Louÿs – Poésies/Chrysis 5

Slatkine reprints (p. 122).

CLÉOPÂTRE


À Pierre Quillard.


La litière se berce le long du chemin,
Du pas des porteurs las. Deux esclaves courbées
Chantent l’amant vainqueur et les pourpres tombées,
Et la reine s’évente, une fleur à la main.

Sur ses yeux d’eau brillante, avivés de carmin,
Battent d’un lourd désir les paupières plombées.
Sa bouche épèle au dos sculpté des scarabées,
L’impur et cher cartouche armé d’un nom romain.

Le soleil, à travers le rideau jaune, éclaire
L’oiseau sacré sur l’Osiris triangulaire,
Le bœuf rose, et l’ibis bleu du Nil, et les cieux ;

Mais penché vers le lit où se couche le monde,
Le grand épervier noir, de son aile profonde,
Fait la nuit sur la reine et la cache à ses dieux.

Fait la nuit sur la reine etLondres, 7 juillet.