Louÿs – Poésies/La forêt des Nymphes 5

Slatkine reprints (p. 149).

LA NUIT



Elle se baigne avec sa grande urne de grès
À l’abri des rocs noirs dans un lac d’Arcadie,
Eau glaciale où meurt le suprême incendie…
Elle se baigne avec l’image des forêts.

Son long ventre émergé mollement du marais
Respire en secouant ses colliers d’eau verdie.
Elle regarde fuir une moire agrandie,
Trouble du ciel inverse et flot sur les cyprès.

Elle a froid. Le serein perle sur sa peau brune.
Ses yeux d’acier furtif se remplissent de lune.
Elle attend que sur l’eau meure le dernier bruit…

Puis détournant les yeux vers sa douteuse épaule,
Elle, de ses doigts longs comme des fleurs de saule,
Tord ses cheveux obscurs d’où ruisselle la nuit.