Mémoires de la ville de Dourdan/Marie de Médicis

Marie de Medicis Royne Mere du Roy.

Auſſitoſt que Philippes le Bel eut démembré Dourdan de la Couronne pour le bailler en appanage à ſon frere Louys Comte d’Eureux, & qu’en conſequence de ce il ſ’en fut du tout retiré pour luy en laiſſer l’entiere joüiſſance ; il fut retranché du nombre des Maiſons Royales, & peu à peu à la faueur de ſa longue alienation, eſt tombé dans l’oubly en telle ſorte, que quand huict vingts ans apres il y a eſté reüny, c’a eſté comme vne choſe indifferente & qu’on ne croyoit pas auoir aſſez de recommendation pour eſtre aymée des Roys, leſquels à ceſte cauſe l’ont negligé, voire meſmes abandonné à toutes les alienations qui en ont eſté faites. Ces traitements luy ont eſté tres-rudes & inſupportables, luy ont fait perdre ſon luſtre & en fin l’ont plongé dans les malheurs, qui depuis l’ont detenu ſi longues années ſoubs leur tyrannique domination. Il eſtoit au plus fort de ſon mal & ſur le poinct du deſeſpoir de plus recouurer les honneurs qu’il auoit perdus & qu’il pouuoit juſtement ſouhaiter, lors qu’vn nouueau ſujet de conſolation luy eſt ſuruenu, par l’eſtabliſſement en France du Regne de Iuſtice, dans lequel ſeul il pouuoit eſperer remede à ſon mal, & reſtauration de ſa bonne fortune ; il n’a eſté déceu de ſon eſperance, & en euſt à l’heure meſme reſſenty l’accompliſſement, ſi la loy des choſes du monde, euſt permis ceſte extremité : le brillant eſclat du Soleil ne ſe monſtre dans l’eſpoiſſeur des tenebres de la nuict, il ſeroit importun aux hommes, au lieu qu’il leur eſt donné pour principe de reſioüiſſance : & au lieu qu’ils deuroient ouurir les yeux pour en admirer les effects, ils ſeroient contraints de les fermer, ſe cacher de luy, & ſe refugier dans les ſombres cauernes pource qu’ils ne pourroient ſouſtenir l’effort de ſes rayons ; il donne premierement vne certaine attente de ſon arriuée, par la diminution des tenebres, puis apres il enuoye l’agreable aurore qui doucement diſpoſe les yeux à ſupporter la grandeur de ſa lumiere. Ainſi en a-il eſté à Dourdan, ce bon Roy, ce Soleil de Iuſtice, n’y a pas voulu de prim-ſault paroiſtre en ſa majeſté, les eſprits encores languiſſants & abattus par les miſeres paſſées feuſſent demeurez ſtupides dans vne ſi grande abondance d’honneurs & inſenſibles aux aduantages qu’ils en euſſent receu, il luy a premierement donné certains augures de ſa venuë lors que par vne premiere action de juſtice il l’a reüny à la Couronne comme en eſtant l’vn des plus anciens fleurons & de laquelle il n’auoit peu eſtre ſeparé que par vn violent effort, puis apres luy en a donné toutes ſortes d’aſſeurance & ſ’y eſt comme obligé, lors qu’à l’imitation de S. Louys ſon progeniteur & ſon phare continuel qui le delaiſſa à la Royne Blanche ſa mere, il l’a baillé à la Royne ſa mere, la conſideration de laquelle eſtoit aſſez puiſſante pour l’y attirer vn iour, & la beauté du lieu aſſez charmante pour l’y retenir à iamais lors qu’il l’auroit vne fois veu : A ceſte ſecõde action Dourdan commença à reſpirer vne plus douce vie & à eſperer vne meilleure fortune, il releue ſon courage, il ſ’accouſtume au nom Royal & ſe tient deſia tout aſſeuré d’vne parfaite guariſon de ſon mal, par les ſalutaires influences de ſon Soleil de Iuſtice. Toutes choſes luy ſemblent venir à ſouhait : le ſieur du Marais luy eſt donné pour Gouuerneur, mais pluſtoſt pour Pere & Protecteur, car il ſ’intereſſe dans ſa fortune & ſ’y monſtre ſi paſſionné, qu’en toutes occaſions il contribuë de ſa part à l’augmenter. Ie ne rapporteray en particulier les teſmoignages qu’il en a rendu, ſeulement diray-ie que pendant les mouuements de l’année 1616. encores qu’il fiſt profeſſion de la Religion pretenduë reformée, ſi eſt-ce qu’il ne voulut pas que le iour de Noël les chefs de la ville feuſſent diuertis des prieres & de la Meſſe de my-nuict pour faire leurs rondes ordinaires, luy-meſmes en prit le ſoin & quitta ſon chaſteau pour paſſer toute la nuict dans les corps de gardes & le long des courtines de la ville : apres quoy il ne faut plus demander de preuues de ſa bonté & de ſon affection enuers ce peuple. Au milieu de ces rauiſſements Dourdan reſſentit vn grand reuers de fortune par la mort de ce bon Gouuerneur, & luy euſt eſté ce mal beaucoup plus cuiſant, ſ’il n’euſt eſté adoucy par le genre de ceſte mort pleine de gloire & de trophées acquis par ſa valeur, & bien-heureuſe par l’abjuration qu’il feit de l’erreur de ſa Religion, & incontinent apres du tout oſté par la venuë de Monſieur de Buy ſon ſucceſſeur, lequel d’autant plus affectionné à ceſte ville, qu’il y auoit eſté nourry jeune & que ſon pere l’auoit auſſi autresfois gouuernée, y apporta tout ce que ſa qualité & ſa naturelle bonté en pouuoient faire eſperer. Mais la Royne en voulant prendre vn ſoin plus particulier, elle le donna à gouuerner à Monſieur de Montbazon ſon Cheualier d’honneur, afin qu’eſtant touſiours pres de ſa perſonne il deſcouuriſt plus aiſement ſes intentiõs, appriſt les inclinations qu’elle auoit pour l’aduãcement de ce lieu, & que de ſa part il apportaſt tout ce qu’il jugeroit neceſſaire pour l’accompliſſement de ce deſſein : c’eſt ce qu’il a fait depuis, & auec tant de diligence, qu’il l’a rendu beaucoup plus heureux qu’il n’auoit eſté long temps auparauant. Toutes ces faueurs abondantes ayants fortifié ſes eſprits luy donnerent aſſez de hardieſſe en l’année 1621. que ceſte benigne aurore auant-couriere de ſon bien paſſa par ſainct Arnoul, de faire vn eſſay de ſes forces & eſprouuer ſ’il pourroit d’vne veuë aſſez arreſtée contempler ſa majeſté, & en ceſte reſolution le corps de la ville ſe trouua à ſainct Arnoul eut l’honneur de la ſaluër & luy faire les ſubmiſſions qu’il deuoit à ſa Dame & Maiſtreſſe & par vn preſent de quelques fruicts aduoüer qu’il ne poſſedoit rien que ſoubs ſa faueur & par ſa liberalité. Ce fut à la verité vne haute entrepriſe & qui euſt peu tourner à confuſion, ſi ceſte grande Princeſſe conſiderant pluſtoſt ſes bonnes intentions que la temerité de ſes actions ne ſe feuſt accommodée à ſa foibleſſe, couurant ſa Majeſté Royale d’vn manteau de douceur & d’humanité. Mais quoy que c’en ſoit, ce doux accueil & la fauorable acceptation de ſes ſubmiſſions & de ſes offres luy augmenta tellement le courage & l’eſpoir, que de là en auant il n’auoit plus de penſée ny d’entretien qui n’euſt pour but la venuë de ſon Roy.

En l’année 1623. le Roy ayant eſté contraint par la contagion, de ſortir de Paris & ſe retirer à S. Germain, il fut obligé pour ſe deſennuyer d’eſtendre ſes promenades dans le païs circonuoiſin, meſmes juſques à Rochefort, qui n’eſt qu’à vne lieuë de Dourdan pour voir les baſtiments de Mõſieur de Montbazon & experimẽter les plaiſirs de la chaſſe qu’on luy auoit dict y eſtre tres-grands : le lendemain de ſon arriuée les Veneurs feirent leur rapport d’vn cerf qu’ils auoient deſtourné dans vn petit bois qui eſt en pleine Beauce, à demie lieuë de la foreſt de Dourdan : On ſe reſout de le chaſſer, & pour ce faire d’aller diſner à Louye où deuoit eſtre l’aſſemblée : le Roy part du matin de Rochefort, les nouuelles en viennent à Dourdan par où il deuoit paſſer, vn allegreſſe generale ſe met dans les cœurs, on ſe diſpoſe à le receuoir, & par harangues & acclamations publiques luy teſmoigner combien eſtoit agreable ſon arriuée, depuis combien d’années elle eſtoit attenduë, & combien ce peuple eſtoit affectionné au nom Royal : Il les eſcoute benignement, admire la reſioüiſſance commune, remarque la ville, paſſe outre, conſidere le païs, & ſe rend à Louye, où il eſt receu par le ſieur du Lac qui en eſt Prieur Commendataire, lequel luy ayant repreſenté que ceſte maiſon auoit eſté fondée par Louys le Pieux, & reſtablie par Louys le Sainct ſes ayeulx, & qu’il eſtoit conuenable que Louys le Iuſte leur ſucceſſeur au ſang, au nom, au ſceptre & aux bonnes intẽtions à cauſe deſquelles il auoit merité ſon tiltre aduantageux, y apportaſt du ſien & les imitaſt en cecy comme en toutes autres leurs vertueuſes actions, Il eſt eſmeu par les exemples de ces bons Roys ſes deuanciers & reſpond qu’il en veut eſtre protecteur & bien-faicteur, & conſiderant les grandes reparations qui y auoient eſté faites par le Prieur, il luy accorde ſix mil liures à prendre ſur les hauts bois qui dependent du Prieuré, pour eſtre employez tant en la perfection d’vn baſtiment ja commencé qu’en la conſtruction d’vn eſtang dans lequel on puiſſe retenir des eaux ſuffiſamment pour reparer le deffaut qu’il y en a en ce lieu. Apres diſner on va lancer le cerf, cét animal conduit par le bon genie de Dourdan, au lieu de tirer droit à la foreſt comme tous les autres, prend ſa courſe vers la Beauce, afin que courant en pleine campagne il ſoit touſiours veu auec la chaſſe & donne plus de plaiſir au Roy, & par ce moyen luy face recognoiſtre que ce païs eſt veritablement deſtiné pour ſes paſſe-temps, puis que meſmes les brutes eſſayent de les luy augmenter. La chaſſe finie par la priſe du chef au milieu d’vn village, le Roy retourne coucher à Rochefort auec vne ſi grande ſatisfaction de ce qui ſ’eſt paſſé tout ce iour qu’il reſout de coucher le lendemain dans Dourdan, afin de conſiderer plus à loiſir ſa ſituation, la pureté de l’air, la nature des eſprits, & recognoiſtre ſi le païs pourroit fournir à la diuerſité de ſes eſbatements. Ce fut alors que Dourdan ſe trouua eſſeuré de ſa bonne fortune, Il ſçauoit bien qu’il abondoit en tout ce qui pouuoit arreſter vn cœur royal, il n’en craignoit pas l’eſpreuue, au contraire la deſiroit, & ſe plaignoit que les ſiecles paſſez il auoit ſeulement eſté negligé pource qu’il n’auoit pas eſté cogneu. Le Roy y demeura trois iours, & y pratiqua tous ſes exercices ordinaires auſquels il trouua le païs fort diſpoſé : Le matin apres la Meſſe il ſ’entretenoit dans les armes faiſant faire l’exercice à ſes Mouſquetaires dans vn champ à la porte de la ville qui ſemble auoir eſté aplany expres, apres le diſner faiſoit deux ou trois ſortes de chaſſes & ſ’il reuenoit de bonne heure, acheuoit la journée au jeu de longue paulme, & ſur le ſoir faiſoit faire la curée aux chiens de ce qui auoit eſté pris le jour : Et en toutes ces choſes receut vn contentement ſi parfaict qu’il jugea bien que ce lieu luy eſtoit naturellement dedié & ſ’y lia encores plus d’affection quand il ſceut qu’il eſtoit du Domaine de la Royne ſa mere, à cauſe de laquelle il le meit au rang de ſes plus fauoriſez, tellement que Dourdan ſe veid en jouyſſance de ce qu’il auoit eſperé, mais autrement qu’il n’auoit preueu, car le hazard luy amena le Roy, ſa beauté l’y arreſta & la conſideration de la Royne l’y engagea, laquelle pour d’autant plus confirmer le Roy en ceſte reſolution ne ſe contenta pas ſeulement de luy teſmoigner de bouche le contentement qu’elle en receuoit, mais encores luy voulut faire cognoiſtre par effect lors qu’elle contribua à la deſpence du baſtiment d’vn corps de garde qu’il ordonna eſtre fait à la porte du chaſteau pour ſes Mouſquetaires.

Apres ceſte premiere deſtination de Dourdan, qui fut au mois d’Aouſt, le Roy y feit pluſieurs autres voyages, pendant leſquels & en diuerſes rencontres il monſtra bien qu’il eſtoit Miſericordieux, mais veritablement Iuſte, tous ſes mouuements eſtants beaucoup eſloignez de violence & de volonté abſoluë, & reglant toutes ſes actions par le niueau de la Iuſtice. Vne femme auoit eſté par arreſt de la Cour rẽuoyée à Chaſtres pour eſtre executée à mort, & y fut conduite le meſme iour que le Roy arriua à Dourdan, qui donna ſujet à ſa mere accompagnée de ſix de ſes enfans, de venir toute nuict à Dourdan pour ſe preſenter au Roy & obtenir quelque traict de ſa miſericorde : Ces pauures affligez ſ’eſtans adreſſez à moy, ie leur feis vne requeſte qu’ils luy preſenterent à l’iſſuë de la Meſſe, & laquelle i’ay icy tranſcripte, pource qu’elle contient ſuccinctement le faict & les raiſons ſur leſquelles eſtoit fondée la grace qu’ils demandoient.

Au Roy.

Sire,

Louyſe Creſtot vefue de feu Regnault Cochet, chargée de ſix enfans & de ſa mere plus que octuagenaire, vous remonſtre tres-humblement que cy deuant Iacques Poirier ſon nepueu & deux autres ayant eſté condamnez à eſtre pendus & eſtranglez par arreſt de la Cour, ils auroiẽt eſte conduits à Chaſtres pour en ſouffrir l’execution qui commença par l’vn d’eux, lors de la mort duquel le Curé qui les aſſiſtoit ayant dict à haute voix que ledit Poirier & l’autre qui reſtoit à executer eſtoient innocens icelle ſuppliante ſe ſeroit trouuée d’autant plus eſmeuë que ſes reſſentiments naturels y contribuoient de leur part, & à l’heure meſme ſe ſeroit efforcée d’enleuée ſon nepueu du ſupplice, ce qu’elle auoit fait ſans aucune reſiſtance des officiers du lieu & ſans autre effort que de couper les cordes deſquelles il eſtoit lié, laquelle facilité auroit donné ſuiet à quelques autres de ſauuer pareillement le troiſieſme : pour raiſon de quoy elle auroit auſſi eſté par autre arreſt condamnée à eſtre penduë & eſtranglée, apres qu’elle auroit premierement eſté appliquée à la queſtion, pour l’execution dequoy elle a eſté conduite à Chaſtre ſans autre eſperance de ſalut que celle qu’elle a en la clemence de voſtre Majeſté.

Ce conſideré (Sire) attendu qu’il n’y va que de l’intereſt de voſtre Majeſté, & que la ſuppliante a eſté portée à ceſte entrepriſe par le rapport qu’auoit fait le Curé de l’innocence de ſon nepueu, & y a eſté comme forcée par les mouuements naturels qui ſe preualants de l’imbecilité de ſon ſexe, violentoient ſon humeur, d’ailleurs fort eſloignée de temerité : Il vous plaiſe, preferant miſericorde à juſtice, luy donner la vie, & elle ſera obligée & tous les ſiens de continuer leurs vœux & prieres à Dieu pour voſtre proſperité & ſanté.

Ceſte requeſte ayant eſté leuë deuant le Roy, il ne ſe trouua aucun des Courtiſans qui ne ſuppliaſt pour ceſte pauure femme, & demandoient la pluſpart que d’authorité abſoluë le Roy l’enuoyaſt querir par vn exempt de ſes gardes pour luy donner & la vie & la liberté : mais tant ſ’en faut qu’il vouluſt vſer de ceſte voye, qu’au contraire il ſe contenta de mander les officiers de la Cour pour apprendre la verité de la choſe auparauant que d’en reſoudre : Vn exempt monte à cheual, le Roy commande au Prieur de Louye qui luy auoit leu la requeſte de l’aſſiſter, & d’autre coſté Monſieur de Bautru charitablement porté en ceſte affaire qui craignoit que l’execution ſe feiſt auant l’arriuée de l’Exempt, pource qu’il eſtoit deſia tard & qu’il y a quatre lieuës de diſtance, feit monter ſur l’vn de ſes coureurs le Preſident de l’Eſlection mon frere, & le chargea de faire telle diligence, qu’en bref on en peuſt auoir bonnes nouuelles : Ces couriers arriuez à Chaſtres trouuerent ceſte femme entre les mains de l’executeur preſte d’eſtre appliquée à la queſtion & en ſuitte attachée au gibet deſia planté pour cét effect, & feuſſent arriuez trop tard ſi elle-meſme ne ſe feuſt aidée pour gaigner du temps, & n’euſt declaré lors qu’on luy ſignifia l’arreſt qu’elle eſtoit groſſe du faict de celuy qui ſollicitoit pour elle pendant ſa priſon, car ceſte declaration feit ſurſeoir l’execution juſques à ce qu’elle euſt eſté viſitée & que la verité du faict euſt eſté recogneuë : Le commandement du Roy apporté, les officiers de la Cour viennent à Dourdan, le Roy ſ’enquiert ſi la requeſte qui luy auoit eſté preſentée eſtoit veritable, le greffier recognoiſt qu’il n’y auoit dans tout le procés plus de charges contre ceſte femme & que la Cour ſ’eſtoit peut-eſtre portée à ceſte condamnation rigoureuſe pource que deſia meſme choſe eſtoit arriuée à Chaſtres & qu’il falloit reprimer la legereté de ce peuple par vne punition exemplaire : au meſme temps chacun importune le Roy de donner la vie à ceſte femme, on repreſente qu’elle n’eſt perſonne d’exemple & qu’il ſembloit que Dieu la vouluſt ſauuer, puisqu’il luy auoit facilité le moyen de rechercher ſa grace amenant ſa Majeſté à Dourdan à meſme iour qu’elle eſtoit arriuée à Chaſtres, ſans laquelle rencontre il n’y euſt iamais eu lieu de rien eſperer pour elle, & qu’il la falloit enuoyer querir par le meſme Exempt : Toutes ces importunitez ne peuuent porter le Roy à rien faire contre les voyes ordinaires de la Iuſtice, il ſ’y veut arreſter & y tenir ferme ſans toutesfois rendre ſa miſericorde infructueuſe : Il louë le Parlement & approuue ſon arreſt, mais auſſi penſe-il eſtre obligé de faire grace en ceſte rencontre, toutesfois n’en veut reſoudre qu’auec toutes les formes, C’eſt pourquoy il commande aux officiers de remener ceſte femme dans la Conciergerie, & dire à la Cour qu’elle differe l’execution de ſon arreſt juſques à ce qu’elle l’aye informé du faict du procés & qu’il aye deliberé en ſon Conſeil ce qu’il en deura faire. Apres ceſte prononciation chacun demeure eſtonné, on admire les mouuements du Roy & les juſtes moyens par leſquels il veut mettre en pratique ſa Clemence, il la veut reſtraindre dans les bornes de ſon legitime pouuoir & improuue ce que quelques flatteurs ont autresfois dict, qu’à la verité les Roys ne pouuoient faire mourir ſans cognoiſſance de cauſe, mais bien pouuoient donner la vie ſans autre ceremonie : Il a appris vne autre leçon beaucoup plus veritable, qui eſt que les Roys n’ont eſté donnez principalement aux hommes que pour leur faire obſeruer les loix & les juger ſuiuant icelles, en conſequence de quoy Dieu commanda à Ioſüé Prince de ſon peuple d’auoir touſiours deuant ſes yeux le liure de la Loy afin qu’il la ſceuſt, & ne jugeaſt rien contre ce qu’elle decidoit, condamnaſt à la mort ou feiſt grace ſelon les cas qui y eſtoient exprimez, ſans les pouuoir eſtendre ny reſtraindre en quelque façon que ce feuſt, cela n’appartenant qu’à ſa diuine Majeſté qui auoit fait la loy & qui eſtoit au deſſus d’elle, c’eſt pourquoy on n’a point veu qu’il aye iamais recommandé aux Roys de pardonner & faire miſericorde, mais bien de condamner & faire juſtice (ſi ce n’eſt aux offences particulieres qui leur ſont faites :) Si Saül euſt entierement executé les commandements de Dieu mettant au fil de l’eſpée Agag auec tout ſon peuple & tous les beſtiaux, & qu’il n’euſt point fait le miſericordieux contre la loy, il eſt certain qu’il n’euſt pas eſté priué de ſon Royaume comme indigne d’eſtre Roy puis qu’il ne ſçauoit pas executer la rigueur de la loy : encores que les Roys Payens qui n’auoient autres loix que celles qu’ils auoient eux-meſmes fait, euſſent aucunement peu ſ’en diſpencer, ſi eſt-ce que l’antiquité nous a fourny tant de vertueux exemples de pluſieurs d’entre eux qui n’ont pas meſme eſpargné leurs plus proches, voire leur ſang, lors qu’il a eſté queſtion de les executer, que ſeroit choſe honteuſe & reprochable aux Chreſtiens qui ne ſont autheurs des loix, mais qui recognoiſſent les auoir receuës de Dieu qui leur en recommande l’execution & à laquelle ils ſ’obligent lors de leur ſacre, d’en vouloir vſer autrement, laiſſer le mal impuny, & ſ’abandonnants à vne compaſſion humaine, oublier leurs qualitez ſureminentes à cauſe deſquelles ils ſont eſleuez de la terre & deſia naturaliſez dans le Ciel. Ce ſont les raiſons qui empeſcherent le Roy de rien definir en ceſte affaire, quoy que pleine de commiſeration & que chacun l’en importunaſt, tant il auoit peur de bleſſer en rien le tiltre de Iuſte duquel il eſſaye par toutes ſes actions de ſe rendre digne.

Suiuant la reſolution du Roy ceſte pauure condamnée ayant eſté remiſe dans la Conciergerie, veint vne nouuelle à Dourdan deux iours apres, que la Cour la vouloit faire executer le lendemain au matin nonobſtant le commandement du Roy qui luy auoit eſté porté par ſes officiers, le Roy qui juge que ceſte affaire eſt remiſſible de droict ſ’enquiert des moyens qu’il peut auoir pour la fauoriſer, on n’en trouue point à cauſe de la briefueté du temps, il n’y a que Monſieur de Bautru qui y peut apporter remede, la viuacité de ſon eſprit luy en donne l’inuention & la grandeur de ſa charité luy donne la volonté de l’effectuer : Il propoſe au Roy qu’il luy donne commandement d’aller toute nuict à ſainct Germain pour prendre lettres de Monſieur le Chancellier qui y eſtoit & les porter le lendemain du matin à la Cour, apres leſquelles elle ſeroit obligée de differer : Cét aduis eſt trouué bon, le Roy l’approuue, louë ſa bonne volonté & luy donne ſon commandement : Il eſtoit ſept heures du ſoir, le temps eſtoit couuert & pluuieux, mais cela ne le peut empeſcher d’effectuer ſa propoſition, non plus que l’aſpreté des chemins par leſquels il deuoit paſſer : il monte à cheual apres auoir ſouppé, & par ſa diligence aſſeura encores pour ce coup la vie à ceſte pauure miſerable, à laquelle en fin apres pluſieurs deliberations du Conſeil lettres de grace ont eſté expediées & depuis entherinées à la Cour.

Preſque en meſme temps le Roy eſtant à la chaſſe vn pauure homme ſ’adreſſe à luy, ſe plaint de quelque mauuais traitement que luy auoit fait vn ſergent qui ſaiſiſſoit ſes biens, repreſente les outrages & violences & demande juſtice, tout à l’heure le Roy enuoye quelques-vns de ſa ſuite pour ſ’enquerir de la verité de la plainte, prendre le ſergent & les records & les luy amener à Dourdan pour les mettre entre les mains de la Iuſtice & les faire chaſtier ſelon leurs demerites.

Vn autre homme ſe vient jetter aux pieds du Roy, luy expoſe les grandes rigueurs de ſon creancier, remonſtre qu’en effect il ne doibt rien, mais qu’il n’a moyen de ſe faire deſcharger de ſon obligation, demãde quelque delay pour payer, & repreſente pluſieurs papiers par leſquels il pretend juſtifier les raiſons de ſa plainte : le Roy luy donne audience & voit vne grande partie de ſes papiers, mais pource que ceſte affaire eſtoit fort broüillée & pleine d’intrigues, elle me fut renuoyée pour l’eſclaircir & en faire rapport, & l’eſclairciſſement n’ayant eſté qu’à la confuſion de celuy qui ſe plaignoit, il n’en remporta autre fruict que d’auoir experimenté la debonnaireté du Roy & l’inclination qu’il auoit à rendre la Iuſtice à tous ceux qui la luy demandoient.

Voicy autre traict de la Iuſtice du Roy, apres lequel il faut que l’antiquité ceſſe de vanter ſon Monarque qui pour preuue de ſon equité & de ce qu’il ne condamnoit perſonne ſans l’oüir, eſtoupoit l’vne de ſes oreilles lors qu’on luy faiſoit quelque plainte d’vn abſent auquel il la vouloit reſeruer entiere : Il y auoit long temps qu’aucuns des plus releuez de Dourdan auoient conjuré la ruyne de l’vn des principaux Officiers qui ſans conſideration de leurs qualitez les aſſubjectiſſoit egalement comme tous les autres aux loix de la Iuſtice : Il ſe preſenta quelque ſujet qui ſembloit fauoriſer leur deſſein, & meſmes intereſſer le Roy, ils prennent l’occaſion au poil, ſement ſourdement quelques mauuais bruits de ſa vie, preuiennent les eſprits des courtiſans, & à certain iour qu’ils voyent toutes choſes à leur poinct, font qu’vn homme de paille ſe jette aux pieds du Roy, fait de grandes plaintes contre luy & les circonſtancie de telle ſorte, qu’elles ſont receuës quaſi par tous les aſſiſtans pour veritables & juſtes, & ſemble qu’il ne reſte plus qu’à prononcer vne condemnation, les conjurez d’autre part voyans les eſprits eſchauffez commencent à paroiſtre, confirment les plaintes & ſe mettent à deſchiffrer & à deſpeindre ſa vie de ſi eſtranges couleurs, qu’il y en a peu qui ne le condemnent & qui ne preſſent le Roy de l’abandonner à vn juſte chaſtiment (ceſte chaleur eſtoit pardonnable à des hommes, les choſes eſtoient trop bien concertées pour ne pas eſmouuoir les eſprits meſmes les plus retenus, il falloit auoir quelque choſe de celeſte & de ſurnaturel pour y reſiſter :) Il n’y a que le Roy qui demeure froid au milieu de ce grand feu, l’intereſt qu’on dict qu’il y a n’a point d’aiguillon pour l’irriter, Il demeure dans le calme & ſe reſerue de condemner quand il aura entendu l’accuſé. Monſieur de Bautru qui ſemble n’auoir autre plaiſir que d’aſſiſter les affligez, prend la peine d’aller chez luy pour l’aduertir de ce qui ſ’eſtoit paſſé afin d’apprendre par ſa bouche la verité des choſes, & que ſ’il y a de la faute il l’adouciſſe, & ſi au contraire il ſe trouue de l’innocence il la face paroiſtre & au Roy & à toute la Cour : Et ayant recogneu que toutes ces plaintes & diſcours qu’on auoit fait eſtoient autant de calomnies qui n’auoient autre fondement que la faction des conjurez, il le mena au ſupper du Roy afin d’y faire eſclater ſon innocence & deſraciner la mauuaiſe opinion qu’on auoit peu conceuoir de luy par ce qui ſ’eſtoit paſſé : Le Roy le reçoit humainement, luy donne la plus longue & la plus benigne audiẽce qu’il euſt peu ſouhaiter, & apres l’auoir oüy, teſmoigne que ſa defenſe luy a pleu & qu’il luy continuë l’honneur de ſes bonnes graces : Mais le Roy reçoit en ſon ame vn extreme contentement quand il voit les fruicts de ſa retenuë & qu’il n’a pas condamné l’innocent, quoy que toutes choſes ſemblaſſent luy conuier, & ſe confirme en ceſte reſolution de ne iamais condamner aucun ſans l’oüir, puiſque le menſonge reſſemble ſi fort à la verité qu’il y pourroit eſtre ſouuent trompé, & que Dieu meſmes luy en a fait des leçons lors qu’il ne voulut pas juger Adam & Eue ſans leur demander les raiſons de leur tranſgreſſion de ſes commandements, ny les baſtiſſeurs de la tour Babel, que premierement il ne feuſt deſcendu & n’euſt veu leurs vanitez pour les conuaincre dauantage, & finalement lors qu’il inſpira Ioſüé à interoger l’anatheſme Acham auparauant que de prononcer contre luy.

Apres auoir parlé de la Iuſtice du Roy ie ne puis paſſer ſoubs ſilence vn traict qui ſignale du tout ſa Charité : I’eus vn iour l’honneur d’entretenir fort long temps Monſieur de Bautru non de vanitez & flatteries (eſquelles ſe plaiſent aſſez ſouuent les Courtiſans) pource que i’en cognois ſon humeur fort eſloignée, & que d’ailleurs ie n’y euſſe eu bonne grace, pource que ie n’y feus iamais inſtruit : mais de la trop veritable pauureté du païs, & de la ſomme exceſſiue à laquelle la ville de Dourdan eſtoit taxée par le Conſeil pour la taille, à cauſe dequoy elle ſe dépeuploit de iour à autre, & demeureroit en fin deſerte : Et ſur la difficulté qu’il faiſoit de croire ce que ie luy diſois à cauſe du grand peuple qu’il y voyoit, ie luy monſtray par les roolles des tailles que de 800 qui y eſtoient compris, il y en auoit 450 ſi miſerables, qu’ils n’eſtoient taxez chacun, qu’à vn double, vn ſol, deux ſols, & ainſi en montant juſques à vingt ſols, & que toutes leurs taxes enſemble ne reuenoient qu’à huict vingts liures, qui faiſoit que la ville n’en eſtoit gueres ſoulagée, & qu’en effect toute la taille n’eſtoit payée que par vn petit nombre qui ne pouuoit plus ſubſiſter. Tout ce diſcours ne tendoit qu’à luy faire gouſter la juſtice qu’auroit ceſte ville de demander vne diminution des tailles, afin qu’il feuſt ſon moyenneur lors qu’elle en importuneroit le Roy : Il feit bien autrement, car il ne ſ’obligea pas ſeulement de l’aſſiſter à l’aduenir lors qu’elle ſe voudroit plaindre, mais voyant vn ſujet d’exercer la charité du Roy, il luy en parla le ſoir meſme & exagera tellement ceſte miſere, qu’il receut commandement de me laiſſer 200 liures, tant pour deliurer au Collecteur de la taille en l’acquit de ces pauures gens, que pour faire des aumoſnes à ceux que ie trouuerois en auoir le plus de neceſſité.

Apres cecy qui ne dira Dourdan tres-heureux d’eſtre teſmoin de tãt de bõnes actions de ſon Roy, voire de les reſsẽtir en ſon particulier ? qui ne dira la France trois fois heureuſe d’eſtre gouuernée par vn Monarque ſi Iuſte & ſi Equitable ? Mais qui ne benira ce ſiecle d’auoir produit vn Prince ſi accomply, & auquel on peut auec raiſon dõner les tiltres d’honneur qu’ont autresfois merité tous ſes predeceſſeurs : Debonnaire comme Louys I. Pieux comme Louys VII. dict le Ieune, Auguſte & Conquerrant comme Philippes II. Hardy comme Philippes III. Bien-aymé comme Charles VI. Sage comme Charles V. Victorieux comme Charles VII. Pere du peuple comme Louys XII. & Grand comme Henry IIII. ſon Pere de tres-heureuſe memoire.

Sa Debonnaireté n’eſt point incogneuë à ceux qui ont l’honneur d’approcher de ſa Perſonne.

Sa Pieté paroiſt aſſez par l’innocence de ſa vie & par le zele qu’il a à l’augmentation de la gloire de Dieu & à l’aduancement de la Religion.

Sa bonne fortune & ſes conqueſtes ont deſia volé par toute la terre habitable, & l’ont rendu redoutable à tous ceux qui en ont oüy la nouuelle.

Sa hardieſſe ne peut eſtre ignorée apres la deroute de Riez, en laquelle ſa preſence majeſtueuſe feit tomber les armes des mains des rebelles & leur oſta la hardieſſe de faire aucune reſiſtance, quoy qu’ils ſ’y feuſſent preparez long temps auparauant : Les villes qu’il a aſſiegé depuis quelques années, ne l’accuſeront iamais de coüardiſe ny de timidité, apres l’auoir veu ſi ſouuent à la portée de leur canon & dans les trenchées qu’il faiſoit pour les approcher & les forcer à le recognoiſtre pour leur Roy & naturel Seigneur.

Sa Sageſſe a eſté amplement repreſentée cy deſſus par les exemples de retenuë que i’y ay rapporté, & ſe recognoiſt tous les iours lors qu’à l’exemple de ce grand Empereur Titus on ne voit perſonne ſortir d’auec luy mal content.

L’amour du peuple enuers le Roy a aſſez paru lors qu’il n’a peu eſtre eſbranlé, ny porté à la rebellion par les artifices de ceux qui depuis l’année 1614. ont pris les armes contre ſon Authorité, leſquels ſont demeurez ſeuls & ſans autres villes de retraite, que celles qu’ils tenoient par force, & ont eſté contraints en bien peu de temps de mettre les armes bas & ſe ranger à leur deuoir.

Ses victoires & ſes triomphes ſont repreſentées au public par des volumes ſi amples, que ſeroit porter vn flambeau en plein midy que d’en parler dauantage : Seulement diray-ie, qu’il ne fut pas fort difficile à Charles VII. de chaſſer les Anglois de la France apres que les peuples eurent commencé à ſ’ennuyer de leur domination, & que ſe deſüniſſants d’auec eux ils les eurent laiſſé ſans force & ſans ſeure retraite, voire meſme ſe reuoltants contre eux, leur eurẽt fait reſſentir les effects de leurs armes, à la faueur deſquelles ils ſ’eſtoient aggrandis dans le Royaume : Au contraire les victoires de noſtre Roy ſont vrayes victoires, obtenuës par la ſeule force de ſes armes & par la ſageſſe de ſes conſeils : Il ne combattoit pas contre des eſtrangers abandonnez de toutes parts, mais contre ſes ſubjects obſtinément rebellez (deſquels les efforts ſont beaucoup plus violents) qui n’eſpargnoient aucunes defenſes pour luy ſecoüer le joug & faire vn autre Eſtat dans ſon Eſtat, & à quoy ils auoient ſi bien trauaillé depuis ſoixante ans, qu’ils ſ’eſtoient rendus maiſtres abſolus d’vne infinité de places & bonnes villes, voire de Prouinces toutes entieres dans leſquelles ſon authorité n’eſtoit recogneuë qu’en tant qu’il leur plaiſoit & par forme ſeulement juſques à ce qu’ils euſſent ouuertement fait eſclorre leurs deſſeins, à cauſe dequoy & du pretexte de Religion qu’ils y auoient meſlé auec la liberté publique qu’ils ſe promettoient deſia, ils eſtoient ſi animez qu’il falloit tout gaigner pied à pied, chacun village eſtoit vne forte ville & chacun ſoldat eſtoit vn Capitaine & chef de party.

La paternité du Roy enuers ſon peuple ſe recognoiſt par ſon affableté, ſa douceur, ſa clemence, & par les exercices de charité cy deſſus & autres qui ſe remarquẽt en l’obſeruation de ſa vie : toutes leſquelles choſes jointes à ſa bonté naturelle doiuent faire eſperer à toute la France vn grand ſoulagement & vne deſcharge generale du peſant fardeau qui la tient cõme accablée, ſi toſt que les affaires ſeront tirées du mauuais eſtat, auquel les guerres cauſées par la rebellion d’aucuns de ſes ſubjects les auoiẽt fait tomber.

Sa Grandeur eſt-elle pas ſuffiſamment appuyée par les actes genereux & valeureux que la France luy a veu faire és années dernieres, ſa grande jeuneſſe en laquelle il a entrepris & executé vn ſi puiſſant ouurage que de ſe rendre Maiſtre abſolu en ſon Royaume (ce que n’auoient peu faire tant de grands Roys ſes predeceſſeurs, non pas meſme ſon Pere,) luy a-elle pas acquis vne triple Couronne de lauriers & vn ſurnom de Triſmegiſte (c’eſt à dire trois fois Grand :) Ce tiltre de Grand n’a pas ſeulement eſté donné à ſon Pere pour les frequentes victoires qu’il a obtenuës, mais encores pour les grãds traicts de proüeſſe qu’il y a fait paroiſtre en perſonne & pour les parfaictes habitudes qu’il auoit à la guerre : Ainſi noſtre Roy ne ſ’eſt pas contenté de faire la guerre par ſes Lieutenants, il y a voulu eſtre en perſonne, en prendre le ſoin, ſ’expoſer au peril pour conuier les ſiens à le meſpriſer, eſtre le premier en armes & en ſortir le dernier, & en fin faire tout ce que rapportent les Hiſtoires des plus grands & des plus vieux Capitaines des ſiecles paſſez, & cecy l’a tellement accouſtumé aux exercices & à la fatigue de la guerre, qu’en pleine paix il ne peut viure ſans ſ’y entretenir : Pour les exercices, les Soldats de ſes Gardes & ſes Mouſquetaires en ſçauent bien que dire ; Et quant à la fatigue, elle luy eſt fournie par la chaſſe, à laquelle il ſ’applique auec tant de ſoin, qu’il ne demeure pas vne heure de repos, ſ’il n’y eſt obligé, en telle ſorte que la Guerre & la Paix luy ſont vne meſme choſe : auſſi n’y a il point de trauail (dict Xenophon) qui approche tant de celuy de la Guerre que celuy de la Chaſſe, dans lequel & le corps eſt exercé par la courſe, & l’eſprit par les diuerſes ruſes que la nature enſeigne aux beſtes pour la conſeruation de leur vie : C’eſt pourquoy de tout temps la Chaſſe a eſté eſtimée comme quelque choſe de releué & reſerué à ceux qui eſtoient deſtinez pour commander & faire la guerre : Dans la Geneſe lors qu’on veut parler de Nembrot & dire qu’il eſtoit vn grand Roy on le nomme vn grand Chaſſeur, & Eſaü qui a eſté Roy y eſt repreſenté comme vn Chaſſeur ordinaire : de meſme Virgile ne manque pas ſi toſt qu’il a abouché Ænée & Didon enſemble, de les faire aller à la chaſſe, ny le petit Iule qui deuoit eſtre vn grand Roy à l’heure meſme qu’il fut entré dans l’Italie de le repreſenter au milieu d’vne meutte de chiens à la pourſuitte d’vn Cerf.

Ie n’ay cy deuãt point parlé du tiltre glorieux de Sainct dõné à Louys IX. pource qu’il ne doit eſtre attribué qu’à ceux qui ayants perſeueré toute leur vie en bonnes actiõs, ont merité apres leur mort d’eſtre expoſez aux fidelles pour exẽplaires de vertu & de ſaincteté : mais ſ’il y a lieu de l’eſperer pour quelque viuant, ce doit eſtre pour noſtre bon Roy, lequel, à l’aide de la Royne ſa Mere & des bons conducteurs és mains deſquels elle l’a confié, ſ’eſtant porté à imiter ce ſainct Roy, ſ’eſt tellement attaché à ſa forme de viure, qu’il ſemble eſtre vn autre luy-meſme : & encores outre leur commune façon de viure il y a tant de rapport entre les rencontres de l’vn & de l’autre, qu’il ſemble auſſi que ceſte derniere, de Saincteté, leur doiue eſtre commune : Tous deux fils de meres eſtrangeres, mais ſi affectionnées à l’Eſtat, qu’elles en ont recherché l’aduencement autant qu’elles ont peu.

Delaiſſez orphelins par leurs peres, mais eſleuez & bien inſtruits par le ſoin de leurs meres, & particulierement en la Religion, de laquelle ils ont pris la protection & embraſſé la defenſe.

Guerroyez par leurs ſubjects pendant leur minorité ſoubs pretexte de mauuais gouuernement, & en ces troubles, ont couru fortune d’eſtre pris & enleuez d’entre les mains de leurs meres qui gouuernoient ſoubs leur authorité.

Forcez par les inſolences & rebellions des heretiques de leurs temps de prendre les armes pour les ranger à leur deuoir.

Portez d’affection pour les Religieux & fauoriſants leurs eſtabliſſements dans le Royaume.

Fort prompts à mettre la main aux armes & ſ’y porter en perſonne quand il eſt queſtion de l’aduencement de la Religion & de la gloire de Dieu, mais ſans cela fort retenus à faire la guerre, recherchants tous autres moyens d’accomodation, ſçachants bien qu’elle ne ſe peut faire ſans vne grande ruyne & oppreſſion des peuples.

Curieux de faire punir les hereſiarques & introducteurs de nouuelles ſectes & hereſies.

Sainct Louys ſ’entretenoit ordinairement auec des Eccleſiaſtiques, Religieux & autres gens de bien, & prenoit leur conſeil en ſes affaires.

Et Louys le Iuſte n’eſt iamais ſans tels perſonnages, voire a-il ſagement appuyé tout ſon conſeil ſur deux grandes colomnes de l’Egliſe ces grands Cardinaux de la Rochefoucault & de Richelieu qui ſont comme vn autre Atlas ſouſtenants tout l’Eſtat de la France, ferme & ſolide en leur pieté & reſolution de pluſtoſt mourir que de mãquer à leur deuoir, & haut eſleué en la grandeur & viuacité de leur eſprit qui penetre dans les affaires les plus difficiles & trouue moyen de les reſoudre aduantageuſement.

Sainct Louys eſloignoit de ſa Cour les meſchants & autres perſonnes de mauuais exemple.

Et Louys le Iuſte ne retient pres de ſa perſonne que des hommes deſquels il a recogneu les inclinations portées au bien & à la douceur & deſquels toutes les actions ne reſſentent rien moins que le vice & le peché.

Sainct Louys portoit ſes armes contre les heretiques pour abatre les murailles rebelles, mais pour gaigner les cœurs & les ramener au bon chemin il employoit la doctrine & la grande ſuffiſance de S. Thomas d’Aquin qui viuoit de ſon temps.

Louys le Iuſte apres ſ’eſtre rendu maiſtre par l’effort de ſes armes des places & villes des huguenots rebellez, il veut maintenant par des efforts de doctrine aſſaillir leurs eſprits, & par des armes de raiſons les contraindre de ſe rendre au giron de l’Egliſe : Il fait entendre ſa volonté aux chefs de l’Egliſe, ils ne ſ’y endorment, ils preparent vn fond de trente mil liures par an pour ſubuenir à la deſpence qui ſera neceſſaire, & deputent Monſieur l’Archeueſque de Rouen auec pluſieurs autres Prelats pour faire vne recherche d’hommes doctes qui puiſſent ſeruir en ce loüable deſſein : Premierement, ils appellent tous ceux qui deſia reçoiuent quelque gratification du Clergé, & leur ordonnent la lecture de tel Pere de l’Egliſe ou autre eſtude que chacun voudra choiſir ſelon ſon inclination, cela fait ils aſſignent certain iour de la ſepmaine, auquel tous ſ’aſſembleront l’apreſdiſnée dans le College Royal, pour y conferer de leurs eſtudes & rapporter ce que chacun aura trouué digne d’eſtre remarqué dans ſon liure, pour puis apres entreprendre vn plus grand ouurage & vn trauail plus vtil pour le deſſein, comme eſt la fidelle traduction de pluſieurs liures & la compilation de tous les paſſages des Peres, importants pour la deciſion des controuerſes de ce temps : Au bruit de l’eſtabliſſement de ceſte Conference & du profit qu’on y pouuoit faire, les eſprits curieux y accourent, la compagnie ſ’augmente, & ſe trouue-on ſi preſſé dans le lieu qu’on auoit premierement choiſi, qu’on eſt contraint de le quitter & tranſferer l’aſſemblée dans l’vne des ſalles des Auguſtins, eſtimant que c’eſtoit aſſez, d’auoir rẽdu ce premier honneur au College Royal, que d’y jetter les fondements d’vne Academie Royale : L’ordre qui ſe tient en ce concert eſt tel, que l’entrée eſt deſtinée pour la propoſition & reſſolution des difficultez qui naiſſent dans les eſprits de tous ceux ſ’y trouuent : En ſuitte on fait rapport des Peres Grecs, apres des Latins & de toute la doctrine de l’antiquité, à quoy on adjouſte des raiſonnements Theologiques pour conclure ceſte matiere.

En fin, & pour monſtrer que ceſte aſſemblée eſt veritablement Royale & faite par l’authorité du Roy, on y a voulu entremeſler quelque choſe pour le gouuernement de l’Eſtat, comme ſont les politiques d’Ariſtote, par le moyen deſquelles & de la verſion qui ſ’en fera, Meſſieurs les Prelats ſe rendront capables de la qualité de Conſeillers d’Eſtat qui leur eſt acquiſe, & les bons eſprits François ſe rendront dignes de l’acquerir vn iour pour y ſeruir vtilement & le Roy & l’Eſtat.

Apres tous ces entretiens difficiles & eſpineux, la Poëſie tient ſon rang, laquelle par ſa douceur & par la gentilleſſe de ſes rencõtres recrée & delaſſe les eſprits, leur fait oublier le trauail paſſé & leur fait renaiſtre l’enuie de le recommencer vne autre fois. Ainſi ont eſté prudemment diſtinguées & compaſſées les heures de ceſte aſſemblée, par ce tres digne & tres rare Prelat, choiſi ſur tous pour y preſider, leſquelles produiſent vne telle harmonie, qu’au ſon qui en a eſclaté, on la voit de iour en autre augmenter de perſonnages de qualité & d’erudition, tous leſquels ſe rendent admirables, tant en leurs diſcours, qu’en la propoſition des difficultez & en la reſolution qui ſ’en fait par aduis commun : Là on voit des eſprits pleins de viuacité, des memoires prodigieuſes, des jugements ſolides & de tres-grands eſtudes, qui ne peuuent faire eſperer qu’vn grãd fruict de ceſte genereuſe entrepriſe. Mais ce qui rauit les Auditeurs & qui les porte dans vn eſtonnemẽt de merueilles, ſont les raretez du chef de ceſte troupe heureuſe, lequel eſtant orné en ſon particulier & auec plus de perfection, de toutes ces bonnes parties qui ſe trouuent diuiſément en chacun des autres, eſt preſt de diſcourir & de reſoudre ſur toutes matieres qui ſe preſentent, à quoy il eſt encores aidé par l’vſage familier qu’il a de langues Grecque, Latine & Françoiſe, auec leſquelles il deueloppe ſi aiſément toutes difficultez & eſtale auec tant d’ordre l’abondance de ſes ſciences, qu’apres qu’il a parlé, il ne reſte plus rien à dire & ne laiſſe aucun doute qui ne ſoit entierement expliqué. Mais qu’eſt-il beſoin de parler de ſes merites, ils ſont aſſez ſignifiez par la commiſſion que luy ont donné Meſſieurs du Clergé de preſider en ceſte aſſemblée, laquelle eſtant compoſée de toutes ſciences, auoit beſoin d’vn chef qui en feuſt capable, voire tres-capable, qui feuſt zelé à l’augmentation de la gloire de Dieu & au ſeruice du Roy principal Autheur de ceſte Congregation, & qui euſt aſſez de courtoiſie & de ciuilité pour accortement aſſembler & entretenir ce corps compoſé de tant de membres ſi differends : Ie n’en diray rien dauantage, peur de ternir ſa gloire ne la repreſentant pas aſſez naïfuement, & me contenteray de rapporter ce qui en a eſté dict par l’vn de ſes Academiſtes.

Quanta per herboſas decurrunt flumina valles,
   Cùm torrens alto vertice fudit aquas :
Eloquij nuper tantos ſpectauimus imbres,
   Quos ſacro & docto Præſul ab ore dedit.
Præſule ſed maior, ſumma quem Neuſtria ſede
   Præſulibus cunctis iure præire videt.

Cuius quinque viros ſimiles ſi noſtra dediſſet
   Gallia, quam nũquam monſtra tuliſſe ferunt,
Heu ! quanto citiùs ceßiſſet Lerna malorum
   Hæreſis, ad Stygios ire coacta lacus.
Quàm ſub Neſtoribus cecidiſſent Pergama quinque,
   Nec Priamus tanti, Troia nec ipſa fuit.

De ſorte que par le moyen de ce bon chef & de tous ſes membres, la France ſe voit en termes d’auoir non vn S. Thomas, mais vn milier, à l’aide deſquels elle peut eſperer vn reſtabliſſement general au corps de l’Egliſe, de tous ſes peuples qui ſ’en ſont retranchez.

Sainct Louys n’adjouſtoit point de foy aux flatteurs & médiſans.

Louys le Iuſte a bien monſtré en la perſonne de l’Officier de Dourdan dont i’ay parlé cy deſſus, qu’il ne ſ’arreſtoit point aux rapports qu’on luy faiſoit.

Ie finiray ces paralleles par Dourdan, puis qu’il eſt le ſujet de ce diſcours, & diray que tout ainſi que S. Louys l’a frequenté, l’a donné à la Royne Blanche ſa Mere pour partie de ſes dot & doüaire & a donné des heritages qu’il y auoit achepté, à ſon Chambellan qu’il aymoit, pour l’engager à affectionner ce païs : De meſme le Roy ſe plaiſt à Dourdan, la Royne ſa mere en joüit pour partie de ſes dot & doüaire, & depuis vn mois, le Roy a trouué bon que Monſieur de Montbazon en aye donné le gouuernement à M. de Bautru l’vn de ſes Maiſtres d’Hoſtel, & duquel les vertueuſes inclinations l’õt eſmeu à luy vouloir du bien & luy donner vn plus familier accez pres de ſa perſonne : Tous ces rapports ſont à la verité de fortes conjectures d’vne fin heureuſe & glorieuſe de noſtre Roy, mais le tiltre de Iuſte qui luy a eſté donné comme en eſprit prophetique en ſa plus tendre jeuneſſe, par ce grand Preſidẽt de l’Academie Royale (de laquelle i’ay parlé cy deuant) & duquel il ſ’eſt depuis rendu tres-digne, eſt vn bien plus aſſeuré preſage d’vne couronne immortelle, à laquelle on ne peut paruenir que par la Iuſtice, qui comprend en ſoy toutes les autres vertus, leſquelles ne ſont que comme des eſchelons pour y paruenir.

Toutes ces conjectures & tous ces preſages ſont encores fortifiez par vne diſpoſition & vn ordre certain que Dieu a mis en la Monarchie Françoiſe (depuis qu’elle a eſté bien-heurée du Chriſtianiſme,) de laquelle il a touſiours comblé de toutes vertus les vingtieſmes Roys, afin qu’ils ſeruiſſent de bon exemple à leur peuple & le retiraſſent du vice auquel il ſe porte inſenſiblement, & en fin leur a donné le prix de leurs trauaux qui eſt la couronne de gloire : Ainſi Charlemagne qui eſt le vingtieſme Roy Chreſtien, a il merité d’eſtre recogneu pour Sainct, & Sainct Louys qui a eſté le vingtieſme apres luy, n’a pas eu moins de prerogatiues : C’eſt pourquoy nous n’en deuons pas moins eſperer pour noſtre Roy, puis qu’il eſt le vingtieſme apres Sainct Louys, & conſequemment ſe peut auec raiſon Dourdan dire heureux quand il ſe voit en poſſeſſion du plus grand Roy de la terre : il n’en peut eſperer que de grands aduantages & vn reſtabliſſement de ſa bonne fortune, puisque les Roys portent l’abondance & les richeſſes par tout où ils frequentent, comme meſmes ont recogneu les anciens lors qu’ils ont fabuleuſement controuué l’Hiſtoire du Roy qui conuertiſſoit en or toute ce qu’il touchoit, voulants ſignifier que la pauureté & l’indigẽce ſont touſiours chaſſées par la preſence des Roys qui apportẽt en leur lieu les biens & les commoditez : Mais trois fois heureux quand il ſe voit choiſi par vn Roy deſtiné à la gloire immortelle, pour y pratiquer l’innocence de ſa vie, y faire reluire la pureté de ſon ame & y exercer ſa pieté & ſa juſtice ordinaire : Ceſte preſence luy attirera infailliblement vne benediction de Dieu & vne plus particuliere communication de ſes graces comme ont fait autrefois Iacob à la maiſon de Laban & Ioſeph à toute la terre d’Egipte.

I’ay cy deuant touché en paſſant que Monſieur de Bautru auoit eſté fait Gouuerneur de Dourdan, maintenant il me reſte de dire que c’eſt l’vn des plus grands aduantages que Dourdan aye point encores receu : il ne doit plus douter ſ’il eſt deſtiné pour les plaiſirs du Roy, puisque le Roy en prend ſoin & luy donne pour Gouuerneur l’vn de ceux qu’il a choiſi pour eſtre pres de ſa Perſonne & pour l’entretenir dans ſes exercices de vertu : Ce choix eſt vne grande marque d’excellence & de rareté, auſſi a-il bien teſmoigné qu’il auoit quelque choſe par deſſus le commun, & qu’il meritoit des faueurs extraordinaires : La gentilleſſe d’eſprit eſt hereditaire en ſa maiſon, & il ſ’en ſert ſi dextrement, que perſonne n’a ſujet de ſ’en offencer : La bonté de ſa nature ſe deſcouure aſſez tous les iours par ſes actions de charité & de courtoiſie, deſquelles il ſe trouuera vne infinité de teſmoignages outre ceux que i’ay deſia repreſentez & le glorieux tiltre d’Aduocat des pauures qu’il a acquis de la voix commune de Dourdan : La franchiſe de ſon humeur eſt telle, qu’il ne refuſe iamais ſon aſſiſtance à ceux qui la luy demandent pour choſes juſtes, ne promet rien qu’il n’execute, & en fin, qu’il fait beaucoup plus qu’il ne promet : Sa pieté ſe peut conjecturer du gracieux accueil qu’il fait aux Eccleſiaſtiques & Religieux, & de l’honneur qu’il leur rend, mais encores bien plus par tous ſes déportements qui repreſentent naïuement l’amour & la crainte de Dieu : & pour comble de ſes perfections, le ſiege de Montpellier luy a ſeruy de theatre pour faire monſtre de ſa valeur & de ſon courage : les tranchées & le canon le voyoient plus ſouuent que ſa tente, l’vn des chefs de la ville, lors de la ſortie qui ſe feit pour la repriſe du fort de Sainct Denys, eſprouua à ſon malheur les effects de ſon adreſſe au faict de la guerre, & ſon cheual tué entre ſes jambes à coups de piques par les rebelles pour venger la mort de leur Capitaine, donna aſſez de teſmoignages de ſa reſolution & des approches qu’il faiſoit des ennemis : Si les autres occaſions de la guerre ne luy euſſent eſté deſniées, il euſt fait beaucoup d’autres proüeſſes dignes de la nobleſſe de ſes anceſtres, qui m’euſſent aidé à preſent, pour d’autant plus ſignaler ſa valeur : encores que depuis quelques années ſes predeceſſeurs ſe ſoient rangez à la robbe, ſi eſt-ce pourtant qu’ils n’ont abandonné la nobleſſe qui leur eſtoit acquiſe par le ſang, ils l’ont exercée dans leur profeſſion & l’ont conſeruée pour leur poſterité : le jeune frere de ce ſage Gouuerneur de Dourdan en a donné aſſez de preuue de ſon coſté, car ſe reſſentant de la generoſité naturelle de ſes anceſtres, il ne ſe portoit qu’à des choſes hautes & de difficile entrepriſe, comme fut le petardement de Clermont en Beauuoiſis pour le ſeruice du Roy, pendant les derniers mouvements, où il fut tué d’vn coup de mouſquet au grand regret de tous ceux qui l’auoient cogneu.

Voila l’eſtat preſent de Dourdan & le ſujet qu’il a de reſioüiſſance & d’eſpoir, reſte à y ſouhaiter l’accompliſſement de la viſſicitude ordinaire des choſes laquelle luy promet la continuation de ce bien par pluſieurs années & auſſi long temps comme il en a eſté priué & qu’il en auoit auparauant joüy : Depuis Huë Capet premier Roy que i’ay peu remarquer qui y aye pris ſon plaiſir, juſques à ce qu’il aye eſté démembré de la Couronne & baillé en appanage par Philippes le Bel à ſon frere Louys Comte d’Eureux, ſe ſont eſcoulez 320 ans, & depuis cét appanage, juſques à preſent que le Roy a recommencé à le frequenter ſe ſont auſſi paſſez 320 ans, c’eſt pourquoy il peut à juſte cauſe eſperer à ſon tour que ſa bonne fortune luy durera 320 autres années, mais ſur tout luy eſt-ce vn ſujet d’allegreſſe, de pouuoir eſperer vne longue vie au Roy ſon reſtaurateur, a l’exemple de ces deux Saincts Roys Charlemagne & Louys IX. (deſquels l’vn a regné 44 & l’autre 46 ans) puiſqu’il tient leur place & a eſté donné à la France pour meſmes effects, leſquels ne peuuent eſtre produits que par vne longue ſuitte d’années.

I’ay promis cy deuant d’adjouſter quelque choſe de l’ancienneté du Baillage de Dourdan, & n’ay creu qu’il y euſt meilleur moyen de la juſtifier que de repreſenter ceux qui en ont eſté pourueuz, mais ie ſuis demeuré court à cauſe de la perte de tous les regiſtres des greffes qui m’en euſſent peu donner certaine cognoiſſance, & m’a fallu contenter de ce que i’ay peu apprendre par les tiltres des particuliers : du moins en ay-ie trouué de 300 ans ou peu pres, qui fera juger de l’ancienneté de ce Baillage.
Nicolas le Camus exerçoit en l’an1329
Guillaume Langloys1363
Iean Noel1367
Iean Sainſe1378
Iean Dauy qui fut auſſi Bailly d’Eſtampes, & executeur du teſtament de Louys Comte d’Eſtampes, & depuis fut auſſi Chancellier du Duc d’Orleans & executeur du teſtament que feit Iean Duc de Berry à Dourdan,1395
Martin Gouge1400
Iumain le Febure1402
Girard le Coq1430
Iean Deſmaſis Gentilhomme du païs, qui prit priſonnier le ſieur de Vigolles dict la Hire au ſiege de Louuiers1439
Philippes Guerin grand Pannetier de France & ſeigneur du Breau ſannapes,1463
Iean le Moyne1473
Iean Coignet1479
Geruais Chalas1480
Iean Belin1498
Simon le Doyen1502
Antoine Daubours1535
Triſtan le Charron1537
Girard le Charron1577
Hurault ſieur de Vauluiſant1589
Et Anne de L’hoſpital ſeigneur de ſaincte Meſme, qui eſt de l’ancienne & Illuſtre maiſon de Lhoſpital, l’exerce à preſent.