Mirages (Renée de Brimont)/Le chapelet musulman

MiragesEmile-Paul Frères (p. 39-40).

LE CHAPELET MUSULMAN

Chapelet musulman fait de graines diverses
qui sentent l’Arabie, et l’Égypte, et la Perse,

tel ces serpents du Nil insidieux et froids
glissez, ô chapelet, glissez entre mes doigts.

Graine à graine, évoquez les choses une à une
parmi de vains reflets d’aube ou de clair de lune :

évoquez la chaleur et la sérénité
du magique désert où s’attarde l’été ;

évoquez des soirs bleus et des nuits transparentes,
et l’éphémère halte à l’abri d’une tente ;

des fleuves limoneux, des fleuves charriant
le trône d’Osiris, vieux prince d’Orient ;

au seuil d’une oasis, évoquez des mirages,
et les villages blancs jonchant le bord des plages ;

évoquez des palmiers bercés à l’unisson,
et des vasques de stuc où nagent des poissons ;


des harems paresseux clos sur des prisonnières,
et l’humble marabout qu’embaument nos prières ;

l’appel d’un minaret au minaret voisin,
et la terrasse étroite où mûrit le raisin ;

évoquez la fontaine inquiète ou profonde,
des roses, des parfums, des mandarines rondes ;

la longue caravane errant à l’horizon,
et la moucharabieh de la blanche maison ;

l’aigre cri des marchands dans la lumière intense ;
le café du bazar et la femme qui danse ;

les yeux cernés de khôl des visages voilés,
et les turbans nombreux autour des narghilés ;

et l’obsédant écho d’un tam-tam qui bourdonne,
triste, voluptueux, bizarre, monotone…

Tel ces serpents du Nil insidieux et froids
glissez, ô chapelet, glissez entre mes doigts !