Mémoires d’une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante/02/La puissance dogmatique ?

LA PUISSANCE DOGMATIQUE ?




Y a-t-il, dans la Franc-Maçonnerie, un pouvoir supérieur qui légifère en questions de dogmes ?

Ce pouvoir est-il connu de tous les francs-maçons ?

Première question. — Réponse : oui.

Seconde question. — Réponse : non.

La Puissance Dogmatique est tenue, rigoureusement, cachée aux neuf dixièmes des francs-maçons ; ceci est notoire. En effet, depuis l’existence de ce pouvoir, supérieur même aux Suprêmes Conseils, a été l’objet de révélations publiques, les hauts-maçons que ces divulgations gênent ont nié partout avec éclat.

Le F ▽ Goblet d’Alviella l’a écrit, dans sa fameuse lettre à Lemmi, du 30 juin 1894 : « Il faut s’entendre partout pour nier carrément. »

On ne veut pas que la masse des francs-maçons soupçonne qu’elle a des guides secrets ; qu’il existe, au-dessus de tout, une Puissance Dogmatique, qui est l’âme même de la secte et qui inspire les divers Rites officiels, les Fédérations avouées.

On leur dit, — à tout prix, il est nécessaire qu’ils le croient, — que chaque Fédération jouit d’une absolue autonomie dans son propre pays, que le pouvoir national central (Grand Orient, Suprême Conseil, etc., suivant le rite) est le plus haut pouvoir légiférant, et que les Ateliers des différents degrés (Loges, Chapitres, Aréopages) n’ont pas à se préoccuper de ce que peuvent dire et écrire les anciens maçons, ayant abandonné l’Ordre et affirmant avoir connu cette fameuse Puissance Dogmatique, supérieure à tout.

Aujourd’hui, ce sont mes ex-Frères du Rite Écossais que je vais mettre en mesure de constater que la très-haute Puissance Dogmatique existe bien et rend réellement des décrets, ayant la plus rigoureuse force de loi.

Je m’adresse aux maçons de l’Écossisme, tenus dans l’ignorance et ne croyant avoir au-dessus d’eux rien de plus élevé que le Suprême Conseil de France siégeant à Paris, et je leur dis : — Veuillez jeter un coup d’œil sur les Rituels.

Non pas sur les Rituels qui se vendent aux FF∴ dans les libraires maçonniques. Oh ! dans ceux-ci, que le plus imparfait initié a le droit d’acheter, vous ne trouveriez rien qui atteste l’existence de la Puissance Dogmatique.

Je parle des Rituels officiels qui sont la propriété même de l’Atelier, et qui, dans une Loge, par exemple, ne doivent pas sortir des mains du Vénérable et des deux Surveillants. On sait que, lorsqu’une Loge est constituée, le président de la commission d’installation remet au Comité directeur de l’Atelier, de la part du Suprême Conseil, trois grands Rituels in-quarto, reliés, imprimés sur beau papier de Hollande. Ceux qui servent dans les Loges de l’Écossisme français sortent des presses du F∴ A. Quantin, imprimeur, 7, rue Saint-Benoît, à Paris. Le titre est celui-ci Rituel Écossais Ancien Accepté. Suprême Conseil pour la France et ses dépendances. Rituel des trois premiers Degrés Symboliques de la Franc-Maçonnerie Écossaise. Si l’Atelier vient, par une raison quelconque, à cesser de fonctionner, ces trois Rituels doivent être rendus au Suprême Conseil ; le Vénérable et les deux Surveillants n’en sont donc que les dépositaires, car ce sont ces Rituels qu’ils ont en mains pour diriger les travaux de la Loge.

Maintenant que j’ai dit cela, tout maçon à qui le Vénérable ou tout autre dignitaire a affirmé qu’il n’existe pas de Puissance Dogmatique pour la souveraine direction de l’Ordre, sait ce qu’il a à faire, si vraiment il a souci de s’éclairer.

À la première séance, mettez donc en demeure le Vénérable ou l’un des Surveillants de vous montrer le Rituel officiel délivré par le Suprême Conseil.

J’appelle votre attention sur les pages 7 et 8, qui contiennent le chapitre intitulé Instructions pour le Vénérable. Là, sous la rubrique Initiation et mesures à prendre avant la réception du profane, à la page 8, deuxième colonne, lignes 25 à 30, vous lirez ceci :

« Toute initiation ou augmentation de grade devra se faire conformément aux Rituels approuvés par le Suprême Conseil, aux Arrêtés financiers de l’Atelier, et aux Décrets de la Puissance Dogmatique, dont il est expressément défendu de s’écarter sous aucun prétexte. »

Trois corps parfaitement distincts figurent donc dans cette énumération officielle : 1° le Suprême Conseil, qui signe l’approbation des Rituels ; 2° l’Atelier (pour les grades symboliques, c’est la Loge), qui rend des Arrêtés financiers ; 3° la Puissance Dogmatique, qui rend des Décrets, dont il est expressément détendu au Vénérable de s’écarter sous aucun prétexte.

Eh bien, les neuf dixièmes des membres de l’Atelier savent, comme les parfaits initiés, qu’ils reçoivent une direction du Suprême Conseil ; mais on leur nie l’existence d’un pouvoir supérieur à tout, dit Puissance Dogmatique.

La voilà maintenant dûment constatée.

Or, quelle est cette souveraine Puissance Dogmatique, si ce n’est le Souverain Pontife de la Franc-Maçonnerie universelle, le chef de la haute-maçonnerie palladique, rite suprême ?