Texte établi par Société Saint-Augustin, Desclée de Brouwer & Cie (p. 13-16).

CHAPITRE I


louis hébert. — sa profession. — sa famille. — son goût pour les aventures. — la nouvelle-france. — jacques cartier. — M. de roberval. — le marquis de la roche. — M. de monts. — il est nommé lieutenant-général de l’acadie. — situation de l’acadie. — ses habitants.


Louis Hébert, le premier colon canadien, vit le jour à Paris. Il était apothicaire. Son père, appelé également Louis, avait exercé cette même profession, à la cour, sous la reine Catherine de Médicis.

Louis Hébert avait probablement dépassé la quarantaine lorsqu’il traversa les mers pour la première fois. Il était marié à Marie Rollet. À Paris, il vivait dans une honnête aisance, Son père lui avait légué avec sa profession une petite fortune et des immeubles dont il est fait mention dans les vieux documents. Au reste, l’exercice de son art lui assurait un brillant avenir ; mais il n’était pas homme à se confiner entre les murs d’un laboratoire. La vie sédentaire lui pesait. Quand il entendit parler des voyages que MM. de Monts et de Poutrincourt entreprenaient en Acadie, il ne put résister au désir qu’il caressait depuis longtemps de voir le Nouveau-Monde.

Depuis les découvertes de Jacques Cartier, le Canada attirait l’attention de la France. Dès l’année 1534, le capitaine malouin avait pris possession de notre vaste pays en y plantant la croix et l’étendard fleurdelisé. Des gentilshommes tentèrent même d’exploiter les richesses canadiennes. Le gibier, très recherché pour ses belles fourrures, abondait dans nos forêts vierges. Il n’est pas étonnant si tant de français, dès cette époque, se disposaient à quitter le royaume des lis pour venir chercher fortune dans nos grands bois.

L’esprit de lucre ne fut pas, à vrai dire, le seul mobile des premières explorations sur notre continent. Nombre de personnages de condition vivaient en France qui désiraient avant tout étendre le domaine du roi très chrétien et celui de la religion du Christ. Le mouvement colonisateur de la Nouvelle-France naquit de ces deux pensées. Les promoteurs de ce projet à la fois patriotique et chrétien devaient rencontrer des échecs. M. de Roberval, l’un des premiers, subit un désastre sur les bords du Saint-Laurent. Le Marquis de la Roche ne fut pas plus heureux. Des cinquante repris de justice qu’il jeta sur l’Île de Sable douze seulement furent rapatriés.

La Providence veillait sur notre pays. Elle lui destinait des pionniers aux intentions plus droites et aux meurs plus pures. Si le successeur de M. de la Roche échoua lui aussi quelques années plus tard dans une semblable tentative, ce fut peut-être parce qu’il ne fut pas assez judicieux dans le choix des colons destinés à former le premier noyau de la Nouvelle-France.

Au commencement du dix-septième siècle les yeux se tournèrent de nouveau vers notre continent. M. Pierre du Guast, sieur de Monts, gentilhomme ordinaire du roi et gouverneur de Pons, dans le Languedoc, recueillit la succession du Marquis de la Roche.

M. de Monts avait rendu de grands services à la cause royale dans les guerres de la Ligue. Pour se reposer de ses fatigues, il demanda au roi de France le commandement de l’Acadie.

Henri IV ne crut pas devoir refuser la requête de son féal serviteur. Il lui accorda le titre de lieutenant-général avec le pouvoir de défricher les terres neuves, de les cultiver et d’y bâtir des villes, mais avec l’obligation expresse qu’il travaillerait à la conversion des indigènes.

Muni de cette commission qui lui donnait des pouvoirs si étendus, M. de Monts se dirigea vers cette partie de notre pays connue aujourd’hui sous le nom de Nouvelle-Écosse, et l’une des provinces de la confédération canadienne. C’est une presqu’île formée par l’Océan Atlantique, la Baie de Fundy et le Détroit de Northumberland.

La douceur relative du climat de l’Acadie, la fertilité de son sol, et d’autres avantages que M. de Monts s’attendait à y rencontrer, l’attiraient.

M. de Monts possédait une belle fortune ; mais, à notre avis, pour travailler efficacement à la conversion des indigènes, comme il en fit la promesse au roi, il lui manquait une chose essentielle : la foi catholique. Étant calviniste, en dépit de ses bonnes intentions, il ne pouvait être un instrument utile pour propager les dogmes catholiques dans le Nouveau-Monde. Sa foi, semble-t-il, était un obstacle direct à la régénération des peuples barbares qui habitaient les terres acadiennes. Les Micmacs ou Souriquois étaient doux et plus susceptibles de civilisation que les autres tribus d’Amérique ; ils s’attachèrent aux Français et ils contractèrent avec ces derniers une alliance offensive et défensive pour se protéger contre les Anglo-Saxons et leurs alliés les Iroquois. Micmacs et Français luttèrent ensemble de longues années contre leurs ennemis communs. Plus tard, quand l’Acadie passa aux mains de l’Angleterre, ils montrèrent une fidélité vraiment héroïque : ni les promesses, ni les menaces ne purent les décider, à leur faire prendre les armes contre ceux qu’ils aimaient à appeler leurs alliés et leurs frères.