches à bassins, des chaires, des groupes de pierres légendaires, etc.[1] D’attentifs observateurs poursuivent les mêmes investigations et nous font espérer les communications de leurs découvertes. C’est afin de faciliter ces intéressantes recherches et d’en coordonner les résultats que nous publions le questionnaire ci-après. Nous le faisons suivre d’une deuxième série de questions relatives à d’autres monuments, et à des vestiges et indices qui, de près ou de loin, intéressent les origines préhistoriques.





ARCHÉITES

QUESTIONNAIRE


A. — Roches à bassins
1. 
Existe-t-il dans la commune de… des pierres ou roches dites à bassins, à écuelles, à trous, à godets, etc. ?
2. 
Indiquer le lieu par les noms du terroir, du village le plus voisin et de la commune.
3. 
La pierre ou roche est-elle au sommet d’un mont, dominant une certaine étendue de pays, ou bien sur la pente d’une montagne ou colline ; dans tous les cas, à quelle hauteur approximative au dessus du fond de la vallée ? Si le lieu est très-élevé, donner aussi son altitude au-dessus de la mer.
4. 
Est-elle au fond même de la vallée ? dans un village ou autre lieu habité ? au bord d’un cours d’eau ? auprès d’une fontaine ? dans un endroit sauvage, peu fréquenté, mystérieux ? auprès d’une grotte ou caverne ? dans une forêt ? dans un communal ? au bord d’un vieux chemin ?
5. 
Sur la frontière d’un ancien diocèse (ancien grand pagus) ; sur les confins de la commune (ou de l’ancienne paroisse) ? Établir le fait, à l’égard de la commune, au moyen du procès-verbal de délimitation communale, ainsi que du plan cadastral. (Ces documents sont à la direction des contributions directes et dans les archives des mairies.)
6. 
Y a-t-il plusieurs de ces monuments à quelque distance entre eux dans une même vallée ?
7. 
Le monument ne comporte-t-il qu’une seule pierre ou roche ? Sa surface supérieure est-elle à peu près plane, offrant l’apparence d’un grand autel ? Cette sorte de table montre-t-elle des traces d’un grossier équarrissement ? Ce monolithe est-il, au contraire, de forme plus ou moins pyramidale, avec des creux au sommet ?
8. 
Le monument forme-t-il un groupe de plusieurs pierres ? nombre de ces pierres ? Quelle est leur disposition en ligne, en triangle, en cercle, en ellipse, etc. ?
9. 
La pierre fait-elle partie du rocher inférieur, ou bien est-elle simplement posée sur le sol ?
10. 
Si elle est posée sur le sol, est-elle à arêtes vives ou bien quelque peu usée sur les bords, comme roulée, et donnant l’idée d’un bloc erratique ? On s’assurera également si la pierre ne serait pas un météorite.
11. 
Sa hauteur au dessus du sol ? Ses dimensions en longueur et largeur ?
12. 
Les creux ou bassins accusent-ils évidemment la main de l’homme ?
13. 
Paraissent-ils, en partie, naturels et, en partie, avoir été façonnés par l’homme ?
14. 
L’outil qui a façonné les creux a-t-il laissé des traces indiquant sa forme et sa matière (pierre, bronze ou fer) ?
15. 
Nombre des creux, leur figure (ronde, ovale, demi-circulaire, carrée, trapézoide, irrégulière) ; — leur forme en profondeur (cylindrique, à fond plat, à fond concave ; conique ; hémisphérique, etc.) ; diamètre (le plus grand et le plus petit de chaque trou) ; mesure de la profondeur. Figurer le tout, aussi exactement que possible, au moyen d’un plan et de coupes ou sections de la pierre.
16. 
S’il y a plusieurs trous, donner seulement les diamètres du plus grand et du plus petit.
17. 
Les creux sont-ils à la face supérieure de la pierre ? Y en a-t-il aux faces verticales ?
18. 
Voit-on des rainures ou rigoles aboutissant aux creux et aux bords de la pierre ? formes, largeur et profondeur de ces rigoles ?
19. 
Existe-t-il à côté des creux ou bassins, des incisions en forme de croix ou toute autre figure ou marque ?
20. 
La pierre ou roche est-elle, sauf les bassins ou creux, absolument brute ?
21. 
Quand la roche est d’une certaine hauteur, a-t-elle été grossièrement taillée dans le bas en gradins ou marches pour en faciliter l’ascension ?
22. 
Voit-on aux faces verticales de la pierre des excavations en forme de niche, peut-être pour le placement de luminaires ?
23. 
Nature minérale de la pierre (granit, grès, calcaire, trachyte, phonolithe, basalte, brèche volcanique, etc.) ?
24. 
Quand la pierre repose sur le sol, est-elle de même nature que le rocher du sous-sol ? Dans le cas contraire, de quel lieu la pierre paraît-elle provenir ?
25. 
La pierre est-elle très dure et difficile à tailler ?
26. 
Des fouilles faites dans des failles du rocher ou auprès du monument ont-elles mis au jour des objets curieux, tels que des silex taillés, des ustensiles en os, en bronze, en fer ou d’autres métaux, des médailles, d’anciennes poteries entières ou en fragments ? Ces objets paraissent-ils avoir le caractère votif d’offrandes ou oblations ?
27. 
Sous quel nom la pierre est-elle connue dans le pays, par exemple : la pezade, les tres pezades, les tres peyres, les pierres jumelles, la pierre mule, pierre chevalade, chavalmar, fer du diable, grand’olles, pierre trouée, la pierre de l’autel, du mortier, du four, de la barrique, du chaudron, des cartes (mesures de grains), du tinaou (cuve pour le vin), pierre de phébou (phébus ?), pierre des fées, des fadarelles, des sorciers, du sabbat, pierre folle, la sarrasinière ou des sarrasins, pierres jay, roches garries, pierre frite, roche de Samson, roche du grün ou crün, pierre veire, pierre qui vire, pierre du trésor, pierre du serment, pierre croisée, pierre de saint-men (sainte pierre), pierre de Saint-Rock (saint roc), de Sainte-Corneille (corn-ei, les roches), de Saint-Phallier, de Saint-Martin, de Saint-Étienne, de Saint-Maurice, de Saint-Georges, etc. ?
28. 
La pierre est-elle l’objet de récits populaires ? Qu’en raconte-t-on ?
29. 
Y va-t-on pour être guéri de certaines maladies ? Y conduit-on surtout des enfants infirmes, noués, etc. ? À quelles époques de l’année ? Les visites ont-elles lieu le jour ou la nuit ?
30. 
Le monument est-il surmonté d’une croix de pierre ?
31. 
Y en a-t-il une à proximité du monument ?
32. 
Y voit-on une chapelle dédiée au même saint que la pierre ?
33. 
Dépose-t-on dans les creux des offrandes d’épingles, des liards ou centimes ? Plante-t-on auprès de la pierre des petites croix de bois ? Y distribue-t-on des aumônes ?
34. 
Trouve-t-on des pierres à creux, de petite dimension, portatives, et paraissant avoir été des représentations réduites de grandes pierres à écuelles ou à godets ? Indiquer le lieu de la trouvaille, par exemple, au dedans ou près d’un dolmen, d’un tumulus, dans une sépulture romaine, dans un vieux cimetière. A-t-on découvert des pierres — bétyles avec ou sans godets ?
B. — Pierres et rocs à siège
35. 
Existe-t-il dans la commune des roches adhérentes ou non au rocher inférieur, simulant des sièges et désignées sous les noms de fauteuil de gargantua, chaire du diable, du drac, chaises des lutins, chaise de la dame, de la Sainte-Vierge, de Saint-Martin, de Saint-Mary, de Saint-Chaire (Théofrède), roc ou chaire de foucou (focus ?), pierre de l’assète (du siège), etc. ?
36. 
Ces pierres sont-elles absolument brutes ou à peu près façonnées par l’homme ?
37. 
Le monument ne comporte-t-il qu’une roche, ou y en a-t-il plusieurs formant un groupe ? Dans ce dernier cas, indiquer sa disposition en ligne, en triangle, en cercle, en ellipse.
38. 
Situation de ces sièges, leurs formes (surtout à dossier et accoudoirs) et dimensions, les signes qui y seraient gravés, les traces de l’outil qui aurait modifié la structure naturelle de la pierre. Légendes, offrandes ou oblations.
    
Voit-on auprès ou autour des sièges, des pierres à bassins ou d’autres archéites ou bien encore des mégalithes ?
    
Ces pierres sont-elles situées sur des frontières ou marches de grands pagi ou bien sur les confins d’anciens petits districts (aujourd’hui communes) ? Figurer les monuments, autant que possible, au moyen de dessins, plans et coupes.
C. — Autres roches ou pierres extraordinaires
39. 
Roches adhérentes au rocher inférieur, brutes ou quelque peu façonnées, auxquelles s’appliquent des récits populaires (y compris des images grandioses dites du géant). Indiquer les noms, la situation, la forme, les dimensions ainsi que les marques ou signes qui pourraient y avoir été gravés, et les traces de l’outil qui aurait servi à modifier la structure naturelle ; légendes et oblations.
40. 
Toutes pierres brutes ou peu façonnées, posées sur le sol (autres que les vrais mégalithes), isolées, ou formant un groupe ou même un assemblage quelque peu arrangé par l’homme, lesquelles pierres seraient de formes extraordinaires et l’objet de croyances populaires. Particularités notables de ces pierres, et surtout leur nature minéralogique. Produits de fouilles faites auprès de ces monuments.
41. 
Se rend-on auprès de certaines pierres le jour du solstice d’été ? Quelles sont les pratiques superstitieuses auxquelles on s’y livre ? — Connaît-on des roches à légendes phalliques ?
42. 
Que disent les observateurs, — en dehors des légendes, — de l’usage auquel les différents archéites auraient servi dans les temps anciens ?
43. 
Quels sont ceux qui ont été détruits de nos jours pour cause d’empierrement de chemins ou pour tout autre motif ?
44. 
Indiquer les ouvrages locaux qui ont mentionné des monuments semblables à tous ceux qui viennent d’être désignés.


ÉTUDES DIVERSES D’ARCHÉOLOGIE

Le questionnaire ci-dessus trace un programme suffisamment précis à l’égard de certains monuments archéitiques. Il eût été difficile de comprendre dans le même cadre d’autres antiquités et de curieux indices, la plupart moins bien définis pour un semblable classement. Cependant leur étude importe aussi à la connaissance de nos plus lointaines origines. Le deuxième questionnaire qui suit sera donc un appel à la recherche des éléments de classifications ultérieures. Nous complèterons, dans notre prochain volume de mémoires, nos programmes d’archéologie régionale, principalement en ce qui concerne l’époque romaine, le moyen âge et la renaissance.

QUESTIONNAIRE
1. 
En quels lieux et dans quels terrains géologiques a-t-on observé la présence d’ossements humains ou d’objets travaillés par l’homme ? A-t-on constaté leur association à des os d’animaux d’espèces éteintes ou émigrées[2] ?
2. 
Grottes, cavernes, abris sous roche, souterrains naturels ou artificiels (baumes, bornes, cabornes, chasornes, clusels, crottes, etc.). Indiquer leurs noms, situation, légendes et particularités les plus remarquables, notamment les signes et figures intentionnels qu’offriraient les parois des cavernes. A-t-on découvert, soit à l’intérieur, soit aux abords des grottes et souterrains, des vestiges de foyers avec os calcinés d’animaux, ustensiles de pierre et de métaux, poteries, objets ouvrés en os, en coquillages, etc. ?
    
En ce qui a trait aux cavernes naturelles, on précisera, d’après certains indices, si elles ont servi d’habitation ou de lieu de sépulture, ou bien si elles ont eu cette double destination, enfin si elles ont été seulement des repaires pour des animaux carnassiers. Signaler toutes les trouvailles qui y ont été faites, en particulier l’association régulière d’ossements humains avec des os d’animaux d’espèces éteintes ou émigrées. Y a-t-il des ossements d’animaux qu’on puisse rapporter à des espèces actuelles et qui, notamment, pourraient être les souches de certains de nos animaux domestiques ?
    
Étudier tous vestiges d’antiques constructions à l’intérieur ou à l’entrée des cavernes, en particulier des grottes murées, semblables à celles de l’Ardèche.
    
À l’égard des cavernes artificielles, on en relèvera les plans, afin d’y reconnaître différents types bien déterminés. Constater, d’après les traces de l’outil employé à leur creusement, la forme et la matière de cet instrument et, par suite, l’âge de la caverne.
    
Signaler les grottes isolées qui seraient disposées en vedettes à proximité de certaines cavernes.
    
Décrire avec soin les cavernes souterraines, en forme de labyrinthes. Y en a-t-il à deux ou plusieurs étages ?
    
Les châteaux, parfois, ont été construits au-dessus ou au contact de certaines cavernes artificielles ; on s’assurera si, comme à Bouzols (château carlovingien) et au Charrouil, Haute-Loire, les fondations de ces forts n’auraient pas pénétré dans des souterrains ou bien si, comme à La Rochelambert et à La Roche près Coubon, le château n’aurait pas été juxtaposé à des grottes.
3. 
Mégalithes tels que dolmens, demi-dolmens, allées-couvertes menhirs, lichavens, cromlechs[3]. Leur situation, leurs noms, traditions et légendes ; détails descriptifs. Indiquer surtout l’orientation. A-t-on effectué des fouilles soit au-dessous, soit auprès de ces monuments ? Quelles trouvailles ont-elles produites ? Constater si le sol y recèle des ossements humains ou même des squelettes entiers ; dans ce cas, sont-ils étendus, assis ou repliés et quelle est leur orientation ? Préciser les particularités du mobilier funéraire. De quelle matière sont les armes, parures, etc. ? Connait-on des vrais dolmens recouverts de terre. — Formes des cranes humains (dolichocéphale, brachycéphale, etc.) ?
4. 
Y a-t-il des dolmens ou demi-dolmens offrant des bassins ou écuelles sur la table ou bien aux pierres de support ? L’une de ces pierres est-elle percée à jour et ce trou ordinairement rond regarde-t-il l’orient ?
5. 
Les cavités sont-elles évidemment faites de main d’homme ? Leurs formes et dimensions ? Y a-t-il sur ces monuments d’autres marques ou signes intentionnels ?
6. 
Mêmes questions pour les allées couvertes.
7. 
Les menhirs, lichavens et cromlechs présentent-ils aussi des bassins et écuelles, ainsi que d’autres marques artificielles ?
8. 
Même question pour les roches branlantes. N’existe-t-il pas, quelquefois, au pied du monument, une pierre posée sur le sol et pourvue d’un bassin ? La masse branlante est-elle l’œuvre de la nature, ou celle de l’homme ?
9. 
L’usage des bassins et écuelles s’est-il continué jusqu’à nos jours dans la région ? En voit-on aux parois externes des murs des vieilles églises comme dans le Nord de l’Allemagne ? Signaler les creux ou écuelles qui existent au pied de croix en pierre et sur des dalles tumulaires du moyen âge et des temps modernes.
10 
Tumuli et galgals. Quels sont les tertres artificiels (montjoies, mollards, etc.), les uns formés de terres jectisses (tumuli), les autres d’amas de pierres (galgals) qui ont été érigés dans divers buts, entre autres pour recéler des sépultures ? Des fouilles y ont-elles fait découvrir des grandes ou des petites cellules de pierres brutes (cistes), avec vases cinéraires ou bien avec ossements humains et des armes et ustensiles (en pierre, bronze, fer, or, etc.) et autres objets funéraires, particulièrement des fers de chevaux et des restes de chars ? Noms de ces monuments, leurs situations, formes, dimensions, légendes, etc. Voir également si ces tertres ne seraient pas des éminences du genre de celles dites mottes féodales.
11. 
Anciens lieux d’inhumation, dits bessac, martouret, paradis, champ dolent. Si on y a mis au jour des sépultures, quels sont leur disposition et leur mobilier funéraire ? A-t-on connaissance d’autres anciennes sépultures plus ou moins isolées et attribuées à de pieux personnages ? Les visiteurs y déposent-ils dévotement de petites pierres au nombre de quatre ou cinq, qu’ils arrangent en forme de croix ? Situation et étendue de ces cimetières ; détails descriptifs.
12. 
Restes d’anciennes bourgades bâties à pierres sèches (caradous dans l’Ardèche). Huttes ou cabanes cylindro-coniques en pierres brutes, lesquelles se sont perpétuées jusqu’à nos jours aux environs du Puy, sous le nom de chibotes.
    
Camps retranchés ou enceintes de murailles en pierres brutes réunies sans mortier. Leur nom (par exemple, barries), leur situation sur des hauteurs, auprès d’anciennes routes (estrades) ; leur disposition, circulaire, elliptique, demi-circulaire, rectangulaire, etc. Y a-t-il des restes de murs vitrifiés ?
    
Châteaux les plus anciens ; leur système de construction. Sont-ils situés sur l’emplacement d’antiques oppida ? Tours isolées, vigies (specula).
13. 
Antiques lieux de fabrication d’armes et d’instruments en pierre taillée et en pierre polie (fibrolithe) ; indiquer surtout les ateliers qui révèleraient une continuité de fabrication des objets de pierre taillée et de pierre polie, sans hiatus entre les deux séries de ces objets. Situation et nom du terroir. Y a-t-il des vestiges d’anciennes habitations ? Description.
    
Signaler les localités où l’on a trouvé des instruments préhistoriques de pierre, de bronze, de fer et d’autres métaux, d’os et d’autres matières, des vases antiques, ainsi que des médailles gauloises, en particulier dans des lieux cachés, failles de rochers, bois, etc., ou bien auprès de certains arbres. — On fera connaître aussi les amulettes et talismans que les rites funèbres, aux époques gauloise, romaine, mérovingienne, etc., ont fait placer dans les sépultures, tels que de petits galets, de très-anciens instruments (céraunies) en silex taillé et en pierre polie, des os ouvrés, des cornes de cerf ou d’autres ruminants, etc.
14. 
Lacs et marais. Leurs noms, traditions et légendes pouvant rappeler le culte des eaux chez les anciens. Y voit-on ou en a-t-on extrait des restes de pieux donnant l’idée de demeures sur pilotis (palafittes ou habitations lacustres) ? Quelles sont les trouvailles qu’on y a faites ?
15. 
Rivières et autres cours d’eaux. Renseignements au pointde vue de l’archéologie et des traditions légendaires. Gués anciens (gaz, gazelle). Vestiges de ponts, barrages, etc.
16. 
Fontaines renommées par de superstitieuses croyances. Leurs situations, noms et légendes. Quelles sont leurs prétendues vertus sanitaires ? Sont-elles captées dans des réservoirs anciens ? Offrent-elles des pierres avec inscriptions ou marques quelconques, ainsi que d’autres pierres dans lesquelles sont fichés des clous votifs ? Y fait-on encore des offrandes ?
    
Sources minérales ; recueillir aussi les notions qui les concernent.
17. 
Forêts et arbres légendaires. Noms, situations, récits traditionnels ou écrits. Les populations se rendent-elles dans ces bois ou auprès des arbres à une certaine époque de l’année ? S’y livrent-elles à des réjouissances, danses, festins, etc. ? Quel est le saint qu’on y invoque ?
18. 
Des défrichements dans des forêts anciennes ont-ils mis au jour des vestiges d’antiques constructions ou des monuments en pierres brutes ?
19. 
Les dénudations de certaines cimes des Cévennes ne datent-elles pas d’une époque reculée ? À cet égard, le témoignage du poète romain Lucain n’est-il pas confirmé par d’autres preuves traditionnelles ou historiques ?
20. 
Si la dénudation est très ancienne, n’expliquerait-elle pas la nécessité qui s’imposa, dès une époque également reculée, de créer les grands pacages de nos hautes montagnes ? Usages relatifs à ces communaux et à tous autres de la région ; transhumance ; traditions, etc.
21. 
Voies antiques dites estrades. Le moyen âge a-t-il créé ces routes ? Si elles ne datent pas du moyen âge, les romains ne se sont-ils pas bornés à rectifier et améliorer des voies préexistantes ? N’est-il pas possible d’établir leur existence immémoriale d’après les vestiges de monuments gaulois et même préhistoriques, qu’on rencontre sur leur parcours ? Signaler d’après le cadastre, les terrains désignés par le nom d’estrade. Indiquer les lieux qui montrent des restes de ces voies, — noms et situations d’autres routes antiques telles que les bolènes. Noms et situations de vieux chemins. Signaler les colonnes itinéraires romaines avec ou sans inscriptions, ainsi que les pierres brutes plantées, (lech d’où leuca, lieue) indices de voies gauloises.
22. 
Anciennes circonscriptions politiques, surtout celle du diocèse dont on croit que le plus ancien périmètre n’était autre que celui de la civitas romaine, représentant elle-même le pagus gaulois. Rechercher leurs délimitations, ainsi que celles des subdivisions territoriales. Confins de l’ancienne paroisse à préciser en vue de reconstituer le district antérieur, romain ou même gaulois, qui peut avoir été calqué pour la création de la paroisse, district (ou territoire de petite peuplade) dont l’origine remonterait peut-être à l’un des âges préhistoriques.
23. 
Terroirs dont les noms auraient une signification se rattachant à des souvenirs de monuments ou d’édifices détruits. Relever ces appellations dans les documents cadastraux.
24. 
Vocables de monts, rochers, cours d’eau, fontaines, vallées, forêts, chemins, communaux, terroirs, lieux-dits, etc. Relever ces noms dans les documents du cadastre, afin de rechercher l’origine des radicaux qui entrent dans la composition des vocables. Contrôler, au moyen d’anciens documents ainsi que de la prononciation locale, les formes de ces noms, qui ont été souvent altérées dans de récents écrits même notariés, mais surtout par les agents du cadastre.
25. 
Signaler les inscriptions lapidaires romaines, les antiques estampilles de potiers et autres épigraphes qui contiennent des expressions et des noms gaulois.
26. 
Idiomes patois. Recueillir principalement les mots dont les formes ne sont pas assimilables à celles de leurs équivalents français.
27. 
Anciennes coutumes, usages locaux, fêtes patronales, pratiques matrimoniales et funéraires, danses, chants rustiques, noëls, adages, proverbes populaires, etc.
28. 
Costumes, parures, ustensiles, objets de harnachement. Pains et gâteaux (pompe, fouasse, teyre, parodèle, etc.). Particularités pouvant se rattacher à des habitudes anciennes et remonter même à des temps très reculés[4].
29. 
Talismans, amulettes, charmes et autres objets superstitieux.
30. 
Agriculture, industries rurales, chasse ; entres autres procédés cynégétiques, le cerf domestique n’était-il pas, à l’époque romaine et peut-être auparavant, utilisé pour la chasse, comme on le voit par des bas-reliefs antiques conservés au Musée du Puy ? Pêche, particularités concernant d’anciens usages. Plantes médicinales et autres ; leurs noms populaires et leurs emplois spéciaux.
31. 
Consulter, autant que possible, d’anciens documents relatifs aux diverses questions qui précèdent.
32. 
Les réponses aux présents questionnaires, ainsi que tous autres renseignements se rattachant, de près ou de loin, aux origines préhistoriques, seront accueillies avec un grand intérêt par le Président de la Société.


Le Président,
Aymard.



  1. Nous avons essayé de décrire, dans quelques mémoires et notes, des types d’archéites observés dans la Haute-Loire. Voyez Annales de la Société d’agriculture, sciences, arts, etc., du Puy, tome XXII, 1861, p. 341 et suiv. ; t. XXIV, 1862, p. 40 et suiv. ; t. XXIX, 1869, pp. 637-717 ; t. XXXI, 1874, p. 171 ; Rech. sur les monuments hist. de la Haute-Loire (Rec. des actes administratifs, 1875 ; no 146) ; et Matériaux pour l’hist. primitive et mat. de l’homme, mars 1872, p. 165 ; voyez aussi dans le présent volume, un aperçu sur deux petits archéites, à la séance du 5 décembre 1878. M. Mandet (l’Anc. Velay, 1846. p. 23) avait donné la légende de l’une de nos chaires et, plus récemment, deux autres de nos concitoyens, MM. Lascombe et l’abbé Payrard, ont aussi fait connaître des archéites dans les Tablettes hist. du Velay, t. IV, 1874, p. 502 et suiv. et t. VII, 1877, p. 333. Enfin, nous devons à la coopération zélée de M. Jac, instituteur à Salettes, le signalement de pierres à creux et à légendes, que nous aurons à rappeler avec d’autres inédites.

    Mentionnons également les auteurs qui, dans les autres départements de la région, ont décrit de semblables monuments : 1o Puy-de-Dôme : MM. Cancalon (1846), Bouillet (1855), Chabory (1861), le Dr Planat (1874), le Dr Pommerol (1875), Vacher (1876), et le prof. Roujou (1876). M. Cohendy vient encore de nous transmettre ses intéressantes observations ; 2o le Cantal, sous ce rapport, parait avoir été peu exploré ; mais les fantastiques accidents du sol, ses hautes cimes, ses rochers et blocs erratiques présagent des révélations que font pressentir, d’ailleurs, les monuments mégalithiques signalés savamment par MM. Rames, Delort et Cohendy ; 3o la Loire doit d’excellentes descriptions d’archéites à MM. le Dr Noëlas (1865), Gras (1872) et Vincent Durand (1876) ; avant ces archéologues, les écrivains qui avaient indiqué quelques pierres légendaires étaient Granjon (1806), Dulac (1807), Bernard (1858), de La Tour-Varan (1860) ; 4o quant à l’Ardèche, sans omettre une pierre à creux citée par M. l’abbé Caillet (1867), M. Ollier de Marichard (1869) a ouvert la voie à des études que ses actives recherches sauront rendre très fructueuses ; 5o enfin, dans la Lozère, rappelons une excursion de l’infatigable touriste, M. Isid. Hedde (1879) et les judicieuses investigations de M. L. de Malafosse (1872 et 1879). Nous avons, en outre, à remercier MM. l’abbé Boissonnade et André qui veulent bien nous fournir d’utiles indications.

    Notre enquête nous a été suggérée par celle que M. Cartailhac a ouverte dans son excellente revue (Matériaux, etc.), fondée par M. de Mortillet. Les savants dont les travaux, surtout relatifs aux roches à bassins, sont rappelés ou insérés dans ce recueil, sont MM. Simpson (Angleterre), Keller et Desor (Suisse), Friedel (Allemagne), Hildebrand (Suède), Petersen (Danemark), Rivière (Italie), Bouillet, Lalande, Marlot, L. de Malafosse, Piette, Faisan, Moreau (France). Nous avons également pris une part à cette enquête qui a déjà produit d’instructives informations.

  2. Rappelons, entre autres gisements, celui des déjections volcaniques du mont Denise près le Puy, ainsi que l’atterrissement des Rivaux, commune d’Espaly, dans lequel un os humain a été recueilli avec des ossements du grand ours, de rhinocéros, de cheval, de ruminants divers, etc. Voyez aussi l’intéressant chapitre : Paléontologie humaine dans la Géogénie du Cantal, par M. Rames, 1873.

    Qui ne connaît également les savantes découvertes de M. le Dr Prunières dans les cavernes de la Lozère, et de M. Ollier de Marichard dans celles de l’Ardèche ? Nous aurons à les rappeler dans le résumé des résultats de notre enquête ; en même temps que notre bibliographie de l’archéologie préhistorique comprendra tous les travaux des savants qui ont contribué, dans la région, à l’avancement de ce genre d’études.

  3. Dolmen (dol table, men pierre) ; table portée horizontalement par des roches verticales qui forment ensemble une sorte de chambre ou cellule carrée.

    Demi-dolmen ; table inclinée dont une des extrémités est posée sur une pierre et l’autre sur le sol.

    Allée couverte ; deux longues rangées parallèles de pierres verticales supportant des masses qui sont placées horizontalement pour former un toit. Cette galerie communique à une chambre funéraire ; et elle est, en partie, couverte de terre.

    Menhir (men pierre, hir longue) ; longue pierre isolée, implantée dans le sol. Un certain nombre de ces pierres sont parfois alignées suivant diverses combinaisons ; dans ce cas elles présentent souvent à leur sommet des mortaises destinées à recevoir des architraves. Cette disposition se nomme alignement.

    Lichaven (lech pierre, aven eau, pierre sur eau, parce que ce monument figure un pont) ; deux pierres dressées en supportent une troisième, quelquefois une ou deux mortaises au sommet de chaque pierre.

    Cromlech (cromm courbe, lech pierre) ; monument formé de menhirs, de lichavens ou de pierres posées à une certaine distance les unes des autres sur un plan circulaire, elliptique, ou demi-circulaire. Quelques-uns de ces cromlechs sont concentriques les uns aux autres, parfois avec dolmen. Les menhirs, parfois aussi, sont disposés autour d’un menhir central.

  4. Voyez au Musée préhistorique du Puy, notre collection d’ethnographie départementale. Outre divers objets mobiliers, on y remarque certains talismans analogues à ceux que M. Vaschalde a fait connaître dans ses Recherches sur les pierres mystérieuses du Vivarais, etc.

    Voyez également : L’âge de pierre dans les souvenirs et superstitions populaires, par M. Ém. Cartailhac, 1878.