Michel Lévy frères (p. 104-119).



VI


Au bout de la semaine, j’étais à Perpignan, je me rendis à l’hôtel indiqué sur la carte de sir Richard. Il était sorti. Madame Brudnel me reçut avec de grandes démonstrations de joie.

— Cher docteur, vous nous comblez, me dit-elle, et, pour ma part, je fais mieux que de vous remercier, je vous bénis !

Elle vit la surprise un peu froide que me causait cet accueil, et elle ajouta :

— Ah ! c’est que vous ne savez pas : mon mari avait l’esprit frappé. Son autre médecin lui avait persuadé qu’il avait quelque chose à la poitrine, une maladie mortelle, et vous lui avez ôté cette frayeur qui l’aurait tué.

— Je crois que vous vous exagérez un peu les choses. M. Brudnel m’a paru beaucoup moins inquiet et beaucoup plus philosophe que vous ne dites.

— Enfin vous croyez, vous, qu’il n’est pas bien malade ? Dites-moi la vérité, à moi ; j’ai un grand courage, je le soignerai sans rien faire paraître.

— Je ne crois pas à cette grande prudence, mais vous n’aurez pas à la déployer. Sir Richard n’a rien, de grave à redouter quant à présent. Il s’agira de vous conformer à mes prescriptions, et, quelque rassasiée de voyages que vous soyez, il faudra continuer si je le juge nécessaire.

— Je traverserais le feu, si vous l’ordonniez, docteur ! D’ailleurs j’aime les voyages. Vous ai-je dit que j’en étais dégoûtée ?

— Vous ne vous rappelez pas toujours vos paroles, ou vous ne pensez pas toujours ce que vous dites ?

Elle me regarda fixement, ses yeux doux et vagues prirent un éclat pénétrant, puis elle éclata de rire.

— Comme c’est vrai, ce que vous dites-là ! s’écria-t-elle. Je parle souvent sans me douter de ce que je dis. J’amuse beaucoup sir Richard avec mes distractions ; il sait bien que ce n’est pas ma faute si je suis un peu stupide.

J’aurais dû accepter cette explication pleine de bonhomie… Pourquoi me causa-t-elle de l’humeur ? pourquoi me sentais-je épilogueur et pédant ? Je le savais si peu, que je ne m’apercevais même pas de l’inconvenance de mes critiques.

— Je n’approuve pas, lui dis-je, que l’on fasse si bon marché de soi-même. C’est un moyen que les enfants emploient souvent pour s’assurer l’impunité de leur insouciance.

— Les enfants sont les enfants, répondit-elle avec douceur.

— Et vous voulez rester enfant toute votre vie ?

— C’est ma destinée, allez ! Ce n’est pas moi qui l’ai faite et il faut que je m’en contente. Si j’avais eu de la prévoyance et de la raison, je n’aurais pas accepté d’être la compagne d’un homme si supérieur à moi ! Je n’avais pour moi que mon âge et ma figure ; puisqu’il s’est contenté de si peu de chose, c’est qu’il a un grand cœur ; mais je comprends que je vous paraisse sotte, à vous qui ne me devez pas d’indulgence. Heureusement la sienne est inépuisable et vous pourrez faire briller mon incapacité devant lui. Cela m’est égal, il ne m’en aimera que mieux.

Je sentis que j’avais été absurde et que je l’étais encore, car je ne pouvais ni expliquer ni excuser le mauvais ton de mes remarques désobligeantes. Je crus comprendre que ma logique était froissée par un désaccord frappant entre le charme physique qu’exhalait cette jeune femme et le peu de souci qu’elle prenait de plaire à l’esprit. Elle me faisait l’effet d’une odalisque rieuse et joueuse, privée du sens de la réflexion. Je me promis de ne plus ressentir ce charme qui apparemment m’avait ressaisi en la retrouvant si affable, afin de n’être plus irrité par l’absence de tact et de mesure.

Dès les premières heures de notre association, je vis qu’il me serait très-facile d’isoler ma vie de la sienne. Sir Richard arriva et, charmé de me voir, m’embrassa paternellement ; puis il sortit avec moi, et nous ne rentrâmes que pour dîner ensemble à l’hôtel. Madame Brudnel prenait ordinairement ses repas seule et à d’autres heures. Après le dîner, nous eûmes un cigare à fumer et une heure de causerie. Sir Richard prenait le café, puis, tout aussitôt, une bouteille de vin de Bordeaux qu’il dégustait lentement ; mais il n’allait jamais au delà, voulant, disait-il, tenir le milieu entre les habitudes de la France et celles de son pays. Une heure juste après le dîner, sa montre consultée, il se levait et sortait.

— À présent, me dit-il, vous êtes libre. Je ne vous demande que de demeurer toujours dans la même maison que nous, — votre chambre y sera toujours retenue, — et de prendre vos repas avec moi. Quand ma femme voudra en être, elle vous invitera elle-même. Tant que nous nous portons bien, elle et moi, votre temps vous appartient ; tout celui que vous nous accorderez vous sera compté comme une preuve d’amitié.

Cet arrangement me convenait fort. Seulement je me faisais scrupule de gagner si facilement mes honoraires, et je crus devoir le dire.

— Ne vous tourmentez point, me répondit Sir Richard. Si vous me quittiez, je chercherais aussitôt à vous remplacer et je ne trouverais pas aussi bien ; vous voyez que je n’y gagnerais pas.

Le lendemain, nous nous retrouvâmes tête à tête à déjeuner. Il s’agissait de se remettre en route, et sir Richard voulait me consulter. Il faisait encore chaud, il avait envie de passer l’automne dans les Alpes, l’hiver en Italie. Je ne vis pas d’objection à lui faire. Nous prîmes la mer à Port-Vendres le soir même à destination de Gênes, d’où nous devions nous rendre au lac Majeur. Je ne revis madame Brudnel, Héléna, comme l’appelait son mari, que sur le bateau à vapeur, où elle se rendit un peu d’avance avec sa femme de chambre pour s’installer dans sa cabine. Elle traînait avec elle un bagage énorme dont l’embarras ne causait jamais la moindre humeur à son mari. Il y avait en outre deux petits chiens, une perruche et un petit singe dont il lui fallait s’occuper autant que si c’eussent été des enfants, bien qu’un jeune nègre en eût la gouverne spéciale. Un vieux valet de chambre anglais, flegmatique, ponctuel et silencieux, complétait notre smala.

Au moment où nous allions monter à bord, sir Richard et moi, nous vîmes en haut de l’escalier madame Hélène qui nous attendait. Elle avait ôté son chapeau, un voile de dentelle noire flottait sur ses cheveux bruns. La fumée du steamer se rabattit sur elle. Je crus avoir la vision de Manuela Perez telle que je l’avais aperçue partant pour l’Espagne, et je m’imaginai que la ressemblance devait être frappante. Cependant l’accent de la Parisienne dissipa encore l’illusion.

— Vous avez bien tardé, nous dit-elle, j’ai vraiment eu peur que le steamer ne partît sans vous.

— Il ne m’est jamais arrivé de manquer un départ, répondit sir Brudnel, surtout dans certaines circonstances.

— Quand je suis du voyage, n’est-ce pas ? Si nous fussions partis, vous eussiez fait quelque miracle pour nous rejoindre, je parie !

— Peut-être, répondit-il avec un sourire un peu contraint.

— Venez voir ma jolie cabine ! lui dit-elle en prenant son bras.

Et il se laissa emmener.

Il l’aimait tendrement à coup sûr, mais il avait la pudeur anglaise portée au plus haut point, et il était facile de voir que tout ce qui ressemblait à la familiarité, même avec sa propre femme, le faisait souffrir hors du tête-à-tête. Ceci m’expliqua le soin avec lequel il la tenait cachée ; elle vivait sur le navire comme elle m’avait paru vivre à Luz et à Perpignan, c’est-à-dire comme une femme turque toujours cloîtrée dans son gynécée. Elle semblait se plaire dans cet isolement, car elle n’essayait pas d’en sortir sans sa permission et ne faisait point un pas sans lui. Il la promenait de temps en temps sur le tillac. Elle était alors soigneusement voilée.

Je la vis encore moins à Marseille, où nous prîmes un jour de repos. Au lac Majeur, nous fûmes vite installés dans une très-belle villa où déjà ils avaient passé l’automne précédent, et où j’eus une chambre charmante avec un beau cabinet de travail. De mon appartement, je n’apercevais rien de ce qui se passait dans le sien ; une tendine de soie fermait son balcon, et celui-de sir Richard était entre nous. Seulement j’étais étonné du bruit qui se faisait chez la recluse ; c’étaient tantôt des éclats de rire avec la femme de chambre espagnole, tantôt un interminable babillage, ou des exclamations pour séparer le singe et les chiens qui se querellaient, puis des sons de guitare, des roulements de castagnettes, comme si l’on eût dansé, et par-dessus tout les cris aigus de la perruche, qui redoublaient quand on voulait lui apprendre à parler.

Il y avait un très-beau jardin où je compris qu’il ne fallait pas me promener parce qu’il était réservé pour madame. Sir Richard lui-même n’y pénétrait pas. Les pins parasols et les allées en voûte qui ombrageaient ce jardin le cachaient mystérieusement. Par quelques rares éclaircies, j’apercevais parfois la belle Héléna se faisant balancer dans un hamac par le petit nègre, ou jouant avec ses bêtes favorites. Si elle me voyait à ma fenêtre, elle me criait un bonjour amical. Vêtue d’une robe de chambre en cachemire blanc, chaussée de babouches écarlates, la taille entourée d’une écharpe de soie lamée d’or, les cheveux à peine relevés, tombant à tout instant en ondes lustrées sur ses épaules délicates, elle était vraiment charmante. Jamais je n’ai vu de femme plus gracieuse dans ses poses et dans ses moindres mouvements, et cela naturellement, sans paraître le savoir. Elle gagnait à être vue à quelque distance, car de près, elle était un peu flétrie malgré un grand air de jeunesse. J’avais peine à détacher mes yeux de cette odalisque, et, tout en blâmant en moi-même les amours turques de mon Anglais, j’enviais par moment son sort.

Mais cela ne faisait point que je fusse amoureux de sa compagne. Elle me paraissait trop nulle, trop irresponsable dans la vie qu’elle menait, pour être aimée autrement qu’avec les sens, et, comme je n’étais point un ermite, cela n’eût pas suffi pour me troubler. D’ailleurs elle n’était pas toujours aussi séduisante. Lorsqu’elle montait à cheval le matin avec son mari, cette amazone étriquée qui faisait ressortir la maigreur de son buste, cette casquette de jockey dont la mentonnière faisait saillir son angle facial, sa gaucherie à manier sa monture, ses cris puérils quand elle avait peur, ou ses rires inextinguibles sans motif, tout cela ne convenait point à son type frêle et nonchalant.

Je vécus d’abord très-seul. Le pays était admirable. Je m’étais assez occupé des sciences naturelles pour trouver beaucoup d’intérêt dans mes excursions. Je ne perdais pas l’occasion de visiter les malades pauvres qui m’appelaient et à qui je donnais gratuitement mes soins. J’avais besoin d’exercer mon état et d’acquérir de l’expérience par mes observations. Je craignais d’oublier la médecine auprès de mon patron, qui se portait très-bien. Bientôt cependant je vis que je n’étais pas pour rien dans l’amélioration sensible de sa santé. Je lui mesurais avec soin chaque jour la dose d’exercice qu’il devait prendre. Je veillais à son alimentation, à son vêtement, à ses occupations intellectuelles avec beaucoup d’attention. Je l’étudiais et lui apprenais à s’étudier lui-même. Il m’accompagna bientôt dans mes promenades, et, comme il se souvenait d’avoir été robuste et infatigable, j’étais forcé de l’arrêter quand il s’emportait. Il aimait à faire des armes et me pria d’en faire avec lui. Il était de première force, mais je n’étais pas maladroit, et il se passionnait à cet exercice. J’usais de mon autorité pour le contenir. Je voyais bien que, pour obtenir un bon effet du mouvement que je lui permettais, il fallait une prudence méticuleuse.

J’eus toute la révélation de son caractère dans cette lutte amicale de tous les jours. Sous son air doux et poli, c’était une nature ardente, insatiable dans l’expansion. Il avait été longtemps plus jeune d’au moins vingt ans que son âge. Atteint depuis peu d’années, il n’en prenait pas son parti ; il était incapable de la résignation qu’il se piquait d’avoir au besoin. Infirme et brisé, il eût su se taire et sourire ; il se fût consumé rapidement dans un muet désespoir. Je vis que sa femme l’avait mieux jugé que je ne pensais, et, prenant à cœur la mission que j’avais acceptée, je mis toute ma volonté, toute ma contention d’esprit à le guérir. Je savais bien que son mal était jugé incurable en théorie ; mais j’avais vu un exemple de guérison, et je croyais, je crois encore qu’on peut guérir de tout, tant qu’il y a un peu d’huile dans la lampe.

Son aimable caractère, son généreux esprit aidant, je m’attachai à mon malade comme un artiste à son œuvre. Il le sentit ; il vit que j’étais un cœur dévoué et me prit en sérieuse amitié. Très-discret d’abord et me laissant beaucoup seul dans la crainte de m’accaparer trop à son profit, il se livra davantage quand il reconnut que sa société m’était infiniment agréable. Il avait des connaissances, une instruction littéraire étendue, du goût pour les arts. Il avait beaucoup vu, ayant fait de grands voyages. Il avait aussi beaucoup lu et possédait une belle mémoire. Sa conversation était pleine de charme et d’intérêt ; il racontait à merveille. Nous devînmes peu à peu inséparables aux heures qu’il ne consacrait pas à son ménage oriental. Il prenait intérêt à mes études personnelles et redevenait jeune dans nos récréations. Le soir, il m’apprenait les échecs ; le matin, je lui apprenais l’anatomie. Dans la journée, nous étudiions ensemble l’histoire naturelle, cette chose inépuisable où l’on découvre toujours, et puis aux repas nous devenions littéraires ; il était helléniste et connaissait à fond ses classiques.

Nous nous quittions régulièrement à neuf heures du soir jusqu’au lendemain à dix heures. À trois heures, il allait chez lui ou chez sa femme jusqu’au dîner. Le dimanche, j’étais invité par elle, et elle dînait avec nous, parlait fort peu, se montrait bonne, gracieuse, insignifiante, et disparaissait après le café. Telle fut notre vie durant les premières semaines ; mais nos rapports jusque-là si bien réglés furent modifiés par un incident imprévu. Lady C…, sœur aînée de sir Richard Brudnel, tomba gravement malade à Nice, et il dut se rendre en toute hâte auprès d’elle. Je comptais l’accompagner, mais il me pria de rester auprès de sa femme, et pour la première fois il me parla d’elle, car il était Oriental au point de ne jamais prononcer son nom devant moi sans nécessité.

— Hélène, me dit-il, ne saurait rester seule. En face des choses pratiques, elle est comme un enfant de trois ans. Elle laisserait entrer les bandits jusque dans sa chambre, s’ils avaient tant soit peu l’art de se faire passer pour mendiants. Elle répondrait innocemment à toutes les tentatives impertinentes. Enfin je la retrouverais compromise ou dévalisée. Je vous confie donc les clefs du harem, car je n’ignore pas l’étrangeté de mon ménage. Cela ne tient pas chez moi à un système d’autorité comme vous pourriez le croire, cela tient à la connaissance que j’ai du caractère adorablement exceptionnel d’Hélène. Je ne suis point jaloux comme vous avez dû le supposer, c’est-à-dire que je ne suis pas injuste et soupçonneux. Je ne suis pas non plus amoureux dans le sens de la possession farouche ; à mon âge, cher docteur, on aime surtout avec le cœur, on aime paternellement, surtout quand on a désiré en vain toute sa vie d’être père. Le caractère, les goûts et l’aspect d’Hélène se prêtent si bien à ma fantaisie, que je ne pouvais guère espérer une plus douce compagnie. En voilà assez sur ce sujet, n’y revenons pas, mais qu’il soit bien entendu que vous ne vous éloignerez pas de la maison en mon absence, que vous me répondez de la santé et de la sécurité de ma compagne.

— Je n’ai rien à vous refuser, lui répondis-je, même cette tâche délicate pour un homme de mon âge. Madame Brudnel acceptera-t-elle l’autorité dont vous m’investissez, si quelque circonstance imprévue m’oblige à m’en prévaloir ?

— Tout est prévu, elle vous obéira aveuglément. Une seule chose l’épouvanterait, c’est qu’on réclamât d’elle un acte de volonté ou un sentiment d’indépendance.

— Il faudrait pourtant penser à tout : si l’ennui de votre absence lui suggérait l’idée de m’appeler chez elle ou de sortir avec moi…

— Ne sortez pas, répondit-il vivement, ne sortez jamais avec elle. Elle m’a promis d’ailleurs de ne jamais sortir sans moi ; mais allez chez elle tant qu’elle voudra. Je ne crains qu’une chose, c’est qu’elle ne veuille pas profiter de votre agréable compagnie.

— Dois-je ne pas sortir du tout ?

— Sortez comme d’habitude, mais soyez là le soir et la nuit. Hélène est parfois sujette à des accidents, à des crises nerveuses d’une certaine gravité. Il y a longtemps qu’elle n’en a point éprouvé, et j’espère qu’elle ne vous causera aucun souci. Pourtant…

— Soyez tranquille, j’y veillerai. Serez-vous longtemps absent ?

— Huit jours au plus. Ma sœur est avec sa famille ; elle ne réclame pas mes soins et nous sommes unis par les devoirs du sang beaucoup plus que par la conformité des idées. Si elle me mande auprès d’elle, c’est pour me confier quelque volonté testamentaire que je n’aurai point à discuter.

Il alla faire ses adieux à sa femme et ne voulut pas qu’elle l’accompagnât au lieu d’embarquement ; il lui eût fallu revenir seule ou avec moi.

J’y conduisis sir Richard en lui faisant toutes mes recommandations médicales, et puis, comme je le voyais dans un jour d’expansion, que nous avions une demi-heure d’avance sur le départ, je me rappelai ce dont ma mère m’avait chargé, je lui demandai s’il se souvenait d’elle. Dès que je lui eus dit le nom d’Adèle Moessart, il pâlit, mais il répondit sans hésitation :

— Mademoiselle Adèle ! la fille de l’honnête régisseur, oh ! très-bien ! une digne personne, parfaite, on peut dire. Présentez-lui mon respect ; dites-lui que je n’ai rien oublié du château de Mauville et que je vous aime doublement, vous sachant son fils. Pourquoi donc ne m’avez-vous pas dit cela plus tôt ?

— Ma mère m’avait dit que le souvenir de ce château vous serait peut-être pénible. Je suis médecin avant tout.

— On peut me rappeler ces choses pénibles. Est-ce que vous les connaissez ?

— Oh ! rien absolument ; j’ignore tout ce qui peut vous concerner.

— Je vous l’apprendrai peut-être quelque jour ; maintenant il faut se quitter. Ayez bien soin d’Hélène.

La dernière pression de sa main semblait me dire : « Vous m’aimez, mon bonheur doit vous être sacré. » Je n’avais pas besoin de cette recommandation. Madame Hélène ne troublait ni mon cœur ni mon imagination. Habitué désormais à vivre près d’elle comme auprès d’une chose précieuse enfermée dans une vitrine et de nul usage pour moi, je redoutais seulement qu’elle ne me priât de promener ses chiens, fonction journalière que son mari accomplissait religieusement.