Méthode d’équitation basée sur de nouveaux principes/Pas

XVI

DU PAS.




L’allure du pas est la mère de toutes les allures ; c’est par elle qu’on obtiendra la cadence, la régularité, l’extension des autres ; mais le cavalier, pour arriver à ces brillants résultats, devra déployer autant de savoir que de tact. Les exercices précédents ont conduit le cheval à supporter des effets d’ensemble qui eussent été impossibles avant d’avoir détruit ses résistances instinctives ; nous n’avons plus à agir aujourd’hui que sur les résistances inertes qui tiennent au poids de l’animal et sur les forces qui ne se meuvent qu’à l’aide d’une impulsion communiquée.

Avant de porter le cheval en avant, on devra s’assurer d’abord s’il est léger, c’est-à-dire droit d’épaules et de hanches. On approchera ensuite graduellement les jambes pour donner au cheval l’impulsion nécessaire au mouvement. Le cavalier se souviendra toujours que la main doit être pour le cheval une barrière infranchissable chaque fois que celui-ci voudra sortir de la position de ramener. L’animal ne l’essayera jamais sans ressentir une impression désagréable[1]. L’application bien entendue de ma méthode amène ainsi le cavalier à conduire constamment son cheval avec les rênes demi-tendues, excepté lorsqu’il veut rectifier un faux mouvement ou en déterminer un nouveau.

Le pas, ai-je dit, doit précéder les autres allures, parce que son action est moins considérable que pour le trot ou le galop, et plus facile par conséquent à régler.

Pour que la cadence et la vitesse du pas se maintiennent égales et régulières, il est indispensable que les puissances impulsives et modératrices du cavalier soient elles-mêmes parfaitement harmonisées. Je suppose, par exemple, que le cavalier, pour porter son cheval en avant au pas et le maintenir léger à cette allure, doive employer une force égale à quatre kilogrammes, dont trois pour l’impulsion et un pour le ramener. Si les jambes dépassent leur effet sans que les mains augmentent le leur dans les mêmes proportions, il est évident que le surcroît de force communiquée pourra se rejeter sur l’encolure, la contracter, et dès lors plus de légèreté. Si, au contraire, c’est la main qui agit avec trop de puissance, elle prendra sur l’impulsion nécessaire à la marche ; celle-ci, par cela même, se trouvera contrariée, ralentie en même temps que la position du cheval perdra de son gracieux et de son énergie. En effet, que doit comprendre le cheval dans ces deux cas, sinon que dans le premier il doit accélérer, et dans le second ralentir son allure ? Le cavalier voit donc que c’est toujours lui qui est responsable quand son cheval comprend mal.

Cette courte explication suffit à démontrer combien il est important de conserver toujours un accord pariait entre les jambes et les mains. Il est bien entendu que leur effet devra varier suivant que la construction du cheval obligera de le soutenir plus ou moins à l’avant ou à l’arrière-main ; mais la règle restera la même avec des proportions différentes.

Tant que le cheval ne se maintiendra pas souple et léger dans sa marche, on continuera à l’exercer sur la ligne droite, et on terminera chaque leçon par quelques pas de reculer.


  1. J’ai habité Berlin pendant quelques mois ; j’ai vu mettre en pratique l’équitation allemande dans toute son étendue. Je n’ai pas la prétention de m’ériger en critique ; je dirai seulement que les principes professés en Prusse sont diamétralement opposés aux miens : ainsi, plusieurs officiers, qui jouissent dans leur pays d’une certaine réputation de cavaliers, me disaient : Nous voulons que nos chevaux soient en avant de la main ; et moi, leur répondais-je, je veux qu’ils soient derrière la main et en avant des jambes ; c’est à cette condition seulement que l’animal sera sous l’entière domination du cavalier ; ses mouvements deviendront gracieux et réguliers ; il passera facilement d’une allure accélérée à une allure lente, tout en conservant son équilibre ; car, leur disais-je, tout cheval qui est en avant de la main est derrière les jambes, alors il vous échappe par tous les bouts, ce qui entraîne l’absence complète de grâce et de régularité dans les mouvements ; de plus, si sa conformation est vicieuse, comment y remédierez-vous ? En procédant à votre manière vous n’obtiendrez jamais l’équilibre ou la légèreté. Toutes les théories mises en pratique jusqu’à moi consistent à donner, avec plus ou moins de peines, une direction aux forces instinctives du cheval, mais non à les harmoniser avec le poids. Ces résultats ne peuvent être obtenus sans l’application de mes principes ; c’est fâcheux pour les opposants, mais toute l’équitation est là.