Mauprat (1837)
A. Quantin, imprimeur-éditeur (p. 225-235).



XV


La veille du départ de M. de La Marche, après l’envoi de la lettre de l’abbé, il s’était passé dans la Varenne un petit événement qui me causa en Amérique une surprise agréable et plaisante, et qui, d’ailleurs, s’enchaîna d’une manière remarquable aux événements les plus importants de ma vie, ainsi que vous le verrez plus tard.

Quoique assez grièvement blessé à la malheureuse affaire de Savannah, j’étais activement occupé en Virginie, sous les ordres du général Green, à rassembler les débris de l’armée de Gates, qui était, à mes yeux, un héros bien supérieur à son rival heureux Washington. Nous venions d’apprendre le débarquement de l’escadre de M. de Ternay, et la tristesse qui nous avait gagnés à cette époque de revers et de détresse commençait à se dissiper devant l’espoir d’un secours plus considérable que celui qui nous arrivait en effet. Je me promenais dans les bois, à peu de distance du camp, avec Arthur, et nous profitions de ce moment de répit pour nous entretenir enfin d’autre chose que de Cornwallis et de l’infâme Arnolds. Longtemps affligés par le spectacle des maux de la nation américaine, par la crainte de voir l’injustice et la cupidité triompher de la cause des peuples, nous nous abandonnions à une douce gaieté. Lorsque j’avais une heure de loisir, j’oubliais mes rudes travaux pour me réfugier dans l’oasis de mes pensées, dans la famille de Sainte-Sévère. Selon ma coutume, à ces heures-là, je racontais au complaisant Arthur quelque scène bouffonne de mes débuts dans la vie au sortir de la Roche-Mauprat. Je lui décrivais tantôt ma première toilette, tantôt le mépris et l’horreur de Mlle Leblanc pour ma personne, et ses recommandations à son ami Saint-Jean de ne jamais approcher de moi à la portée du bras. Je ne sais comment, au milieu de ces amusantes figures, celle du solennel hidalgo Marcasse se présenta à mon imagination, et je me mis à faire la peinture fidèle et détaillée de l’habillement, de la démarche et de la conversation de cet énigmatique personnage. Ce n’est pas que Marcasse fût réellement aussi comique, qu’il m’apparaissait à travers ma fantaisie ; mais, à vingt ans, un homme n’est qu’un enfant, surtout lorsqu’il est militaire, qu’il vient d’échapper à de grands périls, et que la conquête de sa propre vie le remplit d’un orgueil insouciant. Arthur riait de tout son cœur en m’écoutant, et m’assurait qu’il donnerait tout son bagage de naturaliste pour un animal aussi curieux que celui dont je lui faisais la description. Le plaisir qu’il trouvait à partager mes enfantillages me donnant de la verve, je ne sais si j’aurais pu résister au désir de charger un peu mon modèle, lorsque tout à coup, au détour du chemin, nous nous trouvâmes en présence d’un homme de haute taille, pauvrement vêtu, pitoyablement décharné, lequel marchait à nous d’un air grave et pensif, portant à la main une longue épée nue, dont la pointe était pacifiquement baissée jusqu’à terre. Ce personnage ressemblait si fort à celui que je venais de décrire qu’Arthur, frappé de l’à-propos, fut pris d’un rire inextinguible et, se rangeant de côté pour laisser passer le sosie de Marcasse, se jeta sur le gazon au milieu d’une quinte de toux convulsive.

Quant à moi, je ne riais point, car rien de ce qui semble surnaturel ne manque de frapper vivement l’homme le plus habitué au danger. La jambe en avant, l’œil fixe, le bras étendu, nous nous approchions l’un vers l’autre, moi et lui, non pas l’ombre de Marcasse, mais la personne, respectable, en chair et en os, de l’hidalgo preneur de taupes.

Pétrifié de surprise, lorsque je vis ce que je prenais pour un spectre porter lentement la main à la corne de son chapeau et le soulever sans perdre une ligne de sa taille, je reculai de trois pas, et cette émotion, qu’Arthur prit pour une facétie de ma part, augmenta sa gaieté. Le chasseur de belettes n’en fut aucunement ému ; peut-être pensa-t-il, dans son calme judicieux, que c’était la manière d’aborder les gens sur l’autre rive de l’Océan.

Mais la gaieté d’Arthur faillit redevenir contagieuse lorsque Marcasse me dit avec un flegme incomparable :

— Il y a longtemps, monsieur Bernard, que j’ai l’honneur de vous chercher.

— Il y a longtemps, en effet, mon bon Marcasse, répondis-je en serrant gaiement la main de cet ancien ami ; mais dis-moi par quel pouvoir inouï j’ai eu le bonheur de t’attirer jusqu’ici. Autrefois, tu passais pour sorcier ; le serais-je devenu aussi sans m’en douter ?

— Je vous dirai tout cela, mon cher général, répondit Marcasse, que mon uniforme de capitaine éblouissait apparemment : veuillez me permettre d’aller avec vous, et je vous dirai des choses, bien des choses !

En entendant Marcasse répéter son dernier mot d’une voix affaiblie et comme se faisant écho à lui-même, manie qu’un instant auparavant j’étais en train de contrefaire, Arthur se remit à rire. Marcasse se retourna vers lui et, l’ayant regardé fixement, le salua avec une gravité imperturbable. Arthur, reprenant tout à coup son sérieux, se leva et lui rendit son salut jusqu’à terre avec une dignité comique.

Nous retournâmes ensemble au camp. Chemin faisant, Marcasse me raconta son histoire dans ce style bref, qui forçant l’auditeur à mille questions fatigantes, loin de simplifier le discours, le compliquait extraordinairement. Ce fut un grand divertissement pour Arthur ; mais, comme vous ne trouveriez pas le même plaisir à entendre une relation exacte de cet interminable dialogue, je me bornerai à vous dire comment Marcasse s’était décidé à quitter sa patrie et ses amis pour apporter à la cause américaine le secours de sa longue épée.

M. de La Marche partait pour l’Amérique à l’époque où Marcasse, installé à son château du Berry pour huit jours, faisait sa ronde annuelle sur les poutres et solives des greniers. La maison du comte, bouleversée de ce départ, se livrait à de merveilleux commentaires sur ce pays lointain plein de dangers, de prodiges, d’où l’on ne revenait jamais, suivant les beaux esprits du village, qu’avec une fortune si considérable et tant de lingots d’or et d’argent, qu’il fallait dix vaisseaux pour les rapporter. Sous son extérieur glacé, don Marcasse, semblable aux volcans hyperboréens, cachait une imagination brûlante, un amour passionné pour l’extraordinaire. Habitué à vivre en équilibre sur les ais des charpentes, dans une région évidemment plus élevée que les autres hommes, et n’étant pas insensible à la gloire d’étonner chaque jour les assistants par la hardiesse et la tranquillité de ses manœuvres acrobatiques, il se laissa enflammer par la peinture de l’Eldorado ; et cette fantaisie fut d’autant plus vive que, selon son habitude, il ne s’en ouvrit à personne. M. de La Marche fût donc fort surpris lorsque, la veille de son départ, Marcasse se présenta devant lui et lui proposa de l’accompagner en Amérique en qualité de valet de chambre. En vain M. de La Marche lui représenta qu’il était bien vieux pour quitter son état et pour courir les chances d’une existence nouvelle ; Marcasse montra tant de fermeté, qu’il finit par le convaincre. Plusieurs raisons déterminèrent M. de La Marche à faire ce singulier choix. Il avait résolu d’emmener un domestique encore plus âgé que le chasseur de belettes, et qui ne le suivait qu’avec beaucoup de répugnance. Mais cet homme avait toute sa confiance, faveur que M. de La Marche accordait difficilement, n’ayant du train d’un homme de qualité que l’apparence, et voulant être servi avec économie, prudence et fidélité. Il connaissait Marcasse pour un homme scrupuleusement honnête, et même singulièrement désintéressé ; car il y avait du don Quichotte dans l’âme de Marcasse tout aussi bien que dans sa personne. Il avait trouvé dans une ruine une sorte de trésor, c’est-à-dire un pot de grès renfermant une somme de dix mille francs environ, en vieille monnaie d’or et d’argent ; et non seulement il l’avait remis au possesseur de la ruine, qu’il aurait pu tromper à son aise, mais encore il avait refusé une récompense, disant avec emphase, dans son jargon abréviatif, que l’honnêteté mourrait se vendant.

La frugalité de Marcasse, sa discrétion, sa ponctualité, devaient faire un homme précieux, s’il pouvait s’habituer à mettre ces qualités au service d’autrui. Il y avait seulement à craindre qu’il ne pût s’habituer à la perte de son indépendance, mais, avant que l’escadre de M. de Ternay mît à la voile, M. de La Marche pensa qu’il aurait le temps de faire une épreuve suffisante de son nouvel écuyer.

De son côté, Marcasse éprouva bien quelque regret en prenant congé de ses amis et de son pays ; car, s’il avait des amis partout, partout une patrie, comme il disait, faisant allusion à sa vie errante, il avait pour la Varenne une préférence bien marquée ; et, de tous ses châteaux (car il avait pour coutume d’appeler siens tous ses gîtes), le château de Sainte-Sévère était le seul où il arrivât avec plaisir et dont il s’éloignât avec regret. Un jour que le pied lui avait manqué sur la toiture et qu’il avait fait une chute assez grave, Edmée, encore enfant, avait gagné son cœur par les pleurs que cet accident lui avait fait répandre et par les soins naïfs qu’elle lui avait donnés. Depuis que Patience habitait la lisière du parc, Marcasse sentait encore plus d’attrait pour Sainte-Sévère, car Patience était l’Oreste de Marcasse. Marcasse ne comprenait pas toujours Patience ; mais Patience était le seul qui comprît parfaitement Marcasse et qui sût tout ce qu’il y avait d’honnêteté chevaleresque et de bravoure exaltée sous cette bizarre enveloppe. Prosterné devant la supériorité intellectuelle du solitaire, le chasseur de belettes s’arrêtait respectueusement, lorsque la verve poétique, s’emparant de Patience, devenait inintelligible pour son modeste ami. Alors Marcasse, avec une touchante douceur et s’abstenant de questions et de remarques déplacées, baissait les yeux et, faisant signe de la tête de temps à autre, comme s’il eût compris et approuvé, donnait au moins à son ami l’innocent plaisir d’être écouté sans contradiction.

Cependant Marcasse en avait compris assez pour embrasser les idées républicaines et pour partager les romanesques espérances de nivellement universel et de retour à l’égalité de l’âge d’or que nourrissait ardemment le bonhomme Patience. Ayant plusieurs fois ouï dire à son ami qu’il fallait cultiver ces doctrines avec prudence (précepte que, d’ailleurs Patience n’observait guère pour son propre compte), l’hidalgo, puissamment aidé par son habitude et son penchant, ne parlait jamais de sa philosophie ; mais il faisait une propagande plus efficace, en colportant du château à la chaumière et de la maison bourgeoise à la ferme, ces petites éditions à bon marché de la Science du bonhomme Richard, et d’autres menus traités de patriotisme populaire, que, selon la société jésuitique, une société secrète de philosophie voltairiens, voués aux pratiques diaboliques de la franc-maçonnerie, faisait circuler gratis dans les basses classes.

Il y avait autant d’enthousiasme révolutionnaire que d’amour pour les aventures dans la subite résolution de Marcasse. Depuis longtemps, le loir et la fouine lui paraissaient des ennemis trop faibles, et l’aire aux grains un champ trop resserré pour sa valeur inquiète. Il lisait chaque jour les journaux de la veille dans l’office des bonnes maisons qu’il parcourait, et cette guerre d’Amérique, qu’on signalait comme le réveil de la justice et de la liberté dans l’univers, lui avait semblé devoir amener une révolution en France. Il est vrai qu’il prenait au pied de la lettre cette influence des idées qui devaient traverser les mers et venir s’emparer des esprits sur notre continent. Il voyait en rêve une armée d’Américains victorieux descendant de nombreux vaisseaux et apportant l’olivier de paix et la corne d’abondance à la nation française. Il se voyait dans ce même rêve commandant une légion héroïque et reparaissant dans la Varenne guerrier, législateur, émule de Washington, supprimant les abus, renversant les fortunes, dotant chaque prolétaire d’une portion convenable, et, au milieu de ces vastes et rigoureuses mesures, protégeant les bons et loyaux nobles et leur conservant une existence honorable. Il est inutile de dire que les nécessités douloureuses des grandes crises politiques n’entraient point dans l’esprit de Marcasse, et que pas une goutte de sang répandu ne venait souiller le romanesque tableau que Patience déroulait devant ses yeux.

Il y avait loin de ces espérances gigantesques au métier de valet de chambre de M. de La Marche ; mais Marcasse n’avait pas d’autre chemin pour arriver à son but. Les cadres du corps d’armée destiné pour l’Amérique étaient remplis depuis longtemps, et ce n’était qu’en qualité de passager attaché à l’expédition qu’il pouvait prendre place sur un bâtiment marchand à la suite de l’escadre. Il avait questionné l’abbé sur tout cela sans lui dire son projet. Son départ fut un coup de théâtre pour tous les habitants de la Varenne.

À peine eut-il mis pied sur le rivage de l’Union qu’il sentit un besoin irrésistible de prendre son grand chapeau et sa grande épée, et d’aller tout seul devant lui à travers bois, comme il avait coutume de faire dans son pays ; mais sa conscience lui défendait de quitter son maître après avoir contracté l’engagement de le servir. Il avait compté sur la fortune, et la fortune le seconda. La guerre étant beaucoup plus meurtrière et plus active qu’on ne s’y attendait, M. de La Marche craignit à tort d’être embarrassé par la santé débile de son maigre écuyer. Pressentant d’ailleurs son désir de liberté, il lui offrit une somme d’argent et des lettres de recommandation pour qu’il pût se joindre comme volontaire aux troupes américaines. Marcasse, sachant la fortune de son maître, refusa l’argent, n’accepta que les recommandations et partit léger comme la plus agile des belettes qu’il eût jamais occises.

Son intention était de se rendre à Philadelphie ; mais, un hasard inutile à raconter lui ayant fait savoir que j’étais dans le Sud, comptant avec raison trouver en moi un conseil et un appui, il était venu me rejoindre, seul, à pied, à travers des contrées inconnues, presque désertes et souvent pleines de périls de toute espèce. Son habit seul avait souffert ; sa figure jaune n’avait pas changé de nuance, et il n’était pas plus étonné de sa nouvelle destinée que s’il eût parcouru la distance de Sainte-Sévère à la tour Gazeau.

La seule chose insolite que je remarquai en lui fut qu’il se retournait de temps en temps et regardait en arrière, comme s’il eût été tenté d’appeler quelqu’un ; puis aussitôt il souriait et soupirait presque au même instant. Je ne pus résister au désir de lui demander la cause de son inquiétude.

— Hélas ! répondit-il, habitude ne peut se perdre ; un pauvre chien ! un bon chien ! Toujours dire : « Ici, Blaireau ! Blaireau, ici ! »

— J’entends, lui dis-je ; Blaireau est mort, et vous ne pouvez vous habituer à l’idée que vous ne le verrez plus sur vos traces.

— Mort ? s’écria-t-il avec un geste d’épouvante. Non, Dieu merci ! Ami Patience, grand ami ! Blaireau heureux, mais triste comme son maître, son maître seul !

— Si Blaireau est chez Patience, dit Arthur, il est heureux en effet, car Patience ne manque de rien ; Patience le chérira pour l’amour de vous, et certainement vous reverrez votre digne ami et votre chien fidèle.

Marcasse leva les yeux sur la personne qui semblait si bien connaître sa vie ; mais, s’étant assuré qu’il ne l’avait jamais vue, il prit le parti qu’il avait coutume de prendre quand il ne comprenait pas ; il souleva son chapeau et salua respectueusement.

Marcasse fut, à ma prompte recommandation, enrôlé sous mes ordres, et, peu de temps après, il fut nommé sergent. Ce digne homme fit toute la campagne avec moi et la fit bravement, et, lorsqu’en 1782 je passai sous le drapeau de ma nation et rejoignis l’armée de Rochambeau, il me suivit, voulant partager mon sort jusqu’à la fin. Dans les premiers jours, il fut pour moi un amusement plutôt qu’une société ; mais bientôt sa bonne conduite et son intrépidité calme lui méritèrent l’estime de tous, et j’eus lieu d’être fier de mon protégé. Arthur aussi le prit en grande amitié, et, hors du service, il nous accompagnait dans toutes nos promenades, portant la boîte du naturaliste et perforant les serpents de son épée.

Mais, lorsque j’essayai de le faire parler de ma cousine, il ne me satisfaisait point. Soit qu’il ne comprit pas l’intérêt que je mettais à savoir tous les détails de la vie qu’elle menait loin de moi, soit qu’il se fût fait à cet égard une de ces lois invariables qui gouvernaient sa conscience, jamais je ne pus obtenir une solution claire aux doutes qui me tourmentaient. Il me dit bien d’abord qu’il n’était question de son mariage avec personne ; mais, quelque habitué que je fusse à la manière vague dont il s’exprimait, je m’imaginai qu’il avait fait cette réponse avec embarras et de l’air d’un homme qui s’est engagé à garder un secret. L’honneur me défendait d’insister au point de lui laisser voir mes espérances ; il y eut donc toujours entre nous un point douloureux auquel j’évitais de toucher, et sur lequel, malgré moi, je me trouvais revenir toujours. Tant qu’Arthur fut près de moi, je gardai ma raison, j’interprétai les lettres d’Edmée dans le sens le plus loyal ; mais, quand j’eus la douleur de me séparer de lui, mes souffrances se réveillèrent, et le séjour de l’Amérique me pesa de plus en plus.

Cette séparation eut lieu lorsque je quittai l’armée américaine pour faire la guerre sous les ordres du général français. Arthur était Américain, et il n’attendait, d’ailleurs, que l’issue de la guerre pour se retirer du service et se fixer à Boston, auprès du docteur Cooper, qui l’aimait comme son fils, et qui se chargea de l’attacher à la bibliothèque de la Société de Philadelphie, en qualité de bibliothécaire principal. C’était tout ce qu’Arthur avait désiré comme récompense de ses travaux.

Les événements qui remplirent ces dernières années appartiennent à l’histoire. Je vis, avec une joie toute personnelle, la paix proclamer l’existence des États-Unis. Le chagrin s’était emparé de moi, ma passion n’avait fait que grandir et ne laissait point de place aux enivrements de la gloire militaire. J’allai, avant mon départ, embrasser Arthur, et je m’embarquai avec le brave Marcasse, partagé entre la douleur de quitter mon seul ami et la joie de revoir mes seules amours. L’escadre dont je faisais partie éprouva de grandes vicissitudes dans la traversée, et plusieurs fois je renonçai à l’espérance de mettre jamais un genou en terre devant Edmée, sous les grands chênes de Sainte-Sévère. Enfin, après une dernière tempête essuyée sur les côtes de France, je mis le pied sur les grèves de la Bretagne, et je tombai dans les bras de mon pauvre sergent, qui avait supporté, sinon avec plus de force physique, du moins avec plus de tranquillité morale, les maux communs, et nos larmes se confondirent.