H. Vaillant-Carmanne (p. 134-157).


V. — Stace, Martial, Tibulle, Catulle, Properce, Claudien. Influences générales des Latins.


C’est un fait bien connu, que les écrivains de la décadence trouvent plus d’imitateurs que les grands classiques. Il est plus facile de butiner dans l’Anthologie que de pindariser, et si l’on cherche seulement, chez les anciens, des pensées fortes et des sentences lapidaires, des images poétiques ou quelques fictions mythologiques, on trouve aussi bien tout cela, et plus à portée de la main, dans les poetae minores. Virgile est trop poète : Lucain est bien plus orateur, Stace est bien plus facile, plus près de l’esprit d’un Français un peu rhéteur.

Tel s’est fait par ses vers distinguer dans la ville,
Qui jamais de Lucain n’a distingué Virgile.[1]


Malherbe, lui, distingue Stace de Virgile, et c’est pour donner à Stace la première place. « Pour les Latins, celui qu’il estimoit le plus étoit Stace, qui a fait la Thébaïde, et après Sénèque le Tragique, Horace, Juvénal, Ovide, Martial[2]. » Ce qu’il pouvait goûter dans Sénèque le Tragique, c’étaient ces lieux communs dont nous l’avons vu se pénétrer dans les Épîtres et le Traité des Bienfaits. D’Horace et d’Ovide, nous avons dit aussi ce qu’il avait pris. De Juvénal, il avait moins l’occasion de se servir, ne composant pas des Satires à l’imitation du poète indigné, comme faisaient Vauquelin, Régnier et Boileau. Il n’y a guère qu’une strophe de la Prière pour le roi allant en Limousin qui rappelle Le ton de Juvénal : celle qui flétrit Henri III, et où « le soin de ses provinces » sent un peu son latin. Mais Malherbe s’est souvenu de Stace et de Martial, et de quelques autres encore.

Dans cette Thébaïde de Stace, que Vauquelin recommandait dans son Art Poétique, et que Corneille traduisit en vers[3], se trouvaient les idées et les images classiques que l’on a déjà vues à propos de Virgile : « Le rivage blême au deçà duquel on ne passe pas deux fois[4] » y figure[5] comme dans l’Énéide[6], comme chez Catulle, comme chez les Italiens et les Français de la renaissance ; les Pléiades redoutables aux mariniers[7] et le non moins redoutable Malée[8] s’y trouvent aussi, et se retrouvent chez Malherbe[9]. C’est peut-être aussi dans la Thébaïde[10] et dans les Sylves[11] que notre poète a appris à parler des « rives d’un fleuve où dorment les vents et les eaux[12] », et les arcana nemorum de Stace ont pu lui donner le goût du « silence des bois » où il fait vivre Diane, ou gémir Alcandre, ou danser les Muses[13]. « La d’Achille décrite par Stace Papinie[14], n’était pas moins célèbre que la Thébaïde, et, de même que dans l’Achilléide de Stace, Achille connaît tous les exercices, de même Malherbe, remplissant ses vers par une savante énumération des parties, nous dit du héros :

Sa gloire à danser et chanter,
Tirer de l’arc, sauter, lutter,
À nulle autre n’étoit seconde[15].

Comme dans l’Achilléide aussi,

L’or éclatoit en ses cheveux[16]
Et les dames avecque vœux
Soupiroient après son visage[17].

Ainsi le portrait qu’avait tracé Stace restait présent à la mémoire des écrivains classiques, et on le retrouvera dans l’Achille de Racine, qui s’est policé et a appris les belles manières,

Mais qui, si l’on nous fait un fidèle discours,
Suça même le sang des lions et des ours[18].

Seulement, Racine mettait ces paroles dans la bouche de la triste Ériphile, Achille était le principal personnage de la tragédie, et la violence que la tradition lui prête répondait au rôle de défenseur d’Iphigénie, tandis qu’on aurait fort bien imaginé l’éloge du duc de Bellegarde sans un Achille danseur et dameret.

Comme toujours, Malherbe a pris trop à son modèle, et ce petit « Archémore » des Stances à Du Périer, qui importunait déjà Sainte-Beuve[19], est sorti de la Thébaïde : on ne préfère pas impunément Stace à Virgile.

Malherbe lisait aussi Martial : on en a conservé un exemplaire qu’il a annoté de sa main, et qui est maintenant la propriété de M. Sardou[20] : Raderi Matthei… ad Val. Martialis Epigrammaton libros omnes, Ingolstad 1611. Il a retenu les vers latins, et l’épitaphe qu’il composa pour sa cousine de Bouillon-Malherbe se termine par un souvenir de Martial :

Qui fles talia ne fleas, viator[21].

La pensée que rappelait cette fin d’épitaphe a été traduite par Malherbe et mise dans la bouche d’Étienne Puget :

Pleure mon infortune, et pour ta récompense
Jamais autre douleur ne te fasse pleurer[22].

Pour exprimer la joie publique, l’Ode sur la prise de Marseille reprenait déjà une formule des Épigrammes :

Et quel Indique séjour
Une perle fera naître
D’assez de lustre pour être
La marque d’un si beau jour[23] ?

Malherbe a été plus habile en traduisant l’épigramme 40 du livre VI, que Marot avait déjà imitée, et que La Monnoie reprendra encore. Lycoris et Glycère sont devenues Jeanne et Anne[24], et l’adaptateur a retrouvé la verve de maître Clément et de Ronsard lui-même[25].

Tibulle avait parlé avec grâce de l’amour et des dieux, et plus d’un poète a rêvé d’aller, comme dit Ronsard,

Errer là bas sous le près de Tibulle
Errer là bas sous le bois amoureux[26].

Sans être aussi enthousiaste, Malherbe lit encore le poète érotique, et il le connaît assez pour reconnaître dans Desportes un passage où « tout est, de mot à mot, pris de la segonde élégie du premier livre de Tibulle, qui se commence : adde merum vinoque novos…[27] ». Il a lui-même pris certains traits au poète latin : il s’est notamment souvenu des vers que le cardinal de La Valette avait mille fois répétés à Voiture, et que Balzac cite encore à Chapelain[28] ; et comme Balzac, il trouve qu’il est temps d’écouter la leçon de Tibulle :

Mais aujourd’hui que mes années
Vers leur fin s’en vont terminées,
Siéroit-il bien à mes écrits
D’ennuyer les races futures
Des ridicules aventures
D’un amoureux en cheveux gris[29] ?


Il avait, auparavant, repris dans ses vers amoureux des fictions dont plus d’une remontait aux élégies latines. C’est Tibulle (ou ses disciples italiens) que Baïf traduisait pour parler des yeux de sa belle[30] où l’amour allume ses flambeaux ; et Malherbe, reprenant le même thème, qui avait, du reste, passé par deux générations de pétrarquistes français, transforme les yeux de Caliste en forge :

Amour est dans tes yeux, il y trempe ses dards[31].

En outre, quand il appelle les Muses à la rescousse, il le fait parfois plus longuement que Ronsard[32] et il les décrit d’après l’Apollon de Tibulle[33] :

Venez en robes où l’on voie
Dessus les ouvrages de soie
Les rayons d’or étinceler ;
Et chargez de perles vos têtes,
Comme quand vous allez aux fêtes
Où les Dieux vous font appeler[34]:


c’est pour confondre les ennemis de la reine régente qu’il leur demande de prendre ces atours.

Un autre jour il s’était souvenu de Catulle[35] pour faire au dauphin les promesses de gloire que l’Epithalamium Pelei et Thetidos formulait pour Achille. C’est une idée bien naturelle, en parlant d’un prince, de prophétiser la défaite de ses ennemis, et elle se retrouve chez les plus modernes des poètes français : Alfred de Musset disait encore du fils de Louis-Philippe :

Certes c’eût été beau, le jour où son épée,
Dans le sang étranger lavée et retrempée,
Eût au pays natal ramené la fierté[36].

Seulement, il y a des poètes qui se contentent d’exprimer cette idée sous une forme générale, sans insister sur « le sang étranger ». Il y en a d’autres qui ne se lassent pas de développer la pensée belliqueuse et meurtrière. Malherbe est absolument féroce dans ses promesses : il n’est pas de dévastation qu’il ne présage pour son prince, et le sang des ennemis monte dans ses vers comme dans ceux de Lucain et de Brébeuf : dans la Prière pour le roi allant en Limousin il commence par prier Dieu, et finit en promettant à Henri IV un massacre général de l’Espagne[37] ; il dira du fils :

Les Nomades n’ont bergerie
Qu’il ne suffise à désoler[38].

Il s’agissait là du « faon de lionne » qui sera le doux Louis XIII; et quand, quinze ans plus tard, le même Louis va châtier les Rochelois, son poète promet non seulement que Neptune va mettre incessamment ses Tritons à la disposition du roi « pour être ses matelots », mais encore

Que le sang étranger fera monter nos fleuves
Au-dessus de leurs bords[39].

Avec un pareil goût, Malherbe devait recueillir avec empressement les promesses de destruction des ennemis qu’il rencontrait chez les anciens. Il en trouvait assez. À l’époque homérique, le héros vaut surtout par le nombre des ennemis qu’il tue, et le plus grand éloge de Diomède, dans la bouche de Nestor, ce sont les veuves des Troyens qu’il a tués[40]. Quand la sauvagerie des mœurs s’adoucit, le passé continue généralement à flotter en épaves métaphoriques sur la langue et sur la poésie. Aujourd’hui encore quand nous « rompons en visière » aux préjugés, ou quand nous « rompons une lance » non moins métaphorique en faveur d’une idée, nous gardons la trace des habitudes batailleuses du moyen âge. De même toute la poésie antique a gardé la trace de la férocité homérique, et ce fut parfois un plaisant spectacle de voir chez les modernes plus d’un « galant homme » répéter le plus poliment du monde les menaces sanguinaires des dompteurs de chevaux et des tueurs d’hommes. Quand le galant homme avait infiniment d’esprit et de goût, et surtout quand il avait trouvé la forme littéraire qui convenait à son art : le drame — c’est-à-dire quand Racine représentait les héros homériques — tout pouvait s’arranger ; et ce n’était pas trop mal se souvenir de l’Epithalamium Pelei et Thetidos que de faire dire à Iphigénie, qui parlait à Achille avant d’être immolée par Calchas :

Allez ; et dans ses murs vides de citoyens,
Faites pleurer ma mort aux veuves des Troyens[41].

Malherbe avait moins de goût, mais autant de mémoire que Jean Racine, et il ne demandait pas mieux que de copier les poètes latins. Quand il souhaite la bienvenue à Marie de Médicis, il promet qu’ « un dauphin lui va naître », et comme l’épithalame de la nouvelle reine ne doit pas être moins brillant que celui de Thétis, ce dauphin sera un terrible massacreur :

Oh ! combien lors aura de veuves
La gent qui porte le turban !
Que de sang rougira les fleuves
Qui lavent les pieds du Liban !
Que le Bosphore en ses deux rives
Aura de Sultanes captives !
Et que de mères à Memphis
En pleurant diront la vaillance
De son courage et de sa lance
Aux funérailles de leur fils[42]


C’était, comme on le voit, pousser un peu loin les conquêtes du jeune prince ; tous les poètes du temps, qui célèbrent « le grand dessein », sont du reste aussi hyperboliques, et la tradition se perpétue jusqu’à Boileau, qui s’en moque :

N’avons-nous pas cent fois, en faveur de la France,
Comme lui, dans nos vers, pris Memphis et Byzance,
Sur les bords de l’Euphrate abattu le turban,
Et coupé, pour rimer, les cèdres du Liban[43] ?

Malherbe n’est pas moins embarrassé pour traduire la fameuse pensée de Catulle sur le soleil et la vie humaine, pensée si souvent reprise par les poètes italiens comme le Tasse, qui l’exprime plus d’une fois, et par les poètes français depuis Ronsard jusqu’à M. Eugène Rostand[44] :

Soles occidere et redire possunt :
Nobis, cum semel occidit brevis lux,
Nox est perpetua una dormienda[45].


Le Tasse écrivant en une langue plus rapprochée du latin, avait pu traduire très élégamment ces vers[46] ; il en avait répété la pensée avec grâce dans son Aminte[47], que Malherbe lisait avec tant de plaisir : cela n’empêche que Malherbe était fort embarrassé. Non pas pour la brièveté de la vie : en faisant rimer selon son habitude, le monde et l’onde, le destin et le matin, quatre vers était vite faits. Mais comment faire coucher le soleil ? Pour le faire luire, nous avons vu qu’il allait chercher ses souvenirs de mythologie. Pour dire : soles occidere…, il n’éprouve pas moins de peine. Il écrit d’abord :

Tel que se couche le soleil
Au soir accablé de sommeil…


Mais lui-même se sent choqué de ce coucher de soleil comateux, et il corrige, sans faire beaucoup mieux :

Tel qu’au soir on voit le soleil
Se jeter aux bras du sommeil,
Tel au matin il sort de l’onde.
Les affaires de l’homme ont un autre destin ;
Après qu’il est parti du monde
La nuit qui lui survient n’a jamais de matin[48].


Cette fois c’est bien Malherbe qui retardait sur Ronsard ; écoutez plutôt : « Je me souviens, raconte M.  Gaston Boissier, que M. Patin, dans ses cours de la Sorbonne, nous citait, à propos de cette pièce, la traduction d’un de nos vieux poètes, moins exacte assurément que celle de M. Rostand, puisqu’il s’est permis de remplacer le soleil par la lune, mais où l’on retrouve davantage l’accent mélancolique de l’auteur latin :

La lune est coutumière
De naître tous les mois ;
Mais quand notre lumière
Est éteinte une fois,
Sans nous plus réveiller
Faut toujours sommeiller[49] ».

Ménage[50] se demandait si Ronsard n’avait pas songé, en même temps qu’à Catulle, au damna tamen reparant cœlestia lunæ : qu’il suffise de constater qu’il arrive à Malherbe de traduire ses auteurs plus littéralement et plus péniblement que Ronsard.

À Valerius Flaccus on rattache depuis Balzac[51] le passage où Malherbe montre la victoire aux bords de Charente[52], attendant Louis XIII, et où il développe librement une fiction qu’avait déjà employée Ronsard, parlant de Mars[53], et qui était bien connue des poètes français. Malherbe a donc probablement suivi le conseil de Vauquelin, qui recommandait « les Argonautes », et il a aussi goûté chez Valerius Flaccus comme chez les autres poètes latins l’histoire de ces héros dont il se souvient si souvent. « Cette nymphe qui appelle Louis sur les bords de la rivière de Charente, dit Balzac, n’est-elle pas aussi belle pour le moins, que celle-ci qui appelle Jason sur les bords de la rivière de Phasis ?

… Tu sola animos, mentesque peruris,
Gloria : te viridem videt, immunemque senectæ
Phasidis in ripa stantem, juvenesque vocantem
[54]. »


Ce qu’il aurait fallu demander, et qu’oubliait parfois Balzac, c’est de savoir si Louis XIII n’était pas trop différent de Jason, et la Charente — plus souvent la Seine — du Phase.

Il y a chez Malherbe bien des fictions, parfois longuement développées, dont il n’est pas toujours possible de trouver le modèle précis : déjà du temps de Ménage on ne savait s’il fallait rattacher à Sidoine Apollinaire ou à Claudien la célèbre description du combat des Géants[55], dont l’Encelade rappelle aussi bien Horace. Il en est de même de beaucoup de lieux communs de la poésie amoureuse dont on trouve les antécédents chez Properce et d’autres.

Mais des conditions où l’on vit ici-bas,
Certes celle d’aimer est la plus malheureuse[56].


C’est exactement ce qu’avait dit Properce : mais il serait peut-être difficile de trouver un poète amoureux, latin, italien ou français, qui ne l’ait pas dit aussi.

Et sans atteindre au but où l’on ne peut atteindre
Ce m’est assez d’honneur que j’y voulois monter[57].


Cette idée, qui n’est naturellement chez Malherbe qu’un lieu commun littéraire — puisque c’est pour le duc de Montpensier qu’il « s’exalte » dans ces vers — il a pu la trouver dans Properce[58], il l’a rencontrée aussi dans Pline[59], qu’il recommandait un jour à un chercheur de sentences[60]. Properce, Pétrone et d’autres ont également exprimé l’ardeur et la gloire de la passion augmentées par les obstacles[61] ; Desportes et Bertaut la répètent à tout instant, ainsi que le dédain des « palmes communes » et des victoires sans péril sur lesquelles Corneille devait dire le dernier mot. Malherbe, en ce point, parle à peu près comme Bertaut.

Il parle très probablement d’après Claudien, dont « il admirait les panégyriques »[62], quand il fait dire par le dieu de Seine au maréchal d’Ancre :

La Fortune t’appelle au rang de ses victimes ;
Et le ciel accusé de supporter tes crimes
Est résolu de se justifier[63].


C’est par cette idée que Claudien commençait son poème contre Rufin[64] :

« Le trépas de Rufin vient d’absoudre les dieux »,


comme traduira François de Neufchâteau. Cette idée que le triomphe des méchants est une injure aux dieux, et que leur chute justifie le Ciel, se retrouve dans toute la poésie antique et aussi dans la Bible, et Sénèque a pu très souvent la répéter à Malherbe[65]. Celui-ci se souvenait peut-être même de ceux dont parle Sénèque quand il disait :

Continuez, grands Dieux, et ne faites pas dire
Ou que rien ici-bas ne connoît votre empire,
Où qu’aux occasions les plus dignes de soins
Vous en avez le moins[66].


Cette conception des dieux comme commissaires responsables de nos entreprises est dans toute la philosophie et la poésie antiques, et elle apparaît chez tous les poètes classiques en France, dans l’Hippolyte de Garnier[67], dans le Lutrin[68] de Boileau comme dans l’Andromaque[69] de Racine, et jusque dans La Nature[70] de Lebrun. Elle était déjà chez ceux du XVIe siècle, et Malherbe continue une tradition dont il s’est pénétré en lisant les anciens et leurs disciples, et dont il a admiré l’expression chez les poètes latins.

En général, il n’est guère d’image ou d’idée, dans Malherbe, dont on ne puisse trouver un antécédent dans la littérature latine. Il ne faudrait pas, avec Ménage, rattacher à Columelle l’image des « fleurs comme étoiles semées » que l’auteur des Stances aux ombres de Damon a bien plutôt trouvée chez Desportes[71] et chez les poètes français. Mais on peut croire à l’influence des auteurs latins, de Virgile et d’Ovide, quand l’Ode pour le roi allant châtier les Rochelois parle de « creuser les fossés jusqu’à faire paroître le jour entre les morts » ; et il ne faut même pas rire de Vadius quand il cite Publius Syrus à propos de la fragilité de verre de la fortune humaine, que Bertaut et Malherbe, et après eux Godeau et Corneille[72], ont exprimée presque dans les mêmes termes. En effet, quand Montaigne avait à exprimer la même idée, il citait le mime antique : Fortuna vitrea est : tum cum splendet, frangitur. Déjà André Chénier, tout en admirant les vers de Malherbe, y reconnaissait « l’assurgere des Latins[73] » et « le ferreus imber de Virgile[74] » : on reconnaît de même dans la plupart des stances, et dans les plus fameuses, les pensées et les images des écrivains latins.

Au commencement du XVIIe siècle, le latin occupe encore une place immense dans l’enseignement et dans les lettres, et à Malherbe lui-même il arrive encore de penser que le français n’est propre qu’à des chansons et à des vaudevilles[75]. S’il ne parle pas latin aussi naturellement que Montaigne, on sent pourtant qu’il a été fort en thème. Sous un vers ambigu de Desportes il écrit : Quo me vertam nescio[76]. « Il avoit souvent à la bouche, à l’exemple de M. Coeffeteau : Bonus animus, bonus deus, bonus cultus[77]. » Il avait souvent aussi à la bouche une autre phrase latine, le vers que Prudence fait prononcer à Gallien : Cole dæmonium quod colit civitas[78]. En écrivant à Peiresc il parle parfois latin : « Je ne saurais vous dire quid dediderit locum huic fabulæ[79] » ; « vos bonnes grâces me sont chères ut nil nisi sidera supra[80] » ; « inter strepitus armorum, les pauvres Muses ne sont pas en leur élément[81] » ; « nous sommes en un temps quod libet licet[82] » ; il aime les proverbes latins, soit qu’il les répète : « ad impossibile nemo tenetur[83] », soit qu’il les traduise : « il vaut mieux se taire que de rien écrire de ceux qui peuvent proscrire[84] » ; « la voix du peuple est la voix de Dieu[85] », ou qu’il les mette même en vers :

Je vais bien éprouver qu’un déplaisir extrême
Est toujours à la fin d’un extrême plaisir[86].


Il est pénétré de la philosophie antique et des souvenirs mythologiques. L’idée de la Fortune, qu’on avait reprochée comme payenne à Montaigne, revient sans cesse dans ses lettres et ses vers. Il ne saurait parler de la prospérité publique sans songer « au siècle doré[87] », « au siècle où Saturne fut maître[88] », de mariage sans montrer Hymen « en habillement blanc[89] » et accoutré comme dans Desportes, ou « en robe d’or[90] »; il ne saurait vanter un personnage sans évoquer « Mars de la Thrace[91] » ou Hercule, auquel il compare tout le monde, depuis Perrache jusqu’à Jeanne d’Arc[92] ; il ne saurait surtout parler de la mort sans citer les Parques, notamment Atropos, ou l’Érèbe, ou « le nole à Caron[93] ». Léandre, « les Busires », les dieux et les déesses « que nous récite l’histoire des temps passés[94] », le rocher de Sipyle, le Thermodon, Thésée et le labyrinthe, encombrent ses vers, et naturellement ceux-ci sentent trop souvent l’huile. Ils ont encore d’autres défauts : les religieux de Saint-Denis refusèrent un jour de laisser placer dans leur église l’épitaphe que Malherbe avait écrite pour le duc d’Orléans : il y avait encore une fois placé la Parque et le Mars de la Thrace, et les religieux trouvèrent, le sonnet trop payen[95] ! André Chénier, pourtant peu prude, trouvait parfois obscène la mythologie du bonhomme[96]. Ménage lui reprochait, d’un autre côté, des hérésies mythographiques, et lui en voulait d’avoir fait Céphale amoureux de l’Aurore[97]. À cela Malherbe avait bien répondu quand il disait « qu’il n’apprêtait pas les viandes pour les cuisiniers », c’est-à-dire qu’il ne faisait pas ses vers pour les savants, mais pour le Louvre. Seulement, pour le Louvre, il aurait pu mettre moins de mythologie ; et ici encore — comme souvent quand il se contredit — il est tiraillé à la fois par sa propre opinion et par les livres qu’il a lus, par les anciens et leurs imitateurs. Il pense et il juge d’une façon, il écrit de l’autre, parce qu’écrire, pour lui, c’est remanier ce qu’ont écrit les poètes latins, italiens et français.

Cette contradiction perpétuelle entre le gentilhomme normand et l’élève des classiques — comparable à la contradiction qu’on trouve chez Flaubert entre le réalisme normand et les souvenirs romantiques — apparaît aussi dans sa façon déjuger la poésie et surtout de parler de ses propres vers. On connaît la première opinion de Malherbe, celle qu’il a prise à Sénèque, et qu’il répète à Racan : la poésie n’est qu’un passe-temps frivole. Il parle bien autrement dans ses vers, et celui qui ne se croyait pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles, devient tout à coup le plus ferme rempart des rois : la louange de Henri IV sera bien plus brillante

Quand elle aura cette gloire
Que Malherbe en soit l’auteur[98].


Le poète confère la gloire et l’immortalité ; il « exempte l’homme de la Parque[99] » : et voilà le bonhomme qui défie « le fameux Amphion[100] » ou Apelle et sa Vénus inachevée[101], il est « plus ardent qu’un athlète à Pise » ; il va couronner Henri IV « d’amarante[102] »; il jure « par la Montagne au double sommet » de donner l’immortalité au duc de Bellegarde : il veut mieux dire « qu’un cygne près de sa mort » ; il ne doute pas de sa supériorité sur « les cygnes qu’aura la Seine » ; il est du petit nombre de ceux à qui Apollon réserve une verdeur immortelle, et il entonne avec un air de confiance inspirée son Exegi monumentum[103] :

Ce que Malherbe écrit dure éternellement.


Et il réclame l’éternité non seulement pour ce qu’il écrit, mais encore pour ce qu’il dit des écrits des autres :

Et puisque Malherbe le dit,
Cela sera sans contredit.
Car c’est un très juste présage[104].


La Parque, Amphion, l’amarante et les cygnes diraient assez, s’il en était besoin, d’où viennent toutes ces déclarations de Malherbe : elles répètent, encore une fois, les paroles de tous les poètes antiques. Cette confiance dans le métier des vers est un signe très sûr de l’influence antique : elle éclate avec la Renaissance[105], où « chacun, comme dit Estienne Pasquier, se promettait une immortalité de nom par ses œuvres », et Ronsard disait exactement à sa dame ce que Malherbe dira à son

roi :

C’est luy, dame, qui peut avecque son bel art
Vous affranchir des ans et, vous rendre déesse.[106]


C’était Cassandre, ou c’était Hélène, qui inspirait à Ronsard ses meilleurs vers ; Malherbe est plus à l’aise en parlant de Henri IV qu’en parlant à Caliste : et c’est peut-être là l’une des plus grandes différences entre les deux poètes. Mais tous deux parlent le même langage, ils ont en vers la même fierté : seulement ce que le premier disait souvent du fond du cœur, le second ne le répète que dans ses vers, et parce qu’il l’a entendu dire.

  1. Boileau, Art Poétique, IV (allusion à Corneille).
  2. Racan, l. c., p. LXX. La liste de Racan est d’ailleurs fort incomplète. Ménage (p. 389-90) dit aussi : « Malherbe préféroit Stace à tous les autres poètes latins, comme nous l’apprenons des Mémoires de Racan. J’ai ouï dire la même chose de Monsieur Guyet ».
  3. V. Marty-Lavaux, Études de l. française, p. 173-174
  4. Malh., I, 33.
  5. Théb., I, 92 : Tænariae limen petit irrencabile portae.
  6. Én., VI, 24.
  7. Théb., IX, 160-1
  8. Théb., VII, 16.
  9. Malh., I, 211-2.
  10. Théb., III, 255-6.
  11. Sylves, l. V, ch. IV, v. 4-6.
  12. Malh., I, 211.
  13. Malh, I, 118, 168, 210.
  14. Rabelais, Pant., 4e  l., chap. 2. Voir plus haut, chap. V, § III (Ovide).
  15. Malh., I, 113.
  16. Ibid.Stace, Achill., I, 102 : fulvoque nitet coma gratior auro.
  17. Dulcis adhuc visu… (Achill., I, 161).
  18. Racine, Iphigénie IV, I. Cf. Achilléide, II, v. 385-6 :

    Dicor… spissa leonum
    Viscera, semianimesque libens traxisse medullas

  19. Nouveaux lundis, t. 13, p. 380.
  20. V. Bourdienne, Fr. de Malherbe, points obscurs de sa vie normande, p. 193.
  21. Malh., I, 361, et n. 1. Martial avait dit : Qui fles talia, nil fleas, viator. La paternité de l’épitaphe est aujourd’hui établie (Mémorial généalogique des Malherbe dressé par le comte de Blangy, Caen 1902).
  22. Malh., I, 224.
  23. Malh., I, 24.

    O nox omnis et hora quæ notata est
    Caris littoris Indici lapillis.

    Martial, X, 38.
  24. Malh., I, 243.
  25. Ronsard avait aussi traduit certains fragments de Martial (Rons., t. VI, p. 417).
  26. Ronsard, t. I, p. 40 (Sonnet LXVII). C’est même devenu une manie, et J. Du Bellay dira (Contre les Pétrarquistes) :

    Cestuy, voulant plus simplement aymer,
    Veult un Properce et Ovide exprimer,
    Et voudroit bien encor se transformer
    En l’esprit d’un Tibulle…

    (Du Bellay, éd. Marty-Laveaux, t. II, p. 336)
  27. Commentaire sur Desportes (Malh., IV, 379)
  28. Lettre du 12 juin 1645 (citée par Moreau, éd. des Œuvres de Balzac, p. II) :

    Jam subrepet iners ætas, nec amare decebit,
    Dicere nec cano blanditias capite.

    (Tib., l. I, él. I, 71-2.)
  29. Malh., I, 210.
  30. Baïf, Diverses amours, l. II ; Tibulle, l. IV, él. II, v. 5-6.
  31. Malh., I, 132. Une foule d’exemples de la même idée se
    trouvent chez Ronsard et ses émules.
  32. Ronsard, VII, iii.
  33. Tib., II, V.
  34. Malh., I, 210. Le même passage de Tibulle a été imité par Colletet (Ménage, o. c., p. 382-3).
  35. A. Mennung, Sarasin’s Lehen und Werke, I, p. 26, constate encore la diffusion des poésies de Catulle au xviie siècle ; et les modèles de Maynard sont « Ronsard et Malherbe, Catulle et Martial, et Owen » (P. Lafenestre, Fr. Maynard, Rev. hist. litt. Fr., 1903, p. 459).
  36. Le Treize Juillet XXI (Poésies nouvelles). La pensée et la rime épée-trempée sont déjà dans Malh., I, 92.
  37. Malh., I, 74.
  38. Malh., I, 217. Dans un fragment sur la prise prochaine de la Rochelle, Malherbe proclame déjà que la ville n’est plus qu’un cimetière ; un autre poète disait aussi, à la même occasion : « Cette ville sera détruite… » (Lachèvre, Bibliographie des recueils de poésies publiés de 1597 à 1700, t. I, p. 404).
  39. I, 282.
  40. Iliade, VIII, v. 155-156 : ἀλλ οὐ πείσονται… Τρώων ἄλοχοι… (Si Hector t’appelle lâche) les épouses des Troyens que tu as tués ne le croiront pas.
  41. Racine, Iphigénie, V, 2. Malherbe se souvient volontiers de Thétis et de Pelée :

    Et Thétis n’y soupire point
    Pour avoir épousé Pelée.

    (I, 199.)
  42. Malh., I, 50.

    Non illi quisquam bello se conferet heros,
    Cum Phrygii Tenero manabunt sanguine rivi
    ....................
    Illius egregias virtutes claraque facta
    Sæpe fatebuntur gnatorum in funere matres.

    Catulle, Epithal. Pelei et Thetidos (pièce 64e), 349.

    Tous les contemporains de Malherbe sont aussi féroces que lui, même Bertaut (Disc. présenté au roi allant en Picardie, p. 108 ; v. Grente, p. 215). Ce n’est pas la seule fois que Malherbe a promis Memphis à la couronne de France (v. encore I, p. 196) ; il ne sait pas louer son roi, comme dit M. Lanson, sans lui promettre la conquête de l’Égypte ; il ne se lasse jamais de férocités homériques et de « funérailles plus que n’en fit Ilion » ; il veut ruser Turin (I, 55), voir le Rhin et la Meuse « regorger de sang et de morts » (I, 65), et « l’épée — Au sang barbare trempée » (I, 92), « les plaines pavées de morts » (I, 115), et parlant des ennemis il se promet, tel l’Agamemnon de l’Iliade,

    Que leurs pucelles captives
    En nos maisons fileront.

    (I, 815.)
  43. Boileau, Épîtres, I. Cf. Grente, Jean Bertaut, p. 124, et suiv.
  44. Les poésies de Catulle, trad. en vers français par Eug. Rostand, 2 vol., 1891.
  45. Catulle, V, 4-6. Malherbe paraît avoir songé à cette image en écrivant l’épitaphe de son premier fils (I, p. 360 : « mes yeux qui n’avoient vu la lumière que deux ans trois mois et sept jours… demeurèrent enveloppés d’une obscurité qui seroit éternelle sans l’espérance du jour du jugement » ).
  46. Ahi, tramontare soli e tornar ponno ;
    Ma s’una breve luce a noi s’ascose,
    Dormiam di notte oscura eterno sonno.

    (Rime diverse, VIIe p.) Le Garini dit aussi (Pastor fido, IV, chœur) : Speriam : che’l sol cadente ancor rinasce.

  47. Amiam, che’l sol si muore, e par rinasce :
    A noi sua breve luce
    S’asconde, e’l sonno eterna nocte adduce (Aminta, 1er  acte, chœur final).

  48. Malh., I, 269. Il reprend à peu près la même idée (I, 330).
  49. G. Boissier, c. r. de la trad. de M. Eug. Rostand, Journal des Savants (1891) p. 412-3. Remarquons que les deux derniers vers de Ronsard (déjà cité par Ménage) étaient :

    Sans nos yeux réveiller
    Faut long-temps sommeiller.

    Voici la trad. de M. Rostand :

    Vivons, ma Lesbie, aimons-nous,
    Et traitons comme rien tous les propos jaloux
    De la trop sévère vieillesse.
    Le soleil meurt et reparaît sans cesse ;
    Mais quand meurt notre flamme éphémère, il faut tous
    Dormir de même une nuit éternelle.

  50. o. c., p. 543 et sv.
  51. Balzac, Entretien XXXI. Dans son Entretien VIII, Balzac, qui s’est si souvent souvenu de Malherbe, se sert de la fameuse fiction : « Il vous semble que la Fortune vous appelle sur les bords de la Seine… »
  52. Certes, ou je me trompe, ou déjà la victoire
    Qui sur plus grand honneur de ses palmes attend,
    Est aux bords de Charente en son habit de gloire
    Pour le rendre content…


    (suit la description) Malh., I, 279-280. V. Sainte-Beuve. Nouveaux lundis, t. 13, p. 399, n. 3. Remarquons la curieuse admiration de Taine pour ce passage de Malherbe (v. H. Taine, sa vie et sa correspondance, t. II, p. 26).

  53. Ronsard, t. V, p. 78.
  54. Argon., I, Balzac, Entr. XXXI.
  55. Ode pour le roi allant châtier les Rochelois (Malh., I, 280). Cette description était fort admirée : « Jamais dit Balzac vantant une épigramme, jamais fable ne fut mise en œuvre avec tant d’art, non pas même celle des Géants dans le dernier poème du père Malherbe (lettre du 25 janv. 1645, Documents inédits (1873) I. p. 619.
  56. Malh., I, 305. Cf. Properce, II, XVI, 9 :

    Darius in terris nihil est quod vivat amante.

    Voir plus loin le chapitre VI : Les Italiens.

  57. Malh., I, 21.
  58. Prop., II, X, 5 :

    Quod si deficiant vires, audacia certe
    Laus erit : in magnis et voluisse sat est.

  59. Hist. nat., I (Préf.), II : Itaque etiam non assecutis, voluisse abunde pulcrum atque magnificum est.
  60. Malh., III, 1.
  61. Prop., IV, X, 3 et 4. Cette idée est aussi dans Ausone, que le vieux Daurat admirait tant, et que Ronsard a plus d’une fois imité (Ausone, Épigr. XXXIX). De même aussi que Malherbe a la confiance qu’il trouvera l’éloquence pour parler de Richelieu et de Louis XIII, Ausone avait dit (Préface) :

    Non habeo ingenium : Cæsar sed jassit : habebo.

  62. Lettres inédites de Balzac, dans Documents inédits pour servir à l’histoire de France. Mélanges historiques, choix de documents, t. I (1873), p. 723.
  63. Malh., I, 239.
  64. In Ruf., I ; notamment v. 12. Ce poème de Claudien contre Rufin est plus d’une fois cité par Montaige (Essais, II, 9, 11) ; Claudien est également cité ibid., II, 12, 27, 31, III, 8, 12. Dans Claudien se trouvait aussi cette comparaison du conquérant au torrent, qui se retrouve chez les Italiens, chez Ronsard, chez Garnier et chez Malherbe.
  65. Sén., De Provid., I, Ad Marciam, 12 : deorum crimen erat Sylla tam felix. De même, Lucain, Phasale, VII, 147. Psaumes, LXXII, 11. Cf. de nombreux exemples cités par Martha, Le poème de Lucrèce, chap. IV. On retrouve la même idée jusque dans l’Ode d’André Chénier à Charlotte Corday.
  66. Malh., I, 298 ; cf. trad. de Sén., Malh., II, 248.
  67. Garnier, Hippolyte, IV.
  68. Lutrin, VI :

    Viens aux yeux des mortels justifier les cieux.

  69. Andromaque, III, 1 :

    Je ne vois que malheurs qui condamnent les dieux.

  70. La Nature, I.
  71. Desportes, p. 449
  72. Corneille (Polyeucte) a répété Godeau sans le savoir. C’est à Malherbe, plutôt qu’à Bertaut, que Godeau a dû prendre cette image, contrairement à ce que croit M. Allais (Malherbe et la poésie française, p. 163, n. 1). Cette image est familière à Malherbe (I, 23, 66, 91, 102, 198, et surtout 273). Les « noms » que Malherbe emploie dans sa paraphrase sont ceux qu’il avait lui-même donnés à son roi (I, 26, 87, 102), et l’image du verre et de l’onde, de la même paraphrase, sont parmi les images favorites de Malherbe. De même, cf. Vauquelin de la Fresnaye, Art poétique, éd. Genty, p. VI.
  73. Poésies de Malherbe avec le commentaire de Chénier, p. 14.
  74. Ibid., p. 50.
  75. Reste à savoir si Malherbe n’en voulait pas à l’esprit français autant qu’à la langue, car Alfred de Vigny a dit aussi que « tout Français, ou à peu près, naît vaudevilliste et ne conçoit pas plus haut que le vaudeville ».
  76. Malh., IV, 345.
  77. Racan, l. c., LXXXVIII, et lettre de nov. 1656 (v. plus haut, p. 51, n. 2).
  78. Sarasin mourut en parlant latin ; il répétait les yeux baignés de larmes : Discite justitiam moniti, et non temnere Divos (Cosnac, cité par Hippeau, Écrivains normands, p. 195).
  79. Malh., III, 312.
  80. III, 354.
  81. III, 546.
  82. III, 326.
  83. III, 297.
  84. Malh., IV, 266 ; Macrobe, Sat., II, 4, 21 : Temporibus triumviralibus Pollo, cum fescenninos in eum Augustus scripsisset, ait : At ego tacco, non est enim facile in eum scribere qui potest proscribere. Il est très probable que Malherbe a connu Macrobe, fort répandu en France dès le moyen âge, et souvent cité par Montaigne et Rabelais.
  85. IV, 74.
  86. I, 134 : Extrema gaudii luctus occupat. C’était aussi une habitude de Régnier d’enchâsser des proverbes dans ses vers (v. l’édition de Macette par les élèves de M. Brunot, Introd., p. XXXIX et XL). Le mot de Malherbe sur l’impossibilité de changer le genre d’un mot (Racan, LXXIX) est pris aux anciens comme celui de Du Perron (Brunot, o. c., p. 180 et 181).
  87. I, 235.
  88. I, 200.
  89. À propos de Geneviève Rouxel, dans des vers d’ailleurs imités des vers latins de Rouxel (Gasté, o. c., p. 42).
  90. I, 180. Cf. encore « le blond hyménée » (I, 112).
  91. I, 89, 189.
  92. I, 205 ; de même I, 21, 24. Le sonnet à Perrache est dans l’édition Jannet.
  93. Notamment en parlant de Geneviève Rouxel, et encore dans la Lettre à La Garde, I, 358.
  94. I, 170.
  95. Malh., I, 189.
  96. O. c., p. 49 (à propos de la strophe 16 de l’Ode sur la bienvenue de Marie de Médicis). Sa mythologie eut toujours mauvaise réputation : c’est déjà Malherbe que Racine invoquait pour excuser une allusion à un mythologique adultère (Racine édition des Grands Écrivains, t. VI, p. 383).
  97. O. c., p. 354.
  98. Malh., I, 317.
  99. I, 94.
  100. I, 283.
  101. Cf. Desportes, p. 4.
  102. Cette dernière expression était familière aussi à du Bellay.
  103. Horace, Odes, III, XXX, 1. Ovide, Métam., Épil. — Vauquelin parlait dans son Art poétique, I (éd. Genty, p. 14) de

    La couronne aux savants de verdoyant laurier,
    Signe que la verdeur d’immortelle durée
    Aura contre le temps une force asseurée.

  104. Malh., I, 289.
  105. Voy. Burckhardt, Die Kultur der Renaissance in Italien 7e  éd. (1899), t. I, p. 162-165. En France, on trouve une déclaration de l’espèce à la fin du XIIe siècle, dans le début du Roman de Thèbes (éd. des Anciens textes).
  106. Ronsard, I, 399. De même Desportes (p. 211) :

    Et peut estre qu’alors vous n’aurez de plaisir
    De revivre en mes vers…