Monsieur de Chimpanzé

Monsieur de Chimpanzé (1858)
Bulletin de la Société Jules-Verne (p. 12-32).

Jules Verne

Monsieur de Chimpanzé


opérette en un acte
Séparateur



Bulletin de la Société Jules-Verne
1981


Monsieur de Chimpanzé
Opérette en un acte
livret de Jules Verne
musique d’Aristide Hignard


représenté sur le théâtre
des Bouffes Parisiens, le 17 février 1858


Séparateur



PERSONNAGES


VAN CARCASS : employé au muséum de Rotterdam

ÉTAMINE : sa fille

BAPTISTE : son domestique

ISIDORE, dit : de CHIMPANZÉ



Scène 1ère

BAPTISTE

(Au lever du rideau, il est seul et cire le plancher interrompant son travail et se redressant avec fierté)

Quoi ! sortir peut-être de l’une des premières familles d’Espagne, et en être réduit à entrer en qualité de domestique chez un conservateur de muséum ! Descendre des Ducs de Las Pirouettas y Guimbardo y Tambour de Basco de la Cibouletta et monter sans cesse de la cave au grenier ! c’est affreux ! servir un homme qui vit au milieu des animaux empaillés ! Destin fatalité ! amère dérision ! (il cire avec rage) Après cela, le Docteur Van Carcass, mon maître, a une fille bien jolie, Mademoiselle Étamine ! Vraiment la Reine eût près d’elle été laide ! je l’aime, cette jeune fille, dont l’enfance s’est passée au milieu des squelettes d’animaux de toutes sortes ; pourquoi ne m’aimerait-elle pas ? (il serre le balai contre sa poitrine) Sous ce balai bat un cœur d’homme ? Oui ! un cœur chaud bat ! c’est-à-dire, non ! un cœur bat chaud ! non ! enfin n’importe ! (il s’avance sur le devant de la scène) Ah si j’étais en Espagne, jeune fille, si j’avais un justaucorps avec des crevés autres que ceux-ci (il montre sa souquenille usée). Si je portais le haut-de-chausse de mes ancêtres… Je te chanterais une sérénade.

SÉRÉNADE.
(Il chante en s’accompagnant sur son balai)


Par saint Jacques de Compostelle,
Je te dirais : hola ! ma belle,
Viens fumer le cigarero,
Viens avec ton caballero !
Viens avec moi dans la Castille !
Viens le xérès déjà pétille,
Viens au palais de l’Alcazar !
Par notre dame d’El Pilar !

Dans ta promenade,

C’est ma sérénade
Qui suit tes pas !
Riens ne nous sépare
Ma folle guitare
Frémit tout bas !
Dessous ta mantille
Cache, jeune fille
Tes blonds appas !
Et dans la nuit sombre
Écoute dans l’ombre
N’entends-tu pas ?

Par saint Jacques de Compostelle,
Je te dirais : hola ! ma belle,
Viens fumer le cigarero !
Viens avec ton caballero !
Viens avec moi dans la Castille !
Viens ; déjà le xérès pétille !
Viens au palais de l’Alcazar
Par notre dame d’El Pilar

À toi
Z’a moi !

(En disant ces derniers mots il reçoit un violent coup de pied, il se retourne en disant et chantant)

À moi ! Par notre dame d’El Pilar !

Scène 2e

BAPTISTE, VAN CARCASS

VAN CARCASS. — J’avais enveloppé un sol pour le jeter dans la rue et c’est vous qui chantiez, Baptiste.

BAPTISTE. Je fredonnais, n’en déplaise à Monsieur.

VAN CARCASS. — Vous ai-je pris à mon service pour fredonner ; depuis quand mes balais de crin se transforment-ils sous vos doigts en mandoline espagnole ?

BAPTISTE. — Depuis que la noble famille de Las Cabriolas sula testa…

VAN CARCASS. — Assez Baptiste, je connais votre manie, mais il faut en prendre votre parti ; vous ne descendez de personne ; Votre race commence en vous même ; mais je ferai tout au monde pour que votre nom se transmette aux siècles futurs !

BAPTISTE (ému). — Merci pour cette bonne parole, Monsieur, merci (il serre la main de Van Carcass).

VAN CARCASS (dégageant sa main). — Vous savez ce que je vous ai promis — quand votre âme quittera cette prison recouverte d’un gilet jaune, à boutons de corne, et d’une souquenille verte garnie de peluche orange… en d’autres termes, quand vous accomplirez l’acte mélancolique de la mort, je vous ai promis une faveur qui n’a été réservée jusqu’ici qu’aux grands de la terre et que les rois vous envieraient sous leurs lambris dorés, une faveur qui vous conservera à l’admiration de la postérité plus que toute la gloire de Las Cabriolas… en un mot, je vous empaillerai, Baptiste…

BAPTISTE. — Oh ! merci pour cette bonne parole ! merci ! (il lui serre la main)

VAN CARCASS. — Modérez-vous ! je vous empaillerai avec du crin végétal ! je vous placerai dans mon muséum entre l’ictyosaurus et Le Mégaleusterinum et dans l’attitude qu’il vous conviendra !

BAPTISTE (se posant). — Comme ceci.

VAN CARCASS. — Oui ! mais à la condition que vous vous conduirez pendant votre vie, que nous abrégerons peu à peu, en parfait domestique. Et à ce propos, j’attends aujourd’hui un hôte au service du quel je vous attacherai provisoirement.

BAPTISTE. — Un nouveau maître à servir ! et où en aurais-je le temps !… faites-moi donc faire un bras de plus !

VAN CARCASS. — Vous raisonnez, Baptiste ! prenez garde je ne vous empaillerai pas qu’avec du foin et de vieilles étoupes !

BAPTISTE (furieux). — Pourquoi pas de vieilles loques pour que les mittes s’y mettent !

VAN CARCASS. — Elle s’y mettront, gardez-vous d’en douter, si.

BAPTISTE. — Mais qui donc attendez-vous ?

VAN CARCASS. — Vous serez bien étonné, Baptiste, bien stupéfait, bien abasourdi, quand je vous dirais que c’est… mais voilà ma fille.


Scène 3e

BAPTISTE, VAN CARCASS ET ÉTAMINE

VAN CARCASS. — Approche, ma fille, l’orgueil de mon muséum : embrasse ton père, dont c’est aujourd’hui l’un des plus beaux jours.

ÉTAMINE. — Vous avez passé une bonne nuit.

VAN CARCASS. — Non, pas bonne, mais excellente, j’ai rêvé singe !

BAPTISTE. — Signe d’argent !

VAN CARCASS. — Signe d’honneur et de gloire !

BAPTISTE (considérant Étamine). — Oh ! je l’aime ! je l’aime !

VAN CARCASS. — Qu’est-ce qui vous prend, Baptiste ? Ce plumeau n’est pas un poulet pour lui arracher ses plumes !

ÉTAMINE. — Pauvre Baptiste, toujours le même, toujours idiot !

BAPTISTE. — Oh ! merci pour cette bonne parole !

VAN CARCASS. — Et maintenant Étamine que tu as suffisamment embrassé ton père, prête-moi une oreille attentive.

ÉTAMINE. — Je vous écoute.

VAN CARCASS. — Tu sais que je n’ai rien négligé pour te rendre heureuse, j’ai entouré ton enfance des animaux les plus intéressants de la création, en attendant que je te trouve un mari.

ÉTAMINE. — Vous savez mon père, que j’aime M. Isidore que vous ne voulez pas recevoir !

VAN CARCASS. — Isidore, le fils de cet amateur de tulipes de Rotterdam !

BAPTISTE. — Jamais, mademoiselle ! jamais ! le mariage ne peut se faire ! il ne se fera pas ! par l’Alhambra !

ÉTAMINE. — De quoi se mêle Baptiste !

VAN CARCASS. — Au fait, qui vous demande votre opinion ! je vous trouve bien hardi ! si jamais vous vous permettez de donner votre avis. Après tout, comme il est conforme au mien, je vous pardonne.

ÉTAMINE. — Cependant !…

VAN CARCASS. — Jamais la fille d’un Van Carcass ne sera la bru d’un tulipier dont la collection attire plus d’étrangers que mon muséum !… pour en revenir à ce que je disais, où en étais-je, Baptiste ?

BAPTISTE. — En attendant que je te trouve un mari.

VAN CARCASS. — Ah ! j’ai donc entouré ton enfance des animaux les plus intéressants de la création, en attendant que je te trouve un mari pour compléter mon œuvre, je me suis adressé à mes correspondants du Brésil, et j’ai reçu avis, que ces jours-ci, je recevrais par le Staimer Boot.

BAPTISTE. — Celui qui n’a pas encore été connu, Un époux pour mademoiselle.

VAN CARCASS. — Un singe de la plus grande espèce.

BAPTISTE. — Un singe ! vous la donnez à un singe !

ÉTAMINE. — Jamais !

VAN CARCASS. — Non point un roquet de singe, un sapajou, un ouistiti, mais l’espèce qui manquait encore à mon cabinet d’histoire naturelle, mais un véritable homme des bois, l’unique, le dernier des chimpanzés !

BAPTISTE. — Un chimpanzé !

ÉTAMINE. — Et qu’allons-nous faire de cette vilaine bête ?

BAPTISTE. — Et voilà l’être auquel vous allez provisoirement m’attacher !

VAN CARCASS. — N’ayez pas peur, Baptiste ! cet animal n’est féroce que lorsqu’il est parvenu à l’âge mûr !

BAPTISTE. — Mais est-il jeune celui que vous attendez ?

VAN CARCASS. — C’est ce que j’ignore complètement.

BAPTISTE. — Eh ! bien ! merci ! un homme des bois, un orang-outan.

VAN CARCASS. — Où tend ce discours ?

BAPTISTE. — Je refuse positivement de frayer avec lui.

VAN CARCASS. — Vous n’avez pas le sens commun, Baptiste.

BAPTISTE. — Non, je l’ai noble, et je ne suis pas fait pour être le valet de chambre d’un magot !

VAN CARCASS. — Prenez garde ! ce singe devient mon hôte, mon commensal !

BAPTISTE. — Comment, sale ! très sale même.

VAN CARCASS. — Et je ne souffrirai pas que les lois de l’hospitalité soient violées chez le docteur Van Carcass.

(on sonne)

VAN CARCASS. — Voyez qui va là ?

ÉTAMINE. — C’est lui sans doute !

(on entend un cri formidable)

VAN CARCASS. — J’ai reconnu sa voix !… obéissez Baptiste.

(Baptiste sort furieux)

Sois heureuse, ma fille, ce chimpanzé manquait au bonheur et au muséum de ton père.


Scène 4e

ÉTAMINE, VAN CARCASS, BAPTISTE, ISIDORE

(Deux matelots apportant un sac immense, ils l’ouvrent et Isidore couvert d’une peau de singe et d’un masque bien ajusté, sort triomphalement avec un cri terrible, Baptiste en tombe à la renverse, les matelots saluent et sortent)


ENSEMBLE
BAPTISTE--------VAN CARCASS--------ÉTAMINE
Ah ! quel animal ! ---Quel bel animal ! ---Ah ! quel animal !
Comme il est brutal ! ---Il est colossal ! ----Il a l’air brutal !
Il nous fera mal ! ----Quel air magistral ! ---Il est colossal !
Ah ! quel animal ! --Ah ! quel animal ! --Ah ! quel animal !


ISIDORE (hurlant). — Iricriminéri !…

VAN CARCASS. — Entendez-vous ce cri !

BAPTISTE. — J’en suis tout ahuri !

ÉTAMINE. — C’est un horrible cri !

BAPTISTE. — J’en suis tout ahuri !

ISIDORE. — Incriminéri !…


ENSEMBLE
BAPTISTE--------------VAN CARCASS
Ah ! quel animal ! ----------Le bel animal !
Comme il est brutal ! ---------Il est colossal !
Il nous fera mal ! ----------Quel air magistral
Ah ! quel animal ! ----------Le bel animal !


VAN CARCASS. — N’est-ce pas le roi des forêts !

BAPTISTE. — Un Roi d’une effroyable race !

VAN CARCASS. — C’est un être humain à peu près !

BAPTISTE. — Comme il gesticule et grimace !

VAN CARCASS. — Voyez ce charmant naturel !

VAN CARCASS.Comme il se tient bien pour un singe !

BAPTISTE. — C’est un homme du monde auquel

BAPTISTE. Il ne manque que du beau linge !

ENSEMBLE
BAPTISTE--------------VAN CARCASS
Ah ! quel animal ! ------Le bel animal !
Comme il est brutal ! ----Il est colossal !
Ah ! que le diable l’emporte -Voyez donc comme il se porte
Est-on vêtu de la sorte ! ----Quelle mine fière et forte.
Ah ! quel animal ! ------Le bel animal !


ÉTAMINE
Ah ! quel animal !
Il est colossal !
Se présenter de la sorte !
À l’instant il faut qu’il sorte !
Ah ! quel animal !


VAN CARCASS (au singe). — Tout doux ! hé là, mon mignon.

ISIDORE. — Incriminiéri !…

ÉTAMINE. — Prenez garde, mon père, il va vous mordre.

VAN CARCASS. — Non ! cela ne mord pas !

BAPTISTE (approchant son doigt). — Voyons !

ISIDORE (s’élançant sur lui). — Ahi !

BAPTISTE. — Aïe !

ISIDORE. — Incrirminiéri !…

BAPTISTE. — Qu’est-ce que cela veut dire dans la langue de singe !

VAN CARCASS. — Cela signifie qu’il a faim sans doute.

ÉTAMINE. — Que mangent ces bêtes là ? papa.

BAPTISTE. — Je me suis laissé dire qu’ils avalaient à peu près tout, des gui, des semelles de bottes, des tiges même, des chapeaux de soie, des…

VAN CARCASS. — Vous vous trompez, Baptiste, ce sont les autruches ! Ces singes-là sont très friands de bonnes choses, de sucreries. Vous allez-vous occuper de son repas !

BAPTISTE. — Pardon, M. Van Carcass, mais je n’ai pas encore déjeuné.

VAN CARCASS. — Eh bien ! vous déjeunerez après !

BAPTISTE. — Après un singe ! C’est me ravaler.

VAN CARCASS. — Eh bien ! cela vous nourrira, croyiez-vous donc que vous valiez beaucoup mieux que ce noble animal ! qu’avez-vous donc de plus que lui, s’il vous plait ? Êtes-vous plus élégant, mieux tourné, n’est-ce pas un homme véritable, et qui a sur vous l’avantage de ne pas dire de bêtises ! Vous n’avez donc pas lu dans M. de Buffon que ces animaux sont susceptibles de bien des choses, qu’ils peuvent se dresser au service, boire et manger comme des personnes naturelles ! et qu’ils n’exigent point de gages pour servir leur maître ! Le singe est, par rapport à un domestique, ce qu’un nègre est à un homme blanc Son égal — Sauf la couleur — Tâchez de ne pas l’oublier.

BAPTISTE. — Oh ! humiliation ! dégradation de l’espèce humaine ! exploitation de l’homme par le singe !

ÉTAMINE. — En examinant bien, il n’est pas mal, cet animal.

VAN CARCASS. — Dis donc, Étamine, qu’il est plein d’aisance et de noblesse ; qu’il a l’air fort bien élevé !… Il serait reçu dans les meilleurs salons, s’il avait des gants !

BAPTISTE. — Aux pieds et aux mains.

ISIDORE. — Iriceriminieri !

VAN CARCASS. — C’est probablement du brésilien ! petit ! petit ! donnez la patte ! Vous allez voir !

BAPTISTE. — Il faudrait peut-être lui parler nêgre, Monsieur.

VAN CARCASS. — Vous avez raison, Baptiste, Petit, donnez patte à moi.

(Isidore donne la jambe)

BAPTISTE. — Oh ! oh ! Il ne sait pas distinguer sa jambe de son bras !

VAN CARCASS. — Mais non ! Il a raison ! Je lui demande la patte, eh bien, il me la donne ! demandez-lui la main, et vous verrez !

BAPTISTE. — Petit ! Petit ! donnez main… (Isidore lui applique sa griffe sur la tête). À moi ! au secours ! Vilaine bête !

VAN CARCASS. — Il est adorable ! Pourquoi aussi, Baptiste, ne lui avez-vous pas demandé main de velours !…

BAPTISTE. — C’est une infamie !

ÉTAMINE. — Comment l’appellerons-nous, papa ?

VAN CARCASS. — Étamine à raison, il faut lui trouver un nom.

BAPTISTE. — Si on l’appelait Gonzalve.

ÉTAMINE. — Oh non ! Ce n’est pas assez comme il faut.

VAN CARCASS. — Le fait est qu’il a l’air on ne peut plus distingué ! Ah ! j’ai ce qu’il nous faut ! M. de Chimpanzé.

BAPTISTE. — Un noble ! Jamais !

VAN CARCASS. — Oh ! je vais me fâcher, à la fin ! Baptiste ! Vous l’appellerez M. de Chimpanzé, ou nous nous brouillerons ! Vous lui parlerez à la troisième personne, ou je vous chasse.

ÉTAMINE. — Au revoir M. de Chimpanzé !

VAN CARCASS. — Je me rends à la société zoologique, faire part de mon acquisition ! préparez le repas de M. de Chimpanzé, et ayez pour lui les égards dûs à son espèce.

BAPTISTE. — Si M. de Chimpanzé veut bien me permettre, je vais avoir l’honneur d’apporter à M. de Chimpanzé le repas que j’aurai préparé de mes mains pour M. de Chimpanzé.

(Ils sortent)

Scène 5e

ISIDORE (seul). — Ouf !… (Il ôte son masque avec précaution, après avoir fait d’abord quelques gambades de singe). J’étouffe ! Comme les singes doivent avoir chaud ! Vous voyez à quoi m’a réduit l’amour ! À faire abdication de ma dignité d’homme ! Il me semble que j’ai des démangeaisons partout ! Étamine ! Étamine ! Je vais donc enfin te parler et te voir ! M. Van Carcass m’avait toujours éconduit. Dès que j’appris qu’il attendait un singe du Brésil, je n’hésitai pas à revêtir cette peau de chimpanzé ! mais conduisons-nous bien, et ne soyons pas trop méchant, de peur qu’on ne nous enchaîne ! ayons de belles manières pour garder notre liberté. Ouf ! On n’est pas à l’aise, là-dedans ! Je ne sais comment les singes font pour y résister.


RÉCITATIF

Air :
Depuis que j’endossai cette peau de macaque
Je me sens devenir tout hypocondriaque !…
Je ne retrouve plus mes sentiments humains
Et je me vois pousser des griffes aux deux mains.

Oh ! prodige étrange !
Tout mon être se change

Les mots, dans mon gosier, prennent un autre son,
Et finissent, hélas ! d’une affreuse façon !

Je deviens un vrai singe
C’est à n’en plus douter !
La chose est fort étringe !
Mais veuillez m’écouter.
Comme ma voix se chinge !
Je deviens un vrai singe !

Je me suis fait homme des bois
Je crois
Et pour toi seule, jeune fille,
Mandrille !
En moi tu vois un chimpanzé
Rusé,
Pour excuser ce stratagème
Oh ! j’aime !

Mais me reconnaîtras-tu
Pour un excellent jeune homme
Mon Étamine ! Vois comme
Comme je suis court vêtu !

Je deviens un vrai singe !
C’est à n’en plus douter !
La chose est fort étringe !
Mais veuillez écouter.
Comme ma voix se chinge !
Je deviens un vrai singe !

Je veux dans ce beau jour,
Entonner ta louinge !
Regarde avec amour
Et ne prends pas le chinge !
Nous goûterons un jour
Un bonheur sans mélinge ;
Amour pour ton amour
Mon inge !

Je deviens un vrai singe !
C’est à n’en plus douter !
La chose est fort étringe !
Mais veuillez écouter
Comme ma voix se chinge !
Je deviens un vrai singe !

Quelqu’un ! ce Baptiste ! attention — faisons sa conquête, il n’est pas difficile à abuser.


Scène 6e

ISIDORE, BAPTISTE

(Isidore a pris le balai d’une main, mis les brosses à cirer à ses pattes et frotte vigoureusement le parquet)

BAPTISTE (apportant différents comestibles). — J’apporte mon déjeuner en même temps que celui de chimpanzé, eh bien ! qu’est-ce qu’il fait là ?

(Isidore frotte avec mille contorsions et grimaces)

Il cire mon parquet ! la bonne affaire !… mais il s’y prend à merveille ! Bravo Monsieur de Chimpanzé ! (Il dépose ses vivres sur un buffet)

ISIDORE (d’un air aimable). — Ifpoinsighighi !

BAPTISTE. — Oui, mon ami, c’est assez luisant comme cela ! mais prenez garde de vous fatiguer.

ISIDORE. — Schifissfissfiss ! (Il ôte ses brosses et se met à balayer avec une rare énergie)

BAPTISTE. — Décidément cet animal a servi dans les meilleures maisons d’Amérique. Par l’Escurial, voici une idée qui n’est pas bête ; je lui ferai faire mon ouvrage et je n’aurai plus qu’à me croiser les bras ! Si j’avais la voiture de mes ancêtres je le ferais monter derrière comme un nègre.

(Isidore vient balayer jusque sur les pieds de Baptiste)

BAPTISTE. — Hé là là ! modérons-nous l’ami ! prenons garde de casser la glace !

(Isidore essuie la glace, il époussette avec le plumeau puis il ouvre la pendule)

BAPTISTE. — Doucement ! doucement ! ne badinons pas avec les grands ressorts. Eh bien ! qu’est-ce qu’il fait ?

(Isidore monte la pendule avec une délicatesse exquise et imite le grincement du ressort)

ISIDORE.Crrrri ! crrrri ! crrrri !

BAPTISTE. — Crrrri ! crrrri ! Voilà qu’il me parle hollandais maintenant !… mais il sait tout ! c’est vraiment un singe du monde ! ma foi ! il ne me reste plus qu’à manger !

ISIDORE (ouvrant la bouche.) — Am ! am ! am ! am !

BAPTISTE. — Tu as faim, mon bijou ! sois tranquille ! j’ai là un vieux reste de mon veau qui fera ton affaire.

(Isidore apporte la table au milieu de la chambre et met une nappe et des assiettes)

BAPTISTE. — Comme il sait mettre le couvert ! mais voilà un garçon qui ne serait pas embarrassé de gagner cent écus par an, et même plus si on lui donnait davantage.

(Isidore apporte un verre pour Baptiste, il crache dedans et l’essuie soigneusement avec sa serviette)

BAPTISTE. — Mais c’est du dernier genre ! il doit avoir servi chez les princes !

(Isidore apporte une chaise)

BAPTISTE. — Ma foi, c’est la première fois qu’on me sert à table ! mais cela est bien dû à un descendant des Las pirouettas.

(Isidore aiguise le couteau sur l’assiette de Baptiste)

ISIDORE (riant). — Aéion ! Aéion !

BAPTISTE. — Mais on dirait qu’il comprend ! c’est prodigieux ! voilà un gaillard qui peut arriver à tout.

ISIDORE. — Am ! am ! am !

BAPTISTE. — Oui, vous avez faim ! car je vous comprends ! eh bien Monsieur de Chimpanzé, je veux que vous preniez place à mes côtés.

(Isidore fait des cérémonies)

BAPTISTE. — Mais non, vous dis-je ! je vous le permets !

(Isidore s’excuse de son mieux)

BAPTISTE. — Puisque je vous répète que vous me ferez plaisir ! voyons, ne vous faites pas prier.

(Isidore fait signe qu’il n’osera jamais)

BAPTISTE. — Je le veux ! voyons ! voulez-vous que je me fâche à la fin ! je vous l’ordonne.

(Isidore va chercher une chaise et s’asseoit près de Baptiste)

BAPTISTE. — Je vais lui faire boire un petit coup, et il sera fort réjouissant ! décidément c’est un animal précieux, j’en ferai mon ami intime.

(Isidore verse à boire à Baptiste après avoir débouché une bouteille et verse d’abord quelques gouttes dans son verre)

BAPTISTE. — Il est renversant !


DUO
BAPTISTE (trinquant)

Ah ! monsieur de Chimpanzé
Vous êtes civilisé !
Permettez que je vous nomme
Un galant homme !
Aussi j’ai l’honnêteté
De boire à votre santé.

(Ils trinquent tous les deux — se lèvent et boivent)



ENSEMBLE
ISIDORE (à part)----------BAPTISTE
Ici ma ruse ------Comme il en use !
Enfin l’abuse ------Ah ! qu’il m’amuse !
Et tout marche très bien ------Mais c’est qu’il boit très bien !
Quel imbécile ------Il est docile
D’humeur facile ! ------D’humeur facile !
Allons, je ne crains rien ! ------Je ne ferai plus rien.
Tout va bien ! ------Jamais rien !


BAPTISTE. — Hein ! comme il est bon ce vin là !

ISIDORE. — Ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

BAPTISTE. — Il n’en avait jamais goûté !…

ISIDORE. ! hé ! hé ! hé ! hé ! hé ! hé ! hé !

BAPTISTE. — Moi, j’aime qu’on le boive ainsi.

ISIDORE. — Hi ! hi ! hi ! hi ! hi ! hi ! hi ! hi !

BAPTISTE. — Haut le coude et le verre haut !

ISIDORE. — Ho ! ho ! ho ! ho ! ho ! ho ! ho ! ho !

BAPTISTE. — Ah ! jamais je n’en ai tant bu !

ISIDORE. — Hu ! hu ! hu ! hu ! hu ! hu ! hu ! hu !

(ils trinquent et boivent de nouveau)

BAPTISTE. — À ta santé !

ISIDORE. — Hiricriminiéri !


ENSEMBLE
ISIDORE-------------BAPTISTE
Ici ma ruse ------Comme il en use !
Enfin l’abuse ------Ah ! qu’il m’amuse !
Et tout marche très bien ------Mais c’est qu’il boit très bien !
Quel imbécile ------Il est docile
D’humeur facile ! ------D’humeur facile !
Allons, je ne crains rien ! ------Je ne ferai plus rien.
Tout va bien ! ------Jamais rien !


(Baptiste vide la bouteille et s’enivre peu à peu)

ISIDORE (à part). — Il est ivre à présent !

BAPTISTE. — Qu’il est intéressant !

ISIDORE. — Voilà qu’il perd la tête !

BAPTISTE. — Soutiens-moi !

ISIDORE. — Oui, vieille bête !

BAPTISTE. — On dirait qu’il a parlé !

ISIDORE. — Non, c’est le vin qui t’a troublé !

BAPTISTE. — Oui, c’est le vin qui m’a troublé !

(il prend Chimpanzé sous le bras)

Ami sur ma parole
Moi vouloir apprendre ici
Une chanson créole

ISIDORE. — Moi, très content !

BAPTISTE. — La voici :

Coco zin, zin
La passaio di zin zin
Cocorico corico
Rendez-le za moi.

(Pendant qu’il reprend sa chanson, Isidore fait des roulades)

BAPTISTE. — Toi.

BAPTISTE. — Chanter avec moi !


BAPTISTE -----------------ISIDORE
Coco, zin zin ! ----------------Ah ! ah ! ah ah !
La passaio di zin zin -----------------etc---------
Cocorico corico ----------------Ah ! ah ! ah ah !
Rendez-le za moi ! -------------Ah ! ah ! ah ah !


BAPTISTE. — Ah ! moi très content !

BAPTISTE. — Chimpanzé, toi me plaire !

ISIDORE. — Que va-t-il encore faire ?

BAPTISTE. — Puisque te voilà

BAPTISTE. — Nous danser chica !

Isidore et Baptiste dansent une danse nègre. Isidore fait les cabrioles les plus hasardées. Il jette les chaises en l’air, renverse la table, etc.


ENSEMBLE
Tra, la, la la la !
Dansons chica.

(À la fin, Baptiste épuisé tombe à terre — Isidore l’évente avec son mouchoir — La porte s’ouvre — Étamine accourt à tout ce bruit)


Scène 7e

ISIDORE, BAPTISTE, ÉTAMINE

ÉTAMINE. — Quel bruit ! quel vacarme !

BAPTISTE (à Isidore). — Embrasse-moi, mon doux ami.

ÉTAMINE. — Eh bien ! Baptiste !

BAPTISTE. — Nous sommes les meilleurs amis du monde !

ÉTAMINE. — Vous allez vous faire mordre.

BAPTISTE. — Lui, me mordre, il me mangerait plutôt ! je n’ai jamais rencontré d’homme mieux élevé. Voyez, mademoiselle. (Isidore relève la table et apporte une chaise à Étamine) Est-on plus galant ?

(Isidore offre sa patte à Étamine)

ÉTAMINE (effrayée). — Oh !

BAPTISTE. — N’ayez pas peur, je suis sûr qu’il va vous faire la cour !

ÉTAMINE. — Vous n’êtes pas dans votre bon sens Baptiste.

BAPTISTE (avec noblesse). — Par les castagnettes de mon aïeul ! ne suis-je pas là pour vous défendre ! souffrirais-je qu’un manant vint à vous manquer !… Étamine, Mademoiselle Étamine, est-ce que ma vie ne vous appartient pas !

ÉTAMINE. — Il déraisonne ! me voici entre un singe et un fou !

BAPTISTE. — Toute mon existence vous est vouée !… je ne donne pas un coup de balai sans penser à vos petites mains blanches ! je ne cire pas un parquet, sans songer à votre joli pied andaloux.

ISIDORE (à part). — Attends, attends ! moi aussi j’ai un pied !

BAPTISTE. — Oh ! jeune fille, je vous aime ! comme Gastibelza aimait dona Étamine ! — d’ailleurs, votre beauté de colombe ! le Roi le disait à son neveu ! Dansez villageois ! le vent qui vient à travers la montagne ! m’a rendu le mont Falou.

ISIDORE (lui donnant un coup de pied). — Tiens ! — il le falou !

BAPTISTE. — Holà ! (nouveau coup de pied) holà !… qu’est-ce qui lui prend ? c’est un tic !… (il fait le tour de la chambre poursuivi par les coups de pied d’Isidore) Assez ! assez ! Corbleu ! morbleu ! ventrebleu ! un descendant des Las… il est enragé !

(Isidore l’envoie dans la coulisse d’un dernier coup de pied)

(Étamine rit aux éclats)


Scène 8e

ISIDORE, ÉTAMINE

ISIDORE. — Nous sommes seuls (il enlève son masque).

ÉTAMINE. — Quoi ! c’est vous Isidore ! n’est-ce pas un songe !

ISIDORE (la prenant dans ses bras). — Non, ce n’est point un singe ! Voici le moment de chanter un vrai duo d’opéra comique en situation.


DUO

ÉTAMINE. — C’est bien toi !

ISIDORE. — Oui, c’est moi !


ENSEMBLE
ISIDORE-------------ÉTAMINE
Moment suprême ! -------------Moment suprême !
Bonheur extrême -------------Bonheur extrême
Celle que j’aime -------------Celui que j’aime
Est près de moi ! -------------Est près de moi !
Ô douce ivresse -------------Ô douce ivresse
Chère maîtresse -------------C’est ta maîtresse
Oui, ma tendresse -------------Dont la tendresse
Est toute à toi -------------Est toute à toi !


ÉTAMINE. — Mais on doit nous entendre !

ISIDORE. — Quelqu’un peut nous surprendre

ISIDORE. — Et nous séparer pour toujours !

ÉTAMINE.(avec exaltation). — Le Ciel protège nos amours ! (parlé) Cependant…


ENSEMBLE

De la prudence
Chantons plus bas,
Faisons silence
Ne parlons pas !
Silence !


ÉTAMINE. — Dieu ! si mon père vient à découvrir… mais comment ferez-vous pour vous évader ?

ISIDORE. — En sautant par la fenêtre !

ÉTAMINE. — Vous vous casserez le cou !

ISIDORE. — Allons donc !… ne suis-je pas un chimpanzé ! je franchis les rocs les plus escarpés, je gravis les arbres les plus hauts ? je suis susceptible d’attachement, je vis par bande dans les forêts, et j’ai pour mes petits une affection toute particulière… dit M. de Buffon.

ÉTAMINE. — Pauvre Isidore ! il trouve moyen de rire sous cet accoutrement.

ISIDORE. — Vous me pardonnez, n’est-ce pas, et vous m’aimez ?

ÉTAMINE. — Oh ! oui !

ISIDORE. — Un baiser pour la peine.

ÉTAMINE. — Oh ! jamais !

ISIDORE. — Supposez que je suis une levrette, un joli matou, rien ne vous empêcherait de m’embrasser, de me caresser.

ÉTAMINE. — Oui, mais ce n’est pas la même chose.

ISIDORE. — Croyez bien que si je ne me suis pas mis dans une peau de perruche c’est que je n’ai pas pu y entrer.

(il l’embrasse)

ÉTAMINE. — Ciel ! on vient ! remettez votre museau !

(Il sort, remet vivement son masque)


Scène 9e

L’Orchestre exécute pendant la scène suivante le motet —
« On va lui percer le flanc ».
LES MÊMES — BAPTISTE, M. VAN CARCASS (musique)

BAPTISTE (du dehors). — N’entrez pas ! — je vous dis qu’il est enragé !

VAN CARCASS. — Passe devant imbécile, et ne crains rien — je suis armé.

(Il entre en passant devant lui)

BAPTISTE. — Oh !

ÉTAMINE. — Mon Père !

VAN CARCASS. — Ma fille !… Il était temps !

(Isidore montre les dents à Baptiste qui se cache derrière son maître)

BAPTISTE. — Au secours !

VAN CARCASS. — Chut ! ne bouge pas ! Il serait capable de sauter par la fenêtre !… Et je ne veux pas qu’il m’échappe.

ÉTAMINE. — Quel est votre projet, mon père ?

VAN CARCASS. — Chut ! Puisqu’il fait le méchant, et qu’il casse mon mobilier, je me décide à…

ÉTAMINE. — À quoi ?

VAN CARCASS (tirant un énorme coutelas de sa poitrine). — Comme il doit devenir le plus bel ornement de mon musée, nous allons l’écorcher sans délai.

ISIDORE (à part). — M’écorcher !

VAN CARCASS. — Nous l’empaillerons après.

BAPTISTE. — S’il vous était indifférent de l’empailler avant.

VAN CARCASS. — Imbécile !

BAPTISTE. — Merci de cette bonne parole.

VAN CARCASS. — Empare-toi de l’animal.

BAPTISTE (effrayé). — C’est que…

ISIDORE (hurlant). — Fichtrrrrr !…

VAN CARCASS. — Allons, va, prends un bras — je tiendrai l’autre.

BAPTISTE. — Je tiens un bras.

VAN CARCASS. — Et moi l’autre. (Ils emmènent Isidore au milieu de la chambre)

BAPTISTE. — Allez !

ÉTAMINE (se jetant entre eux). — Arrêtez, mon père, je l’aime !

VAN CARCASS. — Hein ! Tu l’aimes ! Sois tranquille, Étamine, je te le remplacerai par un animal plus doux, un chat, une marmotte.

ÉTAMINE. — Non, mon père, je l’aime… d’amour !

VAN CARCASS. — D’amour !… Ce singe ! — retire-toi !

ÉTAMINE. — Oui, d’amour !

ISIDORE (renversant Baptiste). — Oh ! merci, mon Dieu !

VAN CARCASS (stupéfait). — Hein !

BAPTISTE. — Il parle ! un singe savant !

ISIDORE (ôtant son masque). — Non ! mais votre futur gendre.

VAN CARCASS. — Isidore !… malheureux ! (Il lève son couteau)

ISIDORE. — Mariez-nous ! Ou je dis partout qu’un savant comme le Docteur Van Carcass, s’est laissé prendre à une peau de singe.

VAN CARCASS. — Diable !

ISIDORE. — Et il devient la risée publique.

VAN CARCASS. — Assez ! assez ! Tu me désarmes. (Il laisse tomber son coutelas) Ma fille est à toi !

ÉTAMINE. — Ah ! mon père !

ISIDORE. — Étamine ! dans mes pattes ! — non ! — dans mes bras ! Allons à la mairie,

VAN CARCASS. — Y pensez-vous ! dans ce costume !

ISIDORE. — Je mettrai un gilet blanc.

BAPTISTE. — Ce mariage ne s’accomplira pas, Monsieur, les Las Pirouettas.

ISIDORE. — Tiens ! En voilà des pirouettas ! (Il le fait pirouetter et lui donne un coup de pied au cul — Baptiste retombe)

VAN CARCASS. — Mais avec tout cela, je n’ai plus de singe !… ma fille est au comble de ses vœux, c’est vrai, mais moi…

ISIDORE. — Prenez ma peau, et soyez heureux !…


FINAL
(Reprise du motif de la Chica).


BAPTISTE (sur un trémolo d’orchestre). — M. Van Carcass ?

VAN CARCASS. — Baptiste !

BAPTISTE. — Combien a-t-on de côtes ?…

VAN CARCASS. — Douze, l’une dans l’autre.

BAPTISTE (se tâtant). — Je n’en trouve plus que sept… J’en ai cinq d’enfoncées.

VAN CARCASS. — Bah ! Je te les remettrai — à mes moments perdus.

BAPTISTE. — Merci pour cette bonne parole — En avant la Chica !


REPRISE DE LA CHICA
Coco zin zin,
Le parrain de zin zin
Cocorico, corico.
etc.