Mœurs des diurnales/2/04
DE L’ÉRUDITION
Rien n’est plus insupportable qu’un pédant au siècle où nous sommes et pour notre optimisme bon enfant qui aime à rire de tout. Ne quid nimis. Laissons cela aux spécialistes, aux techniciens, et aux « magisters ». Il ferait beau vous voir entrer dans le salon de rédaction, la férule à la main. Sachez les noms de quelques auteurs ou artistes anciens, que tout le monde connaît, ceux des romanciers et des pontes à la mode ; ayez des lumières de tout ce qui a coutume d’être dit à un five o’clock ; suivant les feuilles auxquelles vous appartenez, défendez l’art ancien, ou les formules d’avant-garde ; et, comme le marquis de Priola, gardez la devise : Toujours prêt. Faites quelques allusions légères, en homme entendu, et non sans une négligence de bon ton :
Un académicien montrait, l’autre soir, à quelques bibliophiles surpris un petit volume de Stevenson, le romancier australien, gaîné d’une bizarre reliure de cuir rude et velouté.
À Nice, cet hiver, le mouvement artistique sera très important en ce qui concerne surtout les représentations extraordinaires et créations. Parmi ces dernières notons : l’Attaque du moulin, d’Isidore de Lara ;.. le Casino municipal, dont la transformation est des plus heureuses…, présentera Zaza, opéra-comique de d’Annunzio, etc.
Type du Nord, avec sa moustache rousse, ses épaules carrées, sa mâchoire solide et proéminente, M. Beugnet se dressa implacable. Il commença à la manière de Victor Hugo :
— Mon histoire, dit-il, sera brève.
Très aimablement, M. Alfred Boucher, le maître statuaire et le fondateur de la maison, me fait faire le tour du propriétaire :
— Je sais par expérience, me dit-il, les difficultés contre lesquelles les Apelles et les Périclès en formation ont à lutter.
Nos lecteurs y verront défiler, comme en une galerie, ces belles « Dames du Temps jadis », que Ronsard regrettait en sa ballade fameuse.
L’illustre auteur anglais Berboom Tree est arrivé hier, tout exprès, pour assister à la représentation et repart ce matin après avoir eu une entrevue avec M. Bataille[2].
- ↑ En Amérique, d’où nous viendra bientôt la haute mode, et qui nous a donné cet hiver la danse « fashionable », le cake-walk, le journalisme est compris de la même manière :
« In France, there are sold every year of Feuilleton’s works, 50.000 ; of Daudet’s, 80.000, and of Zola’s, 90.000. Hall Caine received outright a check for $ 50.000 for The Christian. »
(Litterary Magazine. New-York, septembre 1902.) - ↑ S’agirait-il ici du même personnage ? « M. H. Beerbohm Tree, directeur du Her Majesty’s Theatre, vient d’acheter le droit de représenter Résurrection à Londres. Il compte donner sous peu la pièce de M. Henry Bataille ».
(Le Figaro, 23 novembre 1902.)