Les Amours de Tristan/Misère de l’homme du monde


MISERE DE L’HOMME DU MONDE.

SONNET.



VEnir à la clarté ſans force & ſans adreſſe,
Et n’ayant fait long temps que dormir & manger,
Souffrir mille rigueurs d’vn ſecours eſtranger
Pour quitter l’ignorance en quittant la foibleſſe.

Apres, ſeruir long temps vne ingratte Maiſtreſſe,
Qu’on ne peut acquerir, qu’on ne peut obliger ;
Ou qui d’vn naturel inconſtant & leger,
Donne fort peu de ioye & beaucoup de triſteſſe.

Cabaler dans la Cour ; puis deuenu griſon,
Se retirant du bruit, attendre en ſa maiſon
Ce qu’ont nos derniers ans de maux ineuitables.

C’eſt l’heureux ſort de l’homme. Ô miſerable ſort !
Tous ces atachemens ſont-ils conſiderables,
Pour aimer tant la vie, & craindre tant la mort ?


FIN.
Nil ſolidum.