imprimerie de la Vérité (Ip. 19-20).

À PROPOS DE TOLÉRANCE


3 décembre 1881


Depuis quelque temps, on parle beaucoup de tolérance religieuse. L’autre jour, le premier-ministre proclamait la tolérance religieuse comme devant être l’un des principaux articles de son programme. Voici maintenant qu’un journal conservateur, le Nord, nous entretient, à son tour, de la chose.

« S’il est certain, dit la feuille de Saint-Jérôme, que l’élément religieux doit présider à la grandeur de notre nationalité, il est aussi certain que la tolérance des catholiques envers toutes les croyances professées dans notre pays n’est pas moins nécessaire à la paix et à la tranquillité publiques. »

D’abord, nous ne voyons nullement l’à propos, pour des orateurs et des journalistes catholiques, de prêcher la tolérance à leurs coreligionnaires, comme si ces derniers en manquaient à chaque instant. La vérité vraie c’est que les catholiques de cette province sont bien plus sujets à pécher par la pusillanimité, par la faiblesse, par le respect humain, que par l’intolérance. Nous sommes bien plus portés à laisser les Anglais et les protestants empiéter sur nos droits et nous ravir nos libertés, qu’à tenter le moindre effort pour diminuer les privilèges dont jouit la minorité protestante en cette province.

Ces sermons sur la tolérance, à l’adresse des catholiques, sont mal placés. Nous dirons plus : ils sont anti-patriotiques, car ils sont de nature à faire croire, à l’étranger, que les catholiques de notre province manquent de prudence et de sagesse, qu’ils fournissent aux protestants le prétexte de s’irriter contre nous ; ce qui, comme chacun le sait, est tout à fait faux.

Mais il y a ici plus d’une question de convenance et d’opportunité ; il y a une question de doctrine.

En parlant de tolérance, il faut distinguer bien clairement entre la tolérance envers les personnes et la tolérance pour les idées.

Autant l’Église fait preuve de tolérance envers les personnes qui professent les fausses doctrines, autant elle se montre inflexible lorsqu’il s’agit de condamner les erreurs.

Dans les pays mixtes, les catholiques doivent user d’une grande prudence pour ne pas exposer l’Église, leur mère, à de plus grands maux ; mais ils ne doivent jamais, sous prétexte de ne point froisser les protestants ou les impies, perdre de vue cette vérité fondamentale, que la religion catholique est la seule vraie, la seule divine, et par conséquent la seule qui ait des droits réels. Gardons-nous bien, à force d’entendre parler de tolérance religieuse, de nous laisser choir dans l’indifférentisme, de tomber dans l’erreur, aussi absurde qu’impie, de croire que toutes les religions sont également bonnes, également respectables et possèdent des droits égaux. Il n’y a qu’une seule religion bonne et vraie, c’est la religion catholique.

L’hérésie n’a pas, et ne peut pas avoir des droits. Et les fauteurs d’hérésie n’ont qu’un seul droit, celui de se convertir. Ils ont des droits en tant que citoyens, voilà tout.

C’est pour cette raison qu’il faut, dans les pays mixtes, la tolérance civile, c’est-à-dire la tolérance envers les personnes ; mais dans aucun pays un catholique ne peut admettre en principe la tolérance religieuse, c’est-à-dire la tolérance pour les hérésies et les fausses doctrines.

Ce sont là des vérités élémentaires que trop de nos compatriotes paraissent ignorer.