Maurice Scève et la Renaissance lyonnaise/02

Honoré Champion (p. 22-36).

chapitre deuxième

LA JEUNESSE DE MAURICE SCÈVE


Malgré sa renommée extraordinaire, malgré le grand nombre de poètes et de savants qui l’ont chanté, nous ne sommes que mal renseignés sur la vie de Maurice Scève ; il y a beaucoup de poètes d’importance moindre dont la vie nous est mieux connue, par des détails plus intéressants. Beaucoup de sources qui ont coulé abondamment pour la biographie d’autres hommes de la Renaissance, sont taries complètement pour qui s’efforce de dévoiler les secrets de la vie du poète qu’on appelle à juste titre le chef de l’école lyonnaise.

Différentes causes peuvent expliquer cette circonstance, en partie au moins. Voici la principale : Quiconque a étudié les poètes français du seizième siècle, sait combien ils aiment à parler d’eux-mêmes ; c’est là presque toujours la source la plus abondante pour la connaissance de leur vie. Quant à Scève, il est inutile de chercher chez lui quelque chose de semblable, il représente une exception rare entre les poètes de la Renaissance française : évitant son propre nom comme un auteur classique, il n’a jamais révélé un seul fait positif de son existence.

Ce n’est pas que l’ardent désir d’immortalité qui hantait tous ses contemporains, lui ait manqué ; bien au contraire, aucun ne souhaite tant que lui d’être hors des enfers de l’éternel oubli[1], aucun n’a une si vive espérance de s’entailler à perpétuité[2]. Néanmoins tous /ses ouvrages, sans aucune exception, ont été publiés sans son nom, bien que marqués de façon que personne ne saurait les attribuer à quelqu’un d’autre. Quelques-uns montrent ses initiales — m. sc. l. —, d’autres sa devise, soit celle de sa jeunesse — sovffrir non sovffrir —, soit celle de son âge mûr — non si non la — ; la Délie est même ornée de son portrait.

L’arrangement symétrique, j’oserais dire architectural de ses livres ne lui a guère permis d’y mettre une préface ou une postface. Point de dédicace, ni en prose ni en vers ; pour toute introduction, il a mis un huitain À sa Délie, ou bien un sonnet Au lecteur. Scève n’a ajouté à aucun de ses ouvrages un „livre des amis“[3].

La Délie, bien qu’elle soit une œuvre toute personnelle, ne nous fait point connaître de détails sur la vie de son auteur. Elle nous dévoile seulement les émotions du poète, ses amours, ses haines, ses idées philosophiques et politiques, son commerce avec la nature ; mais la vie extérieure, les événements de ses jours n’y trouvent point d’écho. Aussi n’a-t-il point inséré dans ses vers sa correspondance poétique comme c’était l’usage de la plupart de ses contemporains.

Scève n’a pas eu de détracteurs. Il ne s’est jamais mêlé à des querelles littéraires ; le différend entre Marot et Sagon et les combats de la jeune Pléiade ne lui ont jamais arraché une parole, que nous sachions. Elles ne nous donnent par conséquent aucun renseignement sur la vie de notre poète.

Comment faut-il expliquer ce silence étrange de Scève sur lui-même ? L’aurait-il gardé par excès de modestie ? Ce n’est guère probable ; cette qualité décadente est bien rare au seizième siècle ; seuls des esprits inférieurs comme Philibert de Bugnyon, le plat imitateur de Scève, en ont été atteints. Un homme qui a une confiance si absolue dans sa gloire éternelle ne peut être soupçonné de nous cacher son nom par modestie.

J’incline plutôt à croire que c’est un certain orgueil aristocratique, mêlé à un certain amour du mystère, que nous constatons si souvent dans les ouvrages de Scève. Scève a trop de fierté, il aime trop à marcher la tête haute, trop plus hautain que n’est l’ambition[4] pour se faire le héraut de sa propre gloire. Il présume que ses œuvres parleront toutes seules à la postérité, qu’elles suffiront à bâtir le temple de son immortalité ; inutile d’y ajouter un mot. Et puis il y aura les amis, les adorateurs, les imitateurs qui ne manqueront pas de transmettre le nom du maître aux générations futures, et de leur raconter quelle fut la vie de l’auteur de la Délie et du Microcosme.

Scève ne s’est point trompé entièrement : ses amis ont chanté sa gloire, ils l’ont couronné de roses et de lauriers ; mais aucun n’a pris le soin de nous laisser quelques notices biographiques qui nous renseigneraient sur les circonstances de sa vie, et sur le développement de ses idées. Ils n’en connaissaient peut-être point de traits qu’ils aient jugés dignes d’être transmis à la postérité. Il y a encore un autre fait qui nous explique l’absence de documents concernant la vie de Scève. C’est le voile mystérieux qui nous cache les dernières années de son existence ; personne ne connaît ni l’heure, ni le lieu, ni les circonstances de sa mort[5].

Les amis de la plupart des autres poètes du seizième siècle, leur ont dressé à cette occasion un „tombeau“ poétique, ou bien ont prononcé une oraison funèbre sur leur tombe ; rien de cela n’existe pour Maurice Scève ; autant de sources qui manquent pour sa biographie.

Les documents officiels qui auraient pu nous renseigner sur le chef de l’école lyonnaise, n’ont pas été favorisés par le destin, il n’existe point de registres paroissiaux de Lyon pour les temps de Scève ; ils ont été égarés probablement pendant les guerres de religion dont la ville eut beaucoup à souffrir. Des actes juridiques du seizième siècle, conservés avec soin jusqu’à l’époque de la Révolution, ont été abîmés dans ce temps par un fonctionnaire maladroit. Les archives réunies des notaires lyonnais qui contiennent peut-être des documents qui pourraient élucider plus d’un point obscur, n’ont pas encore été ouvertes à des recherches scientifiques.

Il m’a donc fallu construire la biographie de Scève avec des matériaux trouvés par hasard, très modestes pour la plupart et très peu sûrs. Ils ont toutefois suffi pour extirper quelques erreurs souvent répétées par ceux qui ont parlé de notre auteur. Mais sa biographie, telle que nous la présentons aujourd’hui, est encore pleine de lacunes que nous avons dû combler tant bien que mal par des conjectures.

La famille Scève n’est point d’origine italienne comme on l’a prétendu si longtemps ; elle n’a rien à faire avec l’illustre maison piémontaise des marquis de Ceva[6]. Les recherches de M. William Poidebart[7] ont démontré avec certitude qu’elle est originaire de Chasseley, petit bourg du Mont d’Or lyonnais où le nom de Scève est assez fréquent dans les documents du quinzième et seizième siècle.

C’est une famille aisée et il semble que ses membres se soient adonnés, depuis une époque assez reculée, à l’étude du droit. En 1498 honorable femme Philiberte Scève, fille du prudent Maître Jean Scève, notaire de Chasseley contracte mariage avec François Garin, marchand de Lyon, à la maison desditz mariés Scève, en présence de Maurice Scève, docteur-ès-lois. C’est le père de notre poète. Il était juge-mage[8] à Lyon, place qu’il résigna en 1517. Il fut élu échevin en 1504 et 1508. En 1515 il fut député par la ville pour porter ses hommages à François Ier à l’occasion de son avènement et pour obtenir confirmation des privilèges de la ville[9]. Il mourut probablement vers 1522.

Les Scève établis à Lyon demeuraient tous dans le quartier de Bourgneuf, un des meilleurs de la ville, situé près de l’église de Saint-Paul, entre la montagne de Fourvière et la Saône. Nous trouvons dans les Nommées de Lyon (espèce de cadastre qui date de 1515) quelques membres de cette famille dont il n’est pas toujours possible de fixer les rapports de parenté. Voici par exemple Pernette Scève, dite capitaine des vaches (sic) qui est propriétaire d’une maison ; Pierre Scève, drapier, dont la maison spacieuse est estimée à une taille de 25 livres par an, et qui possède encore des maisons, vignes, terres et prés dans différentes paroisses du Mont d’Or ; sa nommée est de 182 livres 15 sous. Enfin Maurice Scève, père de notre poète, qui possède outre quelques immeubles de peu d’importance (tels que grange, étable, cour et jardin) deux maisons dont l’une est estimée à 1400 livres ; à Écully, il a une terre à seigle et des bois, à Anse une maison cloze en façon d’un chasteau ou il y a grange dedans et de plus, des terres et des maisons dans plusieurs villages du Mont d’Or. Ses meubles sont taxés mille livres.

La famille de Maurice Scève était donc riche, et même une des plus riches dans cette ville de Lyon où il y avait tant d’abondance. Son père était un grand seigneur, un des plus hauts fonctionnaires de la contrée. Il jouissait de la confiance de ses concitoyens qui le choisirent comme ambassadeur.

Aucun document ne nous a transmis la date de la naissance de notre poète, et ses œuvres ne contiennent aucune indication qui permette de la fixer avec quelque exactitude. M. J. Buche[10] suppose 1504 ou 1505 ; il faudra peut-être reculer cette date de deux ou trois années. Scève fait encore, il est vrai, des études en 1533 (ce qui ne veut pas dire qu’il fût étudiant), mais son portrait dans la Délie (1544) semble bien être celui d’un quinquagénaire, et dans le même poème il se plaint déjà des premières attaques de la vieillesse[11]. Il est possible qu’il ait vieilli assez vite, il est aussi possible que ces plaintes soient de l’afféterie. Dans le Microcosme enfin, en 1562, il se compare à un figuier qui

…regette sur l’automne
Son second fruit, mais vert et sans saveur,

ce qui semble désigner un âge déjà très avancé. Mais tout cela est très peu exact et j’avoue qu’on pourrait aussi bien avancer la date proposée par Buche que la reculer, ce qui serait pourtant plus plausible.

Nous ne savons rien de la première jeunesse de Scève. Il est très probable qu’il connut de bonne heure le grand luxe de Lyon comme enfant d’une famille riche et influente. Les fêtes brillantes qu’on offrait alors aux princes qui séjournaient dans la ville et aux vainqueurs d’Italie, ne pouvaient pas rester sans influence sur un jeune homme, doué de sens artistique. La rue de la Juiverie, où avaient lieu les grands tournois et les joutes, était tout près de la maison paternelle de Scève. C’était le quartier aristocratique de la ville ; les Grolier, les Duchoul, les Bellièvre, les Vauzelles, les riches familles italiennes telles que les Guadagni, les Gondi et autres demeuraient dans la partie de la ville située entre la Saône et la montagne de Fourvière. Maurice Scève y respira dès sa plus tendre jeunesse l’air de la Renaissance ; tout contribuait à lui donner le goût de l’humanisme, de la poésie et de la beauté.

Aucun document ne nous renseigne sur l’instruction que le juge-mage fit donner à son fils ; mais quand nous voyons que le poète répand dans ses œuvres le riche trésor d’un savoir universel, et cela d’une manière bien différente de celle des autodidactes qui n’oublient jamais ce que leur savoir leur a coûté de peines, nous en concluons que son instruction dut être très soignée. Le Collège de la Trinité ne peut pas réclamer l’honneur université italienne, peut-être à Pavie où les cours de Franciscus de compter Maurice Scève au nombre de ses élèves ; il n’existait pas encore à cette époque. Le futur poète fut probablement instruit dans la maison paternelle, peut-être par son père, peut-être par un précepteur,

Cherchons surtout dans sa parenté les compagnons de sa jeunesse. Son cousin, Guillaume Scève (le poète latin qui correspondait avec Dolet et Boissonné) partageait probablement une grande partie de ses études ; ils étudiaient tous deux le droit et restèrent des amis intimes pendant toute leur vie.

Scève sans doute connut déjà à cette époque les trois frères de Vauzelles, avec qui nous le verrons lié plus tard par des liens d’amitié et de parenté. Matthieu (mort en 1562), l’aîné, le futur beau-frère de Maurice Scève, étudia le droit à Pavie, et montra un goût prononcé pour les belles lettres. En 1517 il fut choisi par le chapitre des comptes de Saint-Jean pour être juge des serres de cette église. Cette même année, il succéda au père de Scève dans sa charge de juge-mage[12]. Nous le verrons plus tard dans les plus hautes fonctions de la province lyonnaise, protégeant toujours les poètes latins et français qui le célèbrent souvent dans leurs épigrammes.

Georges de Vauzelles (mort en 1557) était chevalier de Saint-Jean de Jérusalem et commandeur de la Torrette. Il se distingua par son courage au siège de Rhodes (1522). Après la perte de la ville, il revint en France, amenant avec lui un enfant grec de la branche des Lascaris qu’il fit instruire à ses dépens. Ce jeune homme sera le célèbre helléniste Jacques de Vintimille.

Jean de Vauzelles (mort en 1557) avait choisi la carrière ecclésiastique. Il était chevalier de l’église métropolitaine de Lyon et prieur de Montrottier. Attaché comme maître des requêtes à la cour de Marguerite de Navarre, aux comédies ascétiques de laquelle il collabora probablement, il était en même temps correspondant littéraire de l’Arétin dont il traduisit la Genèse (1542) et dont il voulut traduire la Vie de la Vierge en français ; son influence sur l’universalité des lettres lyonnaises dut être énorme[13].

Claudine et Sybille Scève (la première mariée à Matthieu de Vauzelles), très probablement les sœurs de Maurice Scève, sont une nouvelle preuve des aspirations de la famille vers une instruction générale et vers la poésie. Il se pourrait bien que Scève,

comme Matthieu de Vauzelles, ait passé quelque temps dans une de Curte (Curtius) étaient fréquentés par beaucoup de Français, peut-être à Padoue où Longueil et Simon de Villeneuve attiraient justement à cette époque la jeunesse studieuse de France[14]. Issu d’une famille riche et studieuse, ayant grandi dans un milieu qui l’attirait vers l’humanisme et les beaux-arts dont la seule patrie était alors l’Italie, comment eût-il négligé de visiter les universités de ce pays ?

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il fit, en 1533, des études d’archéologie et de littérature à Avignon, en société d’amis italiens. Il se plaisait alors à suivre les traces de Pétrarque dont il connaissait les poésies depuis sa première jeunesse, et qu’il révéra comme son maître pendant toute sa vie.

À cette époque[15] se passe l’événement qui nous donne la première notice directe de la vie de Maurice Scève et qui fait connaître le nom du jeune poète hors des limites de sa patrie. C’est l’histoire tant de fois répétée et discutée de la découverte du tombeau de la célèbre amie de Pétrarque, de Laure de Noves[16]. Jean de Tournes la raconte dans l’épître dédicatoire de son édition des sonnets de Pétrarque de 1545, épître adressée à Maurice Scève lui-même et qui rapporte les faits tels que le poète a dû les communiquer à l’éditeur[17].

Voici ce qui nous paraît en ressortir. Dans ses recherches sur Pétrarque, Scève s’occupait aussi de la question de l’origine de Laure, comme quelques années avant lui le commentateur Velutello qui nous assure qu’une tradition fort répandue dans Avignon rattachait la maîtresse de Pétrarque à la noble famille de Sade. Il n’y avait donc rien d’étrange à ce que Scève poussât ses recherches dans la Chapelle de la Sainte-Croix de l’église des frères-mineurs d’Avignon, où étaient les tombeaux des de Sade, pour trouver quelque vestige qui le conduisît sur le chemin cherché avec tant d’ardeur. Tantôt il était seul, et tantôt Gerolamo Manelli, gentilhomme florentin, et messer Buontempo, grand-vicaire du cardinal de Médicis et archevêque d’Avignon l’assistaient dans ses travaux.

Un jour il trouva dans un tombeau sans épitaphe et orné d’armoiries indéchiffrables des ossements avec une mâchoire entière auprès de laquelle était une boîte de plomb. On l’ouvrit ; on y trouva une médaille de bronze portant une figure de femme dans l’attitude de se découvrir le sein des deux mains, et avec la légende • m • l • m • j • que Scève, après un peu d’hésitation, interpréta comme Madonna Laura Morta Jace[18]. Il y avait en outre un morceau de parchemin avec un sonnet italien[19], très difficile à lire parce que les lettres qui se trouvaient sous les plis avaient été effacées par le temps. Pourtant Scève réussit à les déchiffrer et il ne tarda pas à attribuer la poésie à Pétrarque, bien que tous les Italiens qui se sont occupés de cette affaire, depuis Bembo jusqu’aux plus modernes, aient jugé que le style en est très contourné et que quelques détails sont d’un goût si mauvais que le chantre de Laure ne peut en être l’auteur. Personne ne douta plus que le tombeau trouvé ne fût celui de l’amie de Pétrarque ; Arqua n’était plus le seul sanctuaire où les pétrarquistes fervents firent leur pèlerinage. Même François Ier vint y faire ses dévotions littéraires en compagnie de Sadolet, lorsque en automne de la même année il passa par Avignon pour se rendre à Marseille où il eut une entrevue avec Clément VII. Le mausolée qu’il promit de faire ne fut jamais exécuté comme beaucoup de beaux projets du roi de la Renaissance ; mais les vers qu’il commit à cette occasion ont été transmis à la postérité[20].

La critique italienne est convenue de s’inscrire en faux contre la découverte du tombeau de Laure, et d’imputer tout le crime à Maurice Scève, Quelques-uns de ses arguments sont — sans être suffisants pour nous convaincre — assez accablants pour notre poète : c’est lui qui joue le rôle principal dans cette scène de la découverte qui a l’air d’avoir été arrangée ; c’est lui qui a fait venir, comme il semble, Buontempo et Manelli ; c’est lui qui interprète la légende de la médaille et qui déchiffre le sonnet ; enfin c’est à lui que Jean de Tournes et Guillaume de Roville attribuent tout l’honneur de la découverte. Les vers trouvés dans le tombeau sont d’ailleurs faits dans la manière amphigourique de Maurice Scève ; ils contiennent quelques formes stylistiques que nous retrouverons dans des poésies de lui[21].

Pourtant je ne peux pas admettre que cette prétendue falsification ait été commise par le poète le plus célèbre et le plus aristocratique de Lyon ; rien de ce que nous savons de sa vie et de son caractère ne nous permet de le croire capable d’une telle action ; ce serait une dissonance criante dans l’existence de cet homme doux et probe, même dans ses travaux littéraires (scrupule assez rare dans son siècle), de ce savant auquel on ne connaît point d’ennemis. S’il y a de la mystification dans cette découverte, je crois que Scève a été trompé plutôt que trompeur. Il était jeune et riche, il faisait ses recherches avec l’enthousiasme d’un néophyte ; il ne pouvait guère être chiche envers quiconque le mettait sur la bonne voie ; en somme, il n’était guère difficile de le tromper :
Las, celluy est facile à décevoir
Qui sur aultruy crédulement s’asseure
dira-t-il lui-même dans sa Délie[22] Il y avait à cette époque beaucoup (aventuriers italiens en France — littéraires et autres — qui n’auraient point reculé devant une telle manière de faire de l’argent. Et c’étaient justement les Italiens de la cour archiépiscopale d’Avignon qui étaient les plus intéressés à la possession du célèbre tombeau, du nouveau sanctuaire des pétrarquistes. En faisant faire la découverte par un savant de passage, on écartait le soupçon de l’avoir arrangée par intérêt.

Je ne crois d’ailleurs pas que les arguments de Francesco d’Ovidio nous obligent à croire à une mystification. Y a-t-il un seul fait à alléguer contre l’hypothèse, émise déjà par de Sade, qu’un ami de Pétrarque, mettons Socrate[23], ait composé le sonnet et l’ait mis dans le cercueil de Laure[24] ?

Cela ne devrait point nous étonner. Les amis de Pétrarque avaient pris l’habitude de l’admirer comme le plus grand poète et le plus grand savant ; ils le divinisaient presque ; Pétrarque était entré tout vivant dans l’immortalité, et cela déjà avant la mort de Laure. Il va sans dire que ses amis étendaient leur culte sur la femme qui fut presque l’unique objet de sa poésie. Ils prirent donc soin de faire connaître ses restes à la postérité qu’ils supposaient avec raison aussi enthousiaste de Pétrarque qu’eux-mêmes, et aussi soucieuse de conserver de ses reliques. Ces amis étaient des ecclésiastiques de la cour papale ; rien de plus facile pour eux que de glisser une petite boîte dans un cercueil, surtout dans des temps de peste où les enterrements se faisaient avec beaucoup de précipitation. De cette façon ils croyaient suffire à leur devoir envers Pétrarque et la postérité.

S’il y avait eu falsification, on aurait affaire à des faussaires d’une habileté tout à fait extraordinaire, à des faussaires de profession beaucoup plus rares au seizième siècle qu’à l’époque actuelle. Le sonnet était très difficile à lire perchè le lettere che si ritrovavono sut pieghi, erano dall’ antiquità cancellate. On le conserva tel quel dans l’église des frères mineurs jusqu’à l’époque de la Révolution où il fut égaré. Beaucoup de curieux l’ont examiné et même des savants comme Suarez et de Sade qui avaient l’habitude des documents du moyen-âge ; aucun n’a conçu de soupçon.

L’orthographe et la syntaxe du sonnet trouvé me semblent être très archaïques, telle l’élision de la conjonction che dans le dernier vers devant la coda. Quelques formes comme il chiude, el stil, secul, ne me semblent pas être toscanes. Tout cela me confirme dans mon opinion que son auteur était quelque ami romain de Pétrarque ; un faux d’une telle finesse aurait été difficile même pour un humaniste très au courant des études de la première littérature italienne ; et de tels hommes étaient très-rares au seizième siècle. La mystification, bien que probable, est donc loin d’être prouvée, et ce qui est l’essentiel, Scève ne peut pas en être soupçonné.

Ce qu’il y a d’important pour la vie de Maurice Scève dans cette affaire, c’est un accroissement extraordinaire de son sentiment personnel ; il se replie dans sa nouvelle gloire, et l’espoir d’acquérir vie immortelle lui devient une certitude. Il se sent prédestiné à devenir le Pétrarque français, et dès ce moment tous ses efforts tendront à mériter ce titre.

Je ne sais pas si Maurice Scève a été promu au grade de docteur ; il ne se glorifie jamais de ce titre et ses contemporains ne le lui donnent jamais. Pourtant ce n’est pas invraisemblable. Son père qui avait exercé les fonctions de juge-mage, avait été docteur-ès droits ; le fils qui remplit plus tard la même charge[25] dut faire son possible pour revêtir le même grade. Peut-être a-t-il été clerc ; le célibat qu’il a observé pendant toute sa vie, nous autorise à admettre qu’il a reçu les ordres qui l’y soumettaient, sans qu’il fût prêtre cependant.

La date du retour de Scève d’Avignon à Lyon m’est restée inconnue ; il se peut qu’il y fût déjà au mois d’août 1534, lors de l’arrivée d’Etienne Dolet. En tout cas, il y était en 1535 pour publier son premier livre : La déplourable fin de Flamete[26]. C’est un petit roman sentimental, qui n’est pas de l’invention de Maurice Scève, mais la traduction d’un livre espagnol de Juan de Flores[27], nouvelliste très en vogue vers la fin du quinzième siècle et qui imitait le style verbeux et emphatique de la Fiammetta de Boccace. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un ouvrage original, un résumé de ce roman nous fera connaître les goûts littéraires de Scève vers cette époque.

Le héros du roman (avec qui lauteur s’identifie), Grimalte, aime la dame Gradisse en la servant avec l’obéissance forcenée d’un chevalier de la Table Ronde et avec le subtil mysticisme d’un troubadour décadent. La dame reste froide, bien froide, hélas ! à ses supplications, tout en reconnaissant que tant de fidèles services seraient dignes d’une récompense. Un jour Grimalte offre la Fiammetta à Gradisse, qui, après avoir lu ce roman, est plus que jamais convaincue que les hommes, tout comme Pamphile, ne sont humbles et dévoués envers leurs amantes que tant qu’ils n’en ont pas encore reçu de faveurs. Voilà pourquoi elle se décide à envoyer son soupirant à la recherche de Flamete qui, après être restée longtemps à dire aux dames ses plaintes et ses regrets, s’est mise à courir le monde en quête de l’amant qui l’a délaissée[28]. Grimalte est désolé de cet ordre et y voit un moyen pour sa dame de se débarrasser de lui. Il a le sentiment que cette compassion toute littéraire pour Flamette semble exclure la cruauté froide pour l’amant ; il part sans la moindre espérance de pouvoir s’acquitter de sa mission.

Grimalte a déjà traversé quasi la plus grand part du monde ; il trouve un jour près d’un carrefour, au milieu d’une montagne déserte, une femme pompeusement parée, qui, après une longue conversation, se fait connaître comme étant Flamete. L’amant de Gradisse, selon l’ordre cruel de sa maîtresse, offre à Flamete de l’accompagner à la recherche de Pamphile en partageant toutes ses privations et ses souffrances. Ils parcourent tous les pays de la terre avec un insuccès constant. À la fin ils s’avisent de chercher Pamphile dans sa ville paternelle (il est étrange que cette idée ingénieuse ne leur soit pas venue tout d’abord), et

ils se rendent à Florence où Pamphile habite en effet au sein de sa famille. Le lecteur qui s’est réjoui de l’espoir d’un revoir passionné, est cruellement trompé ; Flamete ne court pas voir son amant ; elle va loger dans un couvent près de la ville et y exerce son style épistolaire dans une longue missive à Pamphile, lequel s’efforce dans une lettre non moins longue et non moins guindée de luy osier la trop grand amour qu’elle lui porte ; un confesseur n’arriverait pas à écrire une épître plus „morale“ et plus ennuyeuse. Flamete en cuide mourir de dueil, et, puisqu’il ne lui reste plus d’autre moyen, elle envoie Grimalte au palais de Pamphile pour l’exhorter à revenir à ses amours. Celui-ci l’accueille d’une façon charmante et lui parle avec beaucoup de sagesse. Après une longue conversation, Pamphile se décide enfin à aller voir son ancienne maîtresse.

Enfin les deux amants se revoient, mais Pamphile reste froid et sage malgré l’accueil chaleureux de Flamete. À toutes ses raisons de cœur, il oppose des raisons de morale égoïste et même de convenance bourgeoise, car il n’est délibéré de la secourir. Après une demi-douzaine de chapitres de ce dialogue pénible, Flamete épanche son cœur en maudissant sa vie qui lui semble la plus malheureuse que jamais femme ait supportée. Les consolations de Grimalte n’ont point d’effet : la longue et tresennuyeuse vie l’avoit tant gastée et deffaicte que avecques le moindre mal qui luy en sceusi venir, l’on eust peu congnoistre sa fin extrême survenir ; tant que le mal luy croissoit de si grand vigueur que incontinent je la vis morte sans nul remede. Voilà tout ce que nous apprenons de sa mort.

Grimalte fut tellement attristé par la mort de Flamete qu’il en perdit l’usage de la voix et de la vue, et qu’il resta longtemps avant de commencer sa triste complainte à voix aigre, piteuse, tremblante et larmoyante ; et non content des marques habituelles de la douleur, il se deciroit des ongles grosses playes en sa chair, tant que le sang couroit jusques à terre. Après que la dame eut été mise dans un tombeau paré de riches ornements allégoriques, Grimalte veut se battre en champ clos avec Pamphile pour l’amour de Flamete. Mais celui-ci est si touché par la lettre de défi et il est si tourmenté par les remords qu’il se résout à se retirer dans les déserts, en digne aïeul de Don Quichotte, pour y vivre nu avec les bêtes sauvages.

Grimalte, arrivé en Espagne, près de la ville où habite Gradisse, n’ose pas se montrer à sa dame, à laquelle il demande, par une lettre, de décider de son sort. Gradisse est tellement émue par la mort de Flamete qu’elle renonce à la voulenté d’amours qui ne cerche sinon joyeuseté. Voilà pourquoi elle ne peut faire bon accueil à Grimalte ; elle doute plus que jamais de la fidélité des hommes et va jusqu’à soupçonner Pamphile d’être retourné dans sa maison paternelle après le départ de Grimalte, pour y faire bonne chère. Après avoir reçu cette lettre où Gradisse se montre plus froide et plus cruelle que jamais, Grimalte se décide à partager la vie austère de Pamphile. Il le cherche jusqu’aux extrémités du pays de l’Asie, où il reçoit enfin de ses nouvelles ; il organise une chasse avec chiens, filets et autres pièges à l’aide desquels il capture enfin le malheureux solitaire. Pamphile ressemble à une bête sauvage plutôt qu’à un homme, tant cette vie l’a changé. Aussi reste-t-il insensible tant aux morsures des chiens qu’aux raisonnements de Grimalte. Mais quand celui-ci se dépouille de ses vêtements pour partager la vie de Pamphile, l’amant de Flamete rompt son silence. Désormais les deux anachorètes de l’amour passent leur vie à se lamenter et à pleurer. Trois nuits de la semaine ils ont la vision de Flamete, que des esprits infernaux tourmentent pour ses péchés d’une manière vraiment diabolique. Le roman se termine par une lettre pleine d’amertume de Grimalte à Gradisse, dans laquelle il l’assure de son amour inaltérable et de son obéissance d’esclave.

Cette action ne tient pas la plus grande place dans la déplourable Fin de Flamete. Chaque chapitre est un discours soigneusement élaboré selon les recettes de la rhétorique. Tous les personnages de ce petit roman ont la manie de prouver, par la logique, des choses où le cœur seul est arbitre, et les mots „luy démonstre par vives raisons“ se répètent d’innombrables fois Toutes ces vives raisons ou grandes raisons forment ensemble une espèce de traité psychologique de l’amour et de l’adultère qui ne manque pas de subtilité, mais dans lequel nous cherchons en vain le nom de Platon, et l’influence directe de sa philosophie ; il n’y est pas question d’amour spirituel. C’est plutôt l’amour des Amadis et de tous les autres héros des romans de chevalerie, l’amour traditionnel des troubadours et des trouvères. Les remèdes contre l’amour dont il est souvent question, nous rappellent Ovide, le grand docteur-ès-sciences amoureuses des poètes du moyen-âge.

Ce roman ne nous donne pas que les idées de Juan de Flores. Dans l’Epistre proëmiale, Scève se rallie à la conception chevaleresque selon laquelle l’amour est un art qu’on peut et qu’on doit apprendre. Cette épître contient aussi des témoignages de la sensibilité du poète. Il parle de la sienne expérimentée tourmente d’amours et du périlleux guay ou les meilleurs ans de sa vie ont passé. Il dit qu’il a secouru tempesteuse fortune et qu’il a eschappé comme expert marinier en la naufrageuse mair d’amour.

Le livre est devenu aujourd’hui extrêmement rare ; le seul exemplaire dont je connaisse l’existence appartient à M. Abel Lefranc. Aucun auteur du seizième siècle n’en a fait mention, à ce que je sache, et Scève lui-même n’en parle jamais. Il est donc très probable que La deplourable Fin de Flamete eut un succès médiocre ; quiconque se sera donné la peine d’en achever la lecture ne pourra douter du fait.



  1. Délie dizain 445.
  2. Délie dizain 28.
  3. Presque chaque poète du seizième siècle faisait suivre ses vers d’un recueil de compliments poétiques d’hommes plus ou moins célèbres, recueil destiné à donner plus d’éclat à l’ouvrage dont il est souvent la partie la plus intéressante. Scève lui-même n’a pas dédaigné de donner cette aumône poétique à plus d’un jeune talent qu’il voulait encourager, à plus d’un poète dont les vers avaient besoin d’être soutenus par un nom bien-sonnant. Mais lui, le chef de l’école lyonnaise, n’acceptait rien de pareil, il n’avait pas besoin de se parer des plumes d’autrui.
  4. Délie, dizain 359.
  5. cf. le dernier chapitre de cette étude.
  6. Cette erreur est de vieille date ; le premier qui en fasse mention est le père Bullioud dans son Lugdunum sacro-profanum qu’il écrivit au commencement du dix-septième siècle. L’abbé Pernetti (Mémoires pour servir à l’histoire de Lyon, 2 vol. Lyon 1757) assure que les Sève de son temps avaient les mêmes armes que les marquis de Ceva, et il cite toute la teneur d’un certificat de noblesse de la main de Charles-Emmanuel de Savoie, daté du 25 janvier 1620, qui fait foi de l’identité des deux familles. — Tout cela ne prouve rien ; ni Charles Emmanuel ni ses historiographes ne connaissaient les sources pour établir cette identité ; la fabrication de généalogies était du reste un métier fréquemment exercé et très lucratif au dix-septième siècle, et les Sève peuvent avoir acquis de cette façon des titres de haute noblesse. Au seizième siècle ils écrivaient toujours leur nom sans la particule de, mais avec Sc.

    Comparez pour l’histoire postérieure de la famille de Scève : Guichenon, Histoire de la souveraineté de Doubes. p. p.M.-C. Guigme. Lyon 1874 et Pernetti, op. cit.

  7. Préface de la réédition de Charles Fontaine : Ode de l’antiquité et excellence de la ville de Lyon. Lyon 1889.
  8. Le roy avoit autrefois un juge-mage à Lyon qu’on nommait aussi juge du ressort ; c’était pour connoistre des causes d’appelation de la justice ordinaire à la royale (le P. de Saint-Aubin : Histoire de la ville de Lyon ancienne et moderne. Lyon 1666 in fol. p. 150.)
  9. …après avoir advisé les gens plus commodes et convenables tant de messrs, les conseillers et autres, ont este esleu et retenus Maurice Scève, docteur, Claude Laurencin, sr. de Riverie, me. François Dupré, visconte de Bayeux, Pierre Renouard et Jaques de Baileux… (Guigue, Georges. Entrée de François Ier en la cité de Lyon. Lyon 1899, p. XIII). La circonstance que Scève est cité en premier lieu est une preuve de sa grande autorité. — Dans la même époque, un Jean Scève est conseiller, un Bartélemy Scève une espèce d’agent de la ville.
  10. L’École lyonnaise. Article du Salut public. Lyon, 23 juin 1902.
  11. …Et jà (de loin) courbe vieillesse accule.
    Cette verdeur que je sentis nouvelle, (dizain 333.)
    En moi saisons et âges finissants
    De jour en jour découvrent leur fallace. (dizain 407.)
  12. Guichenon, Histoire de la souveraineté de Dombes. tom. II. p. 34.
  13. cf. les articles de Ludovic de Vauzelles dans la Revue du Lyonnais, années 1870, 1872 et 1877.
  14. Christie. Richard Copley. Étienne Dolet. London 1880. chapitre II : Padua.
  15. C’était dans les premiers jours de 1533. La réponse de Bembo à une lettre de Barthélémy Castellano, Diacre à Avignon qui lui a demandé son opinion sur l’authenticité du sonnet trouvé dans le tombeau de Laure, est datée du 24 avril 1533.
  16. de Sade. Mémoires pour la vie de François Pétrarque. 3 vol. Amsterdam 1764— 1767 (A. I notes à la fin du volume p. 13 ; t. III pièces justificatives p. 38). — Bartoli, Stor. lett. vol. VII. — Körting. Petrarcas Leben und Werke. Leipzig 1878 Francesco d’Ovidio. Madonna Laura. Nuova Antologia, Luglio 1888, p. 209. —
  17. Cette épître est reproduite avec quelques mots de plus dans les éditions de Jean de Tournes de 1547 et 1550. Elle se trouve un peu abrégée dans les éditions de G. de Roville de 1564 et 1574-
  18. L’interprétation Mariant Laudate Matrem Jesn serait peut-être plus raisonnable.
  19. En voici le texte : (copie faite par de Sade sur l’original — malheureusement perdu)
    Qui riposan quei caste e felici ossa
    Di quella alma gentile e sola in terra
    Aspro’t dur sasso hor ben teco hai soterra
    El vero honor la fama è beltà Scossa.
          Morte ha del veide Lauro svelta e mossa
    Fresca radice, e il premio de mia guerra
    Di quattro lustri : e più se ancor non erra
    Mio penser tristo e il chiude in poca fossa.
          Felice pianta : in borgo de Avignone
    Nacque e mori ; e qui con ella jace
    La penna, el stil, l’inchiostro e la ragione.
          O délicate membra, o viva face
    Che ancor mi cuoci e struggi inginocchioni
    Ciascun prieghi il Signor te accepti in pace.
                                                      O Sexo
    Morta bellezza indarno si suspira
    L’alma beata in ciel vivra in eterno
    Pianga il presente e il futur secul priro
    Duna tal luce : ed io degli occhi e il tempo.

    De Sade ajoute : Cette copie a été faite avec attention sur l’original, je n’ai vu ces vers nulle part exactement copiés. Pourtant il faudra lire dans les deux derniers vers : il futur secol privo d’una tal luce ; priro n’a aucun sens. (Communication de M. E. Bovet).

  20. En petit lieu compris vous pouvez veoir
    Ce qui comprend beaucoup par renommée,
    Plume, labeur, la langue et le savoir
    Furent vaincus par l’aymant de l’aymée.
    O gentile Ame, estant tant estimée
    Qui te pourra louer qu’en se taisant ?
    Car la parole est toujours reprimée,
    Quand le sujet surmonte le disant.
  21. surtout dans la première épitaphe de Pernette de Guillet. Comparez par ex. : le caste e felici ossa et l’heureuse cendre, ses os que beauté composa ; — quell’alma gentile e sola in terra et cette ame gentile en tout sçavoir et sur toute autre subtile. Ces arguments ne prouvent d’ailleurs rien, Scève n’est pas le seul poète du seizième siècle qui ait eu un style ampoulé, et, dans l’Épitaphe de Pernette, écrite dans une circonstance semblable, il peut avoir voulu imiter le sonnet trouvé.
  22. Délie, dizain 222.
  23. Louis de Campininia par exemple, qui, étant à cette époque à Avignon, lui fit part du décès de son amie.
  24. En admettant l’interprétation Maria Laudate Matrem Jesu, la médaille avec la femme en prière ne représentera qu’une amulette, dont la présence dans un tombeau n’a rien d’étonnant.
  25. Communication orale de M. J. Buche, professeur à Lyon. Je ne connais pas les documents sur lesquels il base son assertion, mais comme il prépare depuis plusieurs années un livre sur l’Italianisme à Lyon, il est un des meilleurs connaisseurs de cette époque de l’histoire lyonnaise.
  26. La déplourable fin de Flamete, Élégante invention de Jehan de Flores espaignol, traduicte en Langue Françoise. — Soufirir se ouffrir (devise de Scève), — On les vend à Lyon chez Françoys Juste, devant nostre Dame de Confort. 1535. — in-16, goth. lxxj feuillets. — Édition très négligée pour le papier et l’impression, beaucoup d’initiales renversées, de nombreuses fautes. La première édition de Gargantua parut la même année chez le même imprimeur ; les caractères sont les mêmes.
  27. Le Sévillan Juan de Flores était le plus populaire en France et en Italie des auteurs espagnols qui dissertaient sur l’amour avec la subtilité d’un docteur en théologie. Son Tratato á su amiga de los amores de Grisel y Mirabella fut publié la première fois en France en 1527 sous le titre de Jugement d’Amour. En 1546, Gilles Corrozet en imprima une autre traduction française avec en face la version italienne qui lui avait servi d’original et dont il avait accepté comme titre les noms altérés des deux amants Aurelio et Isabelle (exemplaire au British Museum ; Brunet n’en cite que des éditions à partir de 1547). — L’original espagnol de la Mort de Flamete porte le titre Grimalte y Gradissa. En 1883, on en publia une réimpression à Madrid, en caractères gothiques. L’original est sans date. — cf. G. Baist. Die spanische Literatur. Gröbers Grundriss. t. II 2. p. 442-43. Strassburg 1897, et Arthur Tilley, The litterature of the French renaissance. Cambridge 1904. t. I, p. 51 et 137.
    Depuis trois ans la Fiammetta était très en vogue à Lyon ; dans la même année il en avait paru deux traductions : Complainte des tristes amours de Flammette à son ami Pamphile, translatée d’italien en vulgaire françois. Lyon, Claude Nourry 1539. — La complainte trespiteuse de Flamete Lyon, François Juste 1532.
  28. Dans la Fiammetta de Boccace je n’ai rien trouvé qui se rapportât à un départ de l’héroïne à la recherche de son ami infidèle.