Louÿs – Poésies/Premiers vers 26

Slatkine reprints (p. 54-55).

LA SIRÈNE



Non ! Les temps sont passés des croyances profondes :
Le vent religieux ne souffle plus sur nous ;
Nos yeux ont pénétré le ciel peuplé de mondes,
Et nous le regardons sans fléchir les genoux.

Nous avons déchiré leur firmament de toile
Déployé, disaient-ils, sous les pieds de leur Dieu ;
Et nous n’avons trouvé, plus haut que les étoiles,
Que d’autres univers éperdus dans le bleu.

À l’horizon : l’espace. Au zénith : pas de voûte.
Quand nous penchions nos corps dans le gouffre profond,
À notre âme hagarde et qui frissonnait toute
Nous pouvions deviner qu’il n’avait pas de fond.

Mais nous avions besoin de croire à quelque chose,
Et pour notre Maïa nous avons adopté
L’existence éternelle et l’éternelle cause,
La Forme, l’Idéal, la Beauté, la Beauté !


Et nous avons refait en l’honneur de la Sainte
Aux fois des jours anciens une virginité,
Et nos cœurs rajeunis seront la chaste enceinte
Où nous glorifierons la Forme et la Beauté.

La Pensée a fini son rôle sur la terre,
Puisqu’elle a démontré tout le néant des Dieux :
Qu’elle rentre au néant elle-même, et se taise !
Penser, au cœur de l’homme, était fastidieux.

Penser, au cœur de l’h

Ô Forme lumineuse, éternelle, splendide !
Forme ! essence du monde, âme de la Beauté,
Drapée au fond des cieux dans ta ligne candide.

Forme ! abstraction pure et sans réalité,
Idéal vêtement des choses…

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