Mémoires artistiques de Mlle Péan de La Roche-Jagu, écrits par elle-même/Chapitre XVII’

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CHAPITRE xvii.


Une petite-fille de Racine, une nièce de Rameau et une parente de Chateaubriand.

Deux jours se sont écoulés depuis cette visite, au bout desquels je vois arriver Mme de K…, la figure animée ; elle me dit en m’embrassant : « Vous êtes sauvée !… — Ah ! Madame, parlez vite !… — Comment, reprit-elle, n’avez-vous pas songé à ce qui vient de se passer dernièrement ; on a découvert dans un couvent une petite-fille de Racine qui était sans fortune ; on s’est empressé d’ouvrir en sa faveur une souscription afin de lui faire un sort, ainsi qu’à une nièce de Rameau, et vous, ma chère, qui, d’après ce que j’ai lu dans votre biographie, appartenez au célèbre Châteaubriand et qui, de plus, cultivez les arts, on ne ferait rien pour vous ?.. mais c’est impossible, et il faut absolument qu’on ouvre aussi, en votre faveur, une souscription qui, sans nul doute, vous fera de même avoir un sort, ce que vous méritez doublement par les malheurs que vous avez éprouvés jusqu’à ce jour, et que vous avez bravés avec tant de courage et de résignation !.. Ce n’est pas tout encore, dit-elle, dépêchez-vous, mettez-vous vite à l’ouvrage, et écrivez la seconde partie de vos mémoires artistiques : il faut les livrer à la publicité et vous verrez après les souscriptions abonder de tous côtés. Dès que ce travail va être achevé, j’irai avec vous voir MM. les journalistes qui certes ne refuseront pas une de leurs colonnes pour annoncer cette souscription !… — Mille fois merci, bonne dame, de tout ce que vous venez de me dire, mais je vous avouerai que j’ai une sorte de répugnance à livrer à la publicité tout ce que je souffre ! – Allons donc, c’est un amour-propre mal placé ; et quelle serait la personne assez cruelle pour tourner en ridicule vos malheurs ! ils ne peuvent, au contraire, qu’intéresser vivement. Et, d’ailleurs, n’a-t-on pas déjà ouvert souvent des souscriptions ? par exemple pour M. Laffitte, M. de Lamartine (ce grand génie), et tant d’autres que j’aurais à vous citer. Faites donc ce que je vous dis, et vous m’en remercierez plus tard… »