Audin, Libraire (p. 5-8).
LOUIS XVIII.


Ode.




Toi qui reçus naguère, en tes caveaux antiques,
D’un fils d’Henri-le-Grand les restes vénérés,
Saint-Denis, ouvre encor tes lugubres portiques !
             Pleurez, Français, pleurez !

                                   

Un Roi de l’étranger délivra nos campagnes,
Fonda nos libertés sur un pacte immortel,
Rendit à Ferdinand le trône des Espagnes,
             À la gloire un autel !

                                   

Il n’est plus !!… mais quel nom au burin de l’histoire
Pourra jamais offrir des traits plus éclatans ?
Dans tous les cœurs français on verra sa mémoire
             S’accroître avec le temps !


                                    

Mais la plaine des airs de feux est sillonnée !
N’entends-je pas des sons inconnus des humains ?
Tous mes sens sont émus, et ma lyre étonnée
             S’échappe de mes mains !

                                    

Les Anges sur la terre annoncent leur présence !
Au séjour des élus ils emportent Louis !
Que vois-je ! le Ciel s’ouvre, et vers Bourbon s’avance
             Un Monarque des lys ![1]

                                    

« Héritier de mon nom et de mon diadème,
» Viens ; dit-il, près de moi sur un trône éternel ;
» Mon fils ; viens recevoir du Monarque suprême
            » Le rameau solennel.

                                    

» Quand la Seine m’a vu régner sur son rivage,
» Je n’ai jamais songé qu’à mon peuple chéri ;
» De l’habitant des champs j’ai détruit le servage,
            » Et la France a fleuri !

                                    

» Malheur ! malheur au Roi que l’encens environne,
» Et qui laisse gémir son peuple sans appui !
» Le Ciel sur notre front ne place la couronne
            » Que pour veiller sur lui !


                                    

» Mais toi, tu ne crains pas la céleste colère :
» Tu connus ton devoir et ton cœur l’a rempli !
» D’un Roi j’ai commencé l’ouvrage tutélaire !
            » Tes lois l’ont accompli !

                                    

» Dans Hartwell, des Français n’étais-tu pas le père ?
» Pour qui demandais-tu ta pourpre au Dieu clément,
» Quand ta main y traçait de ton règne prospère
            » L’auguste monument ?

                                    

» Lorsque les Rois ligués, envahissaient la France,
» Tu parus ; devant eux ton sceptre se leva !
» La patrie en toi seul plaçait son espérance :
            » Ton sceptre la sauva !

                                    

» À tes sujets meurtris par les fers despotiques,
» De droits chers et sacrés n’as-tu pas fait le don ?
» Comme Henri, n’as-tu pas au sein des lys antiques
            » Fait asseoir le pardon ?

                                    

» Lorsque l’Ibère a vu des hordes mutinées
» Dans ses villes en feu déchaîner les forfaits,
» Un héros à ta voix franchit les Pyrénées
            » Et lui rendit la paix !

                                    

» La France avec orgueil a reçu ce trophée ;
» Elle a repris son rang parmi les nations,
» Et dans la tombe enfin voit dormir étouffée
            » L’hydre des factions !

                                    

» Viens… mais abaisse encor tes regards sur la terre
» Vois la France du deuil revêtir les couleurs ;
» Vois ton Frère ; en montant au trône héréditaire,
            » Le baigner de ses pleurs !

                                    

» Vois ton peuple, mon Fils, que sa douleur honore,
» Du Prince qu’il aimait entourer le tombeau,
» Jeter les yeux sur Charle, et saluer l’aurore
            » Du règne le plus beau !


  1. Louis VI.