Louÿs – Poésies/Premiers vers 32

Slatkine reprints (p. 61).

Tu me reviens du bain



Tu me reviens du bain, de la messe ou du Louvre,
Toute glacée encor de la triste saison,
Et j’étreins ton corps svelte et léger qui se couvre
Sous l’impalpable martre et le frileux vison.

L’air pâle a mis du givre aux poils de tes fourrures.
Tes yeux sont vifs. Ta joue est froide. Viens à moi.
Viens. Sur le monde blanc j’ai fermé la serrure :
Un nouvel univers s’éclaire autour de toi.

Nos rideaux ont conquis sur l’éclatant nivôse
Une artificielle et paresseuse nuit.
Un couchant tropical emplit l’abat-jour rose,
Et voici des parfums divins comme l’ennui.

Vois : nous nous éveillons de nos villes sans grâces,
Sur une terre étrange et fertile en beauté.
Des corps souples et nus couchés dans les fleurs grasses
Respirent la senteur d’un somptueux été.

L’herbe est chaude. Le vent qui coule entre les palmes
Disperse les oiseaux et l’or poudreux du soir.
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