Traduction par Édouard Chavannes.
Leroux (p. 97-171).


CHAPITRE II
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DEUXIÈMES ANNALES PRINCIPALES
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LES HIA
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Yu, (comte de) Hia[1], avait pour nom personnel Wen-ming[2]. Le père de Yu s’appelait Koen[3] ; le père de Koen s’appelait l’empereur Tchoan-hiu[4] ; le père de Tchoan-hiu s’appelait Tch’ang-i ; le père de Tch’ang-i s’appelait Hoang-ti. Yu était donc l’arrière-arrière-petit-fils de Hoang-ti et le petit-fils de l’empereur Tchoan-hiu. Ni l’arrière-grand-père de Yu, Tch’ang-i, ni son père, Koen, n’eurent la dignité impériale ; ils furent sujets du souverain.

C’était au temps de l’empereur Yao ; [les eaux énormes s’élevèrent jusqu’au ciel ; l’immense nappe entoura les montagnes et submergea les collines. A cause de cela, le peuple de la plaine fut dans l’affliction.] Yao demanda quelqu’un qui pût réprimer les eaux. La foule de ses officiers et les (chefs des) quatre montagnes [dirent tous :

Koen en est capable.

Yao dit :

Koen est un homme qui rejette mes ordres et il est funeste à ses collègues. C’est impossible.

Les (chefs des) quatre montagnes dirent :

— Parmi les autres, il n’y en a aucun qui soit plus sage que Koen. Nous désirons que l’empereur le mette à l’essai.

Alors Yao écouta l’avis des (chefs des) quatre montagnes et se servit de Koen pour réprimer les eaux. Au bout de neuf ans les eaux ne s’étaient point arrêtées et les travaux (de Koen) n’eurent aucun succès.]

Alors l’empereur Yao chercha un autre homme et trouva Choen. Choeit fut élevé aux emplois ; il exerça par procuration le gouvernement de Fils du ciel ; il inspecta les fiefs ; sur son passage il reconnut que les travaux que Koen avait faits pour réprimer les eaux n’étaient pas dignes de louange ; c’est pourquoi [il exila Koen sur la montagne Yu] pour qu’il y mourût. Tout l’empire approuva la condamnation prononcée par Choen. Puis Choen promut Yu, fils de Koen, et le chargea de continuer la tâche de Koen. Yao mourut. L’empereur [Choen interrogea les chefs des quatre montagnes, disant :

— Y a-t il quelqu’un qui soit capable de mener à bien et d’illustrer les entreprises de Yao ? je le mettrai en charge.

Tous dirent :

— Le comte Yu est intendant des travaux publics ; il peut mener à bien et illustrer l’œuvre glorieuse de Yao.

Choen dit :

— Ah ! c’est bien.

Il donna donc cet ordre à Yu :

— Vous réglerez les eaux et les terres ; ne songez qu’à faire tous vos efforts.

Yu salua et se prosterna, voulant se retirer devant Sié, le prince Tsi ou Kao-yao. Choen lui dit :

— Allez veiller à vos occupations.]

Yu était un homme [actif, serviable, capable et diligent ; sa vertu n’évitait pas la peine ; sa bonté le rendait digne d’affection ; sa parole était digne de foi. Sa voix était l’étalon des sons ; son corps était l’étalon des mesures de longueur[5] ; les mesures de poids dérivaient de lui. Très infatigable et très majestueux, il s’occupait de l’ensemble et des détails.]

Alors Yu, avec I[6] et le prince Tsi[7], s’acquitta du mandat de l’empereur ; il donna des ordres aux seigneurs et aux cent familles ; il mit sur pied des multitudes d’hommes à qui [il confia[8] les terres ; il parcourut les montagnes et fit des marques sur les arbres[9]. Il détermina les hautes montagnes et les grands fleuves.]

Yu était affligé de ce que, avant lui, son père Koen, pour n’avoir pas réussi dans sa tâche, avait reçu la mort. Il accabla donc de fatigues son corps ; sa pensée fut dévorée par les soucis. Il resta hors de chez lui treize années[10] ; quand il passait devant la porte de sa demeure il n’osait pas y entrer. Il restreignait ses vêtements et sa nourriture, mais il montrait une extrême piété pour les génies et les dieux ; il n’avait qu’une humble demeure, mais il faisait les plus grandes dépenses pour des fossés et des canaux. Pour aller sur la terre ferme, il se servait d’un char ; pour aller sur l’eau, il se servait d’un bateau ; pour aller sur la boue, il se servait d’une sorte de van ; pour aller sur les montagnes, il se servait de crampons[11]. A gauche il y avait des limites régulières ; à droite[12] il y avait des règles certaines. Il tint compte des quatre saisons. Pour ouvrir les neuf provinces, il rendit les neuf chemins praticables, il endigua les neuf marais, il nivela les neuf montagnes.] [Il commanda à I de donner au peuple du riz] pour qu’il pût le planter dans des lieux bas et humides ; [il chargea le prince Tsi de donner au peuple la nourriture qu’il lui était difficile de trouver ; ceux qui avaient peu de nourriture rétablirent l’accord en échangeant avec les autres les objets qu’ils avaient en trop ; ] ainsi l’égalité fut établie parmi les seigneurs.

Alors Yu fit une tournée pour examiner ce qu’il était convenable que la terre produisît, afin d’en déterminer le tribut ; il examina aussi quels étaient les avantages qu’offraient les montagnes et les cours d’eau. La tournée de Yu commença à la province de Ki[13].

[Province de Ki[14] : quand il eut travaillé à (la montagne) Hou-k’eou, — il mit l’ordre sur les monts Leang et K’i[15]. — Ayant fait des réparations à T’ai-yuen, — il arriva à Yo-yang[16]. — A T’an-hoai, il eut le plus grand mérite[17] ; — il arriva jusqu’aux (rivières) Heng et Tchang[18]. — La terre y est blanche et friable ; les redevances y sont en somme au premier rang[19] ; les champs y sont au cinquième rang. (Les rivières) Tch’ang[20] et Wei suivirent un cours régulier ; — Ta-lou[21] fut mis en culture. — Les barbares Niao[22] (apportent) des vêtements de fourrure ; ils longent de près à leur droite le Kié-che et entrent dans la mer.

Le Tsi et le Ho délimitent la province de Yen[23]. Les neuf (branches du) Ho prirent un cours régulier[24] ; — Lei-hia devint un lac[25] ; — (les rivières) Yong et Tsiu s’y réunirent[26] ; — la terre propre aux mûriers fut peuplée de vers à soie. — Alors le peuple put descendre des collines pour demeurer dans la plaine[27]. La terre y est noire et forme des mottes ; les herbes y sont luxuriantes et les arbres élevés ; les champs y sont au sixième rang ; les redevances furent exactement (au même rang que la province) ; celle-ci fut mise en culture la treizième année et alors celles-là (furent exigées) comme (pour les autres provinces)[28]. Le tribut (de cette province) consiste en laque et en soie[29] ; ses mannes[30] contiennent des tissus ornés[31]. En naviguant sur le Tsi et le T’a, on pénètre dans le Ho[32].

La mer et (la montagne) Tai[33] délimitent la province de Ts’ing[34]. (Le territoire de) Yu-i[35] fut rapidement aménagé ; — le Wei et le Tse suivirent leur cours régulier[36]. — La terre y est blanche et forme des mottes ; le long de la mer il y a de vastes étendues salées ;] les champs y sont couverts de sel[37]. [Les champs y sont au troisième rang ; les redevances y sont au quatrième rang. Le tribut (de cette province) consiste en sel, en toile fine, en produits de la mer, mais il est variable[38] ; les vallées de la montagne Tai fournissent de la soie, du chanvre, du plomb, des pins et des pierres singulières. Les barbares Lai[39] sont pasteurs. Les mannes (de cette province)[40] contiennent la soie (que donnent les vers nourris avec) le mûrier des montagnes[41]. En naviguant sur (la rivière) Wen[42], on pénètre dans (la rivière) Tsi.

La mer, (la montagne) Tai et (la rivière) Hoai délimitent la province de Siu[43]. (Les rivières) Hoai et I furent dirigées[44] dans leurs lits ; — Mong et Yu furent ensemencés[45] ; — (le lac) Ta-[46] fut enfermé dans des limites fixes ; — Tong-yuen put être une plaine cultivée[47]. — La terre y est rouge, argileuse et forme des mottes ; les herbes et les arbres s’y multiplient de plus en plus. Les champs y sont au second rang ; les redevances y sont au cinquième rang. Le tribut consiste en terres des cinq couleurs[48], en faisans des vallées de la montagne Yu[49], en Paulownias solitaires du sud de la montagne I[50], en pierres sonores qui se trouvent posées sur les bords de la rivière Se[51]. Les barbares du Hoai[52] (apportent) des perles prises dans les huîtres et des poissons. Les mannes (de cette province) contiennent des soieries foncées, des soieries fines[53] et des soieries blanches. En naviguant sur (les rivières) Hoai et Se, on pénètre dans le Ho[54].

(La rivière) Hoai et la mer délimitent la province de Yang[55]. — (Le lac) P’ong-li fut enfermé dans des limites restreintes[56] ; — les oiseaux migrateurs s’y établirent. — Les trois Kiang entrèrent dans la mer[57] ; — le lac de Tchen parvint à être calmé[58]. — Les fins bambous se multiplièrent ; les herbes y furent minces et longues ; les arbres y furent élevés. Le sol y est épais et boueux. Les champs sont au neuvième rang ; les redevances sont au septième rang et parfois au rang supérieur. Le tribut consiste en métaux des trois qualités, en pierres des espèces yao et koen, en fins bambous[59], en dents, en cuir, en plumes et en queues[60]. Les barbares des îles[61] (apportent) des vêtements faits avec des matières végétales. Les mannes (de cette province) sont pleines de tissus fabriqués avec des soies de couleurs variées[62] ; ses paquets renferment des mandarines et des pamplemousses, mais c’est un tribut qu’ils n’apportent que quand ils en sont requis[63]. En suivant le Kiang et la mer, on arrive dans les rivières Hoai et Se[64]. (La montagne) King et le sud de (la montagne) Heng délimitent la province de King[65]. — Le Kiang et le Han[66] se rendirent à la mer comme les seigneurs vont aux audiences impériales du printemps et de l’été[67]. — Les neuf Kiang furent exactement ce qu’ils devaient être[68]. — Le T’o et le Tch’en eurent un cours régulier[69]. — La terre de Yun-mong fut mise en culture et bien réglée[70]. — Le sol y est épais et boueux. Les champs y sont au huitième rang ; les redevances y sont au troisième rang. Le tribut consiste en plumes, en queues, en dents, en cuir, en métaux des trois qualités, en arbres tch’oen, kan, koai et po[71], en pierres meulières grossières et fines, en pierres servant à faire des pointes de flèches et en cinabre. Quant aux bambous des espèces kiun et lou[72], et à l’arbre hou, les trois royaumes[73] en envoient les spécimens les plus renommés comme tribut. Ils enveloppent, après les avoir liées en faisceaux, les herbes ts’ing-mao[74]. Leurs mannes sont remplies d’étoffes bleu foncé et rouges et de rangées de perles qui ne sont pas rondes. La contrée des neuf Kiang[75] apporte, en présent extraordinaire, la grande tortue[76]. En naviguant sur le Kiang, le T’o ou le Tch’en, puis sur le Han[77], et en traversant le pays jusqu’au Lo, on arrive à la partie méridionale du Ho.

(La montagne) King[78], et le Ho délimitent la province de Yu. — Le I, le Lo, le Tch’en et le Kien[79] — se rendirent dans le Ho. — Les eaux débordées du (lac) Yong[80], furent enfermées dans des limites fixes ; — il (Yu) conduisit (les eaux du) lac Ko jusqu’au lac Ming-tou[81]. Le sol y est friable ; dans les parties basses, il forme des mottes et il est pauvre. — Les champs sont au quatrième rang ; les redevances sont en moyenne au second rang. — Le tribut consiste en laque, en soie[82], en toile fine, en gros chanvre ; les mannes sont remplies de tissus en soie[83] et de bourre de soie. (Cette province) apporte en tribut, lorsqu’elle en est requise, des pierres qui servent à polir les pierres sonores. — En naviguant sur le Lo, on arrive dans le Ho.

Le sud (de la montagne) Hoa[84] et la rivière Hei [85] délimitent la province de Leang. Min et Pouo furent mis en culture[86]. — ► (Les rivières) T’o et Tch’en[87] eurent un cours régulier. — A Ts’ai et à Mong[88], il (Yu) célébra par des sacrifices le rétablissement de l’ordre. — A Ho-i[89], il put exécuter des travaux. — Le sol y est vert et noir[90]. Les champs sont au septième rang ; les redevances sont au huitième rang et tantôt au rang supérieur, tantôt au rang inférieur[91]. Le tribut consiste en pierres précieuses[92], en fer, en argent[93], en acier, en pierres destinées à faire des pointes de flèches et en pierres musicales, en peaux d’ours communs et d’ours rayés, de renards et de chats sauvages et en tissus faits avec leurs poils. (Partant du) Si-k’ing[94], ils viennent en suivant le cours de la rivière Hoan : ils naviguent sur la rivière Ts’ien ; ils font un portage jusqu’à la rivière Mien, pénètrent dans la rivière Wei et traversent le Ho.

La rivière Hei[95] et le Ho occidental[96] délimitent la province de Yong[97]. — La rivière Jo[98] se dirigea vers l’ouest ; — le King fut amené à se réunir au Wei[99]. — Le Ts’i et le Tsiu firent de même[100]. — Ce fut là aussi que la rivière Fong vint se jeter[101]. — Sur (les montagnes) King et K’i, il (Yu) fit des sacrifices[102]. — (Il fit de même sur les montagnes) Tchong-nan, Toen-ou — et jusqu’à (la montagne) Niao-chou[103]. — Il exécuta des travaux dans les plaines[104] et les marécages — et jusqu’à Tou-[105]. — Le territoire de San-wei fut réglé ; — un ordre général fut établi chez les San-miao[106]. — Le sol y est jaune et friable. Les champs y sont au premier rang ; les redevances y sont au sixième rang. Le tribut consiste en pierres précieuses des espèces k’ieou, lin et lang-kan[107]. Ils (les gens de cette province) naviguent depuis le Tsi-che[108] jusqu’à Long-men qui est sur le Ho occidental[109]. D’autres les retrouvent au confluent de la rivière Wei[110]. Les Koen-loen qui ont des tissus faits de peaux, — les Si-tche, les K’iu-seou — et les Jong de l’ouest furent soumis à la règle.

Il (Yu) parcourut les neuf montagnes[111] :

(La première chaîne comprend) le K’ien, puis le K’i ; elle s’étend jusqu’à la montagne King[112]. (La seconde chaîne comprend) de l’autre côté du Ho le Hou-k’eou, le Lei-cheou et s’étend jusqu’au T’ai-yo[113]. (La troisième chaîne comprend) le Ti-tchou, le Si-tch’eng et s’étend jusqu’au Wang-ou[114]. (La quatrième chaîne comprend) le T’ai-hang, le Tch’ang-chan, s’étend jusqu’au Kié-che et entre dans la mer[115]. (La cinquième chaîne comprend) le Si-k’ing, le Tchou-yu, le Niao-chou et s’étend jusqu’au T’ai-hoa[116]. (La sixième chaîne comprend) le Hiong-eul, le W’ai-fang, le T’ong-pe et s’étend jusqu’au P’ei-wei[117]. (La septième chaîne) passe[118] au Pouo-tchong[119] et s’étend jusqu’au King-chan. (La huitième chaîne comprend) le Nei-fang et s’étend jusqu’au Ta pié[120]. (La neuvième chaîne comprend) le sud de la montagne Min, s’étend jusqu’au Heng-chan, traverse les neuf Kiang et s’étend jusqu’au plateau de Fou-tsien[121]. Il (Yu) parcourut les neuf cours d’eau[122]. La rivière Jo passe par (la montagne) Ho-li ; le surplus de ses eaux entre dans les Sables mouvants[123]. — (Yu) parcourut la rivière Hei ; elle passe par San-wei et entre dans la mer du Sud[124]. — (Yu) parcourut le Ho ; du Tsi-che, il va jusqu’à Long-men ; au sud, il arrive au nord du Hoa ; à l’est il arrive au (mont) Ti-tchou ; encore plus à l’est, il arrive au gué de Mong ; à l’est, il dépasse son confluent avec (la rivière) Lo et arrive à Ta-p’ei ; au nord, il dépasse la rivière Kiang et arrive au Ta-lou ; au nord, il se divise en neuf Ho ; ceux-ci se réunissent pour former le Ni-ho qui se jette dans la mer[125]. — A partir du Pouo-tchong, (Yu) parcourut (la rivière) Yang ; elle coule à l’est et devient le Han ; plus à l’est, (ce cours d’eau) devient la rivière de Ts’ang-lang ; il dépasse les trois Che et entre dans le (territoire de) Ta-pié ; au sud, il entre dans le Kiang. A l’est, le marais de Hoei devient le P’ong-li. A l’est, il devient le Kiang septentrional et se jette dans la mer[126]. — A partir de la montagne Min, (Yu) parcourut le Kiang ; à l’est, il envoie une branche distincte qui est le T’o ; plus à l’est, il arrive au Li ; il dépasse les neuf Kiang et arrive au Tong-ling ; plus à l’est, il tend vers le nord et se réunit au Hoei ; plus à l’est, il devient le Kiang central et se jette dans la mer[127]. — (Yu) parcourut la rivière Yen ; à l’est, elle devient le Tsi qui entre dans le Ho, puis en ressort pour former le Yong ; à l’est, (ce cours d’eau) sort au nord du T’ao-k’ieou ; plus à l’est, il arrive au (marais de) Ko ; plus au nord-est, il se réunit à (la rivière) Wen ; plus au nord, il entre à l’est dans la mer[128]. — (Yu) parcourut le Hoai ; il part du (mont) T’ong pe ; à l’est, il se réunit aux (rivières) Se et I ; à l’est, il entre dans la mer[129]. — (Yu) parcourut le Wei ; il part du (mont) Niao-chou-t’ong-hiue ; à l’est, il se réunit au Fong ; plus au nord-est, il arrive à (la rivière) King ; à l’est, il dépasse le Ts’i et le Tsiu et entre dans le Ho[130]. — (Yu) parcourut le Lo ; il vient du (mont) Hiong-eul[131] ; au nord-est, il se réunit au Kien et au Tch’en ; plus à l’est, il se réunit à (la rivière) I ; au nord-est, il entre dans le fleuve.

Alors les neuf provinces furent réglées d’une manière uniforme : dans les quatre directions, les terrains bas furent habités ; sur les neuf montagnes on entailla les arbres[132] et on fit le sacrifice lu ; les neuf cours d’eau furent nettoyés jusqu’à leurs sources ; les neuf lacs furent endigués ; dans (l’intérieur des) quatre mers tout fut uni et harmonieux[133] ; les six domaines (de la nature)[134] furent dans un ordre parfait. Les diverses terres furent déterminées à leur valeur relative et, pour payer leurs contributions, eurent soin d’apporter la redevance de leurs productions ; pour toutes, la redevance fut fixée suivant celle des trois catégories[135] dans laquelle elles étaient rangées.

Dans le royaume du Milieu[136] (l’empereur) conféra des terres et des noms de clan ; on se plut[137] avec respect à prendre sa vertu pour guide : qu’on ne s’écarte point, (dit-il), de ma ligne de conduite.]

Il établit pour le royaume du Fils du ciel et pour ceux qui lui sont extérieurs la règle suivante[138] : [Cinq cents li constituent le domaine impérial : dans les cent premiers li, on apporte en redevance la céréale tout entière ; dans la seconde centaine de li on apporte les épis ; dans la troisième centaine de li, on apporte le chaume, mais on est sujet à des corvées[139] ; dans la quatrième centaine de li, le grain n’est pas décortiqué ; dans la cinquième centaine de li, il est décortiqué[140]. — Sur un espace de cinq cents li en dehors du domaine impérial, c’est le domaine des seigneurs : dans les cent premiers li, on apporte des présents[141] ; dans la seconde centaine de li, sont ceux qui ont une charge publique[142] ; dans les trois autres centaines de li, sont les seigneurs. — Sur un espace de cinq cents li en dehors du domaine des seigneurs, c’est le domaine de la paix : dans les trois premières centaines de li, on impose la règle par une instruction douce ; dans les deux autres centaines de li, on déploie les garnisons militaires[143]. — Sur un espace de cinq cents li en dehors du domaine de la paix, c’est le domaine de la contrainte : dans les trois premières centaines de li sont les barbares I ; dans les deux autres centaines de li sont les bannis. — Sur un espace de cinq cents li en dehors du domaine de la contrainte, c’est le domaine inculte ; dans les trois premières centaines de li sont les barbares Man[144] ; dans les deux autres centaines de li sont les peuples errants[145].

A l’est, (Yu) s’avança jusqu’à la mer ; à l’ouest, il alla jusqu’aux sables mouvants ; au nord et au sud, dans les lieux qu’éclaire le soleil, sa renommée fut un enseignement[146] ; il pénétra[147] jusqu’aux quatre mers.

Alors l’empereur conféra à Yu un insigne en jade noir afin d’informer le monde que son œuvre était bien accomplie[148].] A la suite de cela, le monde fut gouverné en grande paix.

Kao-yao exerça les fonctions de chef chargé de rendre la justice dans le peuple. L’empereur Choen tint une audience ; Yu, Po-i et Kao-yao discoururent entre eux en présence de l’empereur ; Kao-yao exposa ses idées en ces termes :

[— Si (le souverain) reste fidèle à sa direction et à sa vertu, les conseils qu’on lui donnera seront sages, l’assistance qu’on lui prêtera sera harmonieuse.

Yu dit :

— Sans doute ; mais qu’entendez-vous par là ?

Kao-yao dit :

— Oh ! s’il veille à la bonne conduite de sa personne, ses pensées seront profondes ; il fera observer la sincérité et les rangs aux neuf degrés de parenté ; tous les sages seront les ailes sur lesquelles il s’élèvera ; ce qui est près sera digne d’approbation, ce qui est loin sera sous sa main[149]. Yu loua ce discours en saluant et dit :
— C’est vrai.

Kao-yao dit :

— Oh ! l’essentiel est qu’il se connaisse en hommes, l’essentiel est qu’il donne le calme au peuple.

Yu dit :

— Hé ! qu’il en soit absolument ainsi, c’est ce que l’empereur lui-même a trouvé difficile[150]. Quand (le souverain) se connaît en hommes, alors il est prudent et sait nommer aux charges les hommes (qu’il faut) ; quand il sait donner le calme au peuple, alors il est bon et le peuple aux cheveux noirs l’aime. Quand, il sait être bon, quand il sait être prudent, comment serait-il inquiété par Hoan-teou, comment serait-il troublé[151] par (San) miao, comment serait-il effrayé par l’homme trompeur aux paroles artificieuses et à l’extérieur agréable[152] ?

Kao-yao dit :

— Oui. Hé ! si, d’une part il y a dans la conduite (de l’homme) neuf vertus, d’autre part[153] quand on parle de ses vertus, on s’exprime en disant qu’il se livre à telle ou telle action : il est indulgent, mais énergique ; il est doux, mais ferme ; il est hardi, mais respectueux ; il est autoritaire, mais circonspect ; il est soumis, mais résolu ; il est inflexible, mais affable ; il est indifférent aux détails, mais attentif ; il est fort, mais sincère ; il est puissant, mais juste. Celui qui resplendit de ces vertus et qui les possède perpétuellement, c’est l’homme excellent. Celui qui, journellement manifeste trois de ces vertus, celui-là, matin et soir, est attentif[154] et intelligent et il sera mis à la tête d’une maison[155] ; celui qui, chaque jour, pratique strictement et avec ardeur six de ces vertus, celui-là est un serviteur fidèle et sera mis à la tête d’un royaume. Si (le souverain) réunit et recueille de tels hommes pour administrer[156], (ceux qui possèdent) les neuf vertus seront tous à son service ; les hommes qui en valent mille[157] et les hommes qui en valent cent rempliront les fonctions publiques ; les cent officiers seront respectueux et diligents ; ils n’enseigneront point les mauvaises pratiques ni les conseils artificieux ; si ce ne sont pas de tels hommes qui occupent les charges qui leur reviennent, c’est ce qu’on appelle troubler l’ordre céleste[158]. Le Ciel punit le crime : les cinq châtiments ont leurs cinq applications ! Mes paroles peuvent-elles être mises à exécution dans la pratique ?

Yu dit :

— Vos paroles peuvent au plus haut point être mises à exécution avec succès.

Kao-yao dit :

— Pour moi, je n’en sais encore rien ; mais j’aide à marcher dans le droit chemin[159].]

[L’empereur Choen dit à Yu :

— A votre tour, parlez bien.

Yu salua et dit :

— Hé ! que dirai-je ? Je n’ai pensé qu’à m’appliquer sans cesse chaque jour.

Kao-yao arrêta Yu par cette question :

— Qu’entendez-vous par vous appliquer sans cesse ?

Yu dit :

— Les eaux débordées s’élevaient jusqu’au ciel ; l’immense nappe entourait les montagnes et submergeait les collines ; tout le peuple de la plaine était accablé par les eaux ; pour aller sur la terre ferme, je montai en char ; pour aller sur l’eau, je montai en bateau ; pour aller sur la boue, je montai sur un van ; pour aller sur les montagnes, je montai sur des crampons[160] ; je parcourus les montagnes et fis des entailles aux arbres[161]. Avec I, je donnai à la multitude du riz et de la nourriture fraîche[162]. En ouvrant le cours des neuf fleuves, je les conduisis aux quatre mers ; j’approfondis les canaux d’un pied et les canaux de seize pieds[163] et je les conduisis aux fleuves. Avec Tsi[164], je donnai à la multitude la nourriture qu’elle avait de la peine à se procurer[165] ; ceux qui avaient peu de nourriture échangèrent les objets qu’ils avaient en trop contre ce qui leur manquait. J’ai déplacé les résidences de tout le peuple et les ai fixées ; les dix mille États ont été bien gouvernés.

Kao-yao dit :

— Oui, cela certes est beau.

Yu dit :

— Ah ! ô empereur, portez toute votre attention sur la place que vous occupez ; vous obtiendrez le calme en étant parvenu au but ; vos aides seront vertueux ; l’empire répondra universellement à votre pensée pure ; par là, il sera mis en lumière que vous avez reçu le mandat de l’Empereur d’en haut ; le Ciel renouvellera son mandat en usant de faveur envers vous[166].

L’empereur dit :

— Ah ! mes ministres ! mes ministres ! mes ministres, soyez mes jambes et mes bras, mes oreilles et mes yeux ; si je désire secourir mon peuple, c’est à vous de l’aider[167] ; si je désire contempler les images faites par les anciens hommes, à savoir le soleil, la lune et les étoiles dont les couleurs sont représentées par la peinture ou brodées sur les vêtements, c’est à vous de les bien distinguer ; si je désire entendre les six tubes sonores, les cinq notes et les huit instruments de musique et observer les qualités et les défauts du gouvernement en répandant et en recueillant les paroles composées sur les cinq notes, c’est à vous d’écouter[168]. Si je m’écarte du bien, c’est à vous de me corriger et de me résister ; ne me flattez pas en face pour me critiquer par derrière. Soyez sur vos gardes, vous mes ministres qui m’assistez des quatre côtés[169]. Quel que soit le nombre des sujets calomniateurs et pervers, si la vertu du souverain se répand avec sincérité, tous seront purs[170].

Yu dit :

— C’est vrai ; si l’empereur n’agit pas ainsi et s’il emploie indifféremment les bons et les mauvais, alors il n’y aura plus de réussite.

L’empereur dit[171] :

— Ne favorisez pas l’arrogance de Tan-tchou, il ne se plaisait qu’à la paresse et aux amusements ; quand il n’y avait plus d’eau, il voulait aller en bateau[172] ; il se livrait à une débauche incestueuse dans sa propre famille ; par cette conduite il a mis fin à sa lignée ; je ne pouvais pas favoriser cela.

Yu dit :

— Aux jours sin et jen[173] je me mariai à (une fille de la famille) T’ou-chan[174] ; aux jours koei et kia, elle enfanta K’i[175]. Je ne le traitai pas comme mon fils ; c’est de cette manière que je pus accomplir mes grands travaux sur les eaux et sur les terres ; j’aidai à établir les cinq domaines et j’allai jusqu’à cinq mille li[176] ; dans les provinces il y eut douze maîtres[177] ; au dehors, j’allai jusqu’aux quatre mers[178] ; sur tous les hommes j’établis les cinq (classes de) chefs[179]. Chacun de ceux qui se conduisaient bien vit son mérite reconnu ; les Miao ayant été récalcitrants furent donc sans mérite[180]. O empereur, pensez à cela !

L’empereur dit :

— Marcher dans la même voie vertueuse que moi, c’est votre mérite qui le fera avec ordre[181].

Alors Kao-yao fut plein de respect pour la vertu de Yu ; il ordonna aux gens du peuple de prendre tous Yu pour règle ; ceux qui n’obéissaient pas à ses paroles, ils les poursuivit par les châtiments.

La vertu de Choen fut fort éclatante. Alors K’oei fit de la musique ; l’aïeul et le père décédés vinrent[182] ; tous les princes se firent des concessions mutuelles ; les oiseaux voltigèrent et les animaux qui marchent dansèrent ; au son des neuf airs de la musique siao chao[183], le phénix mâle et le phénix femelle vinrent avec grâce, les cent animaux dansèrent à l’envi, les cent fonctionnaires furent fidèles et harmonieux. L’empereur profita de cela pour faire un chant ; il dit :

— Celui qui a été élevé par le mandat du Ciel doit être attentif à toutes les occasions, attentif aux moindres affaires.

Puis il chanta, disant[184] :

— Lorsque les jambes et les bras travaillent avec plaisir,

La tête en haut se dresse ;

Les cent fonctions sont remplies avec éclat.

Kao-yao baissa la tête à hauteur de ses mains et se prosterna la face contre terre, puis éleva la voix, disant :

— Songez-y ! La direction que vous donnez est ce qui fait fleurir toutes choses ; prenez garde à vos lois ; soyez vigilant.

Alors à son tour il fit un chant et dit :

— Lorsque la tête en haut est intelligente,
Les jambes et les bras sont excellents,
Toutes choses sont prospères.

Il chanta encore ceci :

— Quand la tête en haut n’a pas de vastes pensées,
Les jambes et les bras sont paresseux ;
Toutes choses vont à leur ruine.

L’empereur salua et dit :

— Oui. Allez et soyez vigilants.]

Alors l’empire prit pour règle les mesures et les nombres, les notes et la musique tels que Yu les avait clairement déterminés. (Yu) présida aux dieux des montagnes et des cours d’eau[185].

[L’empereur Choen présenta Yu au Ciel] pour qu’il fût son successeur. [Dix-sept ans après, l’empereur Choen mourut. Quand le deuil de trois ans fut terminé, Yu refusa le pouvoir et se retira devant Chang-kiun, fils de Choen, à Yang-tch’eng[186] ; Les seigneurs de l’empire quittèrent tous Chang-kiun et vinrent rendre hommage à Yu. C’est pourquoi donc Yu prit la dignité de Fils du ciel ; tourné vers le sud il donna audience à l’empire. Le titre qui lui vient de son royaume fut le souverain de Hia[187] ; son nom de famille fut Se. Quand l’empereur Yu eut pris le pouvoir, il promut Kao-yao et le présenta (au Ciel) ; il voulait lui remettre le gouvernement, mais Kao-yao mourut. Il donna aux descendants[188] de Kao-yao des fiefs à Yng et à Leou ; l’un d’eux résida à Hiu. Puis le souverain promut I et lui confia le gouvernement ; dix ans après, l’empereur Yu alla dans l’est parcourir les fiefs ; arrivé au (mont) Koei-ki[189], il mourut. Il avait remis l’empire à I[190]. [Quand le deuil de trois ans fut terminé, I céda le pouvoir à K’i, fils de Yu ; il se retira est s’établit au sud de la montagne Ki[191].] K’i, fils de Yu, était sage ; les sentiments de l’empire lui étaient attachés ; aussi, quand Yu mourut, quoiqu’il eût remis l’empire à I, I n’ayant aidé Yu que peu de temps, n’avait point encore plu à l’ernpire ; c’est pourquoi les seigneurs quittèrent tous I et vinrent rendre hommage à Ki en disant :

— Notre prince, c’est le fils de l’empereur Yu[192].

Alors Ki prit donc la dignité de Fils du ciel ; ce fut l’empereur K’i, souverain de Hia[193]. L’empereur K’i, souverain de Hia, était le fils de Yu ; sa mère était une fille de la tribu T’ou-chan[194].

Le prince de Hou[195] ne se soumit pas ; K’i le punit ; il livra une grande bataille à Kan[196]. Avant d’engager le combat, il fit la harangue de Kan ; [il appela les six hauts dignitaires[197] pour leur exposer sa pensée ; K’i dit :

— Ohé ! hommes des six armées[198], j’ai une harangue à vous adresser. Le prince de Hou méprise avec hauteur les cinq éléments ; il néglige et abandonne les trois principes régulateurs[199]. C’est pourquoi le Ciel supprime et interrompt son mandat ; maintenant je ne fais qu’exécuter avec respect le châtiment céleste. Si ceux de gauche ne font pas leur devoir à gauche, si ceux de droite ne font pas leur devoir à droite [200], ce sera que vous ne respectez pas mes ordres ; si vous, cochers, ne dirigez pas bien vos chevaux, ce sera que vous ne ╓165 respectez pas mes ordres ;

« Ceux qui observeront mes ordres, je les récompenserai devant l’ancêtre ;

« Ceux qui n’observeront pas mes ordres, je les mettrai a mort devant le dieu de la terre[201] ;

« Je vous ferai certes périr avec vos enfants[202].

Alors il écrasa le prince de Hou. Tout l’empire rendit hommage au souverain de Hia. L’empereur Ki mourut.

Son fils, l’empereur T’ai-k’ang prit le pouvoir. L’empereur [T’ai-k’ang perdit son royaume ; ses cinq frères l’attendirent au confluent de la rivière Lo et firent les chants des cinq fils[203].] T’ai-k’ang mourut.

Son frère cadet, Tchong-k’ang, prit le pouvoir ; ce fut l’empereur Tchong-k’ang. Au temps de l’empereur Tchong-k’ang, [Hi et Ho[204] se plongèrent dans les orgies et les débauches ; ils négligèrent les saisons et mirent le trouble dans les jours ; (le prince de) Yn alla les châtier. On fit le Châtiment de Yn[205].] Tchong-k’ang mourut.

Son fils, l’empereur Siang, prit le pouvoir ; il mourut. — Son fils, l’empereur Chao-k’ang, prit le pouvoir ; il mourut[206]. — Son fils, l’empereur Tchou, prit le pouvoir ; il mourut. — Son fils, l’ernpereur Hoei, prit le pouvoir ; il mourut. — Son fils, l’empereur Wang[207], prit le pouvoir ; il mourut. — Son fils, l’empereur Sié, prit le pouvoir ; il mourut. — Son fils, l’empereur Pou-Kiang, prit le pouvoir ; il mourut. — Son frère cadet, l’empereur Kiong, prit le pouvoir ; il mourut. — Son fils, l’empereur Kin, prit le pouvoir ; il mourut. — On donna le pouvoir à K’ong-kia, fils de l’empereur Pou-Kiang ; ce fut l’empereur K’ong-kia. Quand l’empereur K’ong-kia eut pris le pouvoir, il aima s’occuper des choses qui concernent les esprits et les dieux ; il vécut dans la débauche et le désordre. La vertu de la dynastie Hia se pervertit ; les seigneurs l’abandonnèrent. — Le Ciel fit descendre deux dragons, une femelle et un mâle[208] ; K’ong-kia ne pouvait les nourrir, car il n’avait pas Celui qui entretient les dragons[209] ; or, après que (la famille de) T’ao-t’ang[210] fut tombée en déchéance, un de ses descendants, Lieou-lei, apprit à apprivoiser les dragons, auprès de Celui qui entretient les dragons ; c’est pourquoi il entra au service de K’ongkia ; K’ong-kia lui conféra le nom de famille de Celui qui dirige les dragons[211] ; (Lieou-lei) reçut la succession de Che-wei[212] ; le dragon femelle étant mort, il le fit manger au souverain de Hia[213] ; le souverain de Hia envoya chercher (ce dragon) ; (Lieou-lei) eut peur et se transporta ailleurs[214].

K’ong-kia mourut. — Son fils, l’empereur Kao, prit le pouvoir ; il mourut. — Son fils, l’empereur Fa, prit le pouvoir ; il mourut. — Son fils, l’empereur Li-koei[215], prit le pouvoir ; ce fut Kié.

Au temps de l’empereur Kié, les seigneurs, qui avaient commencé à faire défection dès l’époque de Kong-kia, se révoltèrent en nombre de plus en plus grand. Kié, (souverain de) Hia, ne se souciait pas de la vertu, mais il terrorisait et faisait souffrir les cent familles ; les cent familles ne le supportèrent pas. Alors (l’empereur) manda T’ang et l’emprisonna à Hia-T’ai[216] ; dans la suite, il le relâcha. T’ang pratiqua la vertu ; tous les seigneurs se réfugièrent auprès de lui ; il se mit donc à la tête des soldats pour punir Kié, (de la dynastie) Hia. Kié s’enfuit à Ming-t’iao[217] ; il fut donc exilé et mourut. Kié dit à ses gens :

— Je regrette de n’avoir pas fait périr sur-le-champ T’ang à Hia-T’ai, car voici ce que j’ai amené.

Alors T’ang prit la dignité de Fils du ciel ; à la place du (souverain) Hia, il donna audience à l’empire. Il conféra un fief aux descendants des Hia qui, sous la dynastie Tcheou, reçurent le fief de K’i[218]. Le duc grand astrologue dit : Yu avait pour nom de famille Se ; ses descendants se distinguèrent par leurs fiefs et prirent pour nom de famille les noms de leurs royaumes ; ainsi il y eut les familles de Hia-heou, de Hou, de Nan, de Tchen-siun, de T’ong-tch’eng, de Pao, de Fei, de K’i, de Tseng, de Sin, de Ming et de Tchen-ko[219]. — Ω Kong-tse prit pour règle les saisons des Hia et les érudits en grand nombre nous ont transmis le petit calendrier des Hia[220]. — C’est à partir de l’époque de Yu (Choen) et des Hia que le système des tributs et des redevances fut organisé. — On a dit : Yu réunit les seigneurs au sud du Kiang pour faire le compte de leurs mérites, mais il mourut et fut enterré là ; le titre conféré (à ce lieu) fut Koei-ki, car Koei-ki signifie réunir et faire le compte[221].

  1. Tchang Cheou-kié exprime l’opinion, aujourd’hui généralement acceptée, que Hia est un nom de lieu ; c’est le pays que Yu reçut en fief et dont il était comte (cf. note 293) avant son avènement. Hia correspond à la préfecture secondaire de Yu, préfecture de Kai-fong, province de Ho-nan.
  2. Aux yeux de Se-ma Ts’ien, Wen-ming est le nom personnel de Yu, comme Fang-hiun est le nom personnel de Yao et Tch’ong-hoa le nom personnel de Choen. Le texte du Chou king est moins clair et c’est pourquoi le pseudo-Kong Ngan-kouo a pu soutenir que ces trois expressions n’étaient pas des noms propres, mais des noms communs ayant un sens dans la phrase ; son opinion ne s’accorde pas avec la leçon des Mémoires historiques.
  3. Le Che pen, cité par Se-ma Tcheng, dit que Koen épousa une fille de la tribu Chen qui s’appelait Niu-tche ; elle enfanta Kao-mi  : Kao-mi serait, d’après le commentateur Song Tchong, le nom du pays que Yu reçut en fief. — Se-ma Tcheng, citant le Chou wang pen ki de Yang Hiong (53 av. J.-C.-18 ap. J.-C.), fait naître Yu auprès de la montagne Che-nieou ; cette hauteur se trouve à l’ouest de la sous-préfecture de Min-tch’oan, préfecture de Tch’eng-tou, province de Se-tch’oan. Le T’ong kien tsi lan (chap. II, p. 1 r°) donne le même renseignement, mais en le rapportant au Chou pen ki de Ts’iao Tcheou (qui vivait au temps de la dynastie Han du pays de Chou, 221-263 ap. J.-C.).
  4. Les Rites de Tai l’aîné (chap. Ti hi sing, p. 4 v°) disent : « Tchoan-hiu engendra Koen ; Koen engendra Wen-ming qui fut Yu. De même on lit dans le Che pen que Tchoan-hiu fut le père de Koen. Se-ma Ts’ien est donc d’accord avec ces deux ouvrages ; au contraire, d’après Pan Kou (chap. Lu li tche, 2e partie, p. 15 v°), Koen était le descendant de Tchoan-hiu à la cinquième génération, de même que Kou-seou, père de l’empereur Choen.
  5. La voix de Yu, dit Se-ma Tcheng, avait le son que rend le tube musical appelé yng-tchong et pouvait être prise pour l’étalon de la gamme ; de même, pour les mesures de longueur, « le pas de Yu » était l’unité ; les tireurs de sorts faisaient encore leurs calculs, au temps des T’ang, avec le pas de Yu.
  6. Cf. note 01.299.
  7. Cf. note 01.296.
  8. La leçon de Se-ma Ts’ien est fou qui signifie « donner, confier » ; c’est aussi la leçon des Rites de Tai l’aîné. Yu remet les terres à ses subordonnés pour qu’ils les divisent par catégories. La leçon du Chou king est « diviser » ; c’est alors Yu lui-même qui divise les terres.
  9. (114. ) La leçon des Mémoires historiques est une glose de celle du Chou king, ts’ién mŏu; en effet, le caractère mŏu ne doit pas être pris dans son sens vulgaire de « couper » ; il n’est ici que le substitut d’un vieux caractère, aujourd’hui perdu ; ce dernier caractère est expliqué comme signifiant « indications entaillées ». Il s’agit donc bien de marques faites sur les arbres comme le dit Se-ma Ts’ien (H. T. K. K., chap. CCCXCII, p. 12 r°). Ces marques étaient destinées à indiquer le chemin. — Assurément le sens que donne M. Legge [css : édition/rechercher : ‘cut down’] à cette phrase en traduisant « abattre les arbres » (Chinese Classics, t. III, p. 77) est beaucoup plus clair et plus satisfaisant pour un lecteur européen ; mais il nous semble qu’on n’a pas le droit de faire si bon marché des remarquables travaux de la critique chinoise moderne ; cette critique a démontré que les textes anciens étaient obscurs, et que la simplicité de l’explication traditionnelle était un leurre ; nous sommes obligés d’accepter ses conclusions, quelques embarras qu’elles puissent nous créer pour l’interprétation de ces vieux écrits.
  10. Mencius (trad. Legge [§7], p. 127; [trad. Couvreur]) dit : « Yu resta hors de chez lui huit années ; il passa trois fois devant sa porte et n’y entra pas.
  11. Ce sont là les « quatre modes de locomotion » auxquels il est fait allusion dans le Chou king, au chap. I et Tsi (trad. Legge, p. 77 ; [trad. Couvreur]). § Pour aller sur la boue, on se servait d’un objet qui, d’après les commentateurs, devait ressembler à une sorte de van en osier ; on appuyait une jambe dessus et on glissait ainsi sur la boue sans y enfoncer. § Pour gravir les montagnes, on se servait de crampons. Les noms de ces deux objets, le van et le crampon, sont orthographiés des manières les plus diverses dans les nombreux textes qui reproduisent ce passage (cf. le commentaire au IIe chapitre du livre de Che tse, p. 10 v°. — Che tse était originaire du pays de Tsin  ; son nom personnel était Kiao ; il fut l’hôte du conseiller de Ts’in, Wei Yang, dans la seconde moitié du IVe siècle avant notre ère
  12. A gauche et à droite, c’est-à-dire en toute occasion, toujours.
  13. Dans les paragraphes qui suivent, Se-ma Ts’ien reproduit le fameux chapitre du Chou king intitulé le Tribut de Yu. A le prendre tel qu’il est, ce chapitre se compose de deux parties distinctes : la première est une description des neuf provinces de l’empire, description qui suit généralement un ordre uniforme : limites de la province ; travaux publics qui y furent exécutés ; qualité de la terre ; nature du tribut ; routes par lesquelles il est apporté à la capitale ; la seconde partie traite des neuf grandes chaînes de montagne et des neuf grands cours d’eau de l’empire ; puis elle expose les travaux hydrographiques de Yu ; enfin elle trace un schème de l’empire mathématiquement organisé. — Ed. Biot (Sur le chapitre Yu kong du Chou king et sur la géographie de la Chine ancienne, Journ. asiatique, août-sept. 1842, p. 152-224) a fait une bonne étude critique du Tribut de Yu ; il a montré que « le texte ne présente le nom de Yu que deux fois, dans la phrase du commencement et dans celle de la fin ; et que, par conséquent, « si l’on retranchait du texte simplement deux phrases, on pourrait ne voir dans le Yu kong que l’histoire des progrès d’une grande colonie qui s’étend peu à peu en desséchant un sol marécageux et chassant devant elle les premiers habitants de ce sol ; les travaux dont il est question dans ce texte sont d’ailleurs bien trop considérables pour avoir été exécutés par un seul homme ; la tradition a donc « fait honneur au seul Yu des travaux continus de plusieurs générations. — M. von Richthofen (China, t. I, ch. VIII) s’est livré à de savantes recherches sur ce même sujet ; d’après lui, le texte même du Yu kong n’implique point les gigantesques travaux d’hydrographie que les commentateurs y ont introduits en donnant aux mots des sens qu’ils ne comporteraient pas ; il a constaté l’exactitude des notions géographiques de ce fragment de l’antiquité ; enfin il a prétendu, mais c’est le point le plus sujet à caution de sa remarquable dissertation, retrouver, grâce au Yu kong, des indications sur la marche qu’auraient suivie les envahisseurs chinois qui seraient venus de l’ouest. — La traduction que M. Legge a donnée du Tribut de Yu est une des parties les plus richement annotées de l’admirable monument qu’il a élevé à la gloire des lettres chinoises. — Enfin M. Kingsmill a fait voir (China Review, t. IV, p. 13 et suiv. ; t. XIV, p. 17 et suiv.) que le Tribut de Yu contient une partie en prose rythmée composée de phrases de quatre caractères et que cette partie se détache du contexte comme un document d’un âge différent. — Pour notre part, tout en profitant des excellents travaux de nos devanciers, nous ne voyons pas trace dans le Tribut de Yu de la prétendue migration des Chinois de l’ouest vers l’est ; il faut solliciter doucement et même violemment les textes pour y trouver des preuves à l’appui de cette hypothèse gratuite qui est devenue un dogme chez bon nombre de sinologues. La première partie du Tribut de Yu se compose de deux éléments superposés, l’un étant une sèche géographie administrative, l’autre la légende des travaux de Yu ; la seconde partie est une géographie physique suivie d’une autre légende de Yu et accompagnée d’une description idéale de l’empire qui doit provenir de quelque vieille utopie consacrée par les livres de rites. Ce sont ces éléments divers du Yu kong dont nous chercherons à marquer la distinction dans notre traduction et dans nos notes. Dans la première partie du Yu kong, nous distinguerons pour le lecteur ce que nous appelons l’élément légendaire en plaçant un tiret après chaque phrase de quatre caractères ; ce n’est pas que le rythme des phrases de quatre caractères ne se retrouve souvent aussi dans la description administrative de l’empire, mais il y est mêlé à des phrases de longueur inégale. Au contraire, la légende est nettement caractérisée ; 1° en ce qu’elle est toujours en phrases de quatre caractères ; 2° en ce qu’elle emploie la particule ki qui implique l’idée d’une action passée et non d’un état de choses constant. § en ce qu’elle est toujours en phrases de quatre caractères ; § en ce qu’elle emploie la particule ki qui implique l’idée d’une action passée et non d’un état de choses constant.
  14. La province de Ki est la seule dont les limites ne soient pas indiquées, mais on peut les déterminer approximativement, puisqu’on connaît les frontières des huit autres provinces ; elle était comprise entre le Hoang-ho à l’ouest et la rivière Leao à l’est : au sud et au sud-est elle longeait le cours du Hoang-ho. En ce temps, le Hoang-ho quittait son lit actuel — à quelque distance à l’est de la préfecture de Hoai-k’ing, province de Ho-nan, passait à Wei-hoei-fou, puis, se dirigeant au nord, traversait le pays compris entre Tchang-te-fou et Ta-ming-fou : il arrivait dans le lac Ta-lou qui porte encore aujourd’hui ce nom et se trouve à peu de distance au nord-est.de Choen--fou (prov. de Tche-li) ; à partir du lac Ta-lou, il se divisait en neuf branches : la plus importante paraît avoir été celle qui décrivait l’arc le plus septentrional ; elle passait à l’est de Pao-ting-fou, traversait à angle droit le Pei-ho actuel, à l’ouest de T’ien-tsin ; puis elle coupait perpendiculairement le Pei-tang ho actuel et devait se jeter dans la mer non loin de la montagne Kié-che, sous-préfecture de Tch’ang-li, préfecture de Yong p’ing, province de Tche-li (cf. Richthofen, China, t. I, p. 321-323). . La province de Ki était celle où se trouvait la capitale. Quelle était cette capitale ? Si les travaux de Yu doivent être rapportés à l’époque où Yao était encre empereur (cf. note 01.242), la capitale était P’ing-yang, aujourd’hui sous-préfecture de Lin-fen préfecture de P’ing-yang, province de Chān-si ; au temps, du règne de Choen, la capitale était P’ou-fan, aujourd’hui sous-préfecture de Yong-tsi, préfecture de P’ou-tcheou, province de Chān-si. Toutes deux étaient donc situées dans l’ancienne province de Ki.
  15. Il n’est pas certain que ces deux premières phrases se rattachent à la partie légendaire du Yu kong. Nous avons suivi dans notre traduction, la ponctuation du Chou king de Yong-tcheng et nous obtenons ainsi, après le nom de la province de Ki, deux phrases de quatre caractères. Mais tous les anciens commentateurs placent le point après le quatrième mot et il faut alors traduire : « Dans la province de Ki, il fit des travaux ; Hou-k’eou ; il mit l’ordre sur (les monts) Leang et K’i. On remarquera que le nom de Hou-k’eou reste alors isolé et n’a plus aucun sens ; on peut se demander si le mot qui le suit n’est pas une interpolation destinée à rattacher à la légende des travaux de Yu une simple énumération géographique des montagnes de la province qui sont Hou-k’eou, Leang et K’i ; le doute est d’autant plus permis que les commentateurs ont la plus grande peine à identifier les monts Leang et K’i, de manière à rendre intelligible la relation qu’avaient ces montagnes avec les travaux hydrographiques de Yu ; on va le voir dans ce qui suit. La montagne Hou-k’eou était au sud-ouest de l’actuel Ki-tcheou, préfecture de P’ing-yang, province de Chān-si. D’après Ts’ai Tch’en, la montagne Leang ou Lu-Leang est au nord-est de la préfecture secondaire de Yong-ning, préfecture de Fen-tcheou, province de Chān-si ; la montagne K’i ou Hou-k’i est à l’ouest de la sous-préfecture de Hiao-i, dans la même préfecture que la précédente. — Si l’on adopte l’opinion de Ts’ai Tch’en, les montagnes Leang et Ki auraient alors été fort éloignées du Hoang-ho et on ne comprend plus quel rapport elles peuvent avoir avec les travaux qui sont attribués à Yu pour la correction des eaux de ce fleuve. C’est pourquoi les commentateurs modernes adoptent volontiers l’opinion plus ancienne de K’ong Yng-ta suivant qui les montagnes Leang et K’i étaient situées sur la rive droite du Hoang-ho, par conséquent dans l’ancienne province de Yong : dans cette hypothèse, la montagne Leang est au nord-ouest de la sous-préfecture de Han-tch’eng, préfecture de Si-ngan, province de Chàn-si ; la montagne Ki est au nord de la sous-préfecture de Ki-chan, préfecture de Fong-siang, même province. Si nous considérons Hou-k’eou, Leang et K’i comme faisant partie primitivement de l’élément géographique du Yu kong, et comme ayant été rattaché d’une manière tout artificielle à l’élément légendaire et rythmique par l’intercalation du mot, nous n’avons plus besoin de recourir à la bizarre hypothèse de K’ong Yng-ta qui place dans la province de Yong des montagnes dont il est parlé à propos de la province de Ki, et nous adoptons les identifications de Ts’ai Tch’en.
  16. Le nom de T’ai yuen se retrouve encore aujourd’hui dans celui de la préfecture de T’ai-yuen, capitale provinciale du Chān-si. — Yo-yang signifie proprement « au sud de la montagne » ; la montagne dont il s’agit ici est le Houo-t’ai-chan, dans la préfecture secondaire de Houo, préfecture de P’ing-yang, province de Chān-si. Les commentateurs chinois, auxquels nous nous rattachons, expliquent cette phrase en disant que Yu répara les digues élevées par son père Koen à T’ai-yuen et que les travaux auxquels il se livra depuis T’ai-yuen jusqu’à Yo-yang avaient pour but de régler le cours de la rivière Fen. M. von Richthofen (China, I, 351) dit que le cours de la rivière Fen n’a jamais eu besoin d’être corrigé ni endigué et que les travaux de Yu ne peuvent se rapporter qu’à une réorganisation administrative. Pour notre part, il nous semble que, d’un bout à l’autre du Yu kong, on distingue les débris d’une légende qui présente Yu sous les traits d’un ingénieur hydrographe ; la partie administrative est, au contraire, celle qui ne se rattache point au nom de Yu ; au lieu d’interpréter le Yu kong au moyen d’un seul système d’explication, comme le fait M. von Richthofen, nous y reconnaissons deux éléments hétérogènes qui demandent à être analysés suivant des principes différents : la partie rythmique qui traite des travaux de Yu est une légende et doit être acceptée comme telle, c’est à-dire que, quelque fantastiques que puissent paraître ces travaux, il ne faut pas chercher à les dissimuler en donnant aux mots du texte des sens qu’ils n’ont point ; mais d’autre part, à côté de cet élément légendaire se trouve une géographie statistique de l’empire dont il importe de bien mettre en lumière le caractère précis et positif. Nous n’expliquons pas toute la première partie du Yu kong par les travaux de Yu, comme le fait M. Legge à la suite des commentateurs chinois ; nous ne l’expliquons pas non plus tout entière par un plan administratif comme le tente M. von Richthofen ; mais nous désagrégeons ce texte en deux parties d’origine et de nature diverses et nous appliquons à chacune d’elles un mode d’interprétation spécial.
  17. Une partie du nom de T’an-hoai se retrouve dans celui de la préfecture actuelle de Hoai-k’ing (province de Ho-nan), avec laquelle d’ailleurs on identifie T’an-hoai.
  18. Le Tchang est une rivière composée de deux cours d’eau : le Tchang clair et le Tchang bourbeux. § Le Tchang clair prend sa source à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de la sous-préfecture de Lo-p’ing, préfecture de T’ai-yuen, province de Chān-si ; § le Tchang bourbeux prend sa source à environ 25 kilomètres à l’ouest de la sous-préfecture de Tch’ang-tse, préfecture de Lou-ngan, province de Chān-si. § Tous deux se réunissent au lieu appelé Confluent des Tchang, dans la sous-préfecture de Ché, préfecture de Tchang-, province de Ho-nan ; § puis le Tchang se dirige vers le nord-est et va se réunir à T’ien-tsin aux différents cours d’eau qui se jettent dans la mer sous le nom de Pei-ho. On verra plus loin qu’au temps du Yu-hong il se jetait dans le Hoang-ho. — Le mot heng est expliqué assez arbitrairement par K’ong Ngan-kouo et Tcheng Hiuen comme l’équivalent de = transversal ; cette épithète ferait allusion à la direction de son cours qui est presque perpendiculaire à celui que suit le Hoang-ho dans le Chān-si. Wang Sou est plus exact quand il dit que le Heng et le Tchang sont deux rivières différentes. En effet, Li Tao yuen, dans son commentaire au Choei king, donne le nom de rivière Heng au Tchang bourbeux.
  19. Les neuf provinces sont rangées par ordre de valeur sous le rapport des redevances et sous le rapport des terres cultivées en deux séries où la place de chacune d’elles est indiquée par les trois subdivisions cháng tchōung hiá de trois catégories cháng tchōung hiá. Ainsi cháng cháng signifie la première subdivision de la première catégorie, c’est-à-dire le premier rang ; tchōung tchōung signifie la première [css : deuxième ?] subdivision de la seconde catégorie, c’est-à-dire le cinquième rang. Voici la liste des rangs occupés par les neuf provinces dans les deux séries ; le premier chiffre indique le rang sous le rapport des redevances et le second le rang sous le rapport de la valeur des terres : Ki 1. 5 ; Yen 9. 6 ; Ts’ing 4. 3 ; Siu 5. 2 ; Yang 7. 9 ; King 3. 8 ; Yu 2. 4 ; Leang 8. 7 ; Yong 6. 1. Le mot ts’ouŏ est expliqué par K’ong Ngan-kouo comme signifiant que cette terre produit des redevances du premier degré et aussi du second ; d’après Ma Yong, elle signifie que les terres sont les unes meilleures, les autres moins bonnes, mais qu’en somme les redevances qu’elles produisent sont du premier degré. Nous adoptons cette seconde interprétation ; en effet, si les degrés dont il s’agit ne sont pas des mesures absolues mais servent à établir un ordre de succession entre les provinces, ils doivent être assignés chacun à une province déterminée et une province ne peut être à la fois la première et la seconde sur la liste.
  20. Le nom de la rivière Tch’ang est écrit Heng dans le Chou king et c’est cette dernière orthographe qui est la bonne. En effet, le mot Heng n’a été modifié dans le texte de Se-ma Ts’ien que parce qu’il était le nom personnel de l’empereur Wen (179-156 av. J.-C.). La rivière Heng, appelée aujourd’hui Cha ho, prend sa source dans la sous-préfecture de Feou-p’ing, préfecture de Tchen-ting, province de Tche-li. La rivière Wei prend sa source plus au sud, dans la sous-préfecture de Ling-cheou et ne tarde pas à se jeter dans la rivière Hou-t’ouo. Le Heng et le Wei font tous deux partie du système hydrographique très compliqué qui vient se déverser à T’ien-tsin.
  21. Ta-lou est le nom d’un grand lac à l’ouest de la sous-préfecture de Kiu-lou, préfecture de Choen-, province de Tche-li. Autrefois on devait donner ce nom à un territoire beaucoup plus vaste qui s’étendait au nord jusqu’aux préfectures secondaires de Tchao et de Chen ; les marécages qui le couvraient furent desséchés en partie et les eaux furent refoulées dans le lac qui seul aujourd’hui garde le nom de Ta-lou. On a vu plus haut (note 122) qu’au temps du Yu kong le Hoang-ho traversait le lac Ta-lou. — Les mots [] dans Se-ma Ts’ien et tsŏ dans le Chou king ont ici le sens de « cultiver, mettre en culture », d’après tous les commentateurs.
  22. Nous avons déjà vu les barbares Niao mentionnés dans les Annales principales des cinq empereurs (p.╓ 89 ) ; le Chou king écrit Tao-i = les barbares des îles ; mais les critiques modernes rejettent cette leçon et adoptent celle de Se-ma Ts’ien qui est aussi celle de Pan Kou. Le mot niao peut être regardé comme l’expression phonétique du nom que se donnaient ces tribus barbres. Le fait qu’elles apportaient des fourrures et qu’elles passaient au large de la montagne Kié-che (sous-préfecture de Tch’ang-li, préfecture de Tong-p’ing, province de Tche-li) semble indiquer qu’elles devaient habiter le Leao-tong ; Tchang Cheou-kié, en citant ici un intéressant passage du Kouo ti tche où sont décrites les mœurs des anciennes tribus de la Mandchourie, confirme cette manière de voir. — Le Chou king dit que ces barbares laissent à leur droite la montagne Kié-che pour entrer dans le Hoang-ho dont l’embouchure la plus septentrionale ne devait pas être éloignée de ce lieu. Les Mémoires historiques disent qu’ils entrent dans la mer ; la leçon est moins claire ; elle peut cependant se comprendre, si l’on admet que la mer dont il est question est le Po-hai ou golfe du -tché-li. — Il est à remarquer que les pelleteries des barbares Niao ne constituent pas un tribut régulier ; la province de Ki est la seule qui ne paie pas de tribut parce qu’elle est celle à qui toutes les autres provinces apportent le leur.
  23. La rivière Tsi a presque entièrement disparu dans le Hoang-ho actuel ; le nom de la préfecture de Tsi-nan, dans le Chan-tong, rappelle qu’elle coulait à l’endroit où se trouve maintenant le grand Fleuve. On verra, quelques pages plus loin, qu’en vertu de principes d’hydrographie propres à la science géographique chinoise, on appelait Tsi un affluent de la rive gauche du Hoang-ho et qu’on regardait comme la continuation de cette même rivière Tsi un effluent de la rive droite du Hoang-ho ; le Tsi était ainsi considéré comme traversant le Hoang-ho sans se confondre avec lui. Dans cette théorie, la source de la rivière Tsi se trouve à la montagne Wang-ou (au nord du Hoang-ho actuel, dans la province de Ho-nan, presque à la limite entre cette province et celle de Chān-si) et son embouchure est celle de la petite rivière Siao-ts’ing qui se jette dans la mer à quelque distance au sud du Hoang-ho actuel. — On a vu plus haut (note 122) quel était le cours du Hoang-ho au temps du Tribut de Yu ; en se reportant à la description que nous en avons donnée, on verra que la province de Yen, limitée au nord-ouest par le Hoang-ho, au sud-est par la rivière Tsi, devait comprendre la partie sud-est du Tche-li, la partie nord du Chan-tong et une partie de la préfecture de Wei-hoei, dans le Ho-nan.
  24. Le Eul ya mentionne huit de ces neuf branches ; ce sont : le T’ou-hai, le T’ai-che, le Ma-kié, le Fou-fou, le Hou-sou, le Kien-kié, le Keou-p’an et le Ko-tsin. La neuvième branche serait le Ho proprement dit. On ferait des volumes avec les commentaires que les érudits chinois ont écrits pour identifier tous ces noms. M. von Richthofen fait à ce sujet une très juste remarque : « Quelques commentateurs se sont efforcés de retrouver un à un les neuf Ho dans les divers cours d’eau du temps présent. C’est là naturellement du travail en pure perte, non seulement parce que des changements considérables se sont produits depuis ce temps, mais aussi parce que nous avons autant de peine à croire que le Ho coulait juste en neuf branches, que nous en avons à admettre que la Chine d’alors ne possédait que neuf fleuves. (China, t. I, p. 322, n.).
  25. L’étang de Lei-hia n’est autre que l’étang de Lei dont il a été question dans la légende de Choen (cf. p. 72). Il est marqué sur les cartes chinoises au sud du Hoang-ho actuel, au nord-est de la préfecture de Ts’ao-tcheou, dans le Chan-tong. Ts’ai Tch’en explique le nom de ce lac en rappelant la légende suivante tirée du Chang hai king : « Dans ce lac il y a le dieu du tonnerre (lei) ; il a le corps d’un dragon et la figure d’un homme ; lorsqu’il frappe sur son ventre, c’est le tonnerre. Or le lac s’appelait à l’origine le lac Hia ; on l’appela aussi du nom de ce dieu et son nom fut Lei-hia.
  26. Le cours actuel du Hoang-ho paraît avoir fait disparaître les deux petites rivières appelées Yong et Tsiu ; on n’en trouve plus qu’un vestige dans le canal de Tsiu qui est sur le territoire de la préfecture secondaire de P’ou.
  27. D’après Ts’ai Tch’en, cette proposition et la précédente se rattachent aux travaux de Yu : les vers à soie craignent l’humidité ; c’est pourquoi ils ne se multiplièrent que lorsque les eaux se furent retirées ; c’est alors aussi que les hommes purent quitter les collines où ils s’étaient réfugiés et venir habiter dans la plaine auparavant inondée.
  28. La traduction que nous donnons de cette phrase s’appuie sur le commentaire de K’ong Ngan-kouo. On a vu plus haut (p. ╓100-101 ) que Yu travailla treize années à combattre l’inondation ; la province de Yen fut la dernière dont il s’occupa et elle ne fut mise en culture que la treizième année ; les redevances eurent le même rang que la province, c’est-à-dire qu’elles furent les dernières. qu’elles eurent le neuvième rang. — Ts-ai Tch’en propose une autre interprétation qui est adopté par M. Legge : le mot [] signifie, d’après lui, que les redevances étaient exactement ce qu’elles devaient être ; comme d’ailleurs la province de Yen avait beaucoup souffert de l’inondation, ce ne fut qu’au bout de treize années de culture qu’on exigea les redevances. — Mais on ne voit plus, dans cette explication, comment le rang des redevances serait indiqué, car il est puéril de dire avec Ts’ai Tch’en que les redevances les plus légères sont considérées par le souverain comme les plus parfaites ; il faut cependant que ce rang soit signifié d’une manière quelconque puisqu’il l’est pour toutes les autres provinces. D’autre part le nombre de treize années offre une coïncidence remarquable avec la durée attribuée aux travaux de Yu et Ts’ai Tch’en n’en tient pas compte. Enfin le Che ki loen wen place le signe de ponctuation après le mot tcheng et non, comme le fait M. Legge, après le mot tso. — Telles sont les raisons qui nous ont amené à traduire cette phrase comme nous l’avons fait.
  29. Outre les redevances, toutes les provinces, sauf celle de Ki où se trouve la capitale, envoient à l’empereur un tribut, c’est-à-dire des échantillons en nature de leurs produits les plus remarquables. M. Richthofen (China, 1, p. 355) remarque que cette coutume existe encore de nos jours : le Ngan-hoei envoie du thé ; le Se-tch’oan, des drogues médicinales, etc.
  30. Voyez un dessin de ces mannes dans le Dictionnaire chinois-français du P. Couvreur, p. 68.
  31. Mot à mot : des ornements en tissu.
  32. Après avoir indiqué en quoi consiste le tribut, le Yu kong décrit la route par laquelle on l’apportait jusqu’au Hoang-ho, c’est-à-dire jusqu’à la province où se trouvait la capitale. — D’après les indications de Yng Chao, la rivière T’a prenait sa source à Tch’ao-tch’eng à la frontière ouest du Chan-tong, un peu au nord du Hoang-ho actuel ; il se jetait dans la mer non loin de la sous-préfecture de Kao-yuan, préfecture de Ts’ing-tcheou, au sud du Hoang-ho. Étant données les modifications qu’a subies le système hydrographique de cette région, il est difficile de savoir si les rivières Tsi et T’a communiquaient entre elles ou si elles sont deux voies différentes pour arriver au Hoang-ho.
  33. La montagne Tai n’est autre que le célèbre T’ai-chan — préfecture secondaire de T’ai-ngan, province de Chan-tong.
  34. Les limites indiquées dans ce passage sont fort vagues ; certains critiques chinois croient cependant pouvoir préciser toutes les préfectures et sous-préfectures qui sont situées dans cette province ; nous ne les suivrons pas dans leur minutie qui n’est qu’un trompe-l’qeil ; d’une manière générale, la province de Ts’ing comprenait toute la partie du Chan-tong au sud de la rivière Tsi. D’après une théorie mentionnée par Tchang Cheou-kié, cette province aurait eu une étendue beaucoup plus considérable, car on lui aurait rattaché les pays qui s’étendent au nord et à l’est de la presqu’île du Chan-tong, par delà le golfe du Pe-tche-li. Cette bizarre assertion se fonde sur le fait que Choen aurait détaché une partie de la province de Ts’ing et l’aurait érigé en province de Yng : or, la province de Yng comprenait la contrée située à l’est et à l’ouest de la rivière Leao et s’étendait jusqu’en Corée. Nous ne sommes pas obligés, comme les commentateurs chinois, de pousser l’ingéniosité jusqu’aux limites de l’absurde, pour concilier entre elles les légendes de Choen et celles de Yu. Si nous nous en tenons strictement au texte du Yu kong, la province de Ts’ing était nettement circonscrite dans la presqu’île du Chan tong et ne passait pas d’un bond jusqu’au Leao-tong.
  35. Le territoire de Yu-i est cité dans le chap. Yao-tien du Chou king (cf. Annales principales des cinq empereurs, p.╓ 44 ). Il correspond à la préfecture secondaire de Ning-hai, à l’extrémité de la presqu’île du Chan-tong. Pour les commentateurs qui, comme Se-ma Tcheng, admettent que la province de Ts’ing comprenait aussi le sud de la Mandchourie, Yu-i désignerait les territoires à l’ouest de la rivière Leao.
  36. La rivière Wei est marquée sur les cartes modernes chinoises ; elle prend sa source dans la montagne Ki-ou, passe à Tchou tch’eng et se jette dans la mer au nord de la sous-préfecture de Tch’ang-i, préfecture de Lai-tcheou. — La rivière Tse se jette dans la mer plus à l’ouest, après avoir arrosé I-tou, Lin-tse, Lo-ngan et Cheou koang.
  37. Cette phrase ne se trouve pas dans le Chou king.
  38. Lin Tche-k’i veut que le mot ts’ouŏ ait ici le sens spécial qui lui est attribué dans la description de la province de Leang où il désigne certaines pierres à polir la jade. Le mot [] jouerait alors le même rôle que le mot wêi dans la description de la province de Yang où nous lisons que le tribut consiste en tels et tels objets et en bois (cependant, dans le texte de Se-ma Ts’ien ces deux mots sont omis). Cette opinion peut fort bien se soutenir.
  39. Le nom des barbares Lai s’est conservé dans celui de la préfecture de Lai-tcheou, province de Chan-tong ; il existe d’autre part, plus à l’est, une montagne Lai, dans la sous-préfecture de Hoang, préfecture de Teng-tcheou. Ce peuple devait donc occuper toute l’extrémité de la presqu’île du Chan-tong, à partir de Lai-tcheou. — Nous suivons l’avis de la grande majorité des commentateurs en ne donnant pas au mot wei le sens spécial de « cultiver la terre » qu’il a parfois dans le Yu kong ; la caractéristique des barbares est de n’être pas cultivateurs.
  40. Les mannes doivent être celles de la province et non celles des barbares, car dans la description des provinces de Yen et de Yu, on parle des mannes sans qu’il ait été question de barbares.
  41. D’après le Eul ya, le mot ién désigne une espèce de mûrier qui croît sur les montagnes ; Se-ma Ts’ien écrit [], qui doit avoir le même sens.
  42. La rivière Wen prennd sa source dans la sous-préfecture de Lai-tchou, puis passe tout près de T’ai-ngan tcheou ; une partie de ses eaux se jette dans le Hoang-ho après avoir traversé Tong-p’ing Tcheou ; une autre partie alimente le Grand Canal. D’après le texte que nous traduisons, cette rivière se serait jetée dans le Tsi ; mais nous avons vu que le Tsi, tel que le décrit le Yu kong, a cessé d’exister.
  43. La mer était la limite de cette province à l’est ; la rivière Hoai, au sud ; le T’ai-chan au nord. Quant à la limite occidentale, elle n’est pas mentionnée ; le Eul ya dit : « A l’est de la rivière Tsi, c’est la province de Siu » ; mais il est à remarquer d’une part que, dans le Eul ya, la province de Siu compnrend aussi celle de Ts’ing dont il a été question plus haut, et d’autre part que l’ancien cours de la rivière Tsi est fort difficile à déterminer exactement ; on ne peut donc s’appuyer sur ce texte pour dire que le Tsi était la limite occidentale de la province de Siu telle qu’elle est décrite dans le Yu kong. — Cette province devait comprendre le sud du Chan-tong et le nord du Kiang-sou et du Ngan-hoei. — Par suite d’une faute d’impression, le nom de cette province est écrit Ts’eu (= Ts’iu) dans la traduction de M. Legge ; mais dans les notes il est décrit correctement Seu (= Siu).
  44. La rivière Hoai prend sa source dans les montagnes de Tong-pe, à la limite commune des provinces de Ho-nan et de Hou-pe. Elle coule de l’ouest à l’est. Au temps de Yu, quand le Hoang-ho ne déversait dans le golfe du Pe-tche-li, le Hoai se jetait directement dans la mer. Quand le Hoang-ho changea de cours et vint aboutir dans la province de Kiang-sou, son embouchure fut l’ancienne embouchure de la rivière Hoai et cette dernière ne fut plus considérée que comme un des affluents du grand Fleuve. Enfin depuis 1854, le Hoang-ho coule au nord du Chan-tong : le Hoai n’arrive plus jusqu’à la mer ; il se déverse dans le lac Hong-tse, qui communique avec le lac Kao yeou et celui-ci alimente le Grand Canal. — La rivière I prend sa source aux montagnes I, dans le Chan-tong, passe dans la sous-préfecture de I-choei, puis dans la préfecture secondaire de I. Au temps de Yu, elle devait se jeter dans la rivière Hoai non loin de Hoai-ngan-fou. Aujourd’hui, d’après M. Richthofen (China, I, 338), un de ses bras se rend dans le Grand Canal, tandis qu’un autre se réunit au réseau de canaux qui relie à la mer les cours inférieurs de tous les fleuves de cette contrée. — Se-ma Ts’ien remplace le mot [] du Chou king par le mot [] qui a le même sens, mais est d’un usage plus fréquent.
  45. Mong et Yu sont les noms de deux montagnes. La montagne Mong se trouve à 4 kilomètres environ au sud de la sous-préfecture de Mong-yn, préfecture de Ts’ing-tcheou province de Chan-tong. — La montagne Yu était située à l’extrémité nord-est de la province de Kiang-sou, dans la sous-préfecture de Kan-yu, préfecture de Hoai-ngan.
  46. Le lac Ta- n’existe plus aujourd’hui ; il devait se trouver, d’après Ts’ai Tch’en, sur le territoire de l’actuelle sous-préfecture de Kiu-ye, préfecture de Yen-tcheou, province de Chan-tong. — Se-ma Ts’ien remplace le mot tchōu du Chou king par le mot []. Kong Yng-ta explique le mot du Chou king et Kong Ngan-kouo celui du Che ki de la même manière : tous deux désignent un lieu où l’eau se fixe.
  47. Tong-yuen correspond à la préfecture secondaire de Tong-p’ing, préfecture de Yen-tcheou, province de Chan-tong. — Tong-yuen (la plaine orientale) était ainsi appelé parce qu’il se trouvait à l’est de la rivière Tsi et en effet, au temps de l’empereur King de la dynastie Han, le royaume de Tong-p’ing qui occupait ce territoire était aussi appelé royaume de Tsi-tong
  48. D’après le commentaire de Li Tao-yuen au Choei king, les terres de cinq couleurs étaient fournies par la sous-préfecture de Tchou-tch’eng, préfecture de Ts’ing-tcheou, province de Chan-tong. Ces terres étaient un objet rituel dont on se servait dans la cérémonie de l’investiture conférée par le Fils du ciel aux seigneurs : sur l’autel du dieu de la terre, à la capitale, il y avait de la terre jaune au centre, de la terre verte à l’est, de la terre rouge au sud, de la terre blanche à l’ouest, de la terre noire au nord ; on donnait au nouveau seigneur un peu de la terre qui correspondait à la situation de son fief par rapport à l’un des quatre points cardinaux ; à son retour dans ses États, le seigneur déposait cette terre sur un autel ; elle devenait le dieu local qui légitimait son autorité sur la contrée. Cf. le livre des Tcheou trouvé dans une tombe de Ki (ce livre fait partie de la collection intitulée Han wei ts’ong chou), au § 48. La même coutume existait encore au temps des Han, comme on le verra plus loin en lisant les lettres d’investiture qui nous ont été conservées au chap. IX des Mémoires historiques et les Additions de Tchou Chao-suen à ce chapitre.
  49. D’après K’ong Yng-ta, le mot hià ne doit pas être séparé ici du mot  ; l’expression totale désigne une sorte de faisan. Il est probable qu’on recherchait surtout ces -oiseaux pour leurs plumes. D’après Tcheng Hiuen, le mot hià signifie « de couleurs variées ».
  50. La montagne I dont il est ici question se trouvait dans la préfecture secondaire de P’ei, préfecture de Hoai-ngan, province de Kiang-sou. — L’arbre t’ôung est identifié par M. Bretschneider (Botanicon sinicum, n° 515) avec le Paulownia imperialis. Le bois de cet arbre était fort estimé pour faire des boîtes d’instruments de musique à cordes. Le mot solitaires désigne probablement ceux de ces arbres qui, croissant isolés, étaient de la plus belle venue.
  51. La rivière Se prend sa source dans la sous-préfecture de Se-choei ; peu avant d’arriver à la ville préfecturale de Yen-tcheou, elle se divise en deux branches : l’une, plus septentrionale, traverse Yen-tcheou-fou et est appelée pour cette raison rivière de la préfecture ; l’autre coule plus au sud et garde le nom de rivière Se ; toutes deux aboutissent au Grand Canal. — La description que Ts’ai Tch’en fait du cours de cette rivière est différente ; d’après lui, la rivière Se, après avoir pris sa source dans la sous-préfecture de Pien (aujourd’hui sous-préfecture de Se-choei), aurait passé à P’ong-tch’eng (aujourd’hui préfecture secondaire de T’ong-chan, préfecture de Siu-tcheou, province de Kiang-sou) et se serait jetée dans la rivière Hoai à Hia-p’ei (aujourd’hui préfecture secondaire de P’ei préfecture de Siu-tcheou, province de Kiang-sou), peut-être une partie de ce que nous appelons aujourd’hui le Grand Canal n’était-elle autrefois que la continuation du cours de la rivière Se. — Les pierres que cette rivière déposait sur ses bords, ou, suivant d’antres commentateurs, qui semblaient flotter dans ses eaux, avaient une sonorité toute particulière ; aussi les employait-on pour en faire des instruments de musique.
  52. Les deux mots Hoai i désignent, d’après K’ong Ngan-kouo, deux rivières. Tcheng-hiuen est, au contraire, d’avis qu’ils signifient : les barbares du Hoai.
  53. D’après Ts’ai Tch’en, il s’agirait non de soies fines, comme l’explique K’ong-Ngan-kouo, mais d’étoffes dont la chaîne est noire et la trame blanche.
  54. De la rivière Hoai on gagnait la rivière Se (cf. note 159) et celle-ci, par ses communications soit avec la rivière Tsi, soit avec la rivière Yong i, pouvait en définitive conduire jusqu’au Hoang-ho. Mais les éditeurs du Chou king de Yong-tcheng montrent que cette explication de Ts’ai Tch’en n’est pas très satisfaisante. La question sera toujours de savoir quelles transformations le Grand Canal a opérées dans l’hydrographie de cette contrée. — Certains critiques modernes (H. T. K. K., ch. CCCXCII, p. 15 r°) substituent au mot [] le mot [] en se fondant sur la leçon donnée par le Chouo wen ; l’étang de Ko était au sud, de la sous-préfecture de Hou-ling aujourd’hui sous-préfecture de Yu-tai, préfecture de Tsi-ning, province de Chan-tong) ; il communiquait avec la rivière Se. — Mais cette correction de texte est inadmissible, car il est évident qu’ici, comme dans la description des autres provinces, on trace la route par laquelle le tribut était apporté au Hoang-ho et par suite à la capitale.
  55. K’ong Ngan-kouo dit : « Au nord cette province avait pour limite la rivière Hoai ; au sud elle s’étendait jusqu’à la mer. — Si on prenait cette seconde phrase au pied de la lettre, la province de Yang aurait eu une aire immense qui aurait compris jusqu’à la Cochinchine. Mais M. Legge a bien montré les raisons qui semblent prouver que cette province ne dépassait pas la chaîne de montagnes appelée Nan-ling, au nord du Koang-tong.
  56. Le lac P’ong-li est plus connu des Européens sous le nom de lac Po-yang (il s’y trouve en effet une petite île montagneuse de ce nom). Le lac Po-yang est une immense nappe d’eau qui s’étend dans le nord de la province de Kiang-si, immédiatement au sud du Yang-tse-Kiang avec lequel elle communique. — Les oiseaux migrateurs (proprement : les oiseaux du soleil, c’est-à-dire, ceux qui se conforment aux saisons déterminées par le cours du soleil peur émigrer du nord vers le sud ou inversement) sont les oies sauvages qui, en hiver, venaient se réfugier dans les provinces méridionales de l’empire.
  57. Les érudits chinois ont beaucoup écrit sur les trois Kiang. On trouvera un écho de leurs discussions dans les notes de M. Legge au Yu kong (p. 109), dans l’article de M. Edkins intitulé : On the ancient mouths of the Yang-tse-Kiang (Journ. North. China Branch As. Soc., vol. II, 1860, p. 77-84), et dans Richthofen (China, t. I, p. 331-334). M. Richthofen a étudié la question avec la compétence d’un géologue et voici la conclusion à laquelle il aboutit : § le Kiang du nord était le Yang-tse-Kiang actuel, de Ou-hou à la mer ; § le Kiang central était une branche du Yang-tse-Kiang qui se détachait à Ou-hou, traversait le lac T’ai-hou et se jetait dans la mer près de Hang-tcheou-fou ; § le troisième Kiang était le Tche-Kiang (appelé Tsien-tang-Kiang par Richthofen et Wells Williams, mais je n’ai pas pu découvrir ce nom sur les cartes chinoises) qui aboutit aussi. à la baie de Hang-tcheou-fou.
  58. Le lac de Tchen n’est autre que le T’ai-hou, qui se trouve en partie dans la province de Kiang-sou et en partie dans celle de Tche-Kiang.
  59. Le Chou king écrit [] ; ces mots désignent deux sortes de bambous, le premier plus petit que le second ; Se-ma Ts’ien donne la leçon [] qui est l’explication du premier des deux mots du Chou king.
  60. D’après K’ong Ngan-kouo, les métaux des trois sortes étaient l’or, l’argent et le cuivre ; le reste du tribut consistait en pierres estimées, en bambous, en défenses d’éléphants, en peau de rhinocéros, en plumes d’oiseaux et en queues de yak. — On se servait de la peau de rhinocéros pour faire des cuirasses et des queues de yak pour faire des guidons. — Le Chou king ajoute encore les deux mots [] = et des bois. Mais Se-ma Ts’ien omet cette mention.
  61. Le Che ki et le Chou king s’accordent pour écrire []. La traduction « barbares des îles » est ici beaucoup plus admissible que lorsqu’il s’agissait de la province de Ki (voyez plus haut, p. 98, note 3). Tchang Cheou-kié veut qu’il s’agisse du Japon ; mais il est bien peu croyable que des relations aient existé à une époque aussi reculée entre la Chine et le Japon. Il serait plus problable qu’il est fait allusion ici soit à l’archipel des Tcheou-chan (Chusan), soit même à Formose.
  62. Cette traduction de [] est justifiée par le sens de l’expression [] dans le Che king (Legge, Chinese Classics, t. V, p. 346).
  63. On doit donner ici à le sens qu’il a dans l’expression [] = conférer un ordre (en parlant de l’empereur).
  64. En descendant le Yang-tse-Kiang, puis en longeant la côte, on arrivait à l’embouchure de la rivière Hoai ; nous avons vu plus haut que, par le moyen des rivières Hoai et Se, on parvenait au Hoang-ho et ainsi à la capitale. — Le mot A est, d’après Tcheng Hiuen, l’équivalent du mot iên, qui est la leçon du Chou king. Tous deux signifient « descendre un fleuve en en suivant le courant ».
  65. Au nord, cette province s’étendait jusqu’à la montagne King (à quelque distance au nord de la sous-préfecture de Nan-tchang, préfecture de Siang-yang, province de Hou-pe). Au sud, elle comprenait la montagne Heng (sous-préfecture de Heng-chan, préfecture de Heng-tcheou, province de Hou-nan) et la dépassait, car c’est ainsi que K’ong Yng-ta explique l’expression « le sud de la montagne Heng ». Cette province comprenait essentiellement le Hou-pe et le Hou-nan actuels.
  66. La rivière Han arrose dans son cours supérieur le sud de la province de Chàn-si ; elle débouche dans le Hou-pe à l’extrémité nord-ouest de cette province et se jette dans le Yang-tse à Ou-tch’ang.
  67. Cette comparaison fait allusion soit à la majesté, soit à la rapidité de leur cours.
  68. L’identification des neuf fleuves a donné lieu à une multitude de discussions entre les érudits chinois. Se-ma Ts’ien lui-même devait les placer dans les environs immédiats du lac Po-yang, car, dans son annotation au Traité sur les canaux, il dit qu’il est monté sur la montagne Lou, située auprès de ce lac, et que de là il a vu les neuf fleuves ; cette identification a joui longtemps d’un grand crédit et il en est resté une trace durable dans le nom de Kieou-kiang donné à une villé qui se trouve sur le Yang-tse au point où il communique avec le lac Po-yang. — Cependant nous avons vu que le lac Po-yang était expressément mentionné, sous le nom de P’ong-li, par le Yu kong comme se trouvant dans la province de Yang ; puisque les neuf fleuves étaient dans la province de King, ils ne sauraient donc se confondre avec le système hydrographique du lac Po-yang. L’opinion généralement adoptée aujourd’hui est que les neuf fleuves doivent être identifiés avec le lac Tong-t’ing ; c’est celle à laquelle se rattachent aussi MM. Legge et Richthofen ; ce dernier explique de la manière suivante comment le lac Tong-t’ing peut être appelé les neuf fleuves : « Le sens de l’expression « les neuf fleuves » ne pouvait jusqu’ici pas être compris par les commentateurs européens parce que la nature du lac Tong-t’ing ne leur était pas connue. En effet, lorsque les eaux sont basses, ce lac est une vaste étendue de sable coupée par de nombreux canaux dans lesquels se précipitent avec un cours rapide les rivières qui viennent du sud et de l’est rangées comme des rayons. Il n’y a plus alors apparence de lac et on pouvait, si on ne s’attache pas trop strictement au dénombrement, nommer en fait ce pays celui des neuf fleuves.
  69. Le Eul ya dit : « Une rivière qui sort de Kiangs s’appelle T’o ; une rivière qui sort du Han s’appelle Ts’ien. — Les Mémoires historiques remplacent le mot ts’ien par le mot []. — Dans la sous-préfecture de Tche-Kiang, préfecture de King-tcheou, il y a bien une rivière T’o, mais elle se jette dans le Yang-tse au lieu d’en sortir. C’est pourquoi Tcheng K’ang-tc’heng préfère identifier le T’o avec la rivière Hia qui, dit-il, sort du Yang-tse pour se jeter dans la rivière Mien, nom que porte la rivière Han dans une partie de son cours. Inversement, la rivière Tch’en ou Ts’ien sortait du Han pour se jeter dans le Yang-tse. Quoiqu’il soit difficile de déterminer avec précision le cours du T’o et du Tch’en, on verra, en regardant une carte chinoise du Hou pe, que les eaux du Han et celles du Yang-tse communiquent entre elles par des ramifications compliquées avant leur confluent définitif à Ou-tch’ang.
  70. On appelait Yun-mong une contrée marécageuse qui s’étendait au nord du Yang-tse, depuis la sous-préfecture de Kien-li dans la préfecture de King-tcheou, jusqu’à celle de Yun-mong dans la préfecture de -ngan. Peut-être distinguait-on deux lacs, celui de Yun et celui de Mong, ce qui justifierait la leçon du Chou king. Quoi qu’il en soit, ce qui est certain c’est que, même en admettant que Yun et Mong soient deux lacs, ils devaient être tous deux au nord du Yang-tse ; c’est par erreur que M. Legge place Kiang-hia (aujourd’hui dans la sous-préfecture de Yun mong) et Hoa-yong (aujourd’hui dans la sous-préfecture de Kien-li) au sud du Yang-tse.
  71. L’arbre tch’oen paraît être le même que celui qui est mentionné par le Pen ts’ao sous le nom de [] : ce dernier est le Cedrela sinensis (Bretschneider, Jour. China Br. of the R. As. Soc., vol. XXV, p. 354). — K’ong Ngan-kouo identifie l’arbre kan avec l’arbre Cudrania triloba (Bretschneider, loc. cit., p. 332) ; le bois de cet arbre était fort dur et servait à faire des arcs. — L’arbre koai paraît à M. Bretschneider (loc. cit., p. 339) être le Juniperus chinensis. — L’arbre po est une sorte de cyprès, le Thuya orientalis (Bretschneider, loc. cit., p. 336).
  72. Ce sont deux sortes de bambous dont on se servait pour faire des flèches (cf. Bretschneider, art. cit., n° 564). — L’arbre hou était employé aux mêmes usages ; M. Bretsohneider (ibid., n° 543) renonce à l’identifier.
  73. Les trois royaumes sont synonymes de la province de King ou peut-être seulement d’une partie de cette province. Les commentateurs chinois n’expliquent pas d’une manière satisfaisante l’origine de cette expression.
  74. Cette herbe devait être une sorte de graminée : elle avait trois côtes ; elle était employée pour filtrer le vin dans le sacrifice que l’empereur rendait à ses ancêtres (M. Bretschneider, n° 459).
  75. Cf. note 176.
  76. D’après le chapitre CXXVIII des Mémoires historiques, cette tortue vit mille années ; elle est longue d’un pied deux pouces. — On en faisait chauffer l’écaille et les craquelures qui se produisaient à la surface étaient interprétées par les devins. — Le mot paraît avoir ici le sens d’offrande extraordinaire. L’animal en question étant rare, on ne l’apporte que lorsqu’on a eu la chance de le trouver.
  77. Le texte des Mémoires historiques répète le mot [] devant le mot Hán, ce qui rend le sens de la phrase plus clair que dans le Chou king ; pour aller de la province de King à la capitale, on naviguait, suivant le lieu d’où on partait, soit sur le Kiang, soit sur le T’o, soit sur le Tch’en ; mais il fallait ensuite de toute nécessité remonter le cours de la rivière Han ; puis on devait faire un portage par terre pour passer du bassin du Han dans celui du Lo, affluent du Hoang-ho.
  78. (186. ) La montagne King était la limite de cette province au sud ; le Hoang-ho l’était au nord ; à l’est, la province de Yu était contiguë de celle de Siu. Elle devait comprendre la majeure partie de la province de Ho-nan et les parties avoisinantes des provinces de Tche-li, Chan-tong, Ngan-hoei et Hou-pe.
  79. La rivière Lo prend sa source dans la sous-préfecture de Lo-nan, préfecture de Chang, province de Chàn-si. Elle pénètre dans le Ho-nan sur le territoire de la sous-préfecture de Lou-che ; elle passe au sud de Ho-nan-fou et se jette dans le Hoang-ho, non loin de la sous-préfecture de Fan-choei, préfecture de K’ai-fong. — La rivière I est un affluent de droite du Lo ; les rivières Tch’en et Kien en sont des affluents de gauche. Voyez pour plus de détails les notes de M. Legge à ce passage du Yu kong, qui n’offre d’ailleurs pas de difficultés.
  80. K’ong Ngan-kouo explique le mot po du Chou king dans son sens ordinaire de « flot ». Se-ma Tcheng interprète le mot Po du Che ki comme signifiant « eaux débordées ». Il n’y a donc pas lieu de supposer deux lacs dont l’un s’appellerait Yong et l’autre Po, ni, d’autre part, d’appeler Yong-po le lac qui a toujours eu simplement le nom de Yong. Le lac de Yong était desséché et avait cessé d’exister dès l’époque des Han, comme nous l’atteste Tcheng Hiuen ; il se trouvait sur le territoire des sous-préfectures actuelles de Yong-tse et Yong-yang, préfecture de Kai-fong, province de Ho-nan.
  81. D’après les indications du Kouo ti tche, le lac Ming-tou (ou Mong-tchou, leçon du Chou king) se trouvait dans la sous-préfecture actuelle de Ting-t’ao, préfecture de Ts’ao-tcheou, province de Chan-tong. Quant à l’étang de Ko, il est marqué par les cartes chinoises modernes au lieu même où est située la ville préfecturale de Ts’ao-tcheou.
  82. Au lieu du mot, le Chou king écrit qui signifie « chanvre ».
  83. Sur le sens exact du mot, voyez note 161.
  84. Le sud de la montagne Hoa (qui est appelée plus loin T’ai-hoa) était la limite de la province à l’est. Cette montagne se trouve à peu de distance au sud de la sous-préfecture de Hoa-yn, préfecture de T’ong-tcheou, province de Chàn-si ; elle est au sud de la rivière Wei, à 60 li environ au sud-ouest du grand coude que fait le Hoang-ho.
  85. ► La rivière Hei est donnée ici comme la limite occidentale de la province de Leang ; au paragraphe suivant, une rivière du même nom est indiquée comme bornant à l'ouest la province de Yong. Enfin, quelques pages plus loin, dans la description générale des cours d'eau, nous lisons que la rivière Wei ou rivière Noire passe à San-wei et va se jeter dans la mer du Sud. Si nous faisons abstraction pour un moment de la foule de renseignements contradictoires que prétendent nous donner les érudits chinois, nous tirerons de ces textes les conclusions suivantes : la rivière Hei dont il est parlé dans le Yu kong est unique ; elle limite successivement à l'ouest les provinces de Leang (Kan-sou) et de Yong (Se-tch'oan) par son cours dirigé du nord au sud qui se déroule depuis la montagne San-wei (auprès de Toen-hoang au sud-ouest de Ngan-si-tcheou, Kan-sou) jusqu'à la mer du Sud. — Maintenant, qu'un pareil cours d'eau n'existe pas en réalité, c'est ce qui est manifeste. Mais on comprend comment les Chinois ont pu se faire cette idée erronée ; auprès de la montagne San-wei coule le Tang-ho dont la direction est celle du sud au nord, c'est-à-dire qu'elle est perpendiculaire à celle des fleuves de Chine (le Tang-ho est un affluent de gauche de la rivière Pou-loun-ki (Bouloungir) qui se jette dans le lac Kara-nor). D'autre part, à l'ouest du Se-tch'oan coule du nord au sud le Kin-cha-Kiang dont les Européens font le cours supérieur du Yang-tse-Kiang). Or, le Tang-ho et le Kin-cha-Kiang se trouvent tous deux dans des régions que les Chinois ne connaissaient point à l'époque du Yu kong ; ils ne possédaient à leur sujet que les quelques vagues données qu'ils avaient pu acquérir dans leurs expéditions contre les peuples barbares de ces contrées ; ils avaient ainsi appris que, soit au nord, soit au sud, on rencontrait du côté de l'ouest des cours d'eau dont la direction était perpendiculaire à celle des fleuves de Chine ; ils imaginèrent donc une rivière unique appelée le Hei-choei ou rivière Noire qui formait à l'ouest la limite du monde connu depuis la montagne San-wei au nord jusqu'à la mer au sud. C'est bien ainsi que les anciens commentateurs se représentaient la rivière Hei, comme on peut le voir sur la carte reproduite dans le Chou king de Yong-tcheng ; ce sont les commentateurs modernes qui, faisant intervenir dans l'interprétation du Yu kong des données géographiques inconnues autrefois, ont distingué deux rivières Hei, l'une à l'ouest de la province de Yong, l'autre à l'ouest de la province de Leang. — M. von Richthofen voit dans la mention de la rivière Hei et de la rivière Jo dont il va être parlé au paragraphe suivant, la preuve que les Chinois avaient dû primitivement habiter dans l'ouest et que, lorsqu'ils s'étaient graduellement avancés vers l'est, ils avaient gardé le souvenir de leur ancienne résidence (China, t. I, p. 317) ; à nos yeux, au contraire, la fausse idée qu'ils se faisaient de la rivière Hei montre que les régions de l'ouest leur étaient presque entièrement inconnues et qu'ils n'en parlaient que par ouï-dire.
  86. Le massif des montagnes Min sert de ligne de démarcation entre le Kan-sou, le Se-tchouan et la région du Koukou-nor ; la rivière Min (considérée par les Chinois comme le cours supérieur du Yang-tse-Kiang) y prend sa source. — Le nom de Pouo ou Pouo-tchong est donné à deux montagnes : § l’une, qui est celle dont il est ici question, est au sud de la préfecture secondaire de Ts’in, province de Kan-sou ; une branche de la rivière Kia-ling, appelée le Han occidental, y prend sa source. § L’autre montagne Pouo-tchong est au nord de la préfecture secondaire de Ming-Kiang, province de Chàn-si ; la rivière Han (qui n’a rien de commun avec le Han occidental) y prend sa source.
  87. D’après K’ong Ngan-kouo, le T’o et le Tch’en dont il est ici parlé seraient ceux-mêmes que nous avons vus mentionnés à propos de la province de King. Si nous rejetons cette opinion comme insoutenable, nous n’en sommes guère plus avancés, car un regard jeté sur la carte nous fera voir que les systèmes du Kiang et du Han ne s’anastomosent point dans la province de Leang. Peut-être les noms de T’o et de Tch’en sont-ils appliqués ici à des ramifications qui font communiquer entre eux le Kiang et un autre de ses affluents, par exemple le Kia-ling-Kiang ; mais ce n’est là qu’une pure hypothèse.
  88. Se-ma Tcheng dit que la montagne Mong se trouvait dans la sous-préfecture de Han-hia (aujourd’hui Ya-ngan, préfecture secondaire de Ya, province de Se-tch’oan), mais qu’il ne sait pas où était la montagne Ts-ai. Hou Wei suppose que la montagne Ts’ai était plus au sud, dans le groupe des Ngo-mei-chan, à l’ouest de Kia-ting-fou. — Le mot lu désigne le sacrifice fait aux montagnes.
  89. Certains commentateurs veulent voir dans Ho-i soit le nom d’une contrée, soit les noms de deux rivières ; les autres soutiennent qu’il faut donner au mot i son sens ordinaire de barbares et traduire : « les barbares qui habitent les bords de la rivière Ho ». Il n’est pas douteux que cette dernière interprétation ne donne le sens primitif de l’expression ; mais on peut admettre aussi que, longtemps après la disparition des barbares, le nom de Ho-i était resté attaché à la contrée qu’ils avaient autrefois occupée. Il nous semble peu vraisemblable que ce soit dans les régions encore habitées par des barbares que Yu aille mettre les champs en culture et élever des digues.
  90. Cette traduction s’appuie sur l’autorité de K’ong Ngan-kouo. M. Legge remarque que, si on l’adopte, le sol de la province se trouve déterminé seulement quant à sa couleur et non quant à sa qualité ; c’est pourquoi il adopte la manière de voir de Ma Yong qui veut que le mot li signifie « léger et fin ». La seule objection à faire à cette interprétation est que le mot li n’a jamais eu ce sens.
  91. Les redevances étaient, suivant les saisons de l’année, au septième, au huitième ou au neuvième rang ; en moyenne donc, on pouvait les considérer comme étant au huitième rang ; telle est l’explication de l’expression.
  92. D’après K’ong Ngan-kouo, est le nom d’une sorte de jade ; Tcheng Hiuen écrit ce même mot avec la clef du métal et prétend y voir le nom d’une excellente qualité d’or.
  93. D’après les indications données par le traité géographique (Ti li tche) du Livre des premiers Han, l’argent se trouvait au sud-ouest de l’actuelle sous-préfecture de I-Pin, préfecture de Siu-tcheou, province de Se-tch’oan.
  94. La montagne Si-k’ing est une chaîne fort étendue qui s’étend à travers la région du Koukou-nor et le Kan-sou jusqu’à la préfecture de Kong-tch’ang ; il en sera parlé plus en détail dans la description orographique qui suivra. — La rivière Hoan est identifiée par les commentateurs chinois avec la rivière Blanche ; si cette identification est exacte, le Choei king a tort de dire que la rivière Hoan prend sa source au sud des monts Si-k’ing ; en effet, la rivière Blanche prend sa source dans le Se-tch’oan, au pied des montagnes Min ; elle traverse l’extrémité sud du Kan-sou, puis rentre dans le Se-tch’oan et, sur le territoire de la sous-préfecture de Tchao-hoa, elle se jette dans la rivière Kia-ling ; c’est cette dernière (qu’on appelle quelquefois le Han occidental, cf. note 195), dont le cours supérieur est désigné sous le nom de Ts’ien dans notre texte. Ainsi les porteurs de tribut devaient aller par terre des monts Si-k’ing jusqu’à la rivière Hoan (ou rivière Blanche) ; ils descendaient ce cours d’eau jusqu’à Tchao-hoa ; de là ils remontaient la rivière Kia-ling (ou rivière Ts’ien) jusqu’au point où son cours se trouvait le plus rapproché de celui de la rivière Han (dont l’une des branches supérieures est la rivière Mien il de notre texte) ; ils faisaient alors un portage par terre pour passer d’un bassin dans l’autre. De la rivière Han, le texte ne nous dit pas comment on pouvait gagner le Wei, affluent du Hoang-ho ; il devait être nécessaire cependant de faire encore un transport par terre.
  95. Cf. note 193.
  96. Le Ho est appelé ici occidental parce qu’il s’agit de la partie du Hoang-ho située à l’ouest de la province de Ki où se trouvait la capitale.
  97. La province de Yong devait comprendre la majeure partie du Chàn-si et du Kan-sou actuels.
  98. Le nom de la rivière Jo est écrit [] dans le Chouo wen. Ce cours d’eau passait, lisons-nous plus loin, à Ho-li . Ho-li est le nom de la chaîne de montagnes le long de laquelle se déroule aujourd’hui la Grande Muraille, depuis Kan-tcheou jusqu’à Sou-tcheou, dans le Kan-sou, La rivière Jo doit donc être identifiée avec le Hei-ho qui passe à Kan-tcheou et se dirige du sud-est au nord-ouest (ce qui explique la phrase : la rivière Jo se dirigea vers l’ouest. Le Hei-ho se réunit en dehors de la Grande Muraille à la rivière Tola (T’ao-lai) ; après leur jonction, elles portent le nom d’Etsina ; celle-ci se dirige vers le nord et aboutit au lac Sogok (Souo-k’o-ngo-mo ; ce lac est aussi appelé lac d’Etsina ; sous les Han, c’était le marais de Kiu-yen). — Quoique la rivière Jo ou Hei ho n’ait été comprise dans les limites de l’empire qu’au temps de l’empereur Ou (140-87 av. J.-C.), il n’est pas surprenant que les Chinois l’aient connue dès l’époque du Yu kong ; en effet, le bassin de cette rivière a de tout temps été une des grandes routes par lesquelles se sont précipitées les invasions barbares ; on n’a qu’à lire le récit de la lutte des empereurs Han contre les Hiong-nou pour s’en convaincre et d’ailleurs le seul fait qu’on a construit la Grande Muraille tout le long de cette rivière prouve qu’on avait senti la nécessité d’en défendre l’accès. Dès les temps les plus reculés, les Chinois ont donc dû, soit repousser les assaillants venus de ce côté, soit lancer eux-mêmes des expéditions par cette voie et c’est ainsi que nous expliquons que cette rivière soit mentionnée dans le Yu kong.
  99. Dans notre traduction du mot [], nous adoptons le sens indiqué par le Chouo wen qui dit : On appelle [] deux rivières qui se réunissent. — La rivière Wei est un des principaux cours d’eau du Chàn-si ; elle prend sa source dans la sous-préfecture de Wei-Yuen, préfecture de Lan-tcheou, province de Kan-sou ; elle passe à Kong-tch’ang-fou dans la même province ; dans le Chàn-si, elle passe au nord de Si-ngan fou ; elle se jette dans le Hoang-ho au point exact où il change son cours du nord au sud pour prendre la direction de l’ouest à l’est. — La rivière King est un affluent de gauche de la rivière Wei ; elle prend sa source dans la sous-préfecture de P’ing-leang, préfecture de P’ing-leang, province de Kan-sou ; dans la province de Chàn-si, elle arrose la préfecture de P’in et se jette dans la rivière Wei au nord-est de Si-ngan-fou.
  100. Les rivières Ts’i et Tsiu, ont été l’objet de longues disrussions entre les érudits chinois (cf. Choei king tchou che, chap. XVI, p. 25 v° et suiv.). De leurs travaux il résulte : 1. que les rivières Ts’i et Tsiu du Yu kong ne doivent pas être confondues avec les rivières Tsiu et Ts’i du Che king (III, 1, première strophe de la 3e ode, traduction Legge, p. 437) ; les rivières citées par le Che king se trouvaient entre la préfecture secondaire de P’in et la montagne K’i (à l’est de Fong-siang-fou), c’est-à-dire qu’elles étaient à l’ouest de la rivière King ; au contraire, les deux rivières citées par le Yu kong sont, comme on le verra quelques pages plus loin, à l’est de la rivière King ; 2. même à l’est de la rivière King, deux identifications sont encore possibles, les uns disant avec K’ong Ngan-kouo que les rivières Ts’i et Tsiu se réunissent pour former la rivière Lo qui passe par les préfectures secondaires de Fou et de T’ong et confond son confluent dans le Hoang-ho avec celui de la rivière Wei ; les autres soutenant que la rivière Tsiu est la branche occidentale et la rivière Tsi la branche orientale du cours d’eau qui traverse la sous-préfecture de Fou-p’ing et vient aboutir dans la rivière Wei à l’est de la sous-préfecture de Lin-t’ong. C’est cette dernière opinion qu’adopte M. Legge et que nous croyons aussi la plus plausible,
  101. D’après le Kouo ti che, la rivière Fong prend sa source à la montagne Tchong-nan dans la sous-préfecture de Hou, au sud-ouest de Si-ngan-fou ; cette rivière était donc un affluent de droite du Wei.
  102. La montagne King se trouvait sur le territoire de la sous-préfecture de Fou-p’ing, préfecture de Si-ngan ; c’est là que, suivant la légende, Hoang-ti et plus tard Yu lui-même fondirent des trépieds. Cette montagne ne doit pas être confondue avec celle qui portait le même nom dans la province de King (cf. note 173) ; c’est sur celle de la province de King que Pien Ho trouva la pièce de jade qui devint si célèbre sous le nom de l’anneau de Ho (cf. Mayers, Manual, n° 551 ; Mémoires historiques, chap. LXXXI). — La montagne K’i est au nord de la sous-préfecture de Ki-chan, préfecture de Fong-siang ; c’est celle ntème que quelques commentateurs ont voulu à tort retrouver dans la montagne K’i mentionnée à propos de la province de Ki (cf. note 123). — Sur le sacrifice lu, cf. note 196.
  103. Le Tchong-nan est, d’après le Ti li kin che, une chaine de montagnes qui s’étend à l’est depuis la sous-préfecture de Lan-lien (au sud-est de Si-ngan-fou), jusque dans le territoire de la préfecture de Fong-siang, à l’ouest. — Le nom de la montagne Toen-ou est écrit Choen-ou dans le Chou king ; cette hauteur devait faire partie de la chaîne du Tchong-chan, car elle se trouvait dans la sous-préfecture de Mei, préfecture de Fong-siang, mais sur la rive droite de la rivière Wei. — La montagne Niao-chou était située à la source de la rivière Wei, dans la sous-préfecture de Wei-yuen, province de Kan-sou. — Le texte ne nous dit pas ce qui fut fait sur ces trois montagnes et probablement la phrase n’était à l’origine que la simple énumération des hauteurs de la province ; si on veut rattacher cette phrase à ce qui précède et à ce qui suit, il faut admettre que le mot lu est sous-entendu ; Yu fit des sacrifices sur le Tcheng-nan, le Toen-ou et le Niao-chou comme il l’avait fait sur les monts King et K’i.
  104. Le mot [] a ici le sens de « terrain haut et plat ». On sait que ce mot a aussi le sens de « source ». S’il a deux acceptions si différentes, c’est parce qu’il représente en réalité deux anciens caractères très distincts à l’origine, mais que l’orthographe actuelle a unifiés (H. T. K. K., ch. CCCXCII, p. 3 v°).
  105. L’étang de Tou- (le Che ki écrit tou partout où le Chou king écrit tchou) se trouvait situé, d’après les commentateurs, sur le territoire de la sous-préfecture de Tchen-fan, au nord de la préfecture secondaire de Leang, province de Kan-sou. Il est à remarquer que, sous les premiers Han, le territoire de Leang-tcheou appartenait à la tribu Hiong-nou de Hieou-tch’ou ; l’empereur Ou fut le premier qui le rattacha à l’empire en 115 avant J.-C. et en fit la commanderie de Ou-wei ; il est donc hautement improbable que l’étang de Tou- fût connu des Chinois à I’époque où l’on écrivit le Yu kong : il faut, ou que nous ayons affaire ici à une interpolation, ou que les commentateurs aient identifié arbitrairement le nom de Tou- au moyen de notions qu’on ne put avoir qu’après le règne de l’empereur Ou.
  106. On a vu plus haut que le peuple de San-miao passait pour avoir été transféré dans le pays de San-wei par Choen (cf. note 01.254).
  107. Ces trois sortes de pierres étaient fort estimées, mais on ne peut savoir exactement quelle en était la nature. D’après K’ong Ngan-kouo les pierres k’ieou et lin étaient des espèces de jades, tandis que le long-han était une pierre qui ressemblait aux perles.
  108. Le nom de Tsi-che (pierres entassées) est donné à deux chaînes de montagne : l’une, qui est la plus importante, est au sud du lac Kouhou-nor, sur la rive gauche du Hoang-ho ; la seconde est beaucoup plus à l’ouest ; elle est située au nord de la préfecture secondaire de Ho Îfa, préfecture de Lan-tcheou, province de Kan-sou, et marque la fin du cours montagneux du Hoang-ho ; c’est de cette dernière qu’il est ici question, puisque c’est seulement après l’avoir dépassée au lieu appelé Tsi-che-koan (passe du Tsi-che que le Fleuve devient navigable. — La montagne long-men est au nord de Han-tch’eng , préfecture de T’ong-tcheou, province de Chàn-si.
  109. D’après Ts’ai Tch’en, les gens qui naviguaient (apparemment sur le Hoang-ho), depuis le Tsi-che-chan jusqu’à Long-men, étaient les habitants du nord de la province de Yong ; les autres, c’est-à-dire les habitants du sud-ouest, les retrouvaient au confluent de la rivière lh’ei avec le Hoang-ho, parce qu’ils venaient en descendant la rivière R’ei.
  110. Les Koen-loen doivent ètre les habitants du massif montagneux lui portait ce nom. On a vu mentionnés plus haut (p. 89), les Jong de l’ouest, les Si-tche et les Kiu-seou. — D’après l’histoire des T’ang, le pays de Tang-hiang au temps des T’ang, correspondait à l’ancien Si-tche.
  111. Ici commence la seconde partie du tribut ; elle se compose d’abord d’une description des montagnes et des cours d’eaux. M. von Richthofen (China ; t. I, p. 303, n. 11 veut qu’on traduise la phrase de Se-ma Ts’ien : tao kieou chan comme signifiant : « disposition des neuf chaînes de montagnes. » Mais pour qu’une telle traduction fût possible, il faudrait qu’on eût en chinois kieou chan lao ; la règle de position nous oblige à faire du mot tao un verbe actif dont le complément direct est kieou chan et dont le sujet ne peut être Yu. La phrase tao kieou chan est analogue à la phrase ton kieou chan que nous avons rencontrée plus haut (p. 101 ; pour niveler (ton) les neuf montagnes, Yu les parcourt (tao). — Cette réserve faite, nous adoptons pour ce qui suit l’interprétation de M. von Richthofen ; ce savant a montré avec une rare ingéniosité que les neuf montagnes et les neuf fleuves ne sont pas des termes vagues, mais que le Yu kong décrit exactement neuf chaînes de montagnes et neuf cours d’eau et que, dans tout ce traité de géographie physique, l’intervention de Yu n’est point supposée. — On voit quelle est la position que nous prenons entre MM. Legge et von Richthofen ; M. Legge mentionne Yu partout ; M. von Richthofen ne le voit nulle part ; nous les concilions en distinguant dans le Yu kong une partie légendaire qui se rapporte à Yu et une partie scientifique qui en est indépendante : à côté de phrases où le sujet est Yu, nous en découvrons d’autres qui sont de simples énoncés scientifiques. Si notre traduction a quelque incohérence, n’est-elle pas par là-même une image plus fidèle du texte ? plutôt que de chercher à satisfaire la logique par une interprétation unilatérale ne vaut-il pas mieux suivre pas à pas la composition de ces vieux écrits anonymes qui ne furent assurément l’œuvre ni d’un seul homme, ni d’une seule époque, mais qui sont souvent une étrange synthèse de fragments disparates ?
  112. Les montagnes K’ien, K’i et King sont des collines sur la rive gauche de la rivière Wei, dans la province de Chàn-si : le K’ien est le plus occidental : il donne son nom à la rivière K’ien et à la sous-préfecture de K’ien-rang (dans la préfecture de Fong-siang) ; sur les montagnes K’i et King, cf. p. 132, n. 2. — M. von Richthofen rattache à cette phrase les cinq mots suivants et traduit : « et franchit le Ho à Hou-k’eou » ; mais la position de Hou-k’eou après le mot Ho me paraît rendre cette traduction inexacte ; je fais donc de ces cinq mots le commencement de la phrase suivante : « en traversant le Ho (c’est-à-dire en passant du Chàn-si dans le Chān-si), on trouve le Hou-k’eou..., etc. » Il me semble d’ailleurs que le Ilou-k’eoct se rattache mieux au système du Chān-si qu’à celui du Chān-si.
  113. Sur le Hou-k’eou, cf. p. 104, n. 1. — Le Lei-cheou est l’important massif que contourne le Hoang-ho à P’ou-tcheou, Chān-si. — Le T’ai yo n’est autre que le Hoao-T’ai-chan cf. note 124.
  114. Les trois montagnes Ti-tchou, Si-tch’eng et Wang-ou sont marquées par les cartes chinoises au sud de la sous-prefecture de Yang-tch’eng, préfecture de Tsé-tcheou, province de Chān-si ; elles sont situées à la limite entre les provinces de Chān-si et de Ho-nan et se succèdent, dans l’ordre de l’énumération, de l’est à l’ouest. — Les cartes chinoises marquent au beau milieu du Éoang-ho, à quelque distance en amont de la sous-préfecture de Yuen-k’iu (préfecture secondaire de Kiang, Chān-si), une autre montagne Ti-tchou ; c’est elle que M. Legge choisit pour l’identifier avec celle qui est mentionnée dans ce texte ; M. von Richthofen a montré (China, t. I, p. 306, n. 2) qu’il avait tort et que la montagne Ti-tchou dont il est ici question est à l’est et non à l’ouest de la montagne Wang-ou.
  115. Cette chaîne est celle qui limite la grande plaine du Tche-li à l’ouest et au nord. Elle porte le nom de T’ai-hang-chan (c’est-à-dire la grande chaîne) depuis la préfecture de Hoai-k’ing dans le Ho-nan jusqu’à la sous-préfecture de houo-lou préfecture de Tcheng-ting, province de Tche-li. Le Heng-chan (Se-ma Ts’ien écrit Tch’ang-chan, cf. p. 108, n. 1) a donné lieu à de nombreuses hypothèses de la part des critiques chinois ; MM. Legge et Richlhofen fixent son emplacement dans la sous-préfecture de K’iu-yang, au nord de la préfecture de Tchengling, province de Tche-li. — Pour le Kié-che, cf. p. 108, n. 1. Les contreforts de cette montagne devaient s’avancer dans la mer et c’est ce qui explique l’expression du texte : « elle entre dans la mer ».
  116. Le Niao-chou-chan, comme on l’a vu plus haut (p. 133, n. 1), est à l’ouest de la préfecture de Kong-tch’ang, province de Kan-sou ; c’est un massif isolé qui ne fait pas, à vrai dire, partie du système auquel ce texte le rattache ; mais il en est fort rapproché et en est comme un poste avancé vers le nord. — Toutes les autres montagnes qui sont ici mentionnées appartiennent au système appelé par M. von Richthofen le Koen-loen oriental ; le Si-k’ing-chan continue la chaîne du Tsi-che-chan à l’est du Hoang-ho ; elle passe au nord de T’ao-tcheou (sur la rivière T’ao, province de Kan-sou), puis se termine a environ 60 li au sud du Niao-chou-chan. En continuant à suivre les ramifications de ce système montagneux vers l’est, on trouve la montagne Tchou-yu 70 li à l’ouest de la préfecture secondaire de Ts’in, province de Kan-sou. Le mont T’ai-hoa (cf. p. 126, n. 1) peut être regardé comme l’extrémité orientale de la branche de ce système qui ferme sur la rive droite le bassin de la rivière Wei.
  117. Le système de cette chaîne est moins net que les autres ; voici cependant comment on peut l’exposer : Hiong-eul est à l’ouest de la sous-préfecture de Lou-che (préfecture secondaire de Chàn, province de Ho-pan) et sépare le bassin de la rivière Tan, affluent de la rivière Han, de celui de la rivière Lo. Le Hiong-eul se rattache à l’est au système du Song-chan qui, quoique ayant son pic principal dans la sous-préfecture de Teng-fong, au sud-est de Ho-pan-fou, s’étend aussi beaucoup plus à l’ouest, comme l’atteste le nom de la sous-préfecture de Son au sud-ouest de Ho pan-fou, non loin du Hiong-eul ; le Wai-fang était un des pics du Song-chan ; il séparait ainsi le bassin de la rivière Lo de celui de la rivière Jou. Le T’ong-pe est dans la sous-préfecture du même nom, au sud-est de la préfecture de N’an-yang, province de Ho-pan ; il sépare le bassin de rivière Han de celui de la rivière Hoai ; Enfin le P’ei-wei est identifié avec le Heng-wei, au nord de la sous-préfecture de Ngan-lou qui fait partie intégrante de la ville préfecturale de -ngan, province de Hou-pe (ne pas confondre cette sous-préfecture de Ngan-lou avec la préfecture de même nom qui est située plus à l’ouest, sur la rivière Han) ; cette identification du P’ei-wei est indiquée par le Kouo-ti-tche, par Se-ma Tcheng, Tcheng Hiuen, T’soi Tch’en et en général tous les commentateurs ; elle est très plausible puisqu’ainsi le P’ei-wei continue la délimitation orientale du bassin de la rivière Han. Seul l’ouvrage de critique moderne assez médiocre intitulé Ti li kin che place le P’ei-wei dans la sous-préfecture de Se-choei, province de Chan-tong ; la seule raison qu’il en donne est l’absurdité inhérente à un passage du pseudo K’ong Ngan-kouo où il est dit que le P’ei-wei est auprès de la sous-préfecture de \nnn-lou. mais que la rivière Hoai passe (Chou king, ch. V, p. 4 r°) ; cette absurdité est une des nombreuses preuves qu’on peut donner de l’inauthenticité du commentaire dit de K’ong Ngan-kouo) ; pour résoudre la contradiction, le Ti li kin che place la montagne P’ei-wei dans le Chan-tong, auprès de la rivière Se, autrefois affluent de la rivière Hoai (cf. note 159). Mais on peut trancher le problème d’une autre manière en ni.tnt simplement l’affirmation attribuée à K’ong Ngan-kouo et en disant que ni la rivière Hoai ni aucun de ses affluents ne passent auprès du P’ei-wei dont il est ici question. — Les quatre massifs montagneux mentionnés dans cette phrase ne constituent pas, si nos identifications sont exactes, une chaîne continue ; mais ils ont entre eux un étroit rapport puisqu’ils établissent une ligne de démarcation du nord au sud entre les rivières Lo, Tan et Han qui sont à l’ouest de cette ligne et le bassin de la rivière Hoai qui est à l’est.
  118. Le mot [] (auquel, pour ne pas rompre la suite des idées, je donne arbitrairement pour sujet la chaîne de montagnes) doit être en réalité une interpolation destinée à intercaler la tournée de Yu dans cette description orographique qui en est manifestement inciépendante.
  119. La montagne Pouo-tchong est à l’ouest de la sous-préfecture de Han-tchong et au nord de la préfecture secondaire de Ning-hiang, province de Chàn-si ; elle donne naissance à la rivière Yang qui se grossit de deux cours d’eau de moindre importance au relais de T’ai-ngan (à l’ouest de la sous-préfecture de Hien) et prend alors le nom de rivière Han. — La montagne King (cf. note 173) est beaucoup plus bas sur la rive droite du Han ; elle marque la fin de la partie montagneuse de ce bassin, comme la montagne Pouo-tchong en marquait le commencement.
  120. Le Nei-fàng et le Ta-Pié continuent la déli mitation du bassin du Han ; mais ce ne sont que des collines. Le Nei fang n’a guère que 600 pieds d’élévation au-dessus de la plaine ; il est, sur la rive droite du Han, au sud-ouest de la ville préfecturale de Ngan-lou, province de Hou pe. La colline Ta pié est exactement au confluent du Han et chi Yatzg-tse-kictizg, à côté cle la ville préfectorale de Han-yang.
  121. Dans cette phrase sont comprises toutes les montagnes sur la rive droite du Kiang depuis sa source qui est pour les Chinois celle de la rivière Min. Elles ne forment point un système continu ; M. von Richthofen a fort bien expliqué la raison de cette incohérence en disant que le Yu kong rejette dans cette phrase tout l’ensemble des montagnes du sud-ouest et du sud qui étaient alors presque entièrement ignorées des Chinois. La montagne Min est le massif au nord du Se-tch’oan ; il donne naissance à la rivière de mcme nom qui est considérée comme le cours supérieur du Yang-tse-Kiang. Le Heng-chan est généralement identifié avec la célèbre montagne au nord de Heng Tcheou-fou province de Ho-nan. — Les neuf Kiang nous amènent au lac Tong-ting (cf. note 176) et quant au plateau de Fou-ts’ien, le commentateur P’ei Yn s’appuie sur un texte du Kouo yu pour l’identifier avec la montagne Po yang, près du lac du mème nom, dans le Kiang-si.
  122. Ici, comme plus haut (cf. note 219), Se-ma Ts’ien ajoute une phrase au texte du Chou king, et cette phrase (il parcourut les neuf cours d’eau) nous oblige à faire intervenir Yu ; mais elle est une interpolation évidente ; il en est de même du mot qui se trouve en tète de quelques-unes des phrases de la description hydrographique qui suit ; nous ne pouvons pas, à cause des règles de la syntaxe chinoise, traduire ce mot par « cours de (tel ou tel fleuve) », comme le fait M. von Richthofen ; nous devons lui donner pour sujet Yu, comme le propose M. Legge, mais, une fois cette concession faite à l’élément légendaire, nous croyons que Yu est entièrement absent dans toutes les autres phrases qui nous décrivent le cours des fleuves et non les voyages de ce personnage. — Comme dans la description orographique qui précède, nous suivrons ici pas à pas M. de Richthofen dont les savantes analyses ont découvert dans ce texte, sous le fatras des commentaires chinois, une lumineuse exposition du système hydrographique de la Chine réparti en neuf bassins, à savoir : la rivière Jo, la rivière Hei, le Hoang-ho, la rivière Han, le Yang-tse-Kiang, la rivière Tsi, la rivière Hoai, la rivière Wei et la rivière Lo.
  123. Cf. note 206. Les sables mouvants sont le grand désert à l’ouest de Kia-yu-koan.
  124. Cf. note 193.
  125. Sur le Tsi-che et Long-men, cf. note 216 : sur la montagne Hoa ou Tei-hoa, cf. note 192 ; la montagne Hoa marque le point où le Hoang-ho tourne de la direction sud vers l’est. — La montagne Ti tchou est celle qui est au milieu du Hoang-ho, en amont de la sous-préfecture de Yuen-k’iu, province de Chān-si ; cf. note 222. — Le gué de Mong se trouve entre la sous-préfecture de Mong-tsin sur la rive droite du fleuve, et celle de Mong sur la rive gauche, à l’ouest de la préfecture de Hoai-k’ing, province de Ho-nan ; c’est un lieu célèbre dans les Annales chinoises. — C’est peu après son confluent avec la rivière Lo que le Hoang-ho quittait le lit où il coule aujourd’hui et se dirigeait vers le nord-est ; la montagne Ta-p’ei est au nord de la sous-préfecture de Siun, elle-même au nord-est de la préfecture de Wei-hoei, province de Ho-nan. — La rivière Kiang est identifiée avec le cours supérieur de la rivière Tchang actuelle ; la rivière Tchang est constituée par la jonction de deux branches, le Tchang clair, et le Tchang bourbeux ; toutes deux ont leur source dans le Chān-si, la première au nord de la préfecture secondaire de Leao, la seconde à l’ouest de la préfecture de Lou-ngan  ; elles se réunissent au lieu appelé Kiao tchang-k’eou, tout au nord du Ho-nan ; le Tchang ainsi formé devait, au temps du Yu kong, se jeter dans le Hoang-ho sur le territoire de la préfecture de Koang-p’ing, province de Tche-li. — Sur le lac Ta-lou, cf. note 129. — Sur les neuf Ho, cf. note 132. — Le nom du Ni-ho donne à entendre que les neuf fleuves s’y réunissaient en heurtant leurs cours opposés ; M. von Richthofen (I, p. 323) pense que les diverses branches du Ho se réunissaient peu avant de se jeter dans la mer, de la même manière que nous voyons de nos jours tout un système compliqué de cours d’eau confluer à T’ien-tsin ; M. von Richthofen admet que l’embouchure unique du Ho devait être au delà même de T’ien-tsin, dans les environs de la montagne Kié-che (cf. note 130).
  126. Le mont Pouo-tchong dont il est ici question est celui qui se trouve dans la province de Chān-si, cf. note 227. — En traversant le territoire de la préfecture secondaire de Kiun — (en amont de la préfecture de Siang-yang, province de Hou pe), le Han prenait le nom de rivière de Ts’ang-lang, suivant certains commentateurs parce qu’il se trouvait là une grande ile ainsi appelée. — Les trois Che — — ont donné lieu à de nombreux commentaires ; d’après le Choei king, c’était le nom d’une localité qui était dans la sous-préfecture de K’i, (au nord de l’actuelle sous-préfecture de I-tch’eng, préfecture de Siang-yang, province de Hou-pe) ; suivant Tcheng Muen on appelait les trois Che trois petits affluents du Han qui arrosaient le territoire de la préfecture de Ngan-lou ; Se-ma Tcheng se rattache à cette dernière opinion. — Sur la montagne Ta-Pié, cf. p. 139, n. 3. — Le marais de Hoei (nous l’avons vu plus haut désigné sous le nom de Hoai — cf. p. 67, n. 2) n’est qu’un autre nom du lac P’ong-li ou Po-yang ; peut-être ici est-il plus particulièrement la partie supérieure du lac, les marais qui lui donnent en quelque sorte naissance. Il est assez curieux d’ailleurs de voir comment l’hydrographie chinoise continue à suivre le cours du Han, même après son confluent avec le Yang-tse-Kiang, en lui rattachant le système du lac Po-yang et en le retrouvant dans la branche septentrionale du Kiang ; c’est une idée admise par la géographie chinoise que des fleuves peuvent se traverser sans se confondre. — Sur le Kiang septentrional, cf. p. 119, n. 2.
  127. Nous avons déjà souvent eu l’occasion de remarquer que la rivière Min, est regardée par les Chinois comme formant le cours supérieur du Yang-tse-Kiang. C’est donc le grand Fleuve dont nous avons ici la description. — Sur la montagne Min, cf. p. 1 W n. 1. — Dans le territoire de la préfecture de Tch’eng-tou, capitale du Se-tch’oan, le grand Fleuve, c’est-à-dire la rivière Min) se divise en une multitude de ramifications qui se réunissent plus bas en deux branches principales, l’une qui est la continuation du grand Fleuve, l’autre qui en reste séparée jusqu’à son confluent avec le Yang-tse-Kiang, auprès de la préfecture secondaire de Lute, et qui porte, comme au temps du Yu kong, le nom de T’o t`-û îl :. Ce singulier phénomène de bifurcation est très nettement indiqué dans notre texte. — Li est le nom d’une préfecture secondaire à l’ouest du lac Tong t’ing, province de Ho-nan ; elle prend son nom de la rivière Li qui, venant de la préfecture secondaire de Houo-fong, dans le Hou-pe, vient aboutir dans le lac Tong-t’ing. — Sur l’identification des neuf Kiang avec le lac Tong-t’ing, cf. p. 121, n. 4. Le Fong-ling ou colline de l’Est est dans la ville préfecturale de Yo-tcheou laquelle se trouve à la jonction du lac Tong-t’ing avec le Yang-tse-Kiang. — Le Hoei n’est autre que le lac Po-yang (cf. la note précédente) ; ce lac est mentionné aussi bien à propos du Han qu’à propos du Kiang, parce qu’il se trouve sur la partie de leur parcours qui leur est commune, c’est-à-dire après leur jonction à Han-yang et avant leur nouvelle séparation sous les noms de Kiang septentrional et de Kiang central.
  128. Sur le cours du Tsi, cf. note 131. — A sa sortie de la montagne Wang-ou, le Tsi s’appelait Yen ; mais il ne devait pas tarder à perdre ce nom, comme le prouve l’existence de la sous-préfecture de Tsi-yuen (c’est-à-dire source du Tsi), dans la préfecture de Hoai-k’ing, province de Ho-nan. Le Tsi se jetait dans le Ho tout près de la sous-préfecture de Mong. A une grande distance de là, en face de la sous-préfecture de Ou-tché, le Hoang-ho, au moment de tourner vers le nord, laissait échapper vers le sud-est un embranchement qui était considéré comme la continuation de la rivière Tsi ; cet embranchement formait l’étang de Yong (cf. note 188). — L’étang de Ko est dans le voisinage immédiat de la ville préfecturale de Ts’ao-tcheou à l’extrême ouest du Chan-tong ; comme l’étang de Yong et celui de Ko sont tous deux sur le bord même du Hoang-ho actuel, il est évident que le Hoang-ho coule maintenant dans l’ancien lit du Tsi. — D’après le texte du Yu kong, il est évident que la colline — appelée T’ao-kieou devait se trouver entre les lacs de Fong et de Ko ; on ne saurait donc la placer auprès de la sous-préfecture actuelle de Ting-t’ao, car celle-ci est au sud-est et non à l’ouest de l’étang de Ko ; on ne peut pas savoir quelle était sa situation exacte. — Sur la rivière Wen, cf. note 150. — L’embouchure du Tsi devait être celle de l’actuel Siao ts’ing-ho.
  129. Sur le mont T’ong-pe, cf. note 225. — Le système hydrographique de la rivière Hoai a été entièrement modifié par la construction du Grand Canal (cf. notes 152 et 159).
  130. Le Niao-chou-t’ong-hiue (c’est-à-dire le trou commun de l’oiseau et du rat) était le nom d’une montagne sur laquelle, d’après une légende, un oiseau et un rat avaient cohabité dans le même trou. C’est la montagne que nous avons vu appeler plus haut Niao-chou-chan (cf. note 224). — Sur la rivière Fong, cf. note 208. — Sur le King, le Ts’i et le Tsiu, cf. notes 206 et 207.
  131. Sur le Hiong-eul, cf. note 225. Sur le Lo et ses affluents, cf. note 186.
  132. Pour marquer le chemin. Cf. note 114. Le sens que nous adoptons ici est celui qui est indiqué par Kiang Cheng (H. T. K. K., ch. CCCXCII, p. 43 v°).
  133. M. Legge, en se fondant sur un passage du Loen yu (Chinese Classics, t. I, p. 112), donne aux deux mots [] [] le sens tout spécial d’audiences privées et audiences générales à la cour. J’ai suivi l’explication plus simple et plus naturelle de Kiang Cheng.
  134. Dans le Tso tchoan, à la 7e année du duc Wen (trad. Legge, p. 250), on lit : « L’eau, le feu, le métal, le bois, la terre et les céréales sont ce qu’on appelle les six domaines.
  135. Ce sont les trois catégories comportant chacune trois subdivisions entre lesquelles nous avons vu que les neuf provinces étaient réparties. Cf. note 127.
  136. M. Legge, se conformant à la ponctuation du Chou king de Yong-tcheng, rapporte les deux mots [] [] à la phrase précédente. Mais cette lecture n’est approuvée par aucun autre commentateur. Le royaume du Milieu comprend les neuf provinces ; il s’oppose aux royaumes-barrières, qui sont en dehors des neuf provinces.
  137. Le mot [] est l’équivalent du mot « se réjouir ».
  138. Cette phrase est une addition de Se-ma Ts’ien au texte du Chou king ; elle sert à introduire l’étrange division administrative dont la description va suivre. Les commentateurs chinois se sont ingéniés à tracer des diagrammes géométriques de l’empire distingué en cinq domaines. Le diagramme le plus simple et le plus conforme au texte sera celui qu’on construira de la manière suivante : tracez une croix dont chaque branche représentera une longueur de 2,500 li ; la capitale est censée au centre de la croix ; à partir de la capitale prenez une longueur de 500 li sur chacune des branches de la croix et faites passer par les quatre points ainsi déterminés des droites parallèles aux branches de la croix ; ces quatre droites en se coupant détermineront un carré dont la superficie sera (500 + 500) x (500 + 500) = 1,000,000 de li ; c’est le domaine impérial ; prenez maintenant une nouvelle distance de 500 li sur chacune des branches de la croix et tracez un autre carré dont les côtés soient parallèles au premier, la zone comprise entre le premier et le second carré constituera le domaine des seigneurs. Les branches de la croix ayant 2,500 li, on pourra déterminer sur chacune d’elles cinq points de 500 li en 500 li et tracer ainsi cinq carrés concentriques dont les distances mutuelles représenteront les cinq divisions de l’empire. Le plus grand carré aura 5,000 li de côté. — Dans le Tcheou li, à l’article du Ta se ma et à l’article du Tche fang che (trad. Biot, t. II, p. 167 et 276), on trouve un schème analogue de l’empire, mais il comprend neuf divisions en outre du domaine impérial ; chacune des branches de la croix doit donc s’étendre à une distance de 5,000 li et le plus grand carré aura 10,000 li de côté.
  139. Ts’ai Tch’en soutient que les corvées (qui consistent à faire le transport des grains à la capitale) sont le propre des trois premières classes et non, comme on pourrait le croire, de la troisième seulement.
  140. Le grain décortiqué a plus de valeur sous un moindre volume que le grain non décortiqué ; une redevance d’une certaine valeur en grain décortiqué est donc d’un transport plus facile que la même redevance en grain non décortiqué ; c’est ce qui explique pourquoi ce sont les sujets les plus éloignés qui paient leur impôt en riz décortiqué.
  141. Ce sens est celui qui est indiqué par Kiang Cheng (H. T. K. K., ch. CCCXCII, p. 46 r°) ; on apporte des présents au lieu des céréales que livraient les zones plus rapprochées de la capitale.
  142. Le texte des Mémoires historiques est [] « ceux qui ont des charges dans l’État ». Le texte du Chou king donne la leçon [] mais la plupart des commentateurs expliquent [] comme ayant le sens de [] (H. T. K. K., ch. CCCXCII, p. 46 r°) ; l’explication de Ts’ai Tch’en (Chou king, ch. V, p. 26 v°), qu’a suivie M. Legge en traduisant ce terme par « les royaumes des barons », me paraît insoutenable, car les barons sont compris au nombre des seigneurs qui occupent la zone suivante.
  143. Ce domaine est celui qui assure la paix de l’empire et sert d’intermédiaire entre le monde civilisé et le monde barbare ; dans la première zone de ce domaine, on polit les murs encore rudes des hommes par l’instruction ; dans la seconde zone, on les tient en bride au moyen des soldats.
  144. Les Man sont, dans ce texte, des peuples barbares plus éloignés que les I : on a vu que, dans d’autres textes, les Man sont les barbares du sud et les I ceux de l’est (cf. p. 68),
  145. Ce sens de est celui qui est indiqué par Ma Yong. M. Legge l’entend comme désignant des criminels condamnés à un exil plus lointain encore que les bannis dont il a été question dans le domaine de la paix.
  146. Nous suivons pour le sens et la ponctuation de cette phrase les indications du commentaire de Tcheng Hiuen (H. T. K. K., ch. CCCXCII, p. 47 v°). La traduction serait alors : « Au nord et au sud il parvint ; sa renommée et ses enseignements pénétrèrent jusqu’aux quatre mers. Mais la phrase « Au nord et au sud il parvint » est bien peu satisfaisante, car on est en droit de se demander jusqu’où il parvint, puisqu’à l’est et à l’ouest le texte dit très nettement jusqu’où il alla.
  147. Le mot i = fin, est ici l’équivalent du caractère ki = aller droit.
  148. Cette phrase commence par les mots et la phrase précédente finit par les deux mêmes mots. Certaines éditions de Se-ma Ts’ien ne laissent subsister qu’une seule fois cette expression. Le commentateur de l’époque de Kien-long, Tchang Tchao pense (Che ki, ch. II, annot. crit., p. 2 r°) que la première phrase devait se terminer par le mot [] et la phrase suivante commencer par [] : si l’on admet cette correction de texte, l’empereur confère à Yu un insigne en jade noir afin d’annoncer au Ciel (et non pas au monde) que son œuvre était bien accomplie. Ce sens est en effet plus satisfaisant. — Dans le texte du Chou king, c’est Yu qui présente à l’empereur l’insigne de jade noir pour lui annoncer qu’il a terminé ses travaux ; la leçon des Mémoires historiques est préférable, car les insignes sont conférés par l’empereur à ses sujets et l’inverse ne saurait avoir lieu. — Cette phrase termine le Yu kong.
  149. Dans la traduction de cette dernière phrase, nous suivons le sens indiqué par Tch’en Ta-yeou (Chou king, ch. III, p. 23 r°) qui seul nous paraît faire un mot-à-mot rigoureux. Le caractère est pris dans le sens qu’il a fréquemment de « ce qui peut passer, ce qui est bon, digne d’approbation ». Kao-yao, sur la demande de Yu, développe sa pensée ; il montre que si le souverain est vertueux, au près la famille sera bien disciplinée et digne d’éloge, et les sages aideront le prince ; au loin, l’empire tout entier lui sera soumis comme s’il était sous sa main.
  150. L’empereur dont il est ici question doit être l’empereur Yao qui, malgré sa vertu, n’avait pas été capable de nommer aux charges publiques les huit fils excellents de Kao-yang et les huit fils excellents de Kao-sin (cf. p.╓ 77 ) et qui attendit Choen pour exiler les quatre grands criminels. — Kiang Cheng (H. T. K. K., ch. CCCXCII, p. 3 v°) condamne cependant cette interprétation en disant que, Yao étant mort, un sujet comme Yu ne pouvait se permettre de critiquer sa conduite ; d’après Kiang Cheng, l’empereur est ici Choen ; Yu fait son éloge en disant que, quoique exerçant fort bien le gouvernement, il trouve sa tâche difficile et par conséquent il donne ses plus grands soins à l’accomplir.
  151. Quoique ni les commentateurs chinois ni M. Legge n’appellent l’attention sur le mot ts’iēn, ce mot me paraît assez difficile à traduire. Il est impossible de le rendre par « exiler » car c’est le souverain et non San-miao qui éprouve l’action exprimée par ce verbe, comme le montrent les phrases symétriques qui précèdent et suivent celle-ci. Je traduis donc le mot ts’ien comme signifiant « faire passer d’un État à un autre (au moral), émouvoir, troubler » ; mais je dois reconnaître que je n’ai jamais trouvé ce mot employé avec ce sens dans aucun autre texte.
  152. Hoan-teou et San-miao sont deux des quatre grands criminels (cf. p. ╓67-68 ) ; aussi les commentateurs chinois supposent-ils que l’homme trompeur n’est autre que Kong-kong ; Yu passe sous silence le quatrième criminel, Koen, parce que c’est son propre père.
  153. Le mot ĭ, en tête de cette phrase et de la suivante répond bien à notre expression « d’une part... de l’autre... ». Si d’une part on distingue en théorie neuf vertus dans la conduite humaine, d’autre part pour définir ces vertus dans la pratique, on sera obligé de décrire la conduite ; c’est en effet ce que fait Kao-yao dans ce qui suit.
  154. Ce discours de Kao-yao traite de la manière dont le souverain se connaît en hommes ; les neuf vertus qu’il décrit ne sont pas celles que doit posséder le souverain pour bien juger de la valeur des hommes, ce sont celles qu’il recherche chez ceux qu’il se propose d’appeler aux charges publiques.
  155. Le mot kiā ne désigne pas simplement ici une famille quelconque ; il a le même sens que dans l’expression « maison héréditaire ». Le chef d’une telle maison ne peut être qu’un haut dignitaire, c’est-à-dire un k’ing ou un ta-fou ; ainsi, celui qui a trois des neuf vertus énumérées plus haut sera digne d’être mis à la tête d’une maison, ou, en d’autres termes, d’être nommé haut dignitaire ; de même celui qui possède six de ces vertus sera digne d’être mis à la tête d’un royaume, ou, en d’autres termes, d’être nommé seigneur.
  156. [] est l’équivalent de répandre (sous-entendu = le gouvernement et l’enseignement). C’est l’idée que nous traduisons par le mot « administrer ».
  157. Hoai-nan-tse (chap. T’ai tsou hiun) et le Chouo wen disent tous deux que le mot désigne un homme qui en vaut mille autres ; — d’après Tcheng K’ang-tch’eng, le mot í désigne un homme qui en vaut cent autres.
  158. Cette phrase est substituée par Se-ma Ts’ien à d’assez longs développements du Kao yao mo dans le Chou king.
  159. Kao-yao dit par modestie qu’il ne sait pas si ses conseils sont dignes d’être mis en pratique, et qu’il cherche seulement à aider le souverain à se bien conduire. Tout ce texte est notablement différent de celui du Chou king. — Dans le Chou king traditionnel, le Kao yao mo et le I et Tsi sont deux chapitres distincts ; au contraire, dans Se-ma Ts’ien, le texte du I et Tsi suit celui du Kao yao mo sans aucune solution de continuité ; c’est une confirmation du fait déjà connu que ces deux chapitres n’en formaient qu’un seul dans le texte moderne du Chou king.
  160. Cf. n. 116. — Dans le texte du Chou king, tout ce développement est remplacé par la phrase : Je me servis des quatre modes de locomotion.
  161. Cf. note 114.
  162. Tous les commentateurs disent que cette nourriture fraîche est de la viande. Le mot paraît en effet avoir à l’origine le sens de viande fraîche ou crue. — Sur I, cf. note 01.299.
  163. Le kiuen était un canal de 1 pied de largeur et de 1 pied de profondeur ; le koei était un canal de 16 pieds de largeur et de 16 pieds de profondeur ; entre ces deux dimensions il y avait le soei de 2 pieds de largeur sur 2 de profondeur, le keou de 4 pieds de largeur sur 4 de profondeur, le siu = de 8 pieds de largeur sur 8 de profondeur. — Notre texte, en citant les canaux de la plus petite et ceux de la plus grande catégorie, donne à entendre qu’il s’agit de tous les canaux.
  164. Cf. note 01.296.
  165. Le sens de cette phrase est simple et clair dans le texte de Se-ma Ts’ien ; la leçon du Chou king [] est plus obscure ; les uns (H. T. K. K., ch. CCCXCI, p. 13 v°) … expliquent l’expression comme signifiant : la nourriture qui a des tiges, c’est-à-dire les céréales ; — d’autres opposent la nourriture qu’on ne se procure qu’avec effort, c’est-à-dire les produits de la culture, à la nourriture fraîche dont il a été question plus haut, c’est-à-dire aux produits de la chasse et de la pêche.
  166. Tout ce passage est d’une intelligence assez difficile ; le texte présente de notables différences avec celui du Chou king. Le sens général est le suivant : les fonctions d’empereur ont la plus grande importance ; si celui qui les remplit est attentif à ses devoirs, il aura le calme pour lui-même parce qu’il aura atteint le but de sa destinée ; par une conséquence naturelle, ses ministres seront vertueux et tout l’empire sera d’accord avec ses désirs, témoignant ainsi, en vertu de l’axiome : Vox Populi vox Dei, qu’il règne par droit divin ; le Ciel prouvera d’ailleurs de nouveau qu’il l’a investi de ce droit en le comblant de bienfaits. — Dans la dernière phrase, le mot [] est le signe du futur (cf. Stan. Julien, Syntaxe chinoise, t. I, p. 173).
  167. Après que Yu a montré à l’empereur quelle est l’importance de sa charge, l’empereur à son tour rappelle à ses ministres la gravité de leurs fonctions.
  168. Les ministres doivent donner toute leur attention aux manifestations visuelles et auditives de la régularité. Pour la vue, on a imaginé de peindre sur les vêtements de cour divers symboles (douze exacte ment ; les Mémoires historiques ne citent que les premiers, le soleil, la lune et les étoiles, qui étaient réservés aux vêtements impériaux) et l’ordre dans lequel ces symboles doivent apparaître aux audiences de la cour est fort important, car ils sont la marque visible de l’har monie ; les ministres ont donc à veiller à ce que le cérémonial concer nant les objets qu’on voit soit observé avec exactitude. Pour l’ouïe, la musique et les chants sont la pierre de touche du bon ou du mau vais gouvernement ; ils sont la marque auditive de l’harmonie ; les ministres doivent donc écouter avec attention la musique et les chants. — Dans ce passage fort difficile, le texte de Chou king paraît n’avoir pas toujours été bien compris par Se-ma Ts’ien lui-même ; c’est ainsi que les trois caractères par lesquels il remplace la phrase observer les qualités et les défauts du gouvernement) du Chou king, n’ont, de l’aveu de Se-ma Tcheng, absolument aucun sens ; il faut reconnaître d’autre part que la leçon du Chou king à son tour ne se comprend qu’à grand renfort de commentaires ; Kiang Cheng (H. T. K. K., ch. CCCXCI, p. 18 r°) propose d’adopter la leçon qui est indiquée par le chap. Lu li tche du Ts’ien Han chou — les chants des sept principes.
  169. Plusieurs commentateurs se fondent sur un passage du grand commentaire de Fou Cheng, pour dire que cette expression désigne quatre catégories de ministres : § ceux de devant étaient appelés i = (celui qui propose ou supprime) le doute ; § ceux de derrière étaient appelés tch’eng = celui qui aide ; § ceux de gauche étaient appelés fou = celui qui seconde ; § ceux de droite étaient appelés pi = celui qui soutient.
  170. Le début seul de cette phrase se trouve dans le Chou king. Se-ma Ts’ien est ici plus obscur encore que le livre classique,
  171. Dans le Chou king, il n’y a pas la phrase « l’empereur dit... » et les paroles qui suivent se trouvent donc dans la bouche de Yu. — La leçon de Se-ma Ts’ien semble être la meilleure, car elle est confirmée par un texte de la monographie du roi Yuen de Tch’ou, dans le Ts’ien Han chou et par deux textes du Loen heng de Wang Tch’ong (H. T. K. K., chap. CCCXCI, p. 22 r° et v°). — Ajoutons que le Chou king ne présente plus ici aucun sens suivi, tandis que la rédaction de Se-ma Ts’ien est à la rigueur intelligible ; voici comment on peut, je crois, exposer l’enchainement des idées : Choen se propose de prendre Yu pour successeur ; Yu commence par montrer qu’il en est digne en rappelant ses travaux antérieurs ; il disserte ensuite sur les devoirs du souverain et fait voir ainsi qu’il en comprend l’importance ; Choen appelle son attention sur le soin extrême avec lequel il devra choisir les hommes dont il fera ses ministres, car ce sont les ministres qui font réussir le gouvernement. Yu approuve cette parole. Choen lui fait alors une dernière recommandation (c’est le passage où nous nous sommes arrêtés en ce moment) ; il craint que Yu ne transmette l’empire à son fils (le fils de Choen, Chang-kiun), quoiqu’il en soit indigne ; prenant Tan-tchou, fils de Yao, comme exemple, il engage Yu à ne point favoriser la mauvaise conduite d’hommes de cette sorte et à en user envers Chang-kiun comme lui-même, Choen, en a usé envers Tan-tchou. Yu répond en rappelant que dans toute sa vie passée, il a mis son devoir au-dessus de ses affections et a su distinguer entre les hommes de bien et les méchants. Choen le reconnaît alors capable de lui succéder.
  172. Quoique les eaux débordées eussent été ramenées dans le lit des fleuves, Tan-tchou voulait encore aller en bateau là où la terre ferme avait réapparu.
  173. Les jours sin, jen, koei et kia sont quatre jours consécutifs (les trois derniers d’une série de dix jours et le premier de la série suivante) ; le texte de Se-ma Ts’ien est donc fort étrange, car le fils de Yu serait né le lendemain de son mariage et, comme le fait gravement remarquer Kiang Cheng, « c’est bien court. » Le texte du Chou king est plus admissible, car il donne simplement à entendre que Yu n’eut que quatre jours pour se marier.
  174. T’ou-chan est le nom d’une principauté que l’opinion généralement admise par les commentateurs place dans la sous-préfecture actuelle de Hoai-yuen, préfecture de Fong-yang, province de Ngan-hoei.
  175. K’i succéda plus tard comme empereur à son père, Yu.
  176. Sur les cinq domaines, cf. note 246. On a vu que le domaine le plus lointain devait avoir 5 000 li de côté.
  177. Pour un lecteur non prévenu, il est évident que les douze maîtres sont les douze pasteurs de peuples dont il a été parlé plus haut, note 01.303. Les Chinois épiloguent à l’infini sur ce texte parce qu’ils veulent mettre d’accord le chiffre de douze provinces attribué à l’empire de Choen et le chiffre de neuf provinces dont il est question dans le Tribut de Yu (cf.p. 65, n. 2). Voyez Legge, Chou king, p. 85-86.
  178. L’expression « les quatre mers » désigne ici les barbares des quatre points cardinaux.
  179. L’expression désigne, d’après Ou Tch’eng (commencement du IIe siècle), les cinq degrés de noblesse, kong, heou, po, tse, nan. Pour d’autres explications, voyez Legge.
  180. Par cette phrase, Yu montre qu’il a su distinguer entre les bons et les mauvais, récompenser les uns et punir les autres.
  181. Choen déclare Yu digne de lui succéder. — Le sens que nous donnons à cette phrase n’est point celui que lui attribuent les commentateurs chinois ; mais il nous paraît être imposé par la suite des idées (cf. note 291) ; en outre nous ferons remarquer que nous avons eu à traduire le texte de Se-ma Ts’ien et non celui du Chou king ; nous avons donc cherché à pénétrer, non la signification du Chou king traditionnel, mais celle que Se-ma Ts’ien attribuait à sa citation et qu’il indique par les modifications mêmes qu’il fait subir à l’original.
  182. La musique dont il est question est celle qui se faisait dans le temple ancestral ; aussi les mânes des ancêtres viennent-ils assister à la cérémonie.
  183. Le mot siao désigne proprement une flûte à plusieurs tuyaux ; mais l’expression siao chao est le nom de la musique de Choen. — Sur les neuf airs, cf. note 01.337.
  184. Dans les trois strophes qui suivent, la tête représente l’empereur, les jambes et les bras sont ses ministres. — Dans la première strophe, les rimes sont, dans le système de Toan Yu-ts’ai, au p’ing cheng de la première catégorie (H. T. K. K., ch. DCLX, p. 1 v°) ; dans la seconde strophe, les rimes sont au p’ing cheng de la dixième catégorie (loc. cit., p. 9 v°) ; dans la troisième strophe, les rimes sont au p’ing cheng, de la dix-septième catégorie (loc. cit., p. 15 r°).
  185. L’expression, chen tchou = proprement : président des dieux, s’explique par le fait qu’on appelait président (tchou ou tchou jen) celui qui présidait aux rites et aux cérémonies religieuses. — Le titre de président des dieux (qui attestait, chez celui qui le possédait, le droit de sacrifier aux dieux de toutes les montagnes et de tous les cours d’eau de l’empire et non pas seulement à telle ou telle divinité déterminée) était l’apanage de l’empereur. Ainsi, dans le chapitre du Chou king intitulé Hien yeou i (trad. Legge, p. 214), pour exprimer l’idée que le Ciel cherche un nouveau souverain, il est dit que le Ciel cherche quelqu’un qui possède la pure vertu pour en faire le président des dieux. Dans le Che king (décade Cheng min, trad. Legge, p. 492) le duc de Chao souhaite au roi Tch’eng d’aller jusqu’au bout de sa destinée en restant président des dieux. Dans le Li ki (chap. Tsi fa, trad. Legge, Sacred Books of the East, t. XXVIII, p. 203),. on lit : « Celui qui exerce l’empire sacrifie aux cent dieux (c’est-à-dire à tous les dieux) ; les seigneurs n’honorent que leurs dieux locaux. — Cf. plus haut, note 01.228.
  186. Yang-tch’eng, c’est-à-dire la ville au sud (de la montagne) était ainsi appelée parce qu’elle était située à 23 li au sud de la fameuse montagne Song ; elle était à 35 li au sud-est de l’actuelle sous-préfecture de Teng-fong, préfecture et province de Ho-nan.
  187. On a vu plus haut (note 101) que Hia était le nom du fief que possédait Yu avant qu’il fait empereur. Le nom du royaume devint celui de la dynastie.
  188. Les descendants de Kao-yao avaient pour nom de famille Yen. Leou est aujourd’hui la préfecture secondaire de Leou-ngan, province de Ngan-hoei ; Yng correspond à la sous-préfecture de Yng-chan, dans le territoire de cette même préfecture secondaire. Hiu correspond à la préfecture secondaire de ce nom, dans la province de Ho-nan.
  189. La montagne Koei-ki est au sud-est de la sous-préfecture de Koei-ki, préfecture de Chao-hing, province de Tche-Kiang. — Le premier caractère [a] doit être prononcé comme le caractère [], c’est-à-dire Koei et non Hoei : cependant on verra plus loin que l’étymologie dont Se-ma Ts’ien fait dériver le nom de cette montagne conserve au mot [a] son sens de « réunir ».
  190. Cf. note 01.299.
  191. Le texte de Mencius porte : au nord de la montagne Ki. Cette leçon paraît préférable ; en effet, la montagne Ki était au sud de la ville de Yang-tch’eng (cf. note 298) tandis que la montagne Song était au nord ; comme c’est vraisemblablement à Yang-tch’eng ou près de cette ville que se retira I, il faut donc dire : au nord de la montagne Ki.
  192. Cette phrase se retrouve dans Mencius, mais sous une forme moins nette, car elle est ainsi conçue : « Il est le fils de l’empereur Yu, » ce qui n’indique pas que les seigneurs le choisissent pour empereur.
  193. Ki hérite du titre de son père et c’est ainsi qu’apparaît la dynastie Hia.
  194. Cf. note 284.
  195. Hou est aujourd’hui la sous-préfecture de Hou, préfecture de Si-ngan, province de Chàn-si. — Le prince de Hou … était parent de l’empereur qui avait le même nom de famille.
  196. Le portique de Kan, au sud-ouest de la sous-préfecture de Hou, marque le lieu où K’i tint son discours avant de livrer bataille.
  197. Les six hauts dignitaires Il sont les commandants des six corps d’armée qui composaient les troupes impériales. On lit en effet dans le Tcheou li (liv. XXVIII, Ministère de l’été ; trad. Biot, t. II, p. 142) : « L’empereur a six corps d’armée,… Les généraux d’armée ont tous la charge de k’ing.
  198. K’i s’adresse non seulement aux généraux, mais à tous les soldats.
  199. Les cinq éléments sont ici conçus dans leur relation avec les quatre saisons ; le prince de Hou est accusé de ne point observer les ordonnances pour chaque mois que le souverain a promulguées et qui sont d’accord avec la prédominance alternée des cinq éléments. — Les trois principes sont, d’après Tcheng K’ang-tch’eng, le Ciel, la Terre et l’Homme dont l’harmonie mutuelle est le principe de l’ordre universel ; Ma Yong veut voir dans les trois principes les trois commencements différents de l’année qui furent successivement adoptés par les Chinois ; mais cette explication est beaucoup trop compliquée.
  200. Celui de gauche et celui de droite sont les deux soldats qui étaient placés l’un sur la gauche, l’autre sur la droite du char de guerre, tandis que le cocher (dont il est question à la phrase suivante) était au milieu. On trouve dans le Tso tchoan (2e année du duc Tch’eng, trad. Legge, p. 345, 2e col.) un autre exemple de [] [] désignant l’homme de gauche et l’homme de droite sur le char.
  201. Lorsque le souverain allait faire une expédition guerrière, il emportait avec lui ses dieux ; les principales divinités de l’État étaient celles du temple ancestral à gauche et celles de la terre et des moissons à droite. Le souverain prenait donc les tablettes représentant son ancêtre et le dieu de la terre. La tablette de l’ancêtre était placée dans un char spécial appelé le char du respect ; il est probable qne la tablette du dieu de la terre avait aussi un véhicule particulier. La présence de ces divinités donnait au prince un mystérieux prestige : les récompenses qu’il distribuait étaient comme conférées par l’ancêtre, génie tutélaire et bon ; les punitions qu’il infligeait semblaient édictées par le dieu de la terre, personnification de la sévère justice. — Sur la coutume d’emporter les tablettes des divinités dans le camp, cf. Li ki, chap. Tseng tse wen, trad. Legge, Sacred Books of the East, t. XXVII, p. 324; [trad. Couvreur] — Tso tchoan, 4e année du duc Ting, trad. Legge, p. 754, — et d’autres passages des Mémoires historiques que nous signalerons lorsqu’ils se présenteront. — Sur la tablette était inscrit seulement le nom du dieu ; mais, par suite du caractère idéographique de l’écriture chinoise, le nom même était en quelque manière la représentation figurée des qualités essentielles de la divinité et jouait ainsi le rôle d’une véritable idole.
  202. La harangue se termine par trois vers dont les rimes sont au chang cheng de la cinquième catégorie (H. T. K. K., ch. DCLX, p. 7 r°). Il semble bien que nous ayons là sous sa forme concise et énergique une vieille imprécation rituelle où respire encore la sauvagerie des premiers temps de la civilisation chinoise. La harangue de Kan me paraît, malgré sa brièveté, un des monuments les plus remarquables, et à coup sûr les plus authentiques, de la haute antiquité ; elle est singulièrement plus vivante que les Règles de Yao et de Choen ou que le Tribut de Yu. — Cette harangue se trouve reproduite avec quelques variantes par Mo-tse qui l’intitule la Harangue de Yu et l’attribue à Yu et non à K’i.
  203. Les Chants des cinq fils forment le troisième des livres de Hia dans le Chou king traditionnel ; ils appartiennent au pseudo-texte antique et leur authenticité est fort contestable. On remarquera que Se-ma Ts’ien paraît n’en connaître que le titre.
  204. Les Hi et les Ho sont les descendants des personnages de même nom que Yao chargea de présider aux principes yn et yang et aux quatre saisons. Cf. note 01.176.
  205. Le Châtiment de Yn est le quatrième des livres de Hia ; sous sa forme actuelle, son authenticité est plus que douteuse, cf. note 318. — Le royaume de Yn correspond à la sous-préfecture de Koang-yuen, préfecture de Pao-ning, province de Se-tch’oan.
  206. Se-ma Tcheng et Tchang Cheou-kié remarquent qu’entre le règne de l’empereur Siang et celui de l’empereur Chao-k’ang il s’écoula de trente à quarante années pendant lesquelles le trône fut occupé successivement par deux usurpateurs, I et Tcho. Nous trouvons des renseignements étendus sur ces faits dans le Tso tchoan (4e année du duc Siang, trad. Legge, p. 424 ; [trad. Couvreur]). Dans le chapitre du Chou king intitulé les Chants des cinq fils, I est donné comme ayant supplanté l’empereur T’ai-k’ang et non l’empereur Siang, mais nous avons vu plus haut (note 318) que ce témoignage ne saurait avoir grande valeur. Si nous nous en tenons aux indications du Tso tchoan, en les complétant par les autres textes cités par les commentateurs, voici quels événements se seraient passés : le prince I, descendant d’un célèbre archer qui portait le même nom au temps de l’empereur K’ou, força l’empereur Siang à quitter sa capitale et à s’enfuir à Chang-k’ieou (aujourd’hui sous-préfecture de ce nom, préfecture de Koei-, province de Ho-nan). I s’empara du pouvoir, mais, comme il passait tout son temps à la chasse, son conseiller, nommé Tcho, en profita pour gagner l’esprit du peuple : Tcho fit alors assassiner I ; il bouillit son corps et le donna à manger à ses fils qui tous en moururent. Tcho put ainsi monter sur le trône ; il envoya son fils, Kiao, attaquer et tuer l’empereur Siang auparavant dépossédé par I. Cependant un fidèle serviteur de la dynastie légitime, un nommé Mei, rassembla tous les mécontents, vainquit Tcho et proclama empereur Chao-k’ang, fils de l’empereur Siang. Ainsi se termina le règne des usurpateurs.
  207. Le nom de cet empereur se prononce aussi Hoang.
  208. On trouve, dans le Tchou chou ki nien, un écho de cette bizarre légende ; cf. Legge, Chinese Classics, t. III, Prolég., p. 124.
  209. Celui qui entretient les dragons était un fonctionnaire à la cour de l’empereur Choen. D’après le Tso tchoan, Chou-ngan, prince de Liou, eut un descendant qui s’appelait Tong-fou ; celui-ci savait apprivoiser et nourrir les dragons ; c’est à ce titre qu’il fut au service de Choen ; Choen lui conféra le nom de famille Tong et le surnom de « Celui qui entretient les dragons » (T’ong kien tsi lan, chap. II, p. 10 r°).
  210. T’ao-t’ang n’est autre que l’empereur Yao (cf. note 01.166). Les descendants de Yao ne furent point empereurs et tombèrent donc en déchéance ; c’est pourquoi l’un d’eux, Lieou-lei, apprit l’art d’élever les dragons.
  211. «  Celui qui dirige les dragons » ne saurait être à proprement parler un sing, comme le dit ici Se-ma Ts’ien ; c’est un titre devenu un nom de famille.
  212. Les princes de Che-wei (sous-préfecture de Hoa, préfecture de Wei-hoei, province de Ho-nan) passaient pour des descendants de Tchou-yong (cf. note 00.133). D’après Kia K’oei, ce ne serait que sous la dynastie Yn, au temps de l’empereur Ou-ting, que le prince de Che-wei fut supprimé et que son apanage fut donné au descendant de Lieou-lei.
  213. Il faut entendre : à son insu.
  214. Lieou-lei s’enfuit à Lou (aujourd’hui sous-préfecture de Lou-chan, préfecture secondaire de Jou, province de Ho-nan) ; ses descendants eurent le nom de famille Fan.
  215. Ce nom de Li-koei est assez suspect ; en effet, d’une part K’ong Ngan-kouo, dans son commentaire au Loen yu (H. T. K. K., ch. XXII, p. 18 r°), nous apprend que le nom personnel de T’ang, fondateur de la dynastie Yn, était Li et les historiens modernes, auteurs du Tong kien kang mou et du Tong kien tsi lan, ont fait de Li, sur la foi de cette autorité, le nom de T’ang et non celui de Kié ; d’autre part, Se-ma Ts’ien lui-même nous dit, au chapitre suivant, que le père de T’ang s’appelait Tchou-koei. Ainsi le nom de Li-koei paraît être formé du nom de T’ang suivi de celui de son père. D’ailleurs, il serait assez singulier que Kié fût le seul de tous les souverains de la dynastie Hia dont le nom se terminât par un des dix caractères cycliques kia, i, ping, ting... ; ce n’est que sous la dynastie Yn que les noms des souverains présentent cette particularité. Nous croyons donc que Se-ma Ts’ien fait une confusion en donnant à Kié le nom de Li-koei.
  216. D’après Hoang-fou Mi, Hia-T’ai, ou la terrasse de Hia, était à Yang-ti, aujourd’hui préfecture secondaire de Yu, préfecture de K’ai-fong, province de Ho-nan. — Cette légende de l’emprisonnement de T’ang qui devait fonder une nouvelle dynastie est évidemment calquée sur celle de l’emprisonnement du chef de l’ouest par Tcheou-sin, dernier souverain de la dynastie Yn (voyez le chapitre suivant, ad fin.).
  217. Ming-t’iao est le nom d’une colline escarpée dans la sous-préfecture de Ngan-i, préfecture secondaire de Kié, province de Chàn-si. — Le Chou king (chapitre Tchong hoei tche kao) dit d’autre part que Kié fut exilé à Nan-tch’ao aujourd’hui sous-préfecture de Tch’ao, préfecture de Lu-tcheou, province de Ngan-hoei). — Le T’ong kien tsi lan concilie ces deux témoignages en disant que Kié fut battu à Ming-t’iao, mais qu’il s’enfuit et fut exilé à Nan-tch’ao.
  218. 02. C’est le roi Ou de la dynastie Tcheou qui donna au duc de Tong-leou, descendant des Hia, le fief de K’i (aujourd’hui sous-préfecture de K’i, préfecture de Kai-fong, province de Ho-nan).
  219. Cette énumération comprend les princes féodaux qui se prétendaient descendants de la dynastie Hia. Sur la principauté de Hou, cf. note 308 ; sur celle de K’i, cf. note 333 ; la principauté de Tchen-siun était à 50 li au sud-ouest de la sous-préfecture de Wei, préfecture de Lai-Tcheou, province de Chan-tong ; la principauté de Tchen-ko (dont le nom est écrit Tchen-koan dans le Tch’oen ts’ieou) se trouvait dans la même province, à 40 li au nord-est de la sous-préfecture de Cheou-koang, préfecture de Ts’ing-tcheou. La principauté de Fei correspond à la sous-préfecture de Yu-T’ai , préfecture secondaire de Tsi-ning, province de Chan-tong. La principauté de Ming se trouvait dans la vice-royauté des deux Koang, sans qu’on en sache l’emplacement exact (H. T. K. K., ch. CCCIV, p. 39 v°). Je ne suis pas parvenu à identifier les autres noms.
  220. Le petit calendrier des Hia nous a été conservé dans les Rites de Tai l’aîné ; il a été traduit en français par Biot (Journal asiatique, 1840, p. 551-560) et en anglais par M. Douglas.
  221. Cf. note 301.