Mes paradis/Les Îles d’or/Ainsi, vous fuirez, les îles


II


Ainsi, vous fuirez, les îles !
Vous m’échapperez, asiles !
J’admets.
Soit ! Sur vos bords de fantôme
Aucun toit, fût-il en chaume,
Jamais !

Aucun champ, dont on espère
Faire soi-même un prospère
Lopin
Où la femme et les marmailles
Auront, grâce à nos semailles,
Du pain !


Soit ! Nul, sur ce roc sans base,
N’aura son jardin, sa case,
Son puits.
Nul, chez toi, spectre de terre,
Ne sera propriétaire.
Et puis ?

Une heure est quand même une heure.
Je te bénirai, demeure
D’un soir,
Où j’aurai pu, comme à table,
Sur quelque chose de stable
M’asseoir.

Tu me seras toujours douce
Pour cette heure où dans la mousse
Parmi
Tes fleurs au bouquet sauvage,
J’aurai, rêvant l’arrivage,
Dormi.

Pour ces instants qu’on y coule
Loin du roulis de la houle,
Coin frais,

Je te serai toujours tendre,
À quoi qu’il faille m’attendre
Après.

Tu dois au vent qui t’emporte
T’évanouir. Bien ! Qu’importe !
Voici
Tout ce que mon cœur qui t’aime
Te dira comme anathème :
Merci !

Merci du repos agreste
Dont le souvenir me reste
Charmant,
Et merci des espérances
Que je vais, malgré mes transes,
Formant !

Car, si chaque île est une ombre,
Les îles d’or sont sans nombre.
Donc, fais,
Pars, fuis, île qui m’exiles !
Il est là-bas d’autres îles,
J’y vais.