Michel Lévy frères (p. 276-277).



XLI

DE M. SYLTESTRE À M. PIERMONT.


L’Ermitage, 26 juillet.

Je regrette, monsieur, de ne pouvoir répondre à votre confiance avec la conformité de vues qui vous donnerait satisfaction ; mais le secret que vous me contiez n’appartient plus ni à vous ni à moi. Du moment que le don que vous êtes chargé de transmettre à votre neveu ne court plus le danger d’être contesté, Pierre doit connaître sa situation et, si l’ignorance de cette situation devait influer sur ses déterminations actuelles dans un sens contraire à son inclination, vous pourriez avoir de graves reproches à vous faire. Fiez-vous donc à sa raison, et trouvez bon que je lui dise la vérité. Pierre n’est ni exalté ni frivole, vous ne le connaissez pas ; c’est au contraire un esprit très-sérieux, un caractère très-énergique, d’une droiture à toute épreuve et nullement disposé à se laisser gouverner par ses passions. J’ignore ses sentiments pour mademoiselle Vallier, mais je puis vous répondre qu’il n’a aucune inclination sérieuse pour mademoiselle de Magneval, et que, cette jeune personne voulant bien m’honorer aussi de sa confiance, je ferai ce que j’ai déjà fait, c’est-à-dire que je lui donnerai le conseil de ne jamais songer à M. Pierre. Renoncez donc à une illusion toute gratuite et considérez que, dans trois mois, vous serez forcé de dire à votre neveu ce que vous hésitez à lui dire aujourd’hui. Laissez-le disposer de son sort et vous savoir gré d’une preuve d’estime et de confiance qui lui est due. Agréez, monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.